Anthony Wilden

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Anthony Wilden, (né le 14 décembre 1935 à Londres) a collaboré avec Jacques Lacan à la critique des écrits de Freud dans la perspective linguistique et sémiotique au moment où il faisait son Ph.D. en études romanes à l’Université Johns Hopkins de Baltimore, MD. Là, il a travaillé avec René Girard qui élaborait sa théorie du désir mimétique. Après son doctorat, Anthony Wilden enseignait à l’Université de Californie à San Diego où il a travaillé avec Gregory Bateson à l’élaboration de la cybernétique de la deuxième génération d’où sortira l’approche écosystémique. Après une dizaine d’années de gestation sortira de ses livres la Théorie des contextes qui formalise l’approche écosystémique qui est une façon de percevoir des énigmes et de concevoir des moyens pour les aborder.

Intellectuel activiste à géométrie variable, Anthony Wilden a pris le point de vue sémiotique pour aborder un très large éventail d'applications où tout comportement est "signe" et a valeur de communication. Ses travaux sont principalement de l'ordre de l'épistémologie.

  • […] Dans les sociétés occidentales, la communication et l'échange sont contrôlés par le pouvoir que détient une partie de l'écosystème biosocial de définir certaines autres parties comme un 'environnement' à exploiter: la biosphère, d'autres classes sociales, les autres races, le Tiers Monde, le 'second' sexe - en d'autres termes, l'exploitation de (ce que nous appelons) le 'corps' par (ce que nous appelons) 'l'esprit'. Inspiré par une perspective transdisciplinaire et soucieux d'approcher de façon non conventionnelle des sujets controversés, "Système et Structure" s'est imposé depuis quelques années dans le monde anglo-saxon comme une œuvre maîtresse dans l'étude des rapports sociaux, psychologiques et économiques" […] Grâce à cette perspective critique et transdisciplinaire, l'auteur a produit une véritable somme de l'écosystémique, ce que l'on peut considérer comme un outil épistémologique fondamental dans le pari de 'survivre au XXe siècle', selon l'expression d'Edgar Morin.

"Système et Structure. Essais sur la communication et l'échange", Boréal Express, Montréal, 1983. Traduction française considérée comme complète et définitive par l'auteur de cette longue série, depuis 1972.

Sommaire

[modifier] Biographie : trajectoires de vie

Dans “The Rules are no Game. The Strategy of Communication”, pp. XI-XV, Routledge & Kegan Paul, London, New York, 1987, Anthony Wilden a présenté l’histoire de sa parenté anglo-normande et a raconté ses années de formation a travers des règles de vie et d’action apprises à partir des expériences de vie.

Né à Londres en 1935, ses premiers souvenirs d’enfant se rapportent aux bombardements aériens où le premier deuil familial a été “Rupert Bear” oublié à l’école complètement détruite le lendemain par l’explosion d’une bombe. Cet événement est représentatif de l’enfance d’un homme de la classe moyenne anglaise qui n’a cessé, dans ses travaux intellectuels et son activisme, de combattre l’oppression et l’exploitation en s’attaquant aux règles, les vices de la pensée en épistémologie.

Éduqué au pensionnat de l’École “Christ Church Hospital” sur une bourse d’études accordée aux “pauvres méritants”, il a quitté l’école à la fin des études pour immigrer au Canada en 1953 où il s’est établi en Colombie-Britannique en se mariant avec Patricia et devenu père de deux garçons.

En Colombie-Britannique, il a exercé différents métiers, de bûcheron à mécanicien d’automobiles et instituteur qui lui ont donné des leçons concrètes, à la base de ses travaux intellectuels. Naturalisé canadien en 1959, il a entrepris des études supérieures par correspondance et sur une bourse d’études aux États Unis. Là, il a obtenu un Ph.D en lettres romanes en 1968 à l’Université Johns Hopkins de Baltimore, MD, où il a travaillé avec René Girard et Jacques Lacan. De cette collaboration avec Jacques Lacan est sorti “ The Language of the Self: The Function of Speech and Language in Psyco-analysis”, 1968, qui a introduit Lacan dans le monde anglo-saxon.

