Utilisateur:Boeb'is/memo

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Sommaire

[modifier] Mémo

[modifier] Liens internes

Bienvenue • Contribuer • Demandes • Discuter • Pages à suivre • Règles • Donnez votre avis • Wikipédiens • Pages méta
Demander un article • Ébauches à compléter • Articles à approfondir • Pages à fusionner •
Soupçons de non-neutralité • Soupçons de violations de copyright • Pages à supprimer • Images à supprimer
Requête aux administrateurs
Suppression immédiate
Intervention sur une page protégée
Intervention sur un message système
Protection et déprotection de page
Fusion d'historique
Purge d'historique
Renommage de page
Restauration de page
Vandalisme en cours

[modifier] Sur Wikipedia

[modifier] temporaire2

www.enelsyn.gr/papers/w2/Paper%20by%20Prof%20Olivier%20Gohin.pdf www.prepa-isp.fr/commissaire/annales/admin/2006.pdf

[modifier] temporaire

Hiérarchie des normes

Sommaire

   La non-conformité partielle du Traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007, va conduire à réviser prochainement la Constitution française pour permettre l'autorisation de sa ratification par la voie parlementaire. La décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007 est l'occasion, pour le Conseil constitutionnel, de confirmer la place de la Constitution française au sommet de l'ordre juridique interne auquel est intégré l'ordre juridique communautaire. Cette position est dépourvue de l'ambiguïté qui entourait la décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 (JCP A 2004, 1847, note O. Gohin) parce que ce Traité n'est plus matériellement constitutionnel : les États membres ont renoncé à souscrire à la suprématie du droit communautaire, en tout cas contre leurs propres Constitutions, que les gouvernements avaient concédée, de façon si imprudente, à l'article I-6 d'une Constitution européenne, enfin morte et enterrée. C'est donc le retour à la souveraineté des États membres qui permet de résorber, en droit, la crise politique ouverte par l'Union européenne, en 2004.


Cons. const., 20 déc. 2007, n° 2007-560 DC, Traité Lisbonne : JCP G 2008, act. 17

• (...) 7. Considérant que les conditions dans lesquelles la République française participe aux communautés européennes et à l'Union européenne sont fixées par les dispositions en vigueur du titre XV de la Constitution, hormis celles du second alinéa de l'article 88-1 qui est relatif au Traité établissant une Constitution pour l'Europe, lequel n'a pas été ratifié ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 88-1 de la Constitution : « la République participe aux communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ; que le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international ;

• 8. Considérant que, tout en confirmant la place de la Constitution au sommet de l'ordre juridique interne, ces dispositions constitutionnelles permettent à la France de participer à la création et au développement d'une organisation européenne permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les États membres ;

• 9. Considérant, toutefois, que, lorsque des engagements souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution, remettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle ;

• 10. Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l'examen du Traité de Lisbonne, ainsi que de ses protocoles et de son annexe ; que sont toutefois soustraites au contrôle de conformité à la Constitution celles des stipulations du Traité qui reprennent des engagements antérieurement souscrits par la France ; (...) Note :

Signé le 13 décembre 2007, le Traité de Lisbonne modifie le Traité sur l'Union européenne (TUE) et le Traité instituant la Communauté européenne qui devient le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), et vise à relancer ainsi la construction communautaire, après l'échec, en 2005, du Traité établissant une Constitution pour l'Europe (TCE). Or, il résulte de la décision n° 2007-560 DC du Conseil constitutionnel, en date du 20 décembre 2007, qu'en droit français, ce Traité de Lisbonne est inconstitutionnel, ce qui n'est pas une considérable surprise. Mais, signer un traité que l'on sait inconstitutionnel, voilà de quoi s'alarmer, après tout, dans un État de droit. Il est vrai que la République a fini par s'immuniser : après les décisions relatives aux traités de Maastricht de 1992, d'Amsterdam de 1997 et de Rome de 2004, pour s'en tenir aux seuls traités modificatifs du droit communautaire originaire qui lui ont été auparavant soumis et qu'il a également déclarés non conformes à la Constitution (Cons. const., 9 avr. 1992, n° 92-308 DC : Rec. Cons. const. 1992, p. 55 ; GDCC n° 45, I et les réf. – Cons. const., 31 déc. 1997, n° 97-394 DC : Rec. Cons. const. 1997, p. 344. – Cons. const., 19 nov. 2004, n° 04-505 DC : Rec. Cons. const. 2004, p. 173 ; GDCC n° 51 et les réf.), le Conseil constitutionnel donne ici une illustration supplémentaire du mauvais ajustement dans le temps du contrôle de constitutionnalité des traités, en droit français : alors même que le président de la République est à la fois, et donc en même temps, celui qui « veille au respect des institutions » (Const., art. 5) et qui « négocie les traités » (Const., art. 52), il se met ou il est mis en situation de négocier des traités dont il ne peut tout de même pas ignorer, pour sa part et à ce point, qu'ils sont inconstitutionnels. En tout cas, l'autorisation de la ratification par voie parlementaire du Traité de Lisbonne qui, par rapport au Traité établissant une Constitution pour l'Europe, n'est aucunement simplifié et conserve, à peu près, le même contenu, suppose, à présent, une révision préalable de la Constitution déjà programmée : examen du projet de révision à l'Assemblée nationale, le 15 janvier 2008, et au Sénat, fin janvier 2008, avant adoption par le Congrès, le 4 février 2008, de sorte que l'autorisation de ratification du Traité de Lisbonne puisse être donnée avant la suspension des travaux du Parlement, le 9 février 2008. Dans ces conditions, on pourrait aller jusqu'à se demander si, reportée au printemps 2008, la réforme constitutionnelle envisagée, sur la base des travaux du comité Balladur en vue de rendre la Ve République « plus démocratique », pas moins, n'est pas, à bien des égards, un rideau de fumée.

