Concerto pour violon de Schumann

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Le Concerto pour violon de Schumann est une oeuvre pour violon et orchestre écrite en 1853. L'oeuvre ne fut pas éditée du vivant de son auteur et tomba dans un oubli dont elle ne sortit qu'en 1937.

[modifier] Genèse

Le 21 septembre 1853, Robert Schumann note dans son carnet "Commencé une pièce pour violon". Le 1er octobre "Concerto pour violon achevé; visite de Johannes Brahms: un génie!" Au soir de sa vie, le compositeur n'a mis que onze jours à écrire son concerto. Pour expliquer cette rapidité fulgurante, il faut la replacer dans son contexte très particulier. Schumann avait rencontré quelques mois plus tôt le génial Joseph Joachim, disciple de son idole, Felix Mendelssohn, et violoniste le plus accompli de sa génération. Âgé de seulement 22 ans, Joachim avait séduit les Schumann dans son interprétation somptueuse de son concerto de prédilection: celui de Beethoven.

Le nom de Joachim apparaît dans presque toutes les pages du journal de Robert Schumann à l'été 1853. Joachim n'intervient pourtant pas dans la composition du concerto, le premier d'une longue série qui lui seront dédicacés. Il prendra plus tard une part active dans celle de Johannes Brahms, de Max Bruch, de Antonin Dvorak, au point que Brahms dira avec son humour habituel qu'il était normal que Joachim reçut son concerto, puisqu'il en avait écrit toute la partie de violon. Toujours est-il que Joachim, dérouté par ce concerto difficile, ingrat pour l'exécutant, et né de la plume hallucinée d'un Schumann dont la santé mentale se degrade de jour en jour, ne créera jamais le concerto, et, à la mort de son auteur, renonce à l'éditer avec l'assentiment de Brahms et de la femme du défunt, Clara Schumann.

[modifier] La création du Concerto

Retiré dès lors du catalogue des œuvres du compositeur, le concerto tombe dans l'oubli, passant des mains de Johannes Joachim, fils du violoniste, puis aux bons soins de la librairie de l'État prussien, à Berlin. On raconte que la petite nièce de Joachim, Jelly d'Aranyi, une violoniste de talent, entrevit en rêve en 1933 Clara et Joachim, qui lui enjoignirent de créer le concerto, ce qui fut prévu à l'automne 1937. Toutefois, la hiérarchie nazie prit l'affaire en main, refusant que le concerto soit crée par la juive et anglaise d'Aranyi et encore moins par un autre violoniste d'alors, le tout jeune Yehudi Menuhin. Ce fut donc le meilleur violoniste allemand non juif, Georg Kulenkampff qui, le 19 octobre créa le concerto, revisité par ses soins, alors que d'Aranyi le donnait le lendemain, et Menuhin le 14 novembre, aux États-Unis. L'arrogance de Kulenkampff est restée célèbre par la lettre qu'il écrira à Carl Flesch: "J'ai adapté la partie de violon, comme l'avait fait Hindemith. (...) À mon avis, l'original est, non adapté, tout simplement injouable! Heureux aurait été Schumann que les modifications, qu'il avait vainement demandées a Joachim, ait été faites!"

Toutefois, l'histoire retiendra surtout que c'est Menuhin qui enregistra la première version intégrale. Celle de Kulemkampff, acclamée par la critique et la propagande nazie, créée en présence de Adolf Hitler, mais revisitée par le violoniste et sans les tuttis, est plus ou moins tombée dans l'oubli malgré sa grande qualité (peut être, il est vrai, parce que les nazis n'ont pas laissé un très heureux souvenir dans l'histoire et qu'après 1945, personne n'a réentendu parler de Kulemkampff).

Depuis, le concerto a été enregistré par Henryk Szeryng avec Antal Dorati à la baguette, mais aussi Gidon Kremer à deux reprises, notamment dans une version critiquée pour ses tempos avec Nikolaus Harnoncourt, mais aussi par Joshua Bell, Thomas Zehetmair et bien d'autres ...

[modifier] Le concerto

Le concerto est composé de trois mouvements:

  • I. In kräftigem, nicht zu schnellen Tempo
  • II. langsam-
  • III. Lebhaft, doch nicht schnell

Alternant des thèmes d'une grande tendresse ou, parfois, assez inquiétants, le concerto demeure l'une des œuvres des plus noires de Schumann. L'approche de l'abîme se fait sentir à tout moment, et le désordre de la pensée du compositeur est parfois flagrant. Le concerto souffre également de la faiblesse de l'écriture violonistique du compositeur, malédiction de toutes ses œuvres pour un instrument qu'il exploite beaucoup sur les cordes médianes, avec des arpèges par petits bouts assez mal pratiques et souvent ingrats pour l'exécutant. Cela dit, le concerto mérite de figurer parmi les grandes œuvres de Schumann, et ce n'est pas un hasard s'il est joué et enregistré par de plus en plus nombreux violonistes.