Affaire Louis Mailloux

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L'affaire Louis Mailloux[1] est une série d'évènements violents comparés à une jacquerie ayant secoué la ville de Caraquet, au Nouveau-Brunswick, en janvier 1875.

La loi 87, votée en 1871, visait à réformer le système d'éducation public de la province, en abolissant entre autre les écoles confessionnelles et en transformant le financement du système. Cette loi déchaina les passions durant quatre ans, ayant même des échos dans le reste du pays.

Caraquet fut l'une des villes ayant la plus forte opposition. La situation précaire d'une partie de la population, exacerbé par le contrôle d'une minorité de marchands anglophones, dégénéra en janvier 1875. Plusieurs émeutes et manifestations, liées ou non, eurent lieu. La police intervint à l'aide d'une milice et fut plus tard rejoint par l'armée. Le 27 janvier, une fusillade eut lieu dans la maison d'André Albert, où trouvèrent la mort John Gifford et Louis Mailloux.

Plusieurs procès suivront, teintés de partis pris, de vices de procédures et de coup de théâtres. Au final, toutes les accusations furent rejetées dans l'affaire et les prisonniers furent libérés mais les évènements déchirèrent la province.

Sommaire

[modifier] Contexte

[modifier] Contexte politique

Robert Young, marchand et politicien influent de Caraquet.
Robert Young, marchand et politicien influent de Caraquet.

[modifier] Contexte social

Joseph Pelletier, curé de Caraquet.
Joseph Pelletier, curé de Caraquet.

La ville de Caraquet à été fondée par deux principaux groupes d'immigrants. Les premiers, des Acadiens rescapés du Grand Dérangement, s'établirent à l'ouest de la ville à partir de 1757. Les seconds, composés de rescapés de la bataille de la Ristigouche et de gens originaires de Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent, pour la plupart d'origine normande[2].

Le premier groupe pratique surtout l'agriculture, tandis que les autres sont pour la plupart pêcheurs[2].

Un autre groupe, peu nombreux mais puissant, s'établit au début du XIXe siècle. Ce sont des marchands britanniques et jersiais. Leur nombre augmentera considérablement avec l'arrivée de la Charles Robin Company en 1837[2].

En 1871, lors de l'éclatement de la question des écoles, Caraquet comptait 3111 habitants, dont 79 anglophones.

[modifier] Émeutes de Caraquet

[modifier] Formation du conseil scolaire

En novembre 1874, une réunion est organisée par Théotime Blanchard pour nommer les officiers aux différentes charges publiques de la paroisse de Caraquet, dont les trois postes de commissaires scolaires en vertu de l'article 31 de la Loi des écoles communes. Ces nominations doivent être sanctionnées par le Conseil exécutif provincial, présidé par le Caraquetois Robert Young. L'ouverture des travaux est prévu pour le 6 janvier 1875. Une réunion est convoquée à Caraquet par ce même Robert Young, le 4 janvier, à laquelle assistent uniquement des membres de la minorité anglophone de la ville. Les dix-neuf personnes présentes signent une pétition informant le Conseil exécutif de la non-validité de la réunion de novembre et que les commissaires nommés sont invalidés tel que le stipule l'article 31 de la Loi des écoles communes, faute d'avoir payé leur taxes scolaires. Lors de la même réunion, un nouveau conseil scolaire est créé, formé de John Sewell, Philip Rive et James G.C. Blackhall. Catherine Dwyer, qui épousera Philip Rive un an plus tard, est nommée institutrice. Robert Young présente lui-même la pétition au Conseil exécutif[3].

Une autre réunion est convoquée par Robert Young le 14 janvier 1875, où l'on doit fixer les taux de taxation et les méthodes de perception[3]. À la réunion, une motion propose Philip Duval[4] comme président de l’assemblée. La plupart des gens votent contre, mais leur choix est ignoré parce qu’ils n’ont plus de droit de vote, n'ayant pas payé la taxe scolaire. Ceux-ci ont apparemment expulsé immédiatement le président et Blackhall. La réunion se termine sans que rien n’ait été décidé[5].

Carte de situation.
Carte de situation.

[modifier] Début des hostilités

James G.C. Blackhall, marchand et commissaire scolaire.
James G.C. Blackhall, marchand et commissaire scolaire.