On observera, d'ailleurs, que, dans l'état actuel des choses, ces deux révisions constitutionnelles en projet, l'une nécessaire et l'autre probable, se recoupent à peine bien que la construction communautaire soit au centre de l'action de l'État français, si ce n'est pour envisager, principalement, de supprimer le référendum obligatoire de l'article 88-5 dont l'objet implicite est de garantir, en toute hypothèse, le droit du peuple français d'avoir, un jour, à se prononcer directement sur l'adhésion ou non de la Turquie à l'Union européenne. Rien, en revanche, sur une consultation préalable et obligatoire du Conseil d'État, à tout moment, sur tout projet de traité – du moins communautaire – en cours de négociation qui permettrait la prise en compte saine et sereine, le plus en amont possible, en tout cas avant la signature de l'engagement international, des dispositions de la Constitution.

I. À l'inconstitutionnalité du traité, il y a plusieurs motifs possibles, dans les termes stabilisés de la jurisprudence constitutionnelle, tels que repris par la décision du 20 décembre 2007 : « lorsque des engagements souscrits (...) contiennent une clause contraire à la Constitution, remettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle » (consid. 9).

La première hypothèse d'inconstitutionnalité à prendre en compte est donc la clause du traité contraire à la Constitution. Or, dans la continuité au fond du Traité établissant une Constitution pour l'Europe, le Traité de Lisbonne prévoit que la Communauté européenne soit substituée à l'Union européenne de sorte que le Traité instituant la Communauté européenne devient le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prémentionné et que la seule des deux communautés européennes à subsister sera celle de l'énergie atomique ou Euratom. Il n'est pas douteux qu'en conséquence, le Traité de Lisbonne vient contredire le texte du titre XV de la Constitution dans sa rédaction actuelle, aussi bien son intitulé : « des communautés européennes et de l'Union européenne » que chacune des dispositions de ce titre comportant les termes « communautés européennes », aux articles 88-1, alinéa 1er, 88-3 et 88-5, ou « communauté européenne », à l'article 88-2, alinéa 2. Néanmoins, dans sa décision du 20 décembre 2007, le Conseil constitutionnel garde, sur ce point, un silence surprenant, allant même jusqu'à s'appuyer, à bon droit, sur l'article 88-1 de la Constitution pour confirmer « l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international » (motivation qui reprend ici Cons. const. 19 nov. 2004 préc., consid. 11), sans aucune remarque terminologique sur cette disposition qui mentionne encore les Communautés européennes, appelées, dans cette pluralité, à disparaître.

Est-ce à dire, pour autant, que la décision du 20 décembre 2004 ne retient aucune contrariété sémantique ? La réponse est négative bien que cette contrariété ne soit que suggérée par le Conseil constitutionnel : le Traité de Lisbonne contient, en effet, une clause expressément contraire à la Constitution – et elle est de taille – dès lors qu'en droit positif, l'article 88-1, alinéa 2, issu de la première loi constitutionnelle du 1er mars 2005 (L. n° 2005-204 : Journal Officiel 2 Mars 2005, p.3696), est ainsi rédigé : « elle [la République] peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le Traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004 ». Force est bien, pour le juge constitutionnel, d'écarter alors « le second alinéa de l'article 88-1 qui est relatif au Traité établissant une Constitution pour l'Europe, lequel n'a pas été ratifié » (consid. 7), ce qui est, en ces termes, un appel implicite au pouvoir constituant d'avoir à retrancher du texte de la Constitution cette scorie juridique, en conséquence d'une bévue politique, pour substituer au Traité établissant une Constitution pour l'Europe, signé le 29 octobre 2004, le Traité modifiant le Traité sur l'Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007.