Avec son Ph.D., il a été nommé au Département de Littérature de l’Université de Californie à San Diego où il a collaboré avec Gregory Bateson dans l’élaboration d’une approche écosystémique à partir de la cybernétique de la seconde génération, celle du “signe” psychique en contraste au “signal” physique de la théorie de l'information de Claude Shannon. En 71-72, on l’a retrouvé à l’École pratique des hautes études de Paris où il a enseigné la “Théorie des systèmes”. En 1972, sont sorti “Steps to an Ecology of Mind” de Gegory Bateson et “System and Structure: Essays on Communication and Exchange” d’Anthony Wilden, traitant du même sujet à partir de deux points de vue différents, suivant la vision “binoculaire” chère à Bateson, la “dialogique” d’Edgar Morin ou la “biassociation” d’Arthur Koestler.

Après Paris, Wilden est parti enseigner au Togo et, en 73-74, il a participé à l’Université du Michigan au projet de la “US National Science Foundation” sur les écosystèmes. De retour au Canada en 1974, Anthony Wilden a été nommé Professeur en Communication à l’Université Simon Fraser à Burnaby, en Colombie-Britannique où il a enseigné jusqu’à sa retraite.

De sources anglo-normandes et par ses études, il est suffisamment bilingue anglais-français pour introduire et traduire Lacan dans le monde anglo-saxon et présenter un texte séminale grandiose sur l'individualisme de Montaigne. Bien plus que des mots, une traduction est le passage d'un type de penser à un autre, d'une idéologie à une autre et une épistémologie à une autre. En exemple illustratif, Gregory Bateson a commenté cette expression de Blaise Pascal "le cœur a ses raisons que la raison n'a pas" en disant : "Monsieur Pascal devait parler de la raison du cœur et de la raison de la raison". Il s'agit de l'épistémologie cartésienne du "tiers exclu" dans les oppositions binaires.

De cette façon, Anthony Wilden s'est toujours refusé d'écrire et d'enseigner en francophonie, en réfutant le schéma cartésien par l'emploi de la langue de Descartes. Tout se passerait à combler un trou par un trou. En effet, une langue véhicule sa propre épistémologie, sa propre idéologie et sa propre mythologie, dans la relation de la carte au territoire, de la représentation à ce qui est représenté. Ainsi, les œuvres de Wilden sont connus, appréciés et célébrés dans beaucoup de langues où ils sont traduits, de Terre-Neuve à la Terre de Feu, de l'Alaska à l'Australie, partout où l'anglo-américain est devenu la langue savante à la place de l'allemand qui l'a été, grâce à monsieur Adolf Hitler et ses collègues. Même l'Institut Pasteur publie désormais en anglo-américain, au dépens de sa propre langue d'origine, pour être lu.

[modifier] L'œuvre

Anthony Wilden a introduit Jacques Lacan dans le monde anglo-saxon avec Freud, Signorelli and Lacan: the Repression of the Signifier (1966, American Imago, 23: 332-66) et The Language of the Self: the Function of Language of Psycho-analysis (John Hopkins University Press, Baltimore, 1968) ainsi que Speech and Language in psycho-analysis, paru en 1968, réditée, revue, augmentée et commentée en 1981. Le premier chapitre, de Système et Structure. Essais sur la communication et l'échange (Boréal Express, Montréal, 1983) est intitulé "Le Symbolique, l'Imaginaire et le Réel. Lacan, Lévi-Strauss et Freud, le suivant Métaphore du déplacement et métonymie de la condensation. Le tout est une interprétation sémiotique et écosystémique.

Anthony Wilden et Jacques Lacan ont collaboré en psychanalyse à la critique sémiotique et linguistique des œuvres de Freud, comme Anthony Wilden et Gregory Bateson ont élaboré la cybernétique de la deuxième génération, celle du signe psychique où tout comportement est message et dont la communication est la matrice sociale de toute activité humaine, en contraste à la cybernétique de la première génération du signal physique. À partir de là, les travaux de Wilden se sont étendus à la guerre et paix, comme des formes de communication, à l'oppression et à la décolonisation qui comprend le féminisme. À partir de la sémiotique, Wilden a abordé les medias pour aboutir à la philosophie des sciences et la sociologie des sciences.

