Aufklärung

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L'Aufklärung, souvent identifiée aux Lumières est en fait difficile à définir. Le terme n’est utilisé en Allemagne qu’à partir de 1770. Ce courant de pensées s’étend approximativement des années 1720/1730, qui marquent la fin du baroque, aux années 1775/1785, pendant lesquelles s’impose le Sturm und Drang.

Il faut savoir que la situation culturelle de l'Allemagne du XVIIIe siècle diffère de celles de l'Angleterre ou de la France. Les professeurs et les pasteurs, à l'origine de l'Aufklärung, ne connaissent pas l'opposition entre la philosophie et la religion. Le renouveau philosophique allemand s'inscrit donc dans le cadre du christianisme. Ce renouveau privilégie la logique et la métaphysique contrairement à la France et à l'Angleterre. La bourgeoisie et la noblesse participent peu au mouvement intellectuel. Enfin, il faut noter que les gouvernements, qui contrôlent l'Université et l'Église, savent promouvoir les réformes nécessaires et accompagner le renouveau intellectuel. L'Aufklärung se soucie peu des découvertes et de la réflexion scientifiques. Il faut attendre le milieu du XVIIIe siècle pour que Newton soit reconnu ; et que les nouveaux philosophes français et anglais soient découverts.

Sommaire

[modifier] Les précurseurs

Gottfried Wilhelm von Leibniz (1646-1716) a écrit La Théodicée (1710) et La Monadologie (1714). Il affirme que Dieu, qui est la perfection, ne peut avoir créé un monde défectueux. « Il résulte de la perfection suprême de Dieu, qu’en produisant l’univers, il a choisi le meilleur plan possible où il y ait la plus grande variété avec le plus grand ordre [...] Car tous les possibles prétendant à l’existence dans l’entendement de Dieu à proportion de leur perfection, le résultat de toutes ces prétentions doit être le monde actuel, le plus parfait qui soit possible. » Leibniz défend une vision optimiste de l’univers.

[modifier] Les fondateurs

Christian Thomasius, (1655-1728), théologien, philosophe, juriste et pédagogue, est la première figure de l'Aufklärung. Il pense qu'aucune école ne peut s'attribuer le monopole de la vérité. Sans l'aide de Dieu l'homme est incapable de découvrir le vrai ni de suivre la vertu. Mais Thomasius prône la tolérance religieuse, la liberté de pensée et de dispute, la lutte contre l'autorité traditionnelle et les préjugés, l'abolition de la torture.

Christian Wolff est l'autre grande figure de l'Aufklärung philosophique. Dans sa Theologia naturalis de 1736, il adhère comme Leibniz à l’idée du meilleur des mondes possibles: « Le mal physique et le mal moral sont, dans cette série, inclus de telle sorte dans le bien que si l’on en retirait le mal on en retirerait en même temps le bien. [1]. Il s'efforce de bâtir un système philosophique logique dans lequel l'expérience joue un rôle important. L'ontologie est pour lui une discipline philosophique impôrtante en tant que science de l'être en général. D'une manière générale, en psychologie et en morale, Wolff défend la raison humaine contre toute limitation extérieure.On rencontre chez Wolff les idées fortes de l’Aufklärung: Dieu grand architecte, confiance dans l’homme, dans les capacités de son entendement, optimisme, croyance au progrès.

Jusqu'en 1740, le thomasisme et le wolffisme dominent la philosophie. Mais l'accession au trône de Frédéric II donne à l'Aufklärung un nouveau départ. En effet, le roi de Prusse est un fervent admirateur de la pensée française. Non seulement il s'entoure de penseurs français célèbres comme le marquis d'Argens, Julien Offray de La Mettrie, Voltaire ou d'Alembert, mais il réorganise l'Académie de Berlin, qu'il confie à Maupertuis. De plus, l'esprit de tolérance religieuse et philosophique du roi permet l'évolution de toute la théologie protestante.

[modifier] L'évolution de l'Aufklärung

A côté de la philosophie universitaire, une « philosophie populaire » se développe. Hostile au langage technique et à l'ordre abstrait des traités, la « philosophie populaire » souhaite la clarté dans l'argumentation des références concrètes et un recours au sentiment. Elle est humaniste, moraliste,esthétique et empiriste. Elle en revendique une liberté de pensée dépourvue de tout contenu révolutionnaire. Elle s'élabore surtout dans les salons bourgeois où se distinguent certains hommes d'affaires et des fonctionnaires. À Berlin, Moses Mendelssohn, Christoph F. Nicolai, éditeur et journaliste et Gotthold Ephraim Lessing, un dramaturge important, en sont de typiques représentants. Ce dernier est un fervent militant pour la tolérance. Il défend un idéal de cosmopolitisme et d’universalisme. Ses deux dernières oeuvres, Nathan le Sage (1779) et L’Education du genre humain en 1780 sont à cet effet son testament idéologique. Dans Nathan le Sage, il écrit: «Le chrétien et le juif sont-ils chrétien et juif avant d’être hommes? ». Il condamne les croisades et les guerres de religion.
Dans L’Éducation du genre humain, il retrace l’évolution religieuse et morale de l'humanité sous la direction d’un Dieu pédagogue: « La révélation est au genre humain ce que l’éducation est à l’individu. » Il assigne à Dieu un rôle de promoteur de la raison au sein de l’humanité. C’est lui qui par des révélations successives permet au genre humain de s’élever vers un stade ultime de développement, vers ce que l’écrivain appelle « l’époque d’un nouvel évangile éternel »[1].
Moses Mendelssohn, grande figure de la Haskala, les lumières juives défend lui aussi un idéal de tolérance et le principe d’une séparation de l’Eglise et de l’Etat: « Laissez chacun parler comme il l’entend, invoquer Dieu à la façon de ses pères et chercher son salut où il croit le trouver. Si vous donnez à César ce qui est à César, donnez à Dieu ce qui est à Dieu![1] ».