Le lendemain 15 janvier, un groupe d’hommes ayant assisté à la réunion sabotée se rend à l’école[6] pour y organiser une autre réunion, cette fois-ci entre catholiques[7]. Il est dix heures du matin. La porte est barrée et les hommes se rendent chez James Blackhall, qui vit près de l’école, pour lui demander les clés. Pendant que certains discutent avec Blackhall, d'autres vont chercher du rhum au magasin des Robin. Ils reviennent plus tard sous l'effet de l'alcool, certains chantent même La Marseillaise. Ils sont maintenant une cinquantaine et exigent que Blackhall signe sa démission. Les insurgés mettent la maison sens dessus dessous, répandant presque un incendie et Blackhall accepte finalement de signer. Ils se rendent ensuite chez Martin Haché et Stanislas Légère, deux Acadiens ayant payé leurs taxes. Ont leur exige la signature d'une lettre établissant qu’ils s’opposent à la loi scolaire. De plus, les émeutiers extorquent de l’argent à Martin Haché et à M. Ahier. Philip Rive démissionne du conseil scolaire avant même de recevoir la visite des émeutiers[8].

Parmi les autres endroits par les émeutiers se trouve le magasin de Robert Young[9]. Ce dernier se trouvait alors à Fredericton. Ils sont accueillis par le commis Colson Hubbard, parent de Sarah Hubbard, l'épouse de Robert Young. Ils achètent des provisions et du rhum et menacent le commis Hubert Blanchard, un autre Acadien ayant payé la taxe[10].

La maison Blackhall, déplacée au Village historique acadien en 1976.
La maison Blackhall, déplacée au Village historique acadien en 1976.

Après que les émeutiers quittent la résidence des Young, Sarah Hubbard envoie un télégramme à son mari, qui le recevra à son passage dans la région de Sackville. Elle l'avertit que sa vie est menacée et que les émeutiers ne sauront où s'arrêter s'il se procurent de l'alcool. Elle l'avertit également que les émeutiers veulent obliger tous les marchand à brûler les comptes et hypothèques[10]. Selon certaines sources[11], ce télégramme aurait plutôt été envoyé par Philip Rive.

«  They say that they are done with us Protestants except you. They threathen to take your life in the moment you arrive. From what happened yesterday we are affraid you are not safe. If they gather and get liquor, wich they are bound to have when they need, they do not know where to stop. They say after they put you through they are going to all merchants to make them burn all mortgages and accounts to date[12].  »

Après avoir lu le télégramme, Robert Young rend visite chez son ami William Kelly, à Chatham, avant de retourner à Caraquet le 22 janvier[13]. Les émeutiers ayant été identifiés par le commis Colson Hubbard lors de leur visite au magasin, des mandats d’arrestation sont émis le lendemain de son arrivée[14].

Le curé Pelletier de Caraquet reçoit une lettre anonyme, que la tradition orale affirme venir du commis Colson Hubbard. On y menace de brûler le presbytère de l'église Saint-Pierre-aux-Liens et d’autres choses s’il ne demande pas aux gens de se calmer. Il fait la lecture de la lettre durant la messe dominicale du 24 janvier. Plusieurs considèrent cette lettre comme une menace et ils sont une centaine à se rendre le matin du 25 janvier chez Robert Young. Celui-ci s'est barricadé chez-lui avec des amis et ils sont armés. Les émeutiers quittent ensuite la maison dans l’ordre, sans avoir réussi à parlementer avec Young[14].

[modifier] Arrivée de l'« armée prussienne »

L'hôtel Sewell.
L'hôtel Sewell.

Après avoir reçu les mandats d'arrestation, le shérif Robert B. Vail de Bathurst appelle du renfort de l'honorable William Kelly, de Chatham, chez qui Young avait rendu visite avant de revenir à Caraquet. Vail arrive à Caraquet le 26 janvier à trois heures du matin, accompagné de six constables[15]. Ils sont rejoints tôt le matin par John et Richard Sewell, de Pokemouche. Ils descendent à l’hôtel Sewell[16] tandis que Vail se rend chez Robert Young. Un groupe de 20 hommes[17], envoyés par Willam Kelly, arrive le 27 janvier à l'aube. Ceux-ci sont des mercenaires, car la loi interdit à Vail de faire appel à des constables ne venant pas du comté sans la permission de trois juges de paix[18]. Il faut noter que Vail se trouvait par hasard à Caraquet durant les événements du 15 janvier[19].

