Dogons

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Village de Banani, la Togouna est visible au centre de l'image.
Village de Banani, la Togouna est visible au centre de l'image.

Les Dogons sont un peuple du Mali, en Afrique de l'Ouest. Leur population est estimée à 700 000 personnes[réf. nécessaire]. Ils occupent la région qui va de la falaise de Bandiagara au sud-ouest de la boucle du Niger. Quelques Dogons sont installés dans le nord du Burkina Faso. Les Dogons sont avant tout des cultivateurs (essentiellement du mil) et des forgerons. Ils sont réputés pour leur cosmogonie et leurs sculptures.

La langue parlée par les Dogons est le dogon qui regroupe plusieurs dialectes. Il existe aussi une langue secrète, le sigi so, langue réservée à la société des masques. Les Dogons sont liés avec l’ethnie des Bozos par la parenté à plaisanterie. Dogons et Bozos se moquent réciproquement mais parallèlement se doivent assistance.

Sommaire

[modifier] Histoire

Les Dogons seraient venus du Mandé, région située au sud-ouest du Mali au XIVe siècle pour éviter l'islamisation. Ils se seraient installés à Kani Bonzon avant de se disperser sur trois sites que sont la Falaise de Bandiagara (site mis en 2003 sur la liste mondiale du patrimoine de l'UNESCO[1]), le plateau (région de Sangha) et la plaine. Cette falaise était alors habitée par les Tellem.

[modifier] Religion

Originellement, ils sont animistes. Bien qu’ayant fui pour éviter l’islamisation (les guerriers peuls les appelaient les « Habés » — païens), la majorité des Dogons sont aujourd’hui musulmans même si les pratiques animistes sont encore bien présentes. Une minorité est chrétienne.

Marcel Griaule, ethnologue a étudié les Dogons. En 1946, il a eu des entretiens avec Ogotemmêli, un ancien chasseur devenu aveugle suite à un accident et ayant mis à profit l'inactivité due à son handicap pour approfondir ses connaissances traditionnelles. À partir de ces entretiens, il a publié plusieurs livres, dont le célèbre "Dieu d'eau" (Fayard), sur la cosmogonie dogon.

Les Dogons croient en un dieu unique, Amma. Il créa la terre et en fit son épouse qui lui donna un fils, Yurugu ou le « Renard pâle ». C’était un être imparfait qui ne connaissait que la première parole, la langue secrète sigi so. La terre donna ensuite à Amma un couple d'enfant jumeaux appelés Nommo. Ceux-ci étaient à la fois mâle et femelle. Maîtres de la parole, ils l’enseignèrent aux huit premiers ancêtres des hommes, 4 couples de jumeaux, nés d'un couple façonné dans l'argile par Amma.

Les Dogons considèrent que l’origine du monde vient d’une étoile nommée Digitaria, voisine de Sirius (appelée Sigui tolo). Ce serait la plus petite et la plus lourde des étoiles et contiendrait le germe de toute chose. Cette étoile serait Sirius B, une naine blanche, effectivement une étoile très dense et très lourde mais celle-ci ne fut découverte qu'en 1844 par Friedrich Wilhelm Bessel et Alvan Clark qui calculèrent que sa révolution autour de Sirius était d’environ 50 ans. 60 ans est la durée entre deux cérémonies du Sigui, la principale cérémonie des Dogons.

De plus, selon la cosmogonie dogon, Sirius aurait un deuxième satellite[2], ou plutôt une étoile compagnon, mais il fallut attendre 1995 pour que Jean-Louis Duvent et Daniel Benest, astronomes à l’observatoire de Nice, guidés par des irrégularités apparentes du mouvement de Sirius, soupçonnent l'existence d'une naine rouge hypothétique. À ce jour, l'existence d'une éventuelle Sirius C n'a pas été confirmée[3].

[modifier] Culture

[modifier] Société et rites religieux

Le togouna du village de Endé au pays Dogon.
Le togouna du village de Endé au pays Dogon.
Sculpture dogon en bois, probablement une figure ancestrale, XVIIe-XVIIIe siècle, Pavillon des Sessions
Sculpture dogon en bois, probablement une figure ancestrale, XVIIe-XVIIIe siècle, Pavillon des Sessions

La shônan communement appelé "togouna" (ou case à palabres), est une construction présente dans chaque village, sous laquelle les hommes du village, et plus particulièrement les anciens, se réunissent pour parler des affaires du village. Sa taille basse oblige les hommes à s’asseoir et interdit l’emportement (en se levant brusquement, on se cogne le crâne). Elle est constituée de huit piliers en bois sur lesquels reposent jusqu'à huit couches de chaume. Le nombre 8 fait référence au nombre des premiers ancêtres dogons. Des symboles dogons sont sculptés sur les piliers.