À la vérité, ce ne sont pas seulement des mots qui seront ici remplacés. C'est aussi une idée déjà morte qui sera bientôt enterrée, en droit français : celle d'une Constitution européenne, et on peut concevoir qu'il aurait fallu beaucoup d'abnégation au président Valéry Giscard d'Estaing, le grand absent de la séance de jugement du 20 décembre 2007, pour contribuer, en tant que membre de droit du Conseil constitutionnel, à constater l'échec de son projet politique, après le second désaveu cinglant qu'il aura eu à subir du peuple français, en moins d'un quart de siècle. Quant au Congrès du Parlement, il s'apprête, pour sa part, à défaire, sans regret ni remords, en février 2008, ce qu'il avait fait, trois années auparavant, pour permettre la ratification par la France du Traité de Lisbonne, à peu près le même texte au fond même si, du moins, il aura enfin cessé, pour les États membres, d'être matériellement constitutionnel. Il sera ainsi établi que l'exercice du mandat parlementaire, pour ne pas être impératif, peut conduire à tenir compte, avec sagesse finalement, de la décision majoritaire du peuple représenté.

La deuxième hypothèse d'inconstitutionnalité à prendre en compte est la remise en cause par le traité des droits et libertés constitutionnellement garantis. Il y a là un chef d'inconstitutionnalité qui aura été escamoté, en conséquence de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la décision du 19 novembre 2004 précitée. Le Conseil constitutionnel avait déjà eu à connaître alors, dans cette hypothèse, de la Charte des droits fondamentaux qui, d'un traité à l'autre, a exactement le même contenu, sa place, à l'extérieur des traités désormais, ne changeant rien à sa valeur juridique : celle des traités. De façon incidente, on observera qu'en 2007 comme, auparavant, en 2004, le contrôle de constitutionnalité, à ce titre, est concentré sur le seul texte de cette Charte, sans considération aucune – sauf l'adhésion future de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme (TUE, art. 6-20. – TFUE, art. 218-8) – pour d'autres dispositifs, en dehors de la Charte, qui se présentent eux aussi – de façon peu convaincante, il est vrai – comme une plus-value démocratique pour l'Union européenne (par ex., le droit de pétition exercé par les citoyens européens auprès de la Commission, TUE, art. 11-4 mod. – TFUE, art. 24, al. 1er). Mais, assurément, on ne saurait soutenir sérieusement que, par elles-mêmes, ces maigres avancées en faveur des citoyens, des associations représentatives et de la société civile – elles n'enlèvent rien sans ajouter grand-chose – sont attentatoires, en France, aux droits et libertés constitutionnellement garantis.

Or, dans un tel cas de figure : la transposition d'un texte à un autre d'un dispositif de même contenu, déjà contrôlé, il est loisible au Conseil constitutionnel d'utiliser la motivation par référence comme il l'a fait, dans la décision commentée, toutes les fois – et elles sont multiples – où les dispositions du Traité de Lisbonne de 2007 sont identiques à celles du Traité établissant une Constitution pour l'Europe de 2004 (en ce sens, consid. 21 et 24). Le Conseil constitutionnel ayant déjà considéré, dans sa décision du 19 novembre 2004, que, par elle-même, la Charte des droits fondamentaux n'appelait pas de révision de la Constitution (Cons. const., 19 nov. 2004 préc., consid. 14 à 22), il n'y avait aucune raison, en effet, que, sur ce point et dans cette limite, il vînt se déjuger en présence d'un texte formellement différent, mais matériellement identique. Compte tenu de ces éléments, le Conseil constitutionnel a donc considéré, à bon droit, que, « pour les mêmes motifs que ceux énoncés par cette décision, la Charte n'appelle de révision de la Constitution ni par le contenu de ses articles, ni par ses effets sur les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale » (consid. 12, décalqué Cons. const., 19 nov. 2004, préc., consid. 22). Au demeurant, c'est moins la décision au fond qui est intéressante que la motivation retenue : il est entendu que, comme le Traité établissant une Constitution européenne avant lui, le Traité de Lisbonne, examiné sous l'angle de la seule Charte des droits fondamentaux, ne remet pas en cause, dans l'état actuel des choses, les droits et libertés garantis par la Constitution française. Mais, pour examiner cette deuxième hypothèse d'inconstitutionnalité, le Conseil se réfère, d'abord, au « contenu de ses articles », et donc à la première hypothèse, de nature formelle : celle de la contrariété sémantique, puis à «  ses effets sur les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale », et donc à la troisième hypothèse, de nature substantielle : celle de la contradiction au fond. C'est assez dire que la deuxième hypothèse d'inconstitutionnalité des traités : celle de l'atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis, n'a pas d'autonomie contentieuse.