Les rumeurs courent et Joseph Lebouthillier, Éloi Lanteigne et Gustave Lanteigne sont arrêtés. Plusieurs personnes sont apparemment malmenées. La situation est empirée par le fait qu'aucun constable ou milicien ne parle français. Gervais Chiasson, confondu avec Gervais Lanteigne, est battu et arrêté, même s'il n'a aucun rapport avec les émeutes[20].

[modifier] Fusillade

Une caricature de la fusillade dans le Canadian Illustrated News du 13 février 1875.
Une caricature de la fusillade dans le Canadian Illustrated News du 13 février 1875.

Durant l'après-midi du 27 janvier, Vail apprends du valet de l'hôtel Sewell, Philias Thériault, que d’autres émeutiers se cachent juste en face, dans la maison d’André Albert. Le shérif ordonne à son assistant Stephen Gable de donner l'assaut avec vingt hommes, dont un certain Blackhall de Caraquet qui sert d'interprète. Il est trois heures de l'après-midi. Blackhall pose des questions à André Albert, qui nie la présence des émeutiers. Pendant ce temps, Stephen Gable et quelques hommes entrent dans la maison alors que les autres restent à l'extérieur pour éviter que les occupants s'enfuient. Dans la cuisine se trouve l'épouse ainsi que la belle-sœur d'André Albert, Clothilde Chiasson. Alors que Clothilde se lève pour retirer de l'eau qui boue sur le poêle, un des constables la pointe avec son fusil et elle s'évanouit. Les deux femmes sont ensuite transportées dans une pièce voisine. Un bruit venant du deuxième étage attire l'attention de Robert Ramsay. Il pointe le plafond et tire une balle au hasard pour « effrayer ceux qui s'y cachent ». Après ce coup de feu, Richard Sewell sonne l'assaut et se précipite vers le grenier, avec Henry Burbridge. Les occupants les en empêchent. Voyant cela, d'autres constables tentent d'enlever les planches du plafond avec leurs carabines. Deux coup de feu partent du grenier, sans blesser personne[21].

John Gifford parvient à se glisser au grenier avec l'aide de Richard Sewell et George Loggie. Gifford reçoit un coup de feu en plein visage et meurt sur le coup. Il avait tiré une fois. La suite des événements n'est pas connu avec précision. Il semble que pendant plusieurs minutes, des coups de feu sont tirés à travers le plafond. Profitant de la confusion, Agapit Albert arrive à s'échapper du grenier tandis que Stanislas Albert est assommé par un constable en essayant de le faire. Pendant ce temps, quelques constables parviennent au grenier et mettent fin aux tirs. Bernard Albert et jeté en bas mais se cache en dessous d'un lit. Il est coupé aux doigts et a une blessure au front. Joseph Duguay, blessé au visage, est arrêté sur le fait. Louis Mailloux repose par terre, blessé à la tête. Il est laissé pour mort tandis que les constables rassemblent les émeutiers[21].

[modifier] Réactions immédiates

Colson Hubbard, qui a identifié certains émeutiers et aurait envoyé une lettre de menace au curé Joseph Pelletier.
Colson Hubbard, qui a identifié certains émeutiers et aurait envoyé une lettre de menace au curé Joseph Pelletier.

Les 14 émeutiers arrêtés sont conduits au magasin de Young, qui sert de prison[21]. Un peu plus tard, les constables permettent d’aller chercher le corps de Louis Mailloux[21]. Il respire toujours et meurt trois quarts d’heures plus tard[22].

Dès que la nouvelle de la fusillade arrive à Bathurst, le sénateur John Ferguson ainsi que deux autres juges de paix font appel à la milice de Chatham afin de venir en aide aux policiers. Le 28 janvier, 2 officiers et 41 artilleurs de la batterie de campagne de Newcastle partent sous le commandement du Major R. R. Call. Ils arrivent à Bathurst le 29 janvier à 21:30. Ils emportent aussi deux canons de fort calibre. Un détachement de 4 officiers et 46 hommes du 73e bataillon d'infanterie partent aussi de Chatham le 28 janvier. Il vont arriver à Bathurst le lendemain, vers 17:00[23].

