Fatigue (matériau)

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La fatigue est un processus (succession de mécanismes) qui sous l'action de contraintes ou déformations cycliques, répétées ou alternées modifie les propriétés locales d’un matériau et peut entraîner la formation de fissures et éventuellement la rupture de la pièce. Il est important de remarquer que la contrainte ou déformation maximale pour laquelle ce processus est activé est bien inférieure à la résistance à la traction du matériau. Les étapes principales de la fatigue sont l’amorçage de fissures (si des défauts ne sont pas déjà présents dans le matériau), la propagation des fissures et la rupture finale. Les paramètres souvent utilisés pour prédire le comportement en fatigue et ainsi le nombre de cycles avant rupture d'une pièce sont : l'intensité maximale de la sollicitation (chargement ou déformation imposée), l'amplitude de cette sollicitation, le fini de surface et le milieu dans lequel la pièce sera utilisée.

Sommaire

[modifier] Mécanisme

Lorsque l'on exerce une contrainte monotone (par exemple en traction) sur une éprouvette lisse (avec un champ de contrainte quasi uniforme) métallique, celle-ci commence à se déformer de manière irréversible par déformation plastique, à partir d'une contrainte appelée limite élastique. Bien inférieure à cette limite d'élasticité conventionnelle(définie pour une déformation résiduelle de 0.2%), il existe la limite d'endurance. Tout chargement cyclé au delà de la limite d'endurance endommagera l'éprouvette.

Lorsque l'on analyse une structure dont le champ de contrainte est quelconque, on doit analyser ses différents modes de ruine.

  • la rupture statique ou rupture en 1/4 de cycle.
  • la déformation permanente si elle peut obérer le fonctionnement ultérieur.
  • la rupture en fatigue oligocyclique , pour des chargements conduisant à la ruine en moins de 50 000 cyles
  • la fatigue conventionnelle au delà de 50 000 cycles.

Ces différents modes de ruine correspondent à des chargements d'amplitudes décroissantes.

L'endommagement en fatigue se produit en priorité dans les zones dont les contraintes alternées sont les plus fortes, c'est à dire dans les zones à concentration de contraintes (trous, entailles...).

Si l'on observe la surface rompue au microscope, on a un faciès typique : on voit des stries globalement parallèles, correspondant à la propagation de la fissure à chaque sollicitation, puis une zone d'arrachement, correspondant à la rupture finale.

Globalement, le temps de germination de la fissure peut représenter jusqu'à 90 % de la durée de vie de la pièce, la propagation de la fissure ne représente alors que 10 %. Il est important de comprendre que durant 90 % de la durée du phénomène, on ne voit strictement rien, il se produit juste une modification de la structure interne du métal.

[modifier] Estimation de la fatigue

[modifier] Courbes de fatigue

Dans le cas de base, la pièce considérée est soumise à des cycles de contraintes d'amplitude crête-creux (stress range) constante S. Des essais systématiques permettent d'estimer le nombre N de cycles qu'elle peut supporter sans périr. Ceux-ci définissent la courbe S-N ou courbe de Wöhler.

On admet généralement que la période et la forme exacte des oscillations sont sans effet sur le nombre de cycles admissible. D'autre part, la résistance en fatigue peut être modifiée par de nombreux facteurs (état de surface, causes aléatoires, type de charge, température, concentration de contrainte dans une discontinuité,...), ce qui peut conduire à des études laborieuses.

On suppose de plus que s'il y a plastification, elle n'est que locale: il existe un cycle de contrainte qui se stabilise et que l'on caractérisera par son tenseur moyen et son tenseur alterné; le tenseur moyen peut donc être affectée par un état de contrainte initial (contraintes résiduelles) et par la plasticité en cas de dépassement local de la limite d'élasticité.

L'invariant pertinent du tenseur alterné est le second invariant de son déviateur, c'est à dire sa contrainte de Von Mises. L'invariant pertinent du tenseur alterné est sa trace: en effet , des essais de torsion sur des éprouvettes axisymétriques démontrent , en l'absence de plasticité, que la fatigue en torsion n'est pas affectée par la torsion moyenne. Alors que la pression hydrostatique n'affecte pas la plasticité, elle réduit la durée de vie en fatigue quand elle est positive.

Pour étudier les caractéristiques en fatigue des matériaux, on effectue des essais de fatigue sur éprouvettes lisses. En cohérence avec les hypothèses ci-dessus, il est nécessaire d'obtenir un chargement périodique.

  • Si le niveau de contrainte maximum au sens de Von Mises est faible (inférieur à 60% de la limite d'élasticité), un chargement cyclé en effort est effectué.
  • Si le niveau de contrainte maximum au sens de Von Mises est supérieur, on effectue des essais en déformation imposée afin d'obtenir un cycle de contrainte-déformation stable lors du chargement périodique.