La troisième et dernière hypothèse d'inconstitutionnalité à prendre en compte est bien celle du traité qui porte atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Or, il y a, à cet égard, un nombre si important de contradictions de fond entre la Constitution française et le Traité de Lisbonne qu'une fois de plus, le Conseil constitutionnel renonce, dans sa décision, à les récapituler : «  l'autorisation de ratifier le traité modifiant le Traité sur l'Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution » (motivation, consid. 34 et dispositif, art. 1er). Il en sera de même, d'ailleurs, à l'occasion de la révision de la Constitution, dans quelques semaines : en réécrivant l'alinéa 2 de l'article 88-1 par une formule globalisante, le pouvoir constituant va s'éviter d'avoir à corriger, un à un, chacun des motifs d'inconstitutionnalité.

Sans vouloir entrer dans le détail des domaines ou des modalités par lesquels le Traité de Lisbonne affecte les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, tant sur les compétences et le fonctionnement de l'Union (consid. 14 à 28) que sur les nouvelles prérogatives reconnues aux Parlements nationaux dans le cadre de l'Union (consid. 28 à 32), on se contentera de recenser, ici, les éléments nouveaux, et non reformulés :

   * — 
     au titre des domaines autres que ceux déjà transférés, on notera le développement prévu des méthodes alternatives de résolution des litiges (TFUE, art. 81, § 2, g et consid. 18) ;
   * — 
     au titre des modalités autres que celles de l'article 88-2, on retiendra le pouvoir de décision donné au Parlement européen d'approuver la conclusion d'un accord entre l'Union européenne et un pays tiers dans un domaine de la procédure législative ordinaire (dispositif qui relève du TFUE, art. 218, a, v et consid. 22, § 6, d) ; l'existence d'une clause passerelle en droit de la famille qui permet le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée en vertu d'une décision européenne ultérieure prévue par le Traité lui-même, sans donc nécessiter une modification ultérieure du Traité : cette clause passerelle existait déjà (TCE, art. III-269, § 3), mais elle est nouvelle en ce que sa rédaction est complément différente car tout Parlement national pourra, désormais, s'opposer à sa mise en oeuvre (TFUE, consid. 25, art. 81, § 3, dernier al.) ; les moyens nouveaux donnés aux Parlements nationaux pour veiller au respect du principe de subsidiarité dans la procédure législative ordinaire (moyens définis au Protocole, art. 7 § 3, sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité et consid. 32).

Voilà qui fait seulement quatre nouvelles contradictions de fond entre la Constitution française et le Traité de Lisbonne, compte non tenu des multiples contradictions anciennes entre la Constitution française et le Traité établissant une Constitution pour l'Europe, déjà contrôlées par la décision du 19 novembre 2004 précitée, reprises dans le Traité de Lisbonne et sur lesquelles la décision du 20 décembre 2007, remarquablement structurée, ne revient donc pas (y compris – cela ne fait aucune difficulté – en cas de numérotation ou de coordination d'un traité à l'autre), sauf si la motivation par référence est impossible, en raison d'une variation formelle du texte, d'un traité à l'autre. Dans ce dernier cas, l'absence de modification substantielle implique alors une simple réitération adaptée, en 2007, de l'inconstitutionnalité déjà prononcée en 2004 dès lors qu'elle n'est pas véritablement nouvelle, mais ancienne autrement. C'est assez dire combien, même quand ils sont dissemblables, les deux textes sont proches.

Au total, l'essentiel du changement normatif – et donc du choc des normes – est bien issu du Traité établissant une Constitution pour l'Europe, dans les mêmes termes (en ce cas, motivation par référence, par exemple sur les clauses passerelles en matière pénale, TFUE, art. 82, § 2, d, de criminalité transfrontalière, TFUE, art. 83, § 1, al. 3 et de politique étrangère et de sécurité commune, TUE, art. 31, 3 ; consid. 24) ou en d'autres termes (en ce cas, motivation réitérée de façon adaptée, par exemple sur les procédures de révision simplifiée, TUE, art. 48 ; consid. 26 et 27). La révision de la Constitution française, en février 2008, devrait donc permettre de surmonter, en une seule fois, les anciennes (et nombreuses) ou nouvelles (mais rares) contradictions de fond, en ce qui concerne, du moins, « les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale » dans ce Traité de Lisbonne. Toutefois, en tenant compte de l'ensemble du processus depuis 2004, il faut bien mesurer la forte perturbation du droit constitutionnel des États membres qu'induira, en définitive, la forte modification du droit communautaire originaire. La logique intégrationniste, encore et toujours à l'oeuvre de la construction communautaire, continuera, de façon si importante, à affecter, à l'avenir, les compétences de souveraineté des États membres, celles de la France notamment, dans leur substance (domaines) et dans leur exercice (modalités).