Le 30 janvier, on décide que le corps d'artillerie restera à Bathurst et seulement les fantassins vont à Caraquet pour aider les constables, où ils arrivent le lendemain matin[23].

Les funérailles de Louis Mailloux sont célébrées le 2 février. Le même jour, John Gifford est inhumé à Newcastle. Tous les commerces de la villes sont fermés et 1000 personnes assistent à ses funérailles[23].

[modifier] Réactions politiques

[modifier] Premier projet de loi

Théotime Blanchard.
Théotime Blanchard.

Les émeutes ne sont pas mentionnés implicitement lors de la reprise des travaux à l'Assemblée législative, le 20 février 1875, mais le député H. O'leary, du Kent, qualifie la loi d'insulte, ce qui est réfuté par le premier ministre. Le 8 mars, Théotime Blanchard propose un projet de loi qui légaliserait les délibérations et nominations faites lors de la réunion publique tenue en novembre à Caraquet. Cette loi aurait pour effet de rendre la réunion du 4 janvier 1875 et les syndics anglo-protestants dans l'illégalité. Introduit le 9 mars 1875, le projet de loi soulève un débat. Le ministre Fraser accuse Blanchard d'être responsable des émeutes. Malgré une défense éloquente de la part de ce dernier, le projet de loi est rejeté[24].

[modifier] Tentative d'assassinat

Le 18 mars 1875, alors qu'il se rendait de Caraquet à Fredericton, Théotime Blanchard est victime d'une tentative d'assassinat. En effet, alors qu'il se trouvait près de Néguac, un homme déguisé en femme lui tire une balle qui manque de peu sa tête. Le coupable ne sera jamais retrouvé[24].

[modifier] Deuxième projet de loi

Le gouvernement provincial présente ensuite, le 8 avril, un projet de loi visant à faire construire une prison à Caraquet et d'y établir un poste de police permanent. Une pétition de 15000 signatures, présenté par le député Kennedy Francis Burns, dénonce la loi, que celui-ci affirme venir de Robert Young[24].

À la suite de l'attentat sur sa personne et du choc qu'à causé la mort de Louis Mailloux, Théotime Blanchard se fait des plus virulent, déclarant même « qu'il n'était pas nécessaire que les Bismarcks et les Kaisers de Gloucester fassent venir l'armée prussienne à Caraquet »[24].

Le projet de loi est tout de même adopté, seulement 4 députés s'y ayant opposés, soit Henry O'leary, Urbain Johnson, Kennedy Burns et Théotime Blanchard[24].

[modifier] Procès

[modifier] Procédures et financement

Le juge John C. Allen.
Le juge John C. Allen.

D’après le rapport du médecin légiste, le docteur G.M. Duncan de Bathurst, Mailloux aurait été tué par un seul projectile de pistolet, à la tête. D’après le coroner, Dr S.L. Bishop, Gifford aurait été atteint de 29 projectiles de fusil de chasse[22].

En tout, 25 prisonniers[25] ont étés arrêtés par Vail et ses hommes et conduit à Bathurst. Après l'enquête du coroner, qui eu lieu entre le 29 janvier et le 2 février, tous sont accusés d'avoir participé à une émeute, à l'exception de Gervais Chiasson, qui fut confondu avec Gervais Lanteigne. Neufs autres sont libérés sous caution. Aucune accusation n'est portée pour le meurtre de Louis Mailloux[26].

Onésiphore Turgeon propose Joseph-Adolphe Chapleau comme avocat, parlant de sa victoire durant le procès du meurtre de Thomas Scott, dans des circonstances semblables. Malgré que Chapleau accèpte la proposition et qu'il reçoit la permission du Barreau, les arguments de Joseph Pelletier et Kennedy Burns ont raison de sa nomination. Maître Thompson, un Saint-Jeanois d'origine irlandaise, est finalement nommé, et accepte de se faire assister par Pierre-Amand Landry, du comté de Westmorland, et les avocats Adams et McManus, de Bathurst. Le curé Pelletier forme un comité pour amasser l'argent nécessaire, sans réel succès. On demande alors à Pascal Poirier de recueillir des fonds auprès des patriotes québécois. Nazaire Dupuis, de Montréal, aidé par le révérend Lory, organise de grandes assemblées, où il réussit à amasser la somme nécessaire[27].