Parmi ces éclaireurs français, il y a Edgar Morin et Michel Serres, des « trouveurs » ou « trouvères », dans la langue occitane, trouvère est un mot de l'ancienne langue d'oïl, à la fois poètes et savants. Rappelons le titre emblématique et programmatique d'un des livres de Michel Serres : Le Passage du nord-Ouest. Se frayer une voie entre les sciences de la nature et les sciences de l'homme dans une mer ensemencée d'îles, de presqu'îles et d'archipels est le projet de ces "philosophes" ou ces "sociologues" des sciences constitue la critique épistémologique et méthodologique où, selon Wilden (1983, pp. 409-426), la science est un « discours de propagande ». Le Canada anglais avait déjà son navigateur solitaire qui étudie les communications et les représentations des modes d'échange symbolique à l'intérieur des productions culturelles de l'Occident. Wilden dépiste, tout particulièrement, les vices du système d'échange occidental qui bloque l'échange tant symbolique ou économique que politique. En s'inspirant du modèle éco-systémique de Bateson, il dénonce l'obsession de cette épistémé de réduire des différences en oppositions irréconciliables et la coopération en rivalité et jeux de domination. Les essais épistémologiques et méthodologiques de Wilden, tout au long de sa trajectoire, ne cesse de mettre en cause et de redéfinir les frontières entre les savoirs qui sont des lignes de partage en contrastant, séparant et reliant, la figure et le fond d'une Gestalt plus large et plus profonde.

Dans de multiples traductions, ses livres sur la communication et l'échange, de 1972 à 1983, débouchent sur la théorie des contextes mise en œuvre en 1986 par Thanh Vuong (Théorie des contextes et relations internationales. Départ de la Première Guerre d'Indochine, dans Études Internationales, pp. 571-597, Vol. XVII, No. 3, septembre 1986) et formalisée en 1987 (The Rules are no Game. The Strategy of Communication, pp. 303-322, 1987, Routledge & Kegan Paul, London and New York).

La série La Méthode d'Edgar Morin semble être bâtie sur la hiérarchie des niveaux de contrainte, de contexte et de complexité de la théorie des contextes, du premier niveau le plus simple et le plus fondamental (Grund disait-on auparavant) de la nature inorgagnique minéral de la lithosphère (La Méthode 1. La nature de la nature) de la lithosphère sans lequel il n'y aurait pas de vie au niveau suivant plus complexe de la biosphère (La Méthode 2. La vie de la vie). Au niveau suivant encore plus dépendant et plus complexe est la sociosphère de l'association des congénères, de ceux de la même espèce. Au niveau suivant encore plus dépendant et plus complexe est la noosphère de la culture générée par les activités sociales des collègues, de ceux qui partagent la même loi (lex, legis) et le même héritage (legs). C'est la "Connaissance de la connaissance" de Morin qui a été en Californie au début des années 70 quand Wilden enseignait à San Diego et travaillait avec Bateson.

En 1972 sont parus Steps to an Ecology of Mind de Bateson et System and Structure de Wilden. Chacun de ces deux livres est un recueil d'articles parus sur une longue période en différentes situations. Pour éclaircir certaines obscurités et remédier aux lacunes, ils ont respectivement sorti Man and Nature en 1980 et The Rules are no Game en 1987. Ces deux livres couvrent un large éventail de domaines, de l'anthropologie à la zoologie.

La calme réflexion scientifique sereine se tronque parfois en pamphlets contestataires qui aboutissent à des travaux spécifiques d’activiste, comme le montage vidéographique avec Ronda Hammer " Women in Production : The Chorus Line" des séquences de comédies musicales qui ont bâti et maintenu le racisme et le sexisme et le livre "Le Canadien imaginaire", traduction française par Yvan Simonis paru en 1979 à Québec pour le referendum sur la souveraineté du Québec en 1980, alors que la version originale anglaise "The Imaginary Canadian" est paru à Vancouver, BC, en 1980. C’est un réquisitoire contre le Canada des cartes postales qui masque une double colonisation anglaise et étatsunienne. Le lien en annexe est aussi intéressant sur la colonisation anglaise de la Nouvelle-France.

[modifier] L’homme

De lignée paternelle anglaise et de lignée maternelle anglo-normande des Balard dont une ancêtre lointaine s’est rendue célèbre sous le nom de " Jersey Lily" dans les contes et légendes du Far West, Anthony Wilden est né en 1935 en Angleterre des classes sociales encore très hiérarchisées. Le premier deuil de la famille a été son "nounours" oublié à l’école écrasée sous les bombardements aériens de Londres en 1940. L’enfant de la guerre s’est passionné pour la Royal Air Force (RAF) avec sa devise " Per Ardua ad Astra" (avec fougue jusqu’aux cieux) et a appris à survivre et se développer à travers la devise "Who dare win" (Qui ose gagne) des commandos aéroportés SAS, celle "United we conquer" (Unis, nous conquérons) des commandos de marine SBS et "Commandos apte a tout" des commandos britanniques. En 1946 à 10-11 ans, le petit garçon a été en internat de l’école anglaise secondaire des petits opprimés par des grands, des nouveaux par des anciens. Pour survivre, il a appris la tactique de guérilla promue par Sun Tzu en attaquant l’idéologie d’oppression plutôt que les oppresseurs. Le premier chapitre de "The Rules are no Game" intitulé "The Naming of the Parts and the 20th Century Wars" (pp. 3-63) est une suite de règles de conduite explicitées.