II. Mais, la décision du 20 décembre 2007 n'est pas que l'occasion de vérifier, une fois de plus, combien la construction communautaire heurte la Constitution française, contrainte de s'ajuster au fil des années, et en 2008 encore, à un ensemble normatif considérable. Car, ce conflit récurrent entre Constitution et Traité communautaire, posé et résolu, de façon si insuffisante, devant le seul Conseil constitutionnel, par saisine facultative et par voie d'action, du moins en droit positif, continue à faire prévaloir la Constitution française : sur le fondement de l'article 88-1, alinéa 1er, retenu depuis la décision du 10 juin 2004 (Cons. const., 10 juin 2004, n° 2004-496 DC, Économie numérique : Rec. Cons. const. 2004, p. 101 ; JCP A 2004, 1620, note O. Gohin), au titre de l'autonomie acquise du droit communautaire, la décision du 20 décembre 2007 vient énoncer, à son tour, « que le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international », tout en confirmant « la place de la Constitution au sommet de l'ordre juridique interne » (Cons. const., 19 nov. 2004, préc., consid. 7 et 8 reprenant respectivement consid. 11 et 10) : il en résulte, par transitivité, qu'en France, la Constitution prime le droit communautaire dans tous ses éléments. Plus généralement, la Constitution française prévaut sur toutes les autres normes applicables en France, qu'elles soient, en tout cas, d'origine interne ou communautaire.

Rien de nouveau, à cet égard. Telle est bien la position des juridictions françaises, en ce qui concerne la Constitution française, comme elles le disaient nettement, dès avant 2004 : il faut rappeler ici la solution retenue, dans les mêmes termes, par le Conseil d'État, dans son arrêt d'assemblée Sarran (CE, 30 oct. 1998, n° 200286 : Juris-Data n° 1998-051062 ; Rec. CE 1998, p. 368), et par la Cour de cassation, dans son arrêt Mlle Fraisse (Cass. ass. plén., 2 juin 2000, n° 99-60.274 : Juris-Data n° 2000-002324 ; Bull. civ. 2000, ass. plén., n° 4 ; JCP G 2001, II, 10453, note A.-C. de Foucaud), selon laquelle « la suprématie (...) conférée aux engagements internationaux ne s'applique pas, dans l'ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle », formulation qui signifie, de façon implicite, mais nécessaire, la suprématie de la Constitution dans l'ordre interne. La Cour de Luxembourg, il est vrai, dit le contraire (D. Alland, À la recherche de la primauté du droit communautaire : Droits 2007, n° 45, 109-125). Ce n'est pas, d'ailleurs, que, pour être inverse, sa position soit opposée dès lors que, de longue date, elle regarde le droit communautaire, dans son ensemble, comme formant une véritable Constitution supranationale (« Charte constitutionnelle de base » dit – ce n'est pas par hasard – CJCE, 23 avr. 1986, Les Verts c/ Parlement), supérieure aux Constitutions des États membres, glissant irrémédiablement, de la sorte, sur la pente du fédéralisme normatif.

En quoi, pourtant, la solution donnée à la question de la suprématie de la Constitution française par le Conseil constitutionnel, en 2007, est-elle différente de celle qu'il avait déjà donnée, en ce sens, en 2004, lorsque, dans la plus grande confusion, la Constitution européenne était, en même temps, la consécration de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg sur la primauté du droit communautaire, au sens de son acceptation inouïe par les Gouvernements de tous les États membres ? En quoi l'est-elle quand la décision du 19 novembre 2004 précitée venait affirmer, de façon contradictoire, l'intégration de l'ordre juridique communautaire à l'ordre juridique interne (consid. 11) et la différenciation entre, d'une part, l'ordre juridique interne avec primauté de la Constitution (consid. 10), et, d'autre part, l'ordre juridique communautaire avec primauté du droit communautaire (consid. 12 et 13), la Constitution française n'étant donc pas en mesure d'être, à la fois, la norme suprême des ordres juridiques communautaire et interne, par défaut de combinaison des consid. 10 et 11, dès lors que la Constitution européenne disait précisément le contraire (art. I-6) ? En ceci que le contexte juridico-politique a changé et que la décision du 20 décembre 2007, ainsi fluide et claire, s'applique, tout simplement, à un traité qui n'entend plus, désormais, être constitutionnel et qui, effectivement, ne l'est plus. Car, quand bien même l'Union européenne, substituée à la Communauté européenne, est dotée de la personnalité juridique (TUE, art. 47 mod.), elle ne se présente plus et elle n'est plus présentée comme un État en formation. Cause et conséquence de cette affirmation : comme les traités communautaires antérieurs, mais à la différence de l'ex-Constitution européenne, le Traité de Lisbonne ne mentionne pas la primauté du droit communautaire.

