Crise et catastrophe

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Sommaire

[modifier] Introduction

Dans la relation entre crise et conflit, ce dernier peut conduire à la "catastrophe" de la déstructuration totale ou partielle sur les plans bio-médical, économique, psychologique et sociologique, ainsi qu'en politologie et dans les relations internationales.

Au plus simple et au plus court, la crise et la catastrophe sont à des ordres distincts où l’un n’est pas l’autre, comme un "avant" d’un "après" et comme un processus d’une structure. En effet, une crise s’annonce et se développe avant une déstructuration qu’est une catastrophe qui touche la structure. La crise, elle, se rapporte au fonctionnement qui ne plus continuer de la même façon, comme une "crise économique" du dysfonctionnement de la production marchande par rapport à la demande solvable en biens et services, une "crise d’adolescence" de l’enfant devenant adulte et bien d’autres sortes de crise. Dans la relation entre crise et conflit, une crise peut ou non conduire à un conflit d’une violence et une profondeur telles qu’elles puissent à une destruction de l’ordre social antérieur. C’est la catastrophe de la morphogenèse chez René Thom, mathématicien , dans la voie de la topologie différentielle des formes complexes variables. C’est la catastrophe de la Révolution française de 1789 qui a vu la disparition de l’Ancien Régime et l’apparition de la République. Toute révolution, vraie et authentique, est une catastrophe morphogénique.

[modifier] Morphologie d’une crise

On peut se demander si, lorsqu’une crise se déclare chez un être biologique social, il existe des signes visibles, des repères morphologiques. L’emploie du mot "crise", en sémiologie médicale, pourrait faire croire qu’il en est bien ainsi. Or, s’il est vrai qu’une crise se manifeste extérieurement par des atteintes au comportement ou à la physiologie, ses manifestations proprement morphologiques demeurent relativement discrètes et voire inexistantes. La crise se rapporte à la fonction sans que la structure soit directement affectée.

Si, dans la crise, la "fonction" est fréquemment atteinte, la "structure", elle, demeure intacte. De ce point de vue, il y a entre crise et catastrophe une distinction radicale. La catastrophe est dans une déstructuration. La catastrophe, même dans le sens extensif donné par René Thom, est, par essence, un phénomène bien visible, une discontinuité observable, un "fait" patent. La crise peut être latente ou sournoise. Assez fréquemment, elle se manifeste par une perturbation quantitative, et non qualitative, d’un processus de régulation. Tel est le cas de la crise inflationniste en économie, pa exemple. Il existe, cependant, entre crise et catastrophe un lien évident: la crise est souvent annonciatrice de la catastrophe qu’elle précède,.

Dans la théorie marxienne des crises, la suite "crises de surproduction" du cycle court conduit à la "crise générale du système capitaliste" de la catastrophe morphogénique l’émergence de la forme socialiste d’une société, alors que les crises de surproduction touchaient uniquement le fonctionnement capitaliste sans porter atteinte à la structure capitaliste.

Dans la théorie des changement de phase, en physico-chimie, lorsqu’une substance se trouve dans un .ta métastable qui précède un changement de phase – comme l’eau chauffée au dessus de 100 degrés à la pression atmosphérique – cette instabilité se manifeste pat un phénomène local dit "nucléation". De nombreux îlots de la nouvelle phase (dans notre exemple, des bulles de vapeur d’eau) se forment aléatoirement dans le milieu, mais s’ils ne peuvent atteindre une certaine grandeur critique, ils disparaissent, absorbés par l’ancienne phase. Si l’un d’entre eux vient à dépasser ce diamètre critique, alors il se met à grandir à une rapidité foudroyante, ce qui provoque la catastrophe du changement de phase qui est ici l’ébullition de l’eau.

La similarité entre crise et catastrophe est dans la discontinuité et la distinction radicale est la crise soit quantitative, se rapportant à la fonction, tandis que la catastrophe, elle, soit qualitative, concernant la forme ou structure.

On connaît dans de nombreuses disciplines des sciences naturelles ces manifestations morphologiques annonciatrices de prochains changements structuraux. Ces états à morphologie locale fluctuante, qualifiés par René Thom (1972) de "catastrophes virtuelles", se présentent aussi dans nos sociétés avant les grands changements sociaux. La formation de groupuscules contestataires instables auquel tout homme politique doit prendre garde.

Le caractère extrêmement discret, fluctuant, des manifestations extérieures se l’état de crise montre qu’une définition formelle de la crise ne peut pas être recherchée au plan morphologique. De même, on ne saurait définir la crise comme l’état avant-coureur d’un conflit dans la relation crise et conflit ou d’une catastrophe. Une crise peut avorter, elle peut se résorber sans laisser aucune trace, sans causer aucun changement apparent. C’est dire que la crise doit se définir à un autre niveau, celui de la subjectivité.