Anthony Wilden a immigré au Canada en 1954 et, débarqué du bateau à Québec, il a pris la route de l’Ouest jusqu’à la Colombie-Britannique où il a exercé différents métiers, s’est marié et a eu deux fils. Sur une bourse d’études, Wilden est allé à l’Université John Hopkins de Baltimore, MD, où il a collaboré avec Jacques Lacan et René Girard pour son Ph.D. en lettres avec lequel il a enseigné à San Diego, CA, où il a collaboré dans la dite École de Palo Alto. Il a aussi enseigné et donné des conférences en Australie, en France, au Mexique et au Togo pour devenir professeur en communications à l’Université Simon Fraser en Colombie-Britannique. Ces livres sont traduits en danois, espagnol, français, italien et japonais.

[modifier] Anecdotes

L’École “Christ Church Hospital” est une institution religieuse caritative avec un pensionnat pour 800 garçons répartis en 16 “maisons”. Elle a été fondée au XVIe siècle sous les Tudor et on y enseignait de tout, dans les années 50, pour garder vivace et prospère l’Empire britannique qui commençait à se “décomposer. Anthony Wilden y entrait à 10-11 ans en 1946 avec une bourse d’études. « Y entrer, c’est comme être parachuté en enfer », écrit-il (p. XI, 1987). C’est la torture physique et mentale imposée par les grands aux petits, les anciens aux nouveaux dans une stricte hiérarchie de rangs où le principal souci est de survivre. Avec le temps quand on devient grand et fort et ancien, on est pris dans cet enfer et on devient une partie prenante.

Wilden y a appris des techniques de guérilla défensive pour survivre, en se repliant sur des bases secrètes pour attendre le moment propice et attaquer l’adversaire principal qui n’est pas le bourreau, mais l'idéologie permettant et gouvernant cette exploitation et cette oppression. De là, il a identifié et formulé quelques règles simples pour les détourner et contourner.

- La règle de propagande consiste à faire prendre des lanternes pour des messies afin de miner le moral des adversaires et gonfler le moral de nos troupes.

- La règle des opprimés se rapporte à jouir de suite pour na pas attendre les lendemains qui chantent des promesses pour calmer les appétits des dépourvus et préserver les privilèges des possédants. L'expression marxienne de « opium du peuple » est représentative de cette « règle des opprimés ».

- La règle de production incite à avoir et posséder de plus en plus d’objets produits par des inconnus à des prix de plus en plus faibles dans les cycles de sur-production/sous-consommation.

- La règle impériale consiste à se présenter comme l’incarnation d’une toute puissance transcendentale polynymique (à dénomination multiple) dont les noms peuvent être “Civilisation”, “Dieu”, “Progrès”, “Raison” et ainsi de suite. Nommer cette toute puissance transcendentale, c’est se présenter comme son incarnation sur laquelle se sont fondés des empires dans l’histoire.

- La règle coloniale consiste à bâtir un sentiment d'infériorité et une impuissance apprise pour conduire au défaitisme qui est la négation de sa propre dignité et de ses propres capacités créatives. Les formes les plus vicieuses sont peut-être celles décrites par Frantz Fanon. Son expression la plus courante consiste en premier lieu à blâmer la victime et en deuxième lieu à jouer perdant en aplatissant les niveaux symbolique et psychique au niveau physique le plus simple pour contrer directement dans l’inversion des rapports, comme dans cette plaisanterie.

- C’est quoi le capitalisme ?

- C’est l’exploitation de l’homme par l’homme !

- C’est quoi le communisme ?

- C’est juste le contraire !