Il existe, toutefois, une déclaration 27 relative à la primauté, jointe au Traité de Lisbonne, ainsi rédigée : « la conférence rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'UE, les traités et le droit adopté par l'Union sur la base des traités priment le droit des États membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence » (§ 1er). Mais, la conférence intergouvernementale n'est pas chacun des États membres. De plus, l'avis du service juridique du Conseil en date du 22 juin 2007, consigné dans la même déclaration 27, se contente, pour sa part, de rappeler qu'« il découle de la jurisprudence de la Cour de justice que la primauté du droit communautaire est un principe fondamental dudit droit. Selon la Cour, ce principe est inhérent à la nature particulière de la Communauté européenne. À l'époque du premier arrêt de cette jurisprudence constante (CJCE, 15 juill. 1964, aff. 6/64, Costa c/ Enel : Rec. CJCE 1964, p. 1159), la primauté n'était pas mentionnée dans le traité. Tel est toujours le cas actuellement. Le fait que le principe de primauté ne soit pas inscrit dans le futur traité ne modifiera en rien l'existence de ce principe ni la jurisprudence en vigueur de la Cour de justice » (§ 2). Mais, ce n'est là qu'un simple avis d'un organe extérieur aux États membres. Et puis, au fond, tout cela ne change rien : rappeler, par deux fois, une jurisprudence bien connue de la Cour de justice ne signifie pas que chaque État membre la fasse sienne. Car, il découle aussi, et surtout, du rejet de la Constitution européenne qu'en 2005, les États membres n'ont pas admis, à l'unanimité requise, ce principe de primauté et que la France, notamment, a refusé que son propre droit constitutionnel puisse être subordonné au droit communautaire, originaire ou dérivé, antérieur ou postérieur. L'important, en effet, dans le résultat du référendum du 29 mai 2005, est bien le rejet qu'il signifie, de la part du peuple français, et donc de l'État français à travers lui, de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, sur ce point précis, serait-elle constante – et d'ailleurs renforcée – depuis sa décision de principe de 1964.

C'est en vain que l'on invoquerait, en sens contraire, la force contraignante des déclarations qui, à la différence des protocoles et annexes, partie intégrante des traités communautaires (TUE, art. 51 mod.), ne sont que d'intention, sans valeur juridique obligatoire pour les États membres. Du reste, le Conseil constitutionnel se réfère, dans sa décision du 20 décembre 2007, aux seuls éléments dont l'autorisation de ratification est prévue : au Traité de Lisbonne, y compris ses protocoles et annexes, et non pas aux déclarations : il y a une différence notable, sur ce point, avec la décision du 19 novembre 2004 qui se référait, quant à elle, à « la déclaration annexée au Traité sur la primauté du droit communautaire » (consid. 12) pour la raison que cette primauté figurait dans la Constitution européenne (art. I-6). Plus précisément, quand est décrite l'architecture de ce Traité et que sont énumérées ses composantes successives, il est mentionné que « son article 4 est relatif aux deux protocoles qui lui sont annexés ; (...) qu'enfin, ce traité annexe onze protocoles au Traité sur l'Union européenne, au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou au Traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique » (consid. 2). Au demeurant, la déclaration 27 « sur la primauté » est insusceptible de se rattacher à l'une quelconque des dispositions des traités communautaires, en vigueur ou en cours de modification. Le commentaire des Cahiers du Conseil constitutionnel n'en fait, d'ailleurs, pas mystère en notant que « l'affirmation de la place de la Constitution au sommet de l'ordre juridique interne, qui figurait dans la partie relative à la primauté du droit de l'Union dans la décision de 2004, a été intégrée, dès lors que le Traité de Lisbonne ne traitait plus de cette primauté, dans la partie réservée au rappel des normes de référence ».

On dira : peu importe, après tout, puisque – on l'a déjà souligné – la Cour de Luxembourg soutient le contraire, avant comme après 2005, non seulement sans, mais, au besoin, contre les États membres, comme si de rien n'était depuis l'échec subi par le projet de Constitution européenne devant les peuples français et néerlandais explicitement, pour ne rien dire de ceux qui ont été réduits au silence. Il en faudrait beaucoup plus, assurément, pour ébranler durablement l'édifice qui n'a pas de politique de rechange au fédéralisme rampant de la construction communautaire, avec des institutions qui ont pour seule raison d'être cette fuite en avant éperdue dans la supranationalité technocratique : la Cour de justice, principalement, qui se comprend, depuis si longtemps, comme la Cour suprême d'un ordre juridique communautaire intégrant les ordres juridiques des États membres ; mais aussi, la Commission qui a l'initiative exclusive des textes, le Parlement qui est le grand bénéficiaire de la procédure de codécision et la Banque centrale qui dispose seule de la politique monétaire, dans la zone euro, à finalité exclusivement anti-inflationniste.

