Bataille du Texel (1694)

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Bataille du Texel (1694)
Informations générales
Date 29 juin 1694
Lieu Au large de Texel
Issue Victoire française
Belligérants
Royaume de France Royaume de France Provinces-Unies Provinces-Unies
Commandants
Jean Bart Hidde Sjoerds de Vries
Forces en présence
5 frégates
2 flutes
322 canons
8 navires
388 canons
Pertes
16 morts
50 blessés
300 morts ou blessés
dont l'amiral de Vries
3 navires capturés
30 marchands capturés
Guerre de la Ligue d'Augsbourg
Philippsburg — Mayence — Aughrim —Baie de Bantry — Boyne  — Walcourt — Fleurus — Cap Béveziers — Staffarda — Cueno — Mons — Leuze — Barfleur — La Hougue — Namur (1692) — Steinkerque — Lagos — Neerwinden — La Marsaille — Charleroi — Rivière Ter — Texel — Brest — Bruxelles — Namur (1695) — Dogger Bank — Carthagène — Barcelone — Baie d'Hudson
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La bataille navale du Texel a lieu le 29 juin 1694, au large de l'île néerlandaise du Texel, pendant la guerre de la Ligue d'Augsbourg.

Elle oppose une petite escadre de corsaires dunkerquois commandée par Jean Bart à un groupe de navires de guerre hollandais commandé par le contre-amiral Hydde de Vries. L'enjeu est de reprendre une flotille de 60 navires chargés de blé, flotille précédemment capturée par les Hollandais. Le résultat est une victoire de Jean Bart, qui parvient à reprendre 30 navires. L'amiral de Vries est blessé et fait prisonnier. Il succombera à ses blessures.

Sommaire

[modifier] Le contexte

1694. La France a faim. Le blé manque, et pas seulement par le fait de la nature ; celui qui existe, les spéculateurs le cachent. Le roi achète bien du blé russe et polonais, mais les ennemis l'interceptent souvent, et les navires danois et suédois, payés pour le protéger, ne montrent aucune combativité pour le défendre, quand encore ils ne le vendent pas.

Affamer la France est bien un but de guerre conscient. Le contre-amiral de Vries avait ordre d'intercepter tout navire chargé de blé se rendant en France, comme il l'indiquera à Jean Bart « Je vous dirai seulement que le contre-amiral m'a dit qu'il avait reçu ordre du prince d'Orange d'arrêter et d'envoyer en Hollande tous les vaisseaux chargés de grains qu'il trouverait venir en France. »[1]

[modifier] Navires engagés

France :

  • le Fortuné, frégate
  • le Comte, frégate, 40 canons
  • le Maure, frégate, 54 canons, Capitaine Jean Bart
  • le Mignon, frégate, 44 canons
  • l' Adroit, frégate, 44 canons
  • le Portefaix, flute de charge
  • le Jersey, flute de charge

Provinces-Unies

  • le Princesse-Émilie, 58 canons
  • l'Oudenarde, 40 canons
  • l'Oster-Stellmgh, 50 canons
  • le Prince de Frise, 58 canons, Contre-Amiral de Vries
  • le Stadenland, 50 canons
  • le Zeereepe, 34 canons
  • le Défenseur des défenseurs, 44 canons
  • le Ville de Flessingue, 54 canons
  • 60 navires marchands

[modifier] Le combat

Jean Bart reçoit les ordres d'aller au devant de la flotte qui transporte ce blé, et la convoyer lui-même. On se doute que le convoi va être attaqué.

Le 29 juin 1694, à trois heures du matin, Jean Bart rencontre une flotte de soixante voiles, qui se dirige vers l'île néerlandaise de Texel escortée par des vaisseaux de guerre. On peut donc supposer, sans certitude absolue, que l'attaque a déjà eu lieu, et la flotille est déjà prisonnière des Hollandais. Il ne s'agit donc plus de l'accompagner, mais de la reprendre.

Huit navires de guerre hollandais lui font escorte, totalisant 388 canons. Parmi eux, le Prince de Frise, sur lequel flotte le pavillon du contre-amiral Hidde de Vries en personne. En face, les Français n'alignent que 322 canons sur sept navires, dont deux flûtes conçues pour le transport de pondéreux et non pour le combat naval. Le déséquilibre des forces est évident.

Va-t-on prendre l'initiative de la recapturer ? Jean Bart réunit ses capitaines en conseil de guerre, indice que l'entreprise est très risquée. Tous sont unanimes : s'il s'avère que la flotte est bien chargée de blé, et dans ce cas seulement, on prendra tous les risques pour le pain de la France. De Chamblaye, commandant de "la barque longue", entreprend une délicate mission de renseignement. Il passe sous le canon des Hollandais, dont il essuye tout le feu, parvient à interroger un marchand, et vient rapporter à Jean Bart que cette flotte était celle de Hecker, qu'elle était destinée pour Dunkerque; que le jour auparavant elle avait été rencontrée par l'escadre hollandaise, qui s'en était emparée en tirant les capitaines d'une partie des vaisseaux les plus de conséquence et mettant de leurs gens en leur place, et l'obligeait ainsi de faire la route du Texel.

Dans ces conditions, les capitaines sont unanimes, l'attaque est décidée, on va même la brusquer, puisque les Hollandais sont maintenant au courant du danger.