La Théorie des contextes est une révolte contre cette “simplicité” dans la réduction au niveau le plus simple, cette “similarité” imaginaire des termes du même niveau et cette “symétrie” inappropriée qui permet une “opposition” fatale des couples homme-femme du sexisme, corps-esprit du freudisme, capital-travail du marxisme et nature-culture des désastres économiques et écologiques

[modifier] Les idées directrices

  • 1 – “[…] La simplicité est très bien illustrée par la relation linéaire proportionnelle, directe et unidirectionnelle de cause à effet d’un coup de pied à une pierre qui se déplace par transfert de l’énergie cinétique du choc, comme dans la collision des boules de billard. Il en est tout autrement du coup de pied à un chien qui se déplace avec l’énergie de son propre métabolisme pour s’enfuir, attaquer ou jouer, selon la signification qu’il confère au “signe” qu’est le coup de pied” (Thanh H. Vuong, “Théorie des contextes et relations internationales: départ de la première Guerre d’Indochine", dans Études Internationales, Vol. XVII, No. 3, p. 573, septembre 1986)

La simplicité est la réduction du complexe au simple par aplatissement des niveaux de la noosphère des idées de la culture à la sociosphère de l’association des collègues qui partagent la même loi (lex, legis) et le même héritage (leg). Cette réduction se continue de la sociosphère à la biosphère de la nature organique à l’exemple de la bio-sociologie pour qui l’agressivité est seulement de l’ordre des instincts de territorialité et de reproduction, de la rivalité territoriale ou de la satisfaction des appétits dans la concurrence pour des ressources rares. Cette réduction se poursuit jusqu’au niveau physique de la lithosphère minérale de la nature inorganique. Cette simplicité est la première forme de “réductionnisme” du complexe au simple.

En exemple illustratif, il y a des métaphores newtoniennes physiques simples pour représenter des phénomènes psychiques complexes, comme “impact” pour signifier les effets et répercussions d’un acte. En effet, un “fait” physique- directement observable, quantifiable et mesurable par tous - ne devient “événement” psychique que par les effets ressentis, c’est-à-dire les significations et les valeurs attribuées aux conséquences de ce fait. Il y a “pesanteur sociologique” et “inertie culturelle” pour représenter le temps de réponse des configurations sociales et des structures culturelles à un changement. Ces métaphores impropres illustrent la confusion en fusionnant l’un dans l’autre les niveaux de réalité, du réel physique à l’imaginaire psychique et au symbolique culturel. Même dans l’imagerie physique, nous savons que nous ne pouvons représenter le complexe par le simple, la finesse par la grossièreté. “La Métode1. La nature de la nature”, Seuil, Paris, 1977, d’Edgar Morin a été la première charge épistémologique et méthodologique contre cette simplicité et a annoncé les charges suivantes.

L’obsession de la mécanique horlogère newtonienne s’exprime dans l’emploi abusif de “mécanisme” pour signifier un “dispositif”.

Une fois la simplicité faite par aplatissement des niveaux à un seul niveau, la porte est ouverte pour des similarités inappropriées

  • 2 –“[…] La similarité s’enracine aussi dans le monde newtonien. Les philosophes du XVIIIe siècle cherchèrent à appliquer les principes newtoniens atomistiques et mécaniques directement à la connaissance des sociétés et des individus et, par la même occasion, inventèrent le “réductionnisme” à travers une théorie complètement imaginaire de la “Physique sociale” rebaptisée en “Sociologie” en 1839 par son propre inventeur Auguste Comte, le père de la “Philosophie positive” (ibid. p. 573, 1986)

La similarité inappropriée, dans sa forme la plus simple, est la confusion en prenant l’un pour l’autre par aplatissement des niveaux ou ordres distincts de nombre, quantité et forme. L’exemple illustratif est la confusion entre “égalité” des quantités et “identité” des formes ou qualités. Cette similarité inappropriée introduit le paradoxe de l’identité des différents illustré par une famille de cercles concentriques, tous identique par leur forme circulaire et tous différents par leur taille de l’ordre quantitatif.

Parler de l’un dans les termes de l’autre est l’expression du discours schizophrénique, selon Bateson, ses collègues et disciples. Agir sur l’un dans les caractéristiques de l’autre, comme manger le menu pour le repas conduit à des désastres gastriques dans ce cas et à des catastrophes écologiques et économiques dans les dispositifs socio-économiques.

Cette confusion entre forme et quantité a conduit les politiques d’égalité qui concerne les quantités aux graves problèmes d’indifférenciation qui se rapporte aux identités qui sont de l’ordre de la forme ou qualité.