C'est là que la confirmation par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 décembre 2007, de sa position sans ambiguïté, désormais, en faveur de la suprématie de la Constitution française, au rebours de la jurisprudence de la Cour de justice fixée depuis 1964, importe au plus haut point pour la souveraineté nationale – et donc pour la France en tant qu'État – même si, depuis sa décision du 10 juin 2004 précitée, le droit communautaire dérivé échappe, en principe, au contrôle de constitutionnalité. Mais, en principe seulement, c'est-à-dire sous réserve d'une compétence d'exception qu'il maintient, de façon résiduelle, au titre d'une réserve d'inconstitutionnalité du droit communautaire, envisagée, de façon indirecte, sous l'angle d'une loi nationale de transposition venant contredire une « disposition expresse contraire de la Constitution » (consid. 7). Doit-on exclure définitivement, de cette réserve d'inconstitutionnalité, l'hypothèse du droit communautaire originaire ? Oui, sans aucun doute, pour autant que, comme à l'occasion de sa modification par le Traité de Lisbonne, il a fait l'objet, préalablement, d'un contrôle du Conseil constitutionnel, mais dans cette mesure seulement.

Doit-on aussi exclure de cette réserve d'inconstitutionnalité le droit communautaire dérivé lorsqu'il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable comme les règlements communautaires ou lorsqu'il est obligatoire dans les résultats qu'il désigne comme les directives (TFUE, art. 288) ? On ne le pense pas, même en l'absence de loi de transposition en ce qui concerne le règlement ou les objectifs de la directive, sauf à laisser pour inappliquée la primauté de la Constitution française, expressément contraire. Cette primauté, au surplus, est-elle celle du droit constitutionnel originaire ou dérivé ? La notion même de « disposition expresse contraire de la Constitution », dans la décision du 10 juin 2004 (consid. 7), donne la réponse : il s'agit de toute disposition, qu'elle qu'en soit la date, y compris, s'agissant du droit constitutionnel dérivé, dans l'hypothèse où elle serait contraire à tel ou tel élément antérieur du droit communautaire. Toute autre solution mettrait en cause la place de la Constitution française au sommet de l'ordre juridique applicable en France, y compris les éléments d'origine communautaire de cet ordre juridique.

Comment interpréter alors la prochaine révision de la Constitution française en tant qu'elle permettra d'intégrer, une fois encore, les nouvelles atteintes portées aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale au bénéfice de tel ou tel élément d'une politique commune, décidé contre la France, mais imposé à la France ?

   * — 
     soit on dira qu'une telle révision n'est pas de nature, par elle-même, à porter atteinte à la souveraineté française, indivisible et inaliénable, dès lors qu'est toujours préservée la capacité de la France à refuser l'adoption de cette politique commune. On est ici en présence d'une constitutionnalité aménagée en commun avec, toutefois, une clause de sauvegarde étatique ;
   * — 
     soit, formulation moins radicale, on dira qu'une telle révision correspond à une constitutionnalité partagée en principe, pour le temps normal qui est celui de la route commune, étant admis qu'il existe aussi une constitutionnalité conservée par exception, pour des circonstances qui exigent le retour à un chemin séparé.

Il y a, si besoin est, une consolidation partielle de cette construction normative qui résulte pour la France, et donc en France, du compromis de Luxembourg en date du 29 janvier 1966, tel qu'il devrait toujours être interprété par les pouvoirs publics constitutionnels, avec force de droit positif. Que dit ce texte, dans son premier paragraphe rarement cité, du moins en termes exacts ? Ceci : « lorsque, dans le cas de décisions susceptibles d'être prises à la majorité sur proposition de la Commission, des intérêts très importants d'un ou de plusieurs partenaires sont en jeu, les membres du Conseil s'efforceront, dans un délai raisonnable, d'arriver à des solutions qui pourront être adoptées par tous les membres du Conseil dans le respect de leurs intérêts mutuels et de ceux de la Communauté ». En cas de mise en jeu « des intérêts très importants » d'un État membre dont la France, l'accord unanime est donc à rechercher au sein du Conseil de sorte que la délégation de chaque État membre dispose d'un droit de veto dont l'usage devrait tendre à éviter l'adoption d'un projet d'acte législatif européen, du moins de toute clause d'un tel projet, contraire à ses intérêts très importants. Y compris dans l'hypothèse où, par application du droit communautaire, la décision serait à prendre à la majorité, même qualifiée, il y a là, tout simplement, la manifestation, au niveau constitutionnel qui convient, de la souveraineté de l'État membre, composante décisive de la définition de tout État telle qu'elle s'exprime dans la primauté de sa propre Constitution à laquelle la notion d'intérêts très importants renvoie nécessairement. Or, dans son important discours prononcé à Strasbourg, le 2 juillet 2007, le président de la République, garant du respect de la Constitution et des traités, a déclaré ceci que l'on ne saurait, à présent, passer sous silence : « en renonçant à la démarche constitutionnelle, on revient à la logique des traités. Cela signifie que tout l'acquis communautaire est préservé, et cela veut dire aussi que le compromis du Luxembourg reste en vigueur. Il permet, depuis que le général de Gaulle l'a imposé en 1966, à tout État membre d'opposer son veto à toute décision qui mettrait en jeu ses intérêts fondamentaux. C'est essentiel. C'est le signe qu'au-delà de toutes les délégations qu'une nation peut consentir pour que sa souveraineté soit exercée en commun avec les autres nations d'Europe, chacune garde la maîtrise ultime de son destin. C'est le signe que l'Europe est fondée sur le partage et non sur l'abandon ». Il y a là une déclaration de principe, discutable certainement lorsqu'elle vient, à son tour, confondre souveraineté et compétences, mais qui se suffit certainement à elle-même en tant qu'elle est en correspondance avec cette simple exigence constitutionnelle : préserver les intérêts, non pas vitaux ou essentiels ou même majeurs de la France, mais ses intérêts « très importants » – cela suffit, le texte du compromis de Luxembourg étant donc nettement plus compréhensif en faveur de la souveraineté nationale qu'on ne le dit souvent – en tant qu'ils coïncident avec les données de la mission du président de la République, décrite à l'article 5 : le respect de la Constitution passe par la préservation de la continuité de l'État, à travers la garantie qu'en tant que Président de la République, il doit assurer des éléments de sa définition : le peuple par la nation indépendante, le territoire par son intégrité et les pouvoirs publics par leur fonctionnement régulier, y compris en tant que la France participe à l'Union européenne : la décision du 20 décembre 2007 la présente, à juste titre, comme une « organisation européenne permanente, investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les États membres » (consid. 8). Il faudrait ajouter : de façon libre (Const., art. 88-1) et réversible (TUE, art. 50 mod.), c'est-à-dire sans aliéner, en aucune façon, la souveraineté nationale qui caractérise essentiellement l'État et dont la Constitution est l'expression fondamentale.

