Enthymème

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En rhétorique, l'enthymème est une figure de sens reposant sur un syllogisme et qui a reçu successivement deux significations.

Sommaire

[modifier] Définition aristotélicienne

Selon les aristotéliciens, l'enthymème est un syllogisme rhétorique fondé sur le probable, c'est-à-dire à partir de ce que le public pense. Il s'agit d'une déduction dont la valeur est concrète par opposition à une déduction abstraite fondée sur l'analyse. Dans cette acception, l'enthymème procure la persuasion et non la démonstration, car selon Aristote, l'enthymème est fondé sur le caractère vraisemblable de ses prémisses et constitue donc un raisonnement public manié facilement par des hommes incultes.

[modifier] Définition contemporaine

Selon Quintilien et Boèce, l'enthymème est un syllogisme dont on a supprimé l'une des deux prémisses ou la conclusion car la réalité de cette proposition est incontestable et de ce fait gardée dans l'esprit. Selon la Logique de Port-Royal, l'enthymème est un syllogisme parfait dans l'esprit mais imparfait dans l'expression, et constitue donc un accident de langage.

[modifier] Les prémisses enthymématiques

L'enthymème est donc un raisonnement dont l'une des prémisses, c'est-à-dire une des étapes du raisonnement, est éludée car elle est tenue pour certaine. Cette certitude est humaine et non pas scientifique, et ne saurait donc relever d'une quelconque démarche épistémologique. Selon la nature et l'origine de cette certitude, on distingue le tekmérion, l'eikos et le séméion.

[modifier] Le tekmérion

Le tekmérion (du grec τεκμήριον, « signe de reconnaissance » d'où « preuve probante par le raisonnement ») est un indice sûr, celui qui est ce qui est et qui ne peut pas être autrement. Cette prémisse repose sur l'universalité de certaines expériences. Roland Barthes indique ainsi l'accouchement d'une femme comme tekmérion d'une relation sexuelle avec un homme.

[modifier] L'eikos

L’eikos (du grec εἰκώς, « semblable, convenable » d'où « vraisemblable ») est un indice basé sur le vraisembable, « une idée générale que se sont fait les hommes par expériences et inductions imparfaites ». Notion capitale pour Aristote, l’eikos repose sur deux noyaux :

  • l'idée de « général » humain déterminé statistiquement par l'opinion du plus grand nombre ;
  • la possibilité de contrariété, car si l'enthymème est perçu par le public comme un syllogisme certain, le vraisemblable admet par rapport à la science un contraire.

[modifier] Le séméion

Le séméion (du grec σημεῖον, « signe [précurseur], marque distinctive ») est un indice ambigu, moins sûr que le tekmérion : il est un signe dont la polysémie cesse selon un contexte d'autres signes concomitants. Roland Barthes indique comme exemple de séméion :

« Des traces de sang font supposer un meurtre, mais ce n'est pas sûr : le sang peut provenir d'un saignement de nez, ou d'un sacrifice. »

Un exemple d'enthymème: "Tout à coup un ivrogne traversa en zigzag le trottoir ; – et à propos des ouvriers, ils entamèrent une conversation politique. Leurs opinions étaient les mêmes, bien que Bouvard fût peut-être plus libéral". (Flaubert "Bouvard et Pécuchet" Chapitre I. Cité par Georges BAILLY dans "Flaubert et les socialistes - Pourquoi tant de haine?" Mémoire de maîtrise de lettres de l'Université de Rouen)

[modifier] Références bibliographiques

  • Roland Barthes, « L'ancienne rhétorique » in L'aventure sémiologique, Éditions du Seuil, Paris, 1985.

Jorge Juan VEGA Y VEGA, L'Enthymème. Histoire et actualité de l'inférence du discours, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2000.

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