Le premier ministre et procureur général, George Edwin King.
Le premier ministre et procureur général, George Edwin King.

La date d'ouverture du procès est fixée au 7 septembre 1875. Le procès est présidé par le juge John C. Allen et la couronne est représentée par nul autre que le procureur général et premier ministre, George E. King. La preuve est présentée par le shérif Vail devant un grand jury de 23 membres[28]. Le juge se montre très dur à l'égard des accusés, et le grand jury accepte deux jours plus tard, le 9 septembre, les actes d'accusation contre Joseph Chiasson, Bernard Albert, Luc Albert, Agapit Albert, Stanislas Albert, Prudent Albert, Joseph Dugay, Sinaï Paulin, et Moïse Parisé, pour le meurtre de John Gifford. Le lendemain, le grand jury accepte également les actes d'accusation contre Louis Chiasson, Gustave Gallien, Gervais Lanteigne, Jean L. Paulin, Phillias Mailloux, Fabienn Lebouthillier, Joseph Lebouthillier et Pierre Frigault, pour l'émeute du 15 janvier. Les accusations pour l'émeute du 25 janvier chez Robert Young sont refusées, malgré l'insistance de George E. King. Les accusés plaident tous non coupables, et les autres sont libérés, faute de preuves[29].

[modifier] Pour émeute

Le procès pour émeute s'ouvre le 17 septembre et l'avocat de la défense demande l'annulation de l'acte d'accusation prétextant quatre irrégularité, dont la partialité du shérif Vail et les liens de parenté entre certains grand jurés et les constables. Les objections sont rejetées le lendemain, mais le juge retient ces points pour considération future. Ensuite, Thompson ralenti la formation du petit jury, prétextant une autre fois des liens de parenté et le fait que le shérif Vail eut consulté Robert Young avant de convoquer les membres. Un petit jury de 12 membres[30] est enfin formé le 24 septembre[19].

Durant les jours suivants, 22 témoins sont appelés à la barre par la couronne et 11 par la défense. Le seul fait concordant entre les témoignages est la consommation d'alcool. Le 4 octobre, Thompson présente son plaidoyer durant deux heures, où il affirme entre autre qu'aucune émeute n'a pu être prouvée. King présente ensuite sont plaidoyer durant trois heures et demi, où il affirme que les accusés ont répandu la terreur. Le jury déclare les accusés coupable. Le juge fixe l'annonce de la sentence en juillet 1876 et réclame une caution de 1200$ pour la libération des coupables. Thompson annonce qu'il en appellera du verdict[19].

[modifier] Pour meurtre

Le procès pour meurtre de John Gifford commence le 29 octobre. Un autre petit jury est formé. Les accusés plaident non coupable et le juge leur annonce qu'il seront jugés séparément. Thompson avertit alors qu'il récusera aussi les membre de la cour « un à un ». Le choix du petit jury est aussi pénible et se termine par la nomination des 12 membres[31] le 8 novembre. Contrairement au premier procès, ce jury est composé entièrement de protestants.

La tactique de la couronne est de prouver que les événements du 15 et du 25 janvier sont reliés et que ceux cachés dans le grenier d'André Albert s'attendait à l'arrivée des constables, tandis que la défense affirme que les constables ont tirés les premiers et que John Gifford aurait été tué en légitime défense. L'audition des témoins de la couronne dure deux semaines. Le constable Robert Ramsay déclare qu'il à tiré le premier, ce qui confirmerait l'hypothèse de la défense. Les autres constables contredisent tous ce témoignage. Le constable Sewell se vante ensuite d'avoir tué Louis Mailloux. En contre-interrogatoire, le juge rejette toutes les questions de la défense à ce sujet. L'audition des témoins de la défense commence le 21 novembre. Entre-autres, Pierre Thériault, un voisin d'André Albert, affirme qu'il a entendu trois ou quatre coup de feu tirés de l'extérieur. La plupart des témoins soutiennent qu'ils ne voulaient pas résister mais qu'ils ont tirés, effrayés par les constables.