[modifier] Caractère infiniment subjectif de la crise

En principe, la crise comporte un élément subjectif allié à un élément objectif. La crise ne peut apparaître que chez un être pourvu de conscience de d’imagination. C’est particulièrement évident en médecine et en psychologie. Toutes les crises de la pathologie médicale et psychologique sont loin d’être également grave, mais toutes comportent, au moins virtuellement une menace de déstructuration dans la mort et la folie, souvent accompagnées de douleur et d’angoisse pouvant aller jusqu’à l’intolérable (que l’on songe à l’angor de l’angine de poitrine).

Les systèmes électromécaniques connaissent des points critiques, des pannes, mais non des crises. Enfin, une crise n’anéantit jamais immédiatement son sujet: l’animal foudroyé par la balle d’un chasseur, une population anéantie par un bombardement aérien ne succombent pas à des crise : là, la catastrophe survient avant que la crise ait pu s’établir, c’est-à-dire la panique de l’alerte. La crise laisse, en général, au sujet le temps et les moyens d’agir et elle impose l’action pour la survie.

Le caractère éminemment subjectif de la crise est particulièrement sensible dans le cas des crises économiques. Que resterait-il d’une telle crise si on pouvait supprimer son retentissement dans l’esprit des agents. Nous pouvons, alors, proposer une définition.

  • La crise est l’état manifesté par un affaiblissement apparemment sans cause de ses dispositifs de régulation et est perçu par le sujet lui-même comme une menace à sa propre existence.

L’état de crise est un état d’inquiétude face aux incertitudes et en regard de son existence

[modifier] Évolution et étiologie des crises

Une crise est toujours un état évolutif conçu comme transitoire, en contraste à l’état définitif de la catastrophe. L’état de crise succède à un état considéré (au moins relativement) comme normal. Ou bien la crise dégénérera en catastrophe, ou bien elle finira par se résorber, entraînant avec sa fin des séquelles dont l’importance et la nature sont très variables. Parfois, elles sont pratiquement inexistantes, comme l’ivresse isolée. Plus souvent, la crise entraîne une modification de la figure de régulation du sujet, un changement de ses comportement régulateurs, c’est-à-dire de sa façon d’être au monde. Parfois, la seule séquelle sera une propension accrue à contracter des crises semblables (comme dans les faits d’allergie ou d’anaphylaxie, en médecine). Chez un sujet, il est aussi absurde de parler d’une crise permanente, qu’il l’est de révolution permanente. Crise et révolution sont des "moments" transitoires où moment signifie à la fois "instant" et "rapport de forces".

Si, à cause de la composante subjective, le concept de crise déborde le cadre de la Dynamique newtonienne, il n’est pas non plus du domaine de l’humain, d’économique, du psychologique et sociologique, en premier lieu, ce concept relève proprement du biologique. Il est licite, en effet, de parler d’un organisme animal en crise, compte tenu de la subjectivité rudimentaire que nous pouvons reconnaître aux animaux. Rappelons que l’"ego" de l’animal n’existe pas de façon permanente, mais se reforme, en quelque sorte "de novo", lorsque démarre un réflexe régulateur mettant en jeu un "objet" extérieur, proie ou prédateur. Dans cette conception, le sujet ne se forme que par dissociation d’avec l’objet et, sans objet, il n’y a pas à proprement parler de sujet. C’est le phénomène d’identité et d’identification qui est plutôt une différenciation dans la "conscience soi" qui n’est pas l’autre. Chez l’humain, les données psychanalytiques viennent confirmer ce point de vue. On peut, alors, concevoir que les crises aient deux types d’origine :

1 - LES ORIGINES EXTERNES

Il s’agit là des situations ambiguës qui, ou bien retirent au sujet un objet "normal", ou, au contraire, lui offrent une pluralité d’objets entre lesquels il aura à choisir. C’est le dilemme de l’âne de Buridan à mis chemin entre un sac d’avoine et un baquet d’eau, selon la légende. Les paradoxes et double contrainte se rapportent aux dilemmes, aux indécisions et aux choix impossibles avec ou sans obligations de choisir. Une illustration du premier cas est la "déprivation sensorielle" qui peut conduire le psychisme humain à l’angoisse et l’hallucination.

Une autre illustration possible est l’oiseau fasciné par le serpent. Là, on peut penser que la forme du serpent évoque chez l’oiseau la forme archétypale du ver, donc de la proie, mais la taille du serpent en fait un prédateur, d’où "paralysie du jugement" de l’oiseau. La guerre psychologique joue principalement de ce phénomène de surprise extrême où l’attaquant se trouve en position d’attaqué, comme dans la Bataille de Diên Biên Phu.

Dans ces cas, la crise chez le sujet intervient par manque d’objet, par abondance d’objets ou par la présence d’une situation "conflictuelle" dans l’environnement. Résoudre la crise est, alors, faire le choix d’un objet, ce qui précipitera le sujet dans une action régulatrice, une "frénésie" rassurante.