Le rite funéraire se déroule en trois temps:

  • Lors du décès, un enterrement est organisé. Le corps du défunt est lavé avant d'être déposé à l'air libre dans les failles des falaises qui servent de cimetière. Son âme reste dans le village.
  • Quelques mois plus tard, sont organisées des funérailles qui permettent à la famille et aux proches de rendre un hommage au défunt. Son âme quitte alors la maison familiale mais continue d’errer dans les alentours.
  • Le troisième temps est le dama. Cette cérémonie est collective et concerne toutes les personnes décédées au cours des années précédentes (le dama est organisé tous les 3 à 5 ans). Les âmes sont appelées à rejoindre les ancêtres. Au cours de la cérémonie qui dure trois jours, les différents masques sont sortis et défilent et dansent dans le village. Cette cérémonie marque la fin du deuil.

Les cérémonies du Sigui ont lieu, chez les Dogons, tous les soixante ans. Elles se déroulent sur sept ans. Les prochaines auront lieu en 2027). Il s’agit d’un important rituel de régénération. Elles commémorent la révélation de la parole orale aux hommes, ainsi que la mort et les funérailles du premier ancêtre. Jean Rouch a réalisé plusieurs films lors des dernières fêtes entre 1967 et 1974.

La « société des masques » appelée Awa dirige les danses masquées organisées lors des différentes cérémonies. La société comprend tous les hommes. Les garçons y entrent après la circoncision. Les femmes ne sont pas admises dans cette société, sauf celles nées l'année du sigui.

Le hogon est le chef religieux du village dogon. Il est le prêtre du culte du lébé (Lébé Seru est le premier ancêtre Dogon qui, enterré au pays du Mandé, ressuscita sous forme de serpent). C'est le plus vieil homme du village qui devient hogon. Certains interdits lui sont prescrits. Il n’a plus le droit d’avoir un contact physique avec personne, il ne doit plus sortir de sa maison...

La société dogon est patrilinéaire, mais la famille maternelle l'emporte sur les enfants. En effet, tout dogon de retour au pays doit obligatoirement passer dans sa famille maternelle avant de rendre visite à ses parents paternels. Les descendants d’un ancêtre commun font partie d’une ginna qui regroupe tous les adultes mâles, leurs femmes et leurs enfants. La ginna inclut également les maisons de famille et les champs leur appartenant. Le chef, le ginna bana, est l’homme le plus âgé.

[modifier] Architecture

Village dogon construit au flanc de la falaise.
Village dogon construit au flanc de la falaise.

L'architecture dogon est spécifique. La plupart des villages sont implantés dans la falaise, et accessibles uniquement par des chemins escarpés qui empruntent les failles du plateau.

La case traditionnelle est organisée autour d'une cour, chaque femme ayant son grenier auquel le mari n'a pas accès. Le grenier du mari sert à conserver le mil, le grenier des femmes sert, lui, à conserver les condiments et différents objets. Les greniers sont clairement identifiables par leur toiture en seko (paille), celui du mari étant en général, le plus important.

Il existe différentes sortes de greniers (appelés gôh) d'architecture spécifique, et ayant une attribution et une symbolique particulière :

  • le gôh Karï, divisé en trois parties, est obligatoirement la propriété d'un homme.
  • le gôh nân, plus grand, qui peut appartenir à un homme ou une femme, est construit sur deux étages, et divisé en quatre compartiments par étage. Il sert à la conservation des céréales (mil, sorgho, fonio). Il sert aussi de coffre fort et renferme alors des objets précieux.
  • le gôh Anan qui est le plus grand et fait d'un seul bloc, est sous la responsabilité du chef de lignage. Il renferme les récoltes des champs collectifs (Anan signifiant village). Il est descellé uniquement lors de sécheresses, ou pour la cérémonie du Dama.
  • le gôh Pôron, un grenier castré, est sous la responsabilité du chef de lignage. Il présente un petit muret central.