Lors de l'interrogatoire d'Agapit Albert, le 3 décembre, la tension monte entre Thompson et D.S. Kerr, adjoint au procureur général. Kerr finit par insulter Thompson et le juge lui inflige une amende de 50 dollars pour outrage au tribunal.

Les avocats présentent leurs arguments finaux le 6 décembre. Le lendemain, le président du jury, Alex Morrisson, informe la Cour que Joseph Chiasson est trouvé coupable de meurtre. Kerr propose à Thompson, l'avocat de la défense, de demander aux 8 autres accusés de plaider coupable d'homicide involontaire, permettant au procès de continuer à la Cour suprême du Nouveau-Brunswick. Thompson accepte la proposition. Prudent et Luc Albert sont libérés en raison de leur jeune âge, ayant respectivement 16 et 18 ans. Joseph Chiasson doit demeurer en prison en attendant la sentence.

[modifier] Cour suprême

Joseph Chiasson en 1927, principal accusé dans l'affaire.
Joseph Chiasson en 1927, principal accusé dans l'affaire.

Durant les procédures, le juge Allen est nommé juge en chef à la Cour suprême, où il devra donc entendre un appel sur les deux procès qu'il a présidé. Le procès commence alors en février 1876, mais est aussitôt ajourné, l'avocat de la défense Thompson étant absent.

Les auditions recommencent pour de bon en mars. La première cause, Regina vs Mailloux and others, est celle de l'émeute du 15 janvier. Thompson répète que plusieurs membres du grand jury étaient inadmissibles à siéger, ayant des liens de parenté avec les constables. De plus, il en appelle de la décision du juge de ne pas admettre en preuve la réunion scolaire du 14 janvier. Selon les appelants, cet réunion explique leur visite chez Blackhall le lendemain 15 janvier, pour poursuivre une réunion qui selon eux avait été ajournée par Blackhall lui-même. La Cour conclue premièrement que l'inclusion de personnes inadmissibles dans un grand jury n'est pas une raison pour invalider sa décision. Deuxièmement, elle maintient que l'on peut présumer l'intention de commettre un acte illégal en tenant compte de la nature des actions commises, dans ce cas-ci, notamment, l'obtention de signatures par la menace et les circonstances de la démission de Blackhall. Le verdict de culpabilité est donc maintenu.

Le second procès, The Queen vs Chiasson. La Cour observe 48 points du premier procès de Joseph Chiasson. Elle conclue que la couronne, représentée par George E. King, avait le droit de rayer le nom de certaines personnes sur la liste des jurés, dans ce cas-là tous ceux de catholiques. Le deuxième groupe de points concerne les allégations de préjudice de la part de certains membres du petit jury. La Cour conclue que malgré qu'il soit possible de contester la participation de certains membres, il n'y a aucune preuve valable pouvant soutenir les allégations de parti pris. Enfin, la plus importante des trois catégories est relative à l'admissibilité et au rejet de certaines preuves. En effet, lors du premier procès, le juge Allen avait rejeté de nombreuses preuves appuyant la défense. Les juges, incluant Allen, reconnaissent qu'un grand nombre de ces preuves auraient pu être admises. Ils reconnaissent aussi que les événements du 15 janvier n'auraient pas du être utilisés comme preuve à l'appui de la poursuite. De plus, ils conviennent que la Cour aurait du faire témoigner les autres qui se trouvaient dans le grenier avec Joseph Chiasson, afin de déterminer s'ils étaient dans le grenier pour résister à l'arrestation ou parce qu'ils étaient effrayés.

La Cour suprême ordonne alors que les charges doivent être annulées et la poursuite arrêtée pour le meurtre de John Gifford. La Cour suprême reconnait aussi Joseph Chiasson et les autres personnes réfugiées avec lui dans le grenier comme non coupable. Finalement, les juges décident de ne pas imposer de sentence pour le verdict de culpabilité pour émeute le 15 janvier, étant donné le laps de temps écoulé depuis les événements.

[modifier] Scandale des dépenses

K.F. Burns.
K.F. Burns.