Jean Bart prend quand même le temps de transférer un équipage corsaire sur le Portefaix, modeste navire de charge, qui va mener avec courage la mission d'"occuper" le navire de guerre que les Hollandais ont en plus. Jean Bart raconte :

Pour n'être point embarrassé par le nombre, je jugeai à propos de donner le commandement du "Portefaix" au sieur de la Bruyère, premier lieutenant du "Maure" pour occuper un des vaisseaux que les ennemis avaient du plus que nous, et lui fis un équipage de 120 hommes, qui furent tirés de ceux de l'autre flûte et de la barque longue. Le temps qu'il fut à s'apprêter donna aux ennemis celui de s'élever un peu au vent, parce que nous restâmes toujours en panne. Le "Portefaix" se trouvait sous le vent de mon escadre, celle des ennemis revira, et une partie coupa entre la flûte et nous. Le sieur de la Bruyère prit le parti qu'il devait sans s'en étonner, fit servir en même temps que moi, passa entre le second et le troisième, essuya les bordées de quatre avec fermeté, et vont chercher son poste; j'arrivai ensuite sur les ennemis.

Le transbordement de 120 hommes a pris du temps, un temps que les Hollandais ont mis à profit.

Le corsaire dunkerquois donne l'ordre de l'abordage. Il se réserve le commandement du Maure, et l'abordage du Prince de Frise. Cela tombe bien, car le navire amiral fait manœuvre vers le Maure, indice que de Vries s'est réservé Jean Bart. Il ne faut donc guère s'attendre à la fréquente reddition sans combat qui suit les abordages. Quant au profit à en attendre, parlons en : il s'agit d'une mission régulière et non d'une affaire de caprerie. Jean Bart s'attend donc à être payé par le roi quand le roi aura de l'argent, et il en a rarement.

Jean Bart fait aborder le Prince de Frise. Pendant une demi-heure, le temps du combat, 600 à 700 hommes s'entretuent sur ce seul navire. Au total, 300 Hollandais sont tués ou blessés ; les Français ont de la chance : ils n'ont "que" 3 tués et 27 blessés sur le navire amiral, 16 tués et environ 50 blessés au total. Deux autres navires hollandais sont abordés de la même façon, les cinq autres parviennent à prendre la fuite. Les trois frégates danoises et suédoises qui étaient censées assurer la protection du convoi de blé assistent à la bataille en spectatrices.

Entre autres blessures, l'amiral de Vries a eu un œil crevé d'un coup de pic alors qu'il tentait de défendre le pavillon-amiral. Il est conduit à Dunkerque, où il faut l'amputer d'un bras. Le barbier l'anesthésie à la corsaire, d'une bonne rasade d'eau de vie. L'horrible opération ne sauve pas le malheureux officier, mais il estime que son honneur est sauf, car il a été vaincu par des héros, et il meurt heureux, le 1er juillet 1694, en déclarant qu'il n'a jamais été à si belle fête.

Voici le blé libéré. Les navires impressionnent, tous groupés à l'entrée du port de Dunkerque. Nul ne songe que c'est bien peu par rapport aux besoins du pays, et heureusement que nul n'y songe, car la psychologie démultiplie les effets de la bataille du Texel, et fait sortir des greniers le blé des spéculateurs, dont le prix chute. La France est sauvée de la famine.

Jean Bart envoie son fils François porter à Versailles la nouvelle de la victoire ainsi que le pavillon-amiral de l'infortuné de Vries. Le jeune homme court, glisse sur le parquet ciré, tombe (presque) dans les bras du Roi, qui s'écrie en riant : "Messieurs Bart sont meilleurs marins qu'écuyers." Jean Bart est anobli, il est même payé.

[modifier] Les suites du combat

La Bataille du Texel est, pour Dunkerque, ses corsaires, et tous ses habitants, un sujet de fierté particulièrement justifié. L'enjeu n'était pas un territoire ou une vaine gloire. C'est pour le pain de la France que l'on s'est battu, on tient à le souligner dans le petit peuple qui vit difficilement.

La victoire impressionne et fait sortir le blé des greniers des spéculateurs, ce qui démultiplie son importance économique.

C'est aussi le début d'un immense respect du Roi pour Jean Bart et, à travers lui, pour Dunkerque.

On peut dire que c'est la bataille du Texel qui rattache vraiment, par les liens du cœur, Dunkerque à la France, alors même que cette ville très disputée avait changé de mains de multiples fois, et que les intérêts ne convergeaient que laborieusement entre le corsaire dunkerquois et les autorités maritimes françaises.

[modifier] Notes & Références

  1. Rapports sur la bataille du Texel de 1694 rédigés par Jean Bart

[modifier] Sources

Histoire maritime de France contenant l'histoire des provinces et villes ... de Léon Guérin - 1851

[modifier] Bibliographie

Cette bibliographie, composée de livres effectivement lus dans le cadre de cette recherche, constitue aussi les sources de l'article.

  • Dunkerque de Jean-Luc Porhel ; éditions Alan Sutton 1997 ; l'auteur a été Directeur des Archives municipales de Dunkerque
  • Fortunes de mer sur les bancs de Flandres de Jean Luc Porhel ; 1987 ; peut-être lu aux Archives municipales de Dunkerque ; contient le récit de tous les naufrages documentés
  • Jean Bart et la guerre de course, par Armel de Wisme ; 1973 ; éditions Gallimard, collection Archives
  • Visages de corsaires, par Roger Vercel ; Albin Michel
  • Jean Bart, par Jacques Duquesne ; 2002 ; Le Seuil
  • Gens de mer à Dunkerque aux 17ème et 18 ème siècles, par Alain Cabanton et Jacky Messiean
  • Les corsaires dunkerquois et Jean Bart de 1662 à 1702 ; La grande guerre des corsaires - Dunkerque ; par Henri Malo ; 1925, Paris, Emile Paul ; ne sont plus disponibles en librairie ; lecture possible à la bibliothèque du Musée portuaire de Dunkerque

[modifier] Liens externes

D'une façon générale, on trouvera un fond bibliographique spécialisé très riche à la bibliothèque du Musée portuaire de Dunkerque.