2 – LES ORIGINES INTERNES

Certaines crises apparaissent, d’une manière régulière au cours du développement, telle la crise du 8e mois du nourrisson (terrorisé par un visage humain inconnu), la crise de puberté, période transitoire entre l’enfance où l’on "reçoit" la vie de ses parents et l’âge adulte où l’on "donne" la vie à ses propres enfants.

Nous nommons ces types de crise des "crises d’interface" et d’autres de "passages de vie", lors d’une transition entre deux modes d’action et de vie, comme le mariage, la parentalité, le chômage, la retraite, etc.

Enfin, un autre type de crise est moins "biologique" et plus proche des équilibres métastables de la Physique. Supposons qu’un sujet rencontre une situation favorable et développe son action, au point d’élargir son domaine naturel au-delà des seuils naturels de stabilité. C’est la crise d’une grande réussite rapide. Ces crises engendrées par l’aveuglement des personnes et collectivités trop "chanceuses" entrent dans ce type. La crise se manifeste par la perte progressive en efficacité du dispositif régulateur qui s’est montré jusque là si profitable. Alors seulement, le sujet prend conscience de ce dispositif lui-même, ainsi que des "injustices" (au sens présocratique) qu’il a commises en croyant exercer son simple "droit à l’existence".

L’empire d’Espagne de Philippe II sur lequel le soleil ne se couchait jamais a eu cette crise de l’or des Amériques qui l’a conduit à la catastrophe d’une complète déstructuration.

[modifier] Solutions et pseudo solutions des crises

Dans les crises par déprivation où le sujet souffre par manque d’objet, la solution "évidente" pour lui est de retrouver cet objet et agir sur lui ( exemple, par capture). C’est ce qui arrive parfois après une quête douloureuse, dans les crises de développement de l’individu et comme les crises après un divorce, un décès ou une rupture amoureuse, par exemple. Souvent, le sujet , lui-même, choisira librement son objet, ce qui le délivrer de la crise en se précipitant dans une frénésie sécurisante. De grands œuvres ont été réalisé dans ce type de sortie de crise.

Ce dispositif d’extinction de crise est tellement effectif, efficace et efficient que, parfois, le sujet, incapable de distinguer la vraie et profonde source du mal-être, se forge un faux objet sur lequel il agira, éliminant ainsi du moins les aspects psychologiques de la crise initiale. Dans ce cas, ce dispositif d’extinction de la crise peut se nommer de pseudo solution. En biologie et en sociologie, les exemples de pseudo solution sont nombreux et une observation attentive et profonde montre que la distinction entre solution et pseudo solution est parfois difficile à établir au cœur même de la crise, par le caractère infiniment subjectif de la crise.

En médecine, un "placebo" peut guérir. Dans le domaine social, une collectivité, pour se purger de son malaise, pourra expulser ou immoler une vvictime émissaire.

[modifier] Conclusion

À travers crise et catastrophe, des empires ont disparu, ainsi que des personnes sont sortis de l’univers social de leurs collègues, de ceux qui partagent la même loi (lex, legis) et le même héritage (legs).

La représentation mathématique de René Thom figure la crise à l’inflexion dune courbe et la catastrophe à la discontinuité de cette courbe. Pour ilya Prigogine, c’est la "bifurcation", comme le pH 7 (potentiel Hydrogène) qui fait bifurquer une substance "acide" à "basique", en chimie

Un modèle sémiotique de Anthony Wilden en écopolitique de la catastrophe montrerait le passage d’un symbole libérateur à un signe oppresseur, comme il y a de nombreux exemples dans les idéologies et les religions.

[modifier] Références bibliographiques

  • Thomas S. Kuhn, "La structure des révolutions scientifiques", Flammarion, Paris, 1972
  • René Thom, "Stabilité structurelle et morphogénèse", Interédition, Paris, 1972
  • René Thom, “Paraboles et catastrophe”, Flammarion, Paris, 1983
  • Thanh H. Vuong, "Stratégies technico-commerciales asiatiques", dans Études Internationales, Vol. XXII, No.3, pp. 551-575, septembre 1991.
  • Thanh H. Vuong & Jorge Virchez, "Communauté Économique de l’Asie Pacifique. Essai d’anthropologie économique et de géographie politique", Presses Inter Universitaires, Cap Rouge, QC, 2004.
  • Anthony Wilden, "Système et structure. Essais sur la communication et l'échange", Boréal Express, Montréal, 1983.
  • Anthony Wilden, “The Rules are no Game. The Strategy of Communication”, Routledge & Kegan Paul, London & New York, 1987.
  • Anthony Wilden, “Man and Woman, War and Peace. The Strategist’s Companion”, Routledge & Kegan Paul, London & New York, 1987