Adaptation (biologie)

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En biologie, dans le domaine de l'évolution, une adaptation est un caractère anatomique, un processus physiologique ou un trait comportemental qui a évolué sous l'effet de la sélection naturelle parce qu'il améliorait la survie et le succès reproductif à long terme d'un organisme. Le terme d'"adaptation" est parfois utilisé comme synonyme de "sélection naturelle", bien que la plupart des biologistes découragent cet usage[réf. nécessaire].

L'adaptation peut se définir comme l'ajustement de l'être vivant au milieu ambiant, l'appropriation de l'organe à sa fonction. Elle correspond à la mise en accord de l'organisme avec les conditions qui lui sont extérieures. Elle perfectionne l'organe, le rend plus apte au rôle qu'il joue dans la vie de l'individu. Elle met l'organisme tout entier en équilibre avec le milieu. Elle renferme bien plus une idée de convenance que d'utilité.

Les anciens auteurs n'employaient pas le terme d'adaptation ; ils lui préféraient les mots de "convenance" et d'"harmonie". Ce dernier reflète les idées finalistes qui, alors étaient universellement adoptées. En effet, le problème de l'adaptation implique, dans une large mesure, celui de la finalité dans la nature et se situe aux frontières de la métaphysique.

C'est pourquoi Cuénot, un des premiers darwinien français écrivait en ouverture de son ouvrage L'Adaptation (1925) :

« L'adaptation est une effrayante question. […] Une adaptation est en réalité la solution d'un problème, exactement comme une machine ou un outil fabriqués par l'homme. […]
Reconnaître les adaptations en tant que faits n'est pas très difficile : c'est question de critique, d'observations ou d'expériences bien conduites ; mais ensuite l'esprit demande impérieusement à comprendre le mécanisme par lequel les êtres vivants ont été pourvus de ces adaptations. Depuis les premiers philosophes grecs les explications se sont succédé, causes finales de l'école aristotélienne, réaction utile de l'être au milieu de Lamarck, sélection naturelle de Darwin, etc. ; assurément, tout le monde est d'accord, maintenant, pour rechercher aux adaptations une explication causale, dans le domaine de l'investigation scientifique, mais même si nous connaissions une loi générale qui en rendît un compte satisfaisant, comme on l'a cru longtemps pour la théorie darwinienne, il se poserait encore une question suprême, que l'Homme ne peut éluder. Pourquoi cette loi générale ? pourquoi tout se passe-t-il comme si la Nature voulait la perpétuation de la Vie ? pourquoi cette finalité spéciale que la Vie impose à la Matière ? Par ces questions, nous entrons dans le domaine de la métaphysique. » pp. 3-4.

Cuénot n'a pas prétendu apporter une réponse à cette épineuse question, il se contente de signaler son existence. Toutefois, l'école néo-darwinienne se défend d'être finaliste et assure que l'adaptation, bien qu'elle simule un phénomène dirigé, est exempte de toute téléologie. Le jeu des forces naturelles qui interviennent dans la sélection naturelle suffit à en rendre un compte exact et précis.

Évidemment, quand un être vit, prospère et se perpétue dans un milieu donné, sa structure et ses fonctions sont telles qu'elles permettent la vie ; autrement dit, il n'existe pas de désaccord entre elles et le milieu extérieur. Cette approximation autorise, à elle seule, à affirmer qu'il existe un minimum d'adaptation entre l'être organisé et son milieu. Considérons la faune d'un biotope limité, une mare, une plage marine, etc., nous voyons que les animaux qui la composent appartiennent à des types d'organisation très variés. Des solutions tout à fait différentes permettent donc l'ajustement de l'être vivant à son milieu et l'épanouissement de la vie. L'adaptation est rarement une notion ayant une valeur absolue ; elle présente toujours un caractère relatif.

Cuénot distingue trois types d'adaptations successives :

  1. l'accommodation ou adaptation ponctuelle de l'individu à un milieu,
  2. l'acclimatation ou adaptation d'un groupe établi de manière durable dans un milieu,
  3. la naturalisation ou l'adaptation de l'espèce à un milieu où elle s'est établie de manière définitive.

En outre, il considère aussi l'adaptation statistique ou adaptation physiologique et éthologique qui se traduit par une convergence des formes (par exemple, le requin et le dauphin) des organismes vivant dans des milieux semblables ou des organes (par exemple, l'œil chez la pieuvre et chez les mammifères) ayant en charge de remplir la même fonction, mais appartenant à des lignées différentes.