Aux cycles moyens et alternés stabilisés caractérisés par les invariants définis ci-dessus, on associe le nombre de cycles à rupture de l'essai de fatigue réalisé.

Les critères de fatigue consistent à combiner les deux invariants pour relier de façon biunivoque le scalaire ainsi défini au nombre de cycles à rupture.

Les courbes de fatigue relient de façon biunivoque le nombre de cycles à rupture à une amplitude de contrainte alternée, pour différents rapport de charge (ratio contrainte minimum sur contrainte maximum).

A partir de critère de fatigue, on peut relier une contrainte alternée effective au nombre de cycles à rupture, quel que soit le rapport de charge: on obtient une courbe unifiée.

Les essais de fatigue étant généralement effectués sur des éprouvettes lisses, la définition des invariants est évidente.

Pour un chargement quelconque, des décompositions plus ou moins justifiées (algorithme de type "rain flow") permettent d'obtenir des chargements cyclés équivalents.

Des paramètres secondaires (état de surface, effet d'échelle, gradients...) affectent la tenue en fatigue.

[modifier] Fatigue des détails structurels

L'analyse de la structure exige que l'on examine les états de contrainte en tout point. C'est généralement lors des variations de géométrie(entailles, trous...)que l'on obtient les états limitant en fatigue. La prévision de durée de vie exige donc que l'on s'attache à l'étude des détails structurels.

Des règles ont été établies pour certaines classes de détails structurels, particulièrement pour l'acier ou l'aluminium au niveau des soudures. Elles utilisent la contrainte nominale et tentent de prendre en compte tous les facteurs de modification possibles. Cette méthode, recommandée par les sociétés de classification marines, facilite le travail des concepteurs au prix d'hypothèses souvent trop pessimistes.

Les courbes S-N correspondantes sont généralement décrites par l'équation suivante dans laquelle a et k sont des valeurs associées au type de détail considéré :

N = a S^{-k}\,

Il est commode de lui donner une forme légèrement différente en définissant le dommage créé par n cycles comme

D = {n \over N} = {n \over a} S^k\,

Enfin, dans l'acier ou l'aluminium, il existe une limite d'endurance, amplitude de cycle en dessous de laquelle il n'y a plus de fatigue : la pièce supporte un nombre infini de cycles.

[modifier] Règle de Miner

Dans un problème concret, la pièce subit des cycles d'amplitudes très variées. Il existe différentes définitions du dommage ou endommagement, il peut avoir un sens physique ou conventionnel. L'endommagement conventionnel au sens de Miner est défini par le rapport entre le nombre de cycles effectués pour un chargement périodique au nombre de cycles qui entraînera la rupture sous le même chargement.

La règle de Miner, ou de Palmgren-Miner, pose que les dommages correspondants sont additifs. La rupture se produit donc lorsque la somme des dommages relatifs à chaque amplitude atteint l'unité.

Pratiquement, le principe du calcul consiste à diviser les cycles en catégories dans lesquelles les amplitudes et les périodes sont voisines et pour lesquelles on a pu estimer une fréquence d'apparition. La durée d'exploitation étant donnée, en la multipliant par cette fréquence on obtient la durée probable de la catégorie. En divisant cette durée par la moyenne des périodes correspondantes, on obtient un nombre de cycles qui permet de calculer un dommage partiel. Il ne reste plus qu'à additionner les dommages partiels et vérifier que la somme est inférieure à l'unité.

[modifier] Fatigue-corrosion

Le phénomène de fatigue peut être aggravé par la corrosion : un matériau résistant très bien à la fatigue et très bien à la corrosion dans un milieu donné, peut se rompre de manière catastrophique sous l'effet combiné de la fatigue et de la corrosion.

Voir l'article détaillé Fatigue-corrosion.

[modifier] Solutions

La prévention de la rupture par fatigue repose essentiellement sur deux points :

  • la conception de la pièce (design) :
    • réduction des concentrations de contrainte : éviter les angles vifs, préférer les arrondis, utiliser des trous larges, polir la surface pour éviter les aspérités ;
    • choix du matériau : préférer des métaux peu alliés pour éviter la présence de précipités (compromis à trouver avec les autres propriétés nécessaires) ;
  • surveillance des pièces sensibles et changement préventif.

[modifier] Exemples

  • Aviation : les avions sont soumis à des contraintes cycliques décolage-montée-descente-atterrissage ; ceci est aggravé par des conditions d'utilisation spécifiques, comme pour les avions bombardiers d'eau ;
  • En mer, la fatigue due aux vagues peut entraîner des catastrophes, en particulier sur les installations pétrolières ;
  • fracture des os par fatigue chez les sportifs ;
  • rupture d'un crochet de levage de charges.