Le 4 mars 1876, Kennedy Francis Burns demande que soient déposés à l'Assemblée législative les documents relatifs aux dépenses encourues lors des émeutes. Les révélations causent tout un émoi. En tout, le maintient de l'ordre a coûté 9728,17$, une somme énorme à l'époque. Entre autre, 2121,99$ ont été versés à Robert Young, dont 215,25$ pour services de télégraphes. Le News, l'Advance, et le Telegraph, des journaux anglophones, recevaient en effet une description détaillé de tout ce qui se passait à Caraquet. Le gouvernement a également fait des bénéfices de 101,71$ avec la vente aux enchères des fusils saisis, dont quatre venaient de chez André Albert. Burns demande à plusieurs reprises des justifications pour ces dépenses et d'autres députés lui conseillent de consulter le rapport du vérificateur général pour l'année 1875. N'y apprenant rien de plus et découragé, il laisse tomber[32].

[modifier] Conséquences des émeutes

[modifier] La presse

[modifier] Le héros Mailloux

Icône de détail Article détaillé : Louis Mailloux.

[modifier] Le héros Gifford

Du côté anglophone, la mort de de John Gifford eut un effet comparé à la mort de Thomas Scott, exécuté par Louis Riel en 1870.

[modifier] Culture

Plusieurs œuvres sont inspirées des évennements, se concentrant surtout sur le personnage de Louis Mailloux.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

Ouvrages spécialisés

  • Clarence Le Breton, La Révolte acadienne - 15 janvier 1875, Moncton, Éditions de la Francophonie, 2002, (ISBN 2-923016-03-3).

Ouvrages généraux

  • Corrine Albert-Blanchard, Caraquet: quelques bribes de son histoire, Caraquet, Comité du centenaire de Caraquet, 1967.
  • J. Antonin Friolet, Caraquet, village au soleil, Fredericton, chez l'auteur, 1978.
  • William Francis Ganong, The history of Caraquet and Pokemouche, Saint-Jean, New Brunswick Museum, 1948.
  • Clarence Lebreton, Caraquet 1961-1981: du plus long village du monde à la plus longue rue des maritimes, Caraquet, 1981.
  • Fidèle Thériault, Les familles de Caraquet, Caraquet, chez l'auteur, 1985.

Articles de presse

  • Mgr Arthur Gallien, « Un épisode de la lutte pour la religion à l'école: L'émeute de Caraquet », L'Évangéline, février 1934, p. 3.
  • Jean Hubert, « Émeute de Caraquet », Maclean's, août 1961, p. 28, 46-48.
  • N.A. Landry, « Les émeutes de Caraquet », L'Évangéline, février 1934, p. 3.
  • Clarence LeBreton, « Les Blackhall », Revue d'histoire Société historique Nicholas-Denys, vol. 10, #2, mai-avril 1982, p. 39-48.
  • Médard J. Léger, « Quelques détails au sujet de l'émeute de Caraquet », L'Évangéline, 26 septembre 1959.
  • Raymond Mailhot, « Un évenement, le Caraquet Riot », L'Analyse, 8 octobre 1971, p. 1.
  • Jean Pariseau, « Émeute - Questions des écoles du Nouveau-Brunswick », Revue canadienne de défense, vol. 2, #1, été 1972, p. 30-45.
  • George F. Stanley, « The Caraquet Riot of 1875 », Acadiensis, vol. II, #1, automne 1972, p. 21-38.
  • Fidèle Thériault, « Louis Mailloux, un héros acadien », Le Voilier, 24 mars 1972, p. 1, 3.

Pièces de théâtre

  • James E. Branch, Vive nos écoles catholiques ou la résistance de Caraquet, Moncton, Imprimerie l'Évangéline, 1928.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Personnalités