Il met aussi en évidence les Limites de l'adaptation, notamment à travers les Organes inutiles, les Organes utilisés mais non nécessaires, ou encore les Organes mal faits et les fonctions nuisibles que sont par exemples les Organes hypertéliques, c'est-à-dire démesurés et encombrants. Le grand Cerf Mégaloceros du Quaternaire d'Irlande développa ainsi des bois surdimensionnés atteignant 2,50 mètres d'envergure, mais en fait conformes au développement de la taille de son corps.

Au sujet des limites de la notion d'adaptation, Cuénot conclu ainsi :

« Dans une machine industrielle bien étudiée, il n'y a pas de rouage indifférent ; chaque écrou a son rôle éventuel ; la courbure des pièces, leur poids, leur épaisseur, ont été l'objet de recherches bannissant tout ce qui est inutile ; il n'y a pas d'organes rudimentaires, à moins qu'on ne se soit servi de vieilles pièces provenant d'autres machines, et gardant la trace de leur fonctionnement primitif ; il n'y a pas non plus de superflu, à moins que l'artisan, voulant rendre son œuvre plus agréable, n'y ait ajouté des ornements, des sculptures, comme dans les outils d'autrefois. La machine vivante, au contraire, a un passé où elle était autre qu'actuellement, et qui a laissé des traces ; la Nature ne lui demande que de vivre et de durer, tant bien que mal, et il lui importe peu que son fonctionnement soit économique.
La position des biologistes modernes vis-à-vis la question de l'adaptation est donc, je pense à juste titre, tout autre que celle des naturalistes qui les ont précédés, de Bernardin de Saint-Pierre à Weismann : ces derniers, pour des raisons sans doute différentes mais qui aboutissaient au même résultat, étaient persuadés que tout était adapté, que chaque détail des organismes devait avoir une signification utile, un rôle à jouer : sans doute cette conviction a priori du cause-finalier ou du sélectionniste a souvent amené les physiologistes à des découvertes capitales, en les incitant à rechercher avec persévérance la fonction de petits organes jugés d'abord insignifiants, tels que le corps thyroïde, l'hypophyse, le thymus, les capsules surrénales, le corps jaune ovarien, les îlots de Langerhans du pancréas, etc., qui en effet ont un rôle important dans la coordination de l'organisme. […]
Mais la médaille a un revers : cette conviction a amené bien souvent les naturalistes à rechercher et à attribuer des significations utiles à des structures qui n'en ont probablement aucune, et à errer grandement au sujet des adaptations.  » pp. 52-53.

En effet, la notion d'adaptation est devenue en quelque sorte la tarte à la crème de la biologie évolutive, elle est systématiquement convoquée, conjointement à la sélection naturelle, pour expliquer les particularités des êtres vivants, alors les études éthologiques qui pourraient en confirmer la pertinence sont inexistantes ou impossibles à mener (cas des fossiles).

On peut critiquer la notion d'adaptation (cf. Rabaud, 1922, 1934) en remarquant qu'elle induit à prendre les conséquences pour les causes et inversement : ce n'est pas parce que l'être vit dans un milieu qu'il y est adapté, mais c'est plutôt parce qu'il y trouve de quoi vivre, qu'il est en adéquation avec les conditions, qu'il habite dans ce milieu. L'analogie du vivant avec une machine induit à négliger et tend à faire oublier le caractère actif des êtres vivants dans la quête de leurs subsistances (particulièrement évidente chez les animaux), c'est-à-dire l'autonomie du vivant par rapport à son milieu.

[modifier] Adaptation

Selon les modèles théoriques, le rôle de l'adaptation dans l'évolution biologique est plus ou moins important. Selon la perspective du paradigme adaptationniste, il s'agit du principal facteur de transformation des espèces.

On parle d'adaptabilité pour désigner la plasticité de certaines espèces face aux forces de l'évolution.

[modifier] Bibliographie

Lucien Cuénot,

  • L'adaptation, éd. Doin, 1925.
  • Invention et finalité en biologie, éd. Flammarion, 1941.

Étienne Rabaud,

  • L'adaptation et l'évolution, éd. Chiron, 1922.
  • Zoologie biologique, éd. Gauthier-Villars, 1934.