Une fois la similarité faite par confusion des termes de niveaux distincts de type logique, d’ordre de réalité ou de contrainte, la voie est ouverte pour des symétries erronées

  • 3 –“[…] La symétrie erronée se rapporte à la même lignée newtonienne et cartésienne qui, de la similarité inappropriée dans l’aplatissement des niveaux au seul niveau le plus simple de la physique, procède de la commutation et de l’inversion du couple action-réaction où l’action et la réaction sont de même nature (de même niveau de type logique, de contrainte ou de complexité), de même grandeur, de même direction et de sens opposés des deux vecteurs. L’opposition symétrique exige ces similarités. La symétrie nécessite la “commutativité” et la “réversibilité”. En mathématiques, la multiplication et l’addition possèdent des propriétés commutatives, c’est-à-dire que l’ordre des termes ne modifie pas le résultat de ces deux opérations. Il n’en est pas pour la division et la soustraction. “DOG” et “GOD” démontrent une erreur de symétrie en anglais entre “G” et “D” dans ce cas là. Une symétrisation erronée serait fatale. On remarque que cette symétrie entraîne souvent une mise en opposition et en alternance qui conduit à des altercations des disputes. L’alternance rappelle le mouvement pendulaire et on revient à la terrible simplification de la pensé exprimée dans la métaphore horlogère du “retour de la pendule” en histoire et dans les affaires humaines”. (ibid. p. 574, 1986).

Cette symétrie homme-femme, masculin-féminin débouche sur l’opposition de la “guerre des sexes” et l’inversion de la phallocratie, comme celle de nature-culture débouche sur l’opposition et l’inversion des catastrophes écologiques de l’exploitation de la nature et non pas son utilisation. La relation entre nature et culture est celle des ordres ou niveaux distincts de complexité et de dépendance, car sans nature, il n’y aurait pas de société et de culture, dans la hiérarchie de dépendance et de complexité où sans lithosphère minérale il n’y aurait pas de biosphère organique qui oriente et délimite les possibilités d’association de la sociosphère sur laquelle se fonde la noosphère des idées de la culture.

  • 4 –“L’opposition implique généralement une relation commutative entre des termes ou des systèmes opposés. La question fondamentale est de savoir s’ils sont “opposables”. Nous avons précédemment vu qu’en mathématiques (calcul arithmétique, algébrique et vectoriel), la commutativité signifie que l’ordre des termes peut être modifié sans altérer le résultat et que les opérations de multiplication et d’addition possèdent des propriétés commutatives. Dans l’idéologie des oppositions binaires, la commutativité signifie que les termes peuvent changer de place sans affecter la nature de la relation entre eux.. La symétrie peut s’illustrer par de très nombreux exemples, comme les couples ‘homme-femme’, ‘guerre-paix’, ‘nature-culture’, ‘capital-travail’, ‘corps-âme’, ‘cœur-raison’. Certaines sont erronées, d’autres sont imaginaires”. (ibid, p. 574, 1986).

Chez Newton, la symétrisation et l’opposition entre force active et force réactive est appropriée, puisque les deux termes de même nature, à un même niveau de contrainte, de type logique, de dépendance ou de complexité. Chez Jean-Jacques Rousseau, l’opposition entre nature et culture est inappropriée par lab hiérarchie des niveaux de type logique, de contrainte, de dépendance ou de complexité, puisqu’il n’y aurait pas de culture en absence de nature, de vie biologique et de monde minéral inorganique. Chez Claude Lévi-Strauss, l’opposition entre “cru” et “cuit” est impropre par la hiérarchie de contrainte ou de dépendance, puisqu’il n’y aurait pas d’aliment cuit en l’absence d’aliment cru. La relation n’est pas une opposition.

L’erreur épistémologique fréquente est la transformation des “contrastes”en contraires” qui passent facilement en “contradictions”. Le contraste est l’identité des différents. Le noir et le blanc sont en contraste dans la réflexion plus-ou-moins grande de la lumière et ne sont pas des contraires, dans la fine variation du noir au blanc à travers l’éventail des gris.

La pensée chinoise (cf. Marcel Granet) joue avec les contrastes du “Yin-Yang”, du clair et obscur, du chaud et froid, du haut et bas, du rond et anguleux, sans tomber dans la simplicité des “contraires”, “contradictions” et “oppositions” binaires où la paix n’est pas un état de non-guerre, la masculinité de non-féminité, le froid de non-chaud, l’esprit de non-corps et ainsi de suite.

