Double peine

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Sous la double peine, un étranger en situation régulière commettant un crime ou un délit peut être condamné à la prison ou à la réclusion (première peine) puis à l'interdiction du territoire français, entraînant de plein droit sa reconduite à la frontière, après avoir purgé sa peine de prison ou de réclusion (deuxième peine).

Sommaire

[modifier] En France

Cette situation est dénoncée par ses adversaires comme étant particulièrement scandaleuse car elle contreviendrait à un principe de droit pénal, également établi par la convention européenne des droits de l'homme, selon lequel "nul ne peut être condamné deux fois pour les mêmes faits". L'autorité de la chose jugée s'oppose, en effet, à ce que la même infraction suscite un second procès entraînant pour la même personne une seconde condamnation. Toutefois, l'on peut également faire observer que le principe de la « peine complémentaire » existe dans le code pénal français et qu'elle est susceptible d'être appliquée pour un certain nombre d'infractions, par exemple, la privation de droit civique dans le cas d'un élu convaincu de corruption qui devient ainsi inéligible. En droit pénal français la "double peine" n'existe donc pas.

Une partie des partisans de la reconduite à la frontière propose d'expulser directement l'étranger convaincu de crime ou de délit, l'interdiction du territoire français tenant lieu alors de peine de substitution. Selon eux :

  1. pour l'Etat : le coût de la reconduite serait bien inférieur à celui du maintien en prison.
  2. pour le condamné : ce serait une occasion de refaire sa vie, puisque la prison ne corrige pas les délinquants, au contraire.

Les expulsions doivent respecter les législations existantes, à savoir les lois françaises mais aussi la Convention européenne des Droits de l'Homme, notamment l'article 8 concernant le droit à la vie familiale. Les personnes expulsables seraient des étrangers sans attache familiale en France.

[modifier] Historique

1945 - L'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 permet l'expulsion de l'étranger dont la présence est une menace pour l'ordre public.

1970 - La loi du 31 décembre 1970 sur la lutte contre la toxicomanie applique l'interdiction de territoire aux étrangers condamnés les plus gravement. Cette interdiction est progressivement étendue à d'autres domaines : atteintes au personnes, atteintes aux biens commises avec violence, ...

Novembre 2000 - Démarrage d'une campagne nationale contre la double peine à l'initiative de la Cimade.

Novembre 2002 - Proposition de loi de Jean-Marc Ayrault, Christophe Caresche, Alain Vidalies visant à réformer le prononcé des peines d’interdiction du territoire et les procédures d’expulsion.

Décembre 2002 - Proposition de loi d'Étienne Pinte visant à réformer le prononcé des peines d’interdiction du territoire et les procédures d’expulsion.

Février 2003 - Note de synthèse du sénat

Mars 2003 - Proposition de réforme du groupe de travail instauré par Nicolas Sarkozy [1].

Novembre 2003 - Adoption de la loi 2003-1119 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

[modifier] Aujourd'hui

La réforme de la double peine est aujourd'hui mal appliquée. D'après Étienne Pinte, seuls 11 des 125 dossiers qu'il parraine sont résolus. La Cimade recense à Lyon une moitié positive de 50 demandes d'abrogation; en région parisienne, 5 réponses positives pour 39 demandes.

[modifier] Jurisprudence

  • Commission européenne des droits de l'homme, décision d'irrecevabilité du 6 décembre 1991, n° 16725/90, Demraoui c. France: «la mesure d'expulsion [une condamnation à une interdiction du territoire] doit être considérée comme une mesure de police à laquelle le principe de non-rétroactivité énoncé à l'article 7 (art. 7) de la Convention ne s'applique pas.[...] une mesure d'expulsion peut être prise non seulement à la suite d'une condamnation pénale mais également comme une mesure administrative à l'encontre de personnes dont la présence sur le territoire n'est pas souhaitable.»
  • Cour européenne des droits de l'homme, 5 octobre 2000, n°39652/98, Maaouia c. France: «la mesure d'interdiction du territoire français ne porte pas davantage sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale. [...] la qualification d'une sanction dans l'ordre juridique interne ne saurait être, à elle seule, décisive pour conclure à son caractère pénal.[...]l'interdiction du territoire ne revêt pas en général un caractère pénal dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. Cette mesure qui, dans la plupart des Etats, peut également être prise par l'autorité administrative, constitue, de par sa nature, une mesure de prévention spécifique en matière de police des étrangers et ne porte pas sur le bien-fondé d'une accusation pénale dirigée contre le requérant, au sens de l'article 6 § 1. Le fait qu'elle est prononcée dans le cadre d'une procédure pénale ne saurait changer son caractère essentiellement préventif.»

[modifier] En Belgique

L'article 21 de la loi de 1980 sur les étrangers prévoit également l'expulsion d'un étranger délinquant en séjour légal vers son pays d'origine. Ce bannissement est prononcé pour 10 ans et est exécuté après la peine de prison. La loi de 1980 ne supprime pas la double peine mais adouci le principe en énumérant les situations où le renvoi ou l'expulsion sont conditionnés ou impossibles: il y présomption d'intégration dans la société.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Sources et références

  1. Le film documentaire "Des exceptions à l'absolu" de Florence Miettaux (2005) présente le débat dans les associations lié à cette période établissant la proposition de réforme — le lien permet le téléchargement.

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • GISTI, « La réforme de la double peine: les mesures transitoires (après la loi du 26 novembre 2003) », supplément de Plein Droit, juin 2004