[modifier] Événements

[modifier] Autres

[modifier] Notes et références

  1. D'autres noms sont utilisés pour décrire les événements, tels qu'émeutes de Caraquet, révolte de Caraquet, etc. L'usage veut que l'on utilise le nom complet de Louis Mailloux en parlant des évènements.
  2. abc (en) William Francis Ganong, The history of Caraquet and Pokemouche, New Brunswick Museum, Saint-Jean, 1948.
  3. ab (fr) Clarence Le Breton, La Révolte acadienne - 15 janvier 1875, Moncton, Éditions de la Francophonie, 2002, (ISBN 2-923016-03-3), p.89.
  4. Philip Duval (1840-1921), originaire de Jersey et de religion méthodiste, établit à Caraquet où il épouse Suzanne Cormier le 18 octobre 1866.
  5. Clarence Le Breton, op. cit., p.91-92
  6. Située sur le boulevard Saint-Pierre, où se trouve aujourd'hui le Tim Hortons, en face de la Place Caraquet.
  7. Ceux-ci sont pour la plupart des pêcheurs d'origine normande, endettés auprès des marchands anglo-protestants.
  8. Clarence Le Breton, op. cit., pp. 92-93.
  9. Située où se trouve aujourd'hui Dugas Équipement, le long du boulevard Saint-Pierre, directement à l'est du port.
  10. ab Clarence Le Breton, op. cit., pp.95-96.
  11. The Morning Freeman, 28 janvier 1875.
  12. Clarence LeBreton et Bernard Thériault, Caraquet, 1961-1981 : du plus long village du monde à la plus longue rue des Maritimes, Caraquet, 1981, p. 40.
  13. Clarence Le Breton, op. cit., p.97.
  14. ab Clarence Le Breton, op. cit., pp.99-101.
  15. Stephen Gable, Alfred Gammon, Joseph Gammon, Robert Ramsey, Willian Eddy, David Eddy.
  16. Situé sur l'actuelle rue des Patriotes, près d'où se trouve aujourd'hui le poste de la Gendarmerie Royale du Canada.
  17. Robert Manderson, Sam Wilcox, Peter Manderson, James Loggie, George Loggie, Dudley Wells, Philip Perlay, Hugh Marquis, John Cassidy, Donald McGruer, Allan Rand, Isaac Clark, Charles Call, William Reid, James Chapman, John Gifford, Henry Burbridge, Henry Bannister, William Carter et William Fenton.
  18. Clarence Le Breton, op. cit., pp. 103-104.
  19. abc Clarence Le Breton, op. cit., pp. 134-136.
  20. Clarence Le Breton, op. cit., pp. 104-105.
  21. abcd Clarence Le Breton, op. cit., pp. 105-108.
  22. ab Clarence Le Breton, op. cit., p. 108.
  23. abc Clarence Le Breton, op. cit., pp. 110-112.
  24. abcde Clarence Le Breton, op. cit., pp. 120-122.
  25. Gustave Lanteigne, Éloi Lanteigne, Joseph Duguay, Sinaï Paulin, Gédéon Albert, Prudent Albert, Louis Parisé, Gervais Chiasson, Fabien Lebouthillier, Joseph Lebouthillier, Phillias Mailloux, Luc Albert, Bernard Albert, Gustave Gallien, Jean-Louis Chiasson, Joseph Lebouthillier, Joseph Chiasson, Jean-Louis Paulin, Moïse Parisé, Gervais Lanteigne, Stanislas Albert, Xavier Chenard, Pierre Frigault, André Albert et Agapit Albert.
  26. Clarence Le Breton, op. cit., pp. 117-118.
  27. Clarence Le Breton, op. cit., pp. 125-127.
  28. Robert Good, Richard P. Smith, Angus McLean, John E. Baldwin, Richard Hinton, Jas. Thompson, Michael Kent, O.D. Turgeon, Charles Carter, Albert Carter, Samuel Gammon, Richard Dawson, Frederick Cole Francis Farney, George Coughlan, George W. Dawson, Hilarian Hachey, William Smith, Hugh Chalmers, Joseph Kent, William Hillock, Jas. Chalmers et John O'brien, président du jury.
  29. Clarence Le Breton, op. cit., pp. 129-132.
  30. Robert Anderson, Isaac Chamberlain, John Legresley, John Horton, Thos. Gasnelle, Thomas Nowlan, Éloi Comeau, Basil Doucet, Joseph Morrisson, Gustave Dumas, Romain Doucet et Patrick D. McCulough.
  31. Hugh Barclay, Alex Morrisson, Alex McCurdy, Edwin Mills, Thomas Hodnett, John Armstrong, James Morrisson, Richard Knowles, William Dempsey, William Jennings, John Dempsey et Samuel Smith.
  32. Clarence Le Breton, op. cit., pp. 145-147.