Toutefois, il serait sans doute utile, sans que cela soit nécessaire, que la prochaine révision de la Constitution, dans les semaines qui viennent, soit l'occasion de consacrer, en droit français, le compromis de Luxembourg de sorte que, combinant les deux interprétations susmentionnées, la clause de sauvegarde ne serait plus implicite et donc discutée, en tout cas en France, le droit constitutionnel des circonstances exceptionnelles étant alors élargi à l'hypothèse où un acte législatif européen, en cours d'élaboration, viendrait méconnaître les intérêts très importants de la France. Le président de la République devenant aussi le garant de ces intérêts au sein de l'Union européenne, lorsqu'ils seraient en jeu par une clause d'un projet d'acte législatif européen, il serait alors fait obstacle à l'adoption de cette clause par le Conseil. On soulignera que la garantie peut être a minima : il faudrait que des intérêts très importants de la France soient en jeu, à l'appréciation de la délégation française qui a le pouvoir de décision pour la France ; de plus, ce ne serait pas tout l'acte à adopter qui serait alors concerné, mais seulement la clause contraire à des intérêts très importants de la France ; enfin, l'exercice du droit de veto serait provisoire, tant que la menace encourue par l'acte en cours d'adoption ne serait pas levée.

Bien entendu, il faut envisager que le premier paragraphe du compromis de Luxembourg précité soit tenu en échec par le refus d'un ou de plusieurs États membres de recourir à la décision unanime. Cette hypothèse est, d'ailleurs, envisagée par le deuxième paragraphe du même compromis : « en ce qui concerne le paragraphe précédent, la délégation française estime que, lorsqu'il s'agit d'intérêts très importants, la discussion devra se poursuivre jusqu'à ce que l'on soit parvenu à un accord unanime ». On devrait donc également prévoir, à l'occasion de la prochaine révision, que la France ne soit pas liée par la clause d'un acte législatif européen adoptée, sans son accord, par le Conseil si la délégation française a demandé, avant son adoption, l'application du compromis de Luxembourg et tant que des intérêts très importants de la France sont en jeu. Il y a là un verrou nécessaire pour qu'au niveau normatif qui convient, la protection des intérêts très importants de la France reste efficace : le veto d'adoption, s'il est passé outre, devrait induire un veto d'application en France. Mais, là encore, il s'agirait d'une situation provisoire, en fonction de la persistance ou non de la mise en jeu des intérêts très importants de la France par l'acte adopté, à l'appréciation des pouvoirs publics constitutionnels.

Non sans rapport avec le mécanisme de l'article 16 de la Constitution qui correspond à la même thématique de continuité de la puissance publique lorsque l'essentiel pour l'État est en cause, cette double garantie constitutionnelle préserverait ainsi la cohérence d'une Constitution construite, depuis 1958, sur l'affirmation de la souveraineté nationale dont les pouvoirs publics, rappelés à l'ordre, en ce sens, par le peuple français, à l'occasion du référendum du 29 mai 2005, ont à concilier, autant que faire se peut, Constitution française et Traité de Lisbonne. À présent, il s'agit, pour eux, de tirer, à cet effet, toutes les conséquences qui s'imposent de la décision du Conseil constitutionnel, en date du 20 décembre 2007, en faveur de la primauté, en France, de la Constitution, sans primauté, pour la France, du droit communautaire.