[modifier] Musique

La musique Dogon est diverse et variée. Elle est étroitement associée aux différents rites: mariages, funérailles etc... La jeune chanteuse malienne Déné Issébéré est l'emblème de cette culture musicale Dogon aussi bien au Mali qu'en dehors des frontières maliennes[réf. nécessaire].

[modifier] Danses

Très codifiées, les danses dogons expriment la formation du monde, l'organisation du système solaire, le culte des divinités ou les mystères de la mort. La plus spectaculaire s'exécute sur des échasses appelées "touterelles".

[modifier] La table du renard

Table du renard (près de Sangha)
Table du renard (près de Sangha)

La "Table" sert d'instrument de divination. La personne qui a des problèmes, va trouver le "devin" pour qu'il lui prédise l'avenir ou lui donne quelques conseils. A l'écart du village en fin d'après-midi, le devin, suite aux explications du client, trace un grand rectangle divisé en plusieurs cases, dont chacune reçoit différents signes et petits bâtons plantés dans le sol. Ensuite le devin demande au client de lancer sur cette "table" une poignée de cacahuettes, puis tous deux quittent les lieux jusqu'au lendemain matin. Pendant la nuit un renard (ou fennec), vient manger les cacahuettes en piétinant la "table". Le matin, le devin revient avec son client, et interprète les traces laissées par le renard, et en fonction de celles-ci et des bâtons renversés lui prédit l'avenir.

[modifier] Mode de vie

Séchage des boulettes d'oignon sur la falaise de Bandiagara
Séchage des boulettes d'oignon sur la falaise de Bandiagara

Les Dogons sont avant tout des cultivateurs, de petit mil, de sorgho et de riz, ainsi que d'oignons et de quelques autres légumes peu exigeants en eau. Le mil, qu'ils entreposent dans des greniers, est la base de leur alimentation, mais la culture de l'oignon (qui représente près d'un tiers des surfaces cultivables de la falaise) est essentielle à leur économie puisqu'ils sont exportés dans les villes alentours et servent de monnaie d'échange avec les autres ethnies (par exemple pour l'achat de poissons aux bozos). Ils élèvent aussi du petit bétail, surtout des moutons et des poulets.

Grenier à grain
Grenier à grain

Traditionnellement les dogons sont aussi des forgerons réputés. Une étude récente[4] a mis en évidence la production de fer et d'outils en fer forgé du temps des Tellems au VIe siècle, production devenue quasi industrielle du XIVe siècle au XIXe siècle à l'époque Dogon. Il apparait que diverses techniques de récupération du fer, à partir du minerai trouvé en divers endroits de la falaise de Bandiagara, aient été mises au point dans différents villages parfois séparés de quelques dizaines de kilomètres[4]. Cette production, déjà avérée sur le site de la falaise pendant plus de mille trois cents ans (à raison d'environ 15 tonnes estimées par an), permet de mieux comprendre le statut particulier et respecté des forgerons dans la société dogon ainsi que les échanges commerciaux que pratiquaient les Dogons.

Le tissage du coton est l’affaire des hommes. Les tisserands installent leur métier à tisser sur la voie publique.

Dans les villages, le marché a lieu tous les 5 jours, ce qui correspond à la semaine dogon.

La lutte traditionnelle est très pratiquée par les garçons et les jeunes hommes. Des tournois réguliers sont organisés entre quartiers et entre villages.

[modifier] Le tourisme

Le pays dogon est devenu la première région touristique du Mali et de l’Afrique de l’ouest. S’il constitue une source importante de revenus pour les villageois, il ne va pas sans poser problèmes. Des enfants deviennent des mendiants, certains jeunes quittent l’école pour devenir guides sans aucune formation.

Dans les villages touristiques, certains Dogons sont prêts à organiser des simulacres de cérémonies masquées en échange d’argent. Ainsi, par exemple, les touristes peuvent assister à des succédanés des danses dogons.

Vue générale panoramique
Vue générale panoramique

[modifier] Bibliographie

  • Paul Parin et Morgenthaler Fritz : Moi et oralité dans l'analyse des Dogons, in: Connexions, Paris, 4, 15, 43-48., 1975.

[modifier] Références

  1. Bandiagara au Patrimoine mondial de l'UNESCO
  2. L'astronomie dogon : les étoiles du sacrifice par Serge Jodra, document Ciel et espace de mai 1996.
  3. Archives d'Hubble : existence de Sirius C non confirmée à ce jour
  4. ab Le pays dogon a produit pendant des siècles de grandes quantités de fer, Le Monde du 28/12/06

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

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