Dans l'Aufklärung, on voit apparaître de nombreuses formes de déisme ou même de panthéisme mais l'athéisme ou le matérialisme sont des plus rares. À partir de 1740, une nouvelle tendance, le néologisme, d'origine wolffienne, s'attaque aux dogmes et développe certaines critiques des textes bibliques. De fait, la pensée religieuse évolue. La religion naturelle se fonde sur la raison et son contenu est purement moral. Johann Georg Hamann sceptique radical et contempteur de la raison, exerce une forte influence sur le romantisme : pour lui, la Révélation est une intuition mystique et poétique.

Les champs d'étude de l'Aufklärung sont nombreux:philosophie etthéologie en premier lieu mais aussi psychologie, pédagogie et philosophie du droit et de l'histoire. La nouvelle approche de la psychologie, plus pragmatique prépare la psychologie expérimentale du XIXe siècle. en matière de pédagogie, Johann Bernhard Basedow (1723-1790) un théoricien novateur. Il fait l'éloge d'une éducation interconfessionnelle et cosmopolite fondée sur le bon sens et utilisation pratique des connaissances. L'enfant doit apprendre tôt plusieurs langues vivantes. L'étude doit être considérée comme une forme de jeu dans un cadre collectif. Johann Joachim Winckelmann est le fondateur de l'histoire de l'art ancien. Lessing developpe une théorie de la dramaturgie et insiste sur la valeur dynamique de l'émotion.

[modifier] Kant

En 1784, Emmanuel Kant écrit cette phrase célèbre: « L’Aufklärung, c’est la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d’un autre. On est soi-même responsable de cet état de tutelle quand la cause tient non pas à une insuffisance de l’entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s’en servir sans la conduite d’un autre. Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement! Voilà la devise de l’Aufklärung.[1]. » Ces quelques lignes témoignent d’un glissement du théocentrisme vers l’anthropocentrisme. Elles revalorisent l’homme, le rendent conscient de ses potentialités et constituent un appel à l’émancipation. L'homme doit se libérer de toute tutelle, notamment celle des autres hommes, surtout celle d’un guide spirituel, ou d’un directeur de conscience comme c’était la mode à l’époque. Il ne doit pas compter sur un Dieu intervenant dans les actions humaines et auquel il faut s’en remettre pour toute décision.

Chez Kant apparaissent les signes avant-coureurs d’un dépassement de l’Aufklärung. En effet, il souligne l’impossibilité de connaître le réel en soi et met, par conséquent, l’accent sur les limites des facultés humaines de connaissance. Il dresse un constat d’impuissance en soulignant que l’homme, prisonnier des catégories de son entendement, ne peut avoir de la vérité qu’une perception relative et subjective. D’une certaine façon, il ébranle lui aussi ce qui constitue le fondement de l’Aufklärung: la confiance dans les capacités humaines et l’optimisme[1].

L’avènement du Sturm und Drang, qui tente de réhabiliter l’irrationnel, la passion, le merveilleux met fin à l'Aufklärung.

[modifier] Notes et références

  1. abcde Aline Le Berre, « « Aufklärung » sur [1]. Consulté le 10 mai 2008

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Bernard Bourgeois, La philosophie allemande classique, Paris, P.U.F, 1995.
  • Emil Ermatingen, Emil, Deutsche Kultur im Zeitalter des Aufklärung, Aufgabe. Frankfurt a/M. ( Handbuch der Kulturgeschichte I, 7), 1969.
  • Pierre Grappin, L’Allemagne des Lumières, Paris, Didier Erudition, 1982.
  • Olivier Juilliard, article Aufklärung, Encyclopaedia Universalis, DVD, 2007
  • Roland Krebs, Nouvelles recherches sur l’Aufklärung, Reims, Presses Universitaires, 1987.
  • Aline Le Berre, Prémices et avènement du théâtre classique en Allemagne 1750-1805. Influence et évolution de Lessing, Goethe, Schiller, Avignon, Arias, 1996.
  • Gérard Raulet, Aufklärung. Les Lumières allemandes». Textes et commentaires, Paris, G-F Flammarion, 1995.

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

  • Aline Le Berre, Article Aufklärung, Dictionnaire International des Termes Littéraires sur [2]