Le réflexe intellectuel et langagier est l’expression “en opposition à…” pour signifier “en contraste à…”.

  • 5 - Quantité et forme, égalité et identité, développement et évolution. Tout élève sait que les "cas d'égalité des triangles" ne sont pas ceux de "similitude des triangles". En effet, des triangles égaux peuvent avoir des formes distinctes et des triangles de même forme peuvent ne pas être égaux, c'est-à-dire qu'ils peuvent avoir des quantités de surface différentes. Il est d'observation banale de constater la variation quantitative de la surface du cercle de l'onde de choc provoqué par la chute d'un objet dans l'eau calme. Ce cercle grandit dans la propagation de l'onde de choc tout en conservant sa forme. La pensée et la langue chinoises distinguent nettement la forme de la quantité, au détriment de cette dernière. Pour elles, les nombres sont des rapports de quantités, des proportions qui évoquent déjà une ébauche et un embryon de formes latentes, comme le triangle pythagoricien 3,4,5 qui est un triangle rectangle. Au lieu de chercher à mesurer des effets et des causes, elles s'ingénient à repérer, à reconnaître et à répertorier des correspondances, des connivences et des "Convenances" - sous la rubrique de l'Étiquette - entre des configurations, des formes ou des structures. Ces correspondances isomorphiques, homomorphiques ou polymorphiques, ces connivences et ces convenances sont dans l'arsenal de la Théorie du système général. Théorie de la modélisation, PUF, Paris, 1977, de Jean-Louis Le Moigne.

Comme le nom n'est pas la chose nommée, la forme n'est pas la quantité; elles appartiennent à des types logiques distincts. La simplicité est dans cette réduction de la forme à la quantité et conduit à la con-fusion en fusionnant l'un dans l'autre, l'identité et l’égalité par aplatissement des niveaux au niveau de la matière-énergie. L'égalité se rapporte à la quantité obtenue par des mesures et l'identité concerne la forme ou configuration établie par reconnaissance et repérage à partir d'une structure.

Dans les domaines socio-politiques, cette confusion conduit les revendications pour plus de justice sociale et moins d'exclusions et d'intolérances à mettre l'accent sur l'égalité qui débouche sur l'acculturation et la perte d'identité du 2e sexe au profit du 1er, du tiers-monde au profit du prime monde où les désirs des premiers consistent à désirer les désirs des seconds, des dépossédés ceux des possédants où c'est à la conjonction des désirs que se façonne l'objet du désir, dans le désir mimétique, à découper en parties égales, mais de qualités différentes. Que l'on songe au "pâté d'alouette" à parts égales d'un cheval pour une alouette.

Que l'on pense à la situation des "minorités" - non pas en termes de petit nombre, mais en ceux de statut de mineur qui est la forme légale de la position sociale et politique d'un groupe ou d'une personne - pour qui tous les désirs sont codés et médiatisés par les "majorités". Nous désirons ce que l'Autre désire que nous désirons. Même à parts égales, le gâteau est celui de la forme dominante que les luttes contre le racisme et le sexisme sont arrivées à partager dans la réduction des qualités aux quantités. Il peut bien avoir une égalité quantitative des droits, mais le droit de la forme dominante qui la fabrique.

Dans les domaines socio-économiques, la réduction des qualités aux quantités conduit à élaborer et adopter des modèles de développement industriel où prime une “efficacité” qui est un rapport quantitatif entre les entrées et les sorties d'un processus et entre les coûts et les bénéfices sur une “efficience” qui est un rapport qualitatif entre les différents aspects des coûts et des bénéfices et surtout entre les besoins et leurs satisfactions et où prime aussi le “maximum”, comme quantité absolue obtenable, sur un “optimum” qui est un rapport entre deux quantités (donc déjà le début d'une forme) qui sont le “faisable” et le “souhaitable” dans des conditions données à un instant.

