Aspect sécant/non-sécant

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L'opposition aspectuelle sécant/non-sécant (ou sécant/globale) est une opposition grammaticale[1].

Dans l'aspect sécant, on envisage l'action saisie à un moment précis de son déroulement. Ce moment sépare le procès du verbe en deux parties (sécant vient du latin secare, « couper »). La première partie est la partie achevée du procès, la deuxième partie est virtuelle, floue, on n'en connaît pas la limite. Par exemple : Il chantait une chanson. L'action de chanter est prise à un moment donné, on sait quand l'action a commencé (on peut dire Depuis ce midi il chantait) mais on ne sait pas quand l'action finira : on ne dit pas Il chantait jusqu'à midi.

Cependant si l'imparfait indique l'aspect itératif (il chantait tous les jours), la répétition de l'action nous empêche de pouvoir considérer l'action à un moment de sa progression, et nous oblige à la considérer globalement (comme un passé simple, toujours non-sécant). L'imparfait, sauf dans ce cas particulier, indique toujours l'aspect sécant.

Dans l'aspect non-sécant (ou global), on envisage l'action globalement, considérée de l'extérieur comme un tout indivis : Il marcha des heures jusqu'à Paris. Le passé simple indique toujours, sauf cas particulier, l'aspect non-sécant. Ce n'est pas un temps analytique comme l'imparfait : le passé simple ne pénètre pas le procès du verbe, il reste dans une vision extérieure de ce procès.

C'est une opposition systématique en français : l'imparfait indique toujours l'aspect sécant. Le passé simple indique l'aspect non-sécant.

Un exemple particulièrement net de cette opposition est quand elle concerne un même verbe. Ainsi l'aspect non-sécant de l'année dernière, il acheta une voiture s'oppose à l'aspect sécant de l'année dernière, il achetait une voiture. Grâce à l'aspect sécant indiqué par l'imparfait, l'achat de la voiture est perçu à l'intérieur de son déroulement et non globalement : le locuteur veut montrer que l'achat de la voiture a été l'affaire importante de l'année, et qu'elle a eu des conséquences (qu'on ne connaît pas encore, elles sont dans la partie floue du procès). Une action de durée très courte peut ainsi être perçue sans limite finale précise (il n'en finissait pas de mourir) et inversement une action longue peut être perçue comme un événement sans conséquence. Flaubert montre ainsi l'inanité des longs voyages de Frédéric Moreau dans L'Éducation sentimentale en les réduisant à l'aspect non-sécant de quelques passés simples :

« Il voyagea. Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l'étourdissement des paysages et des ruines, l'amertume des sympathies interrompues. Il revint. »

[modifier] Premier plan/Arrière plan

Pour reprendre la terminologie d'Harald Weinrich dans Le Temps, dans une narration, l'aspect sécant correspond à l'arrière-plan, le décor, les actions perçues dans un certain flou (absence de la limite finale), alors que l'aspect non-sécant montre des actions dans un premier plan non analysé (pas de limites, ni précises ni floues), et qui constitue la trame principale d'une œuvre littéraire : il était dix heures du soir [aspect sécant] quand on frappa à la porte [aspect non-sécant].

[modifier] Voir aussi


[modifier] Notes

  1. Source de la définition suivante de ces aspects : Regel-Pellat-Rioul, Grammaire méthodique du français, VII,2,3,3, PUF, 1999, ISBN 2 13 050249 0, sauf pour les tests et exemples.
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