Cette réduction a conduit aux tensions écologiques, économiques et sociales où la tension (Stress) est une surcharge qui apparaît lorsque la capacité d'adaptation ne peut plus répondre adéquatement à des demandes nombreuses, différentes et diversifiées venant à la fois des milieux externe et interne. Le système ne dispose plus de la “souplesse” nécessaire par épuisement des réserves en solutions et compétences “alternatives”

La simplicité, en privilégiant la quantité au dépens de la forme, aboutit à mettre l'accent sur le développement plutôt que sur l'évolution. “Développement” et “évolution” appartiennent à des types logiques distincts. Le développement est une variation quantitative à l'intérieur de la constance d'une structure, d'une configuration ou d'une forme, comme le cercle qui s'agrandit à la surface d'une eau calme lorsqu'on y laisse tomber quelque chose. L'évolution se rapporte à la morphogenèse où l'apparition d'une forme nouvelle, à la “transformation” dans le passage d'une forme à une autre et à la “métamorphose” qui est le changement d'une forme en une autre.

D'autre part, le développement est une variation continue du type "analogique" en plus-ou-moins de la même chose, comme celle dans un plan incliné. L'évolution procède par bonds, en sauts quantiques, du type "digital" en discontinuité, comme les marches d'un escalier. L'évolution appartient au monde des formes, tandis que le développement est à celui des quantités.

De confusion (en fusionnant l'un dans l'autre) en confusion (en prenant l'un pour l'autre), en aplatissant les niveaux d'une hiérarchie de contrainte au niveau le plus simple de la matière-énergie, la simplicité conduit directement à des similarités inappropriées ou erronées. Cette simplicité, de plus, par l'obsession de la matière-énergie et des lois de la conservation, favorise le jeu à sommation nulle où le gain de l'un est égal à la perte de l'autre. Ce qui confirme l'idéologie des oppositions binaires et de la compétition.

[modifier] Références bibliographiques

  • Anthony Wilden, The Language of the Self: the Function of Language in Psycho-analysis, John Hopkins Press, Baltimore. Republié en 1981 sous le titre de Speech and Language in Psycho-analysis revue et augmentée. 1969.
  • “The Language of the Self: The Function of Language in Psychoanalysis” par Professeur Jacques Lacan, Professeur Anthony Wilden (Traducteur) .
Ce livre est fondé sur la traduction d'un article de Lacan (1953) devenu le « manifeste » de toute une génération intéressée à re-lire et re-écrire Freud. Lacan a offert un intéressant retour signifiant, significatif et fertile au cœur des textes freudiens dans une perspective cybernétique, écosystémique et sémiotique. Anthony Wilden étendu et amplifié le texte originel par des notes extensives et des commentaires qui ont placé les travaux de Lacan en contexte d'où sortira en 1972 la Première édition de System and Structure. Essays on Communication en de multiples éditions revues et corrigées dont la traduction française de 1983 chez Bor;al Express de Montréal est considérée comme complète et définitive pour déboucher sur le doublet The Rules are no Game. The Stratregy of Communication et Woman, War and Peace. The Strategist's Companion, Routledge & Kegan Paul, New York, 1987.
  • Anthony Wilden, “Libido as Language: the Structuralism of Jacques Lacan., Psychology Today, mai 1972.
  • Anthony Wilden, “System and Structure. Essays on Communication and Exchange”, 1re, 2e édition, Tavistock, London & New York, 1972 et 1980 (2e édition revue. corrigée et complétée).
  • Anthony Wilden, Le Canada imaginaire, trad. fr. Yvan Simonis, Presse Comédiex’ Québec, 1979.
  • Anthony Wilden, The Imagery Canadian, Pulp Press, Vancouver, 1980.
  • Anthony Wilden, Système et structure. Essais sur la communication et l'échange, Boréal Express, Montréal, 1983. Version complète et définitive.
  • Anthony Wilden, Context Theory. The new science, RSSI 5/2 (1986), pp. 97-116.
  • Anthony Wilden 1987, The Rules are no Game. The Strategy of Communication et Man and Woman, War and Peace. The Strategist's Companion, Routledge & Kegan Paul, New York, 1987.

[modifier] Pour en savoir plus

1 - en 1980 se tenait dans la province canadienne du Québec un référendum sur l'autonomie de cette province avec le thème "Souveraineté-Association". Ce qui a expliqué pourquoi "Le Canada imaginaire", traduction française d’Yvan Simonis, ait été publié en 1979, avant la version originale anglaise publiée en 1980. Ce livre est une dénonciation du système colonial canadien d'exploitation et d'oppression de ses provinces. Héritier du schéma anglais de "diviser pour régner", le système colonial canadien consiste à manipuler la pensée en oblitérant et détournant l'histoire d'une façon plus subtile et plus effective que le "négationnisme" et le "révisionnisme" d'un affrontement direct de l'assaut frontal.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

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