Étude du petit monde

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Également connu sous le vocable « paradoxe de Milgram » car ses résultats semblent contraires à l'intuition, le « phénomène du petit monde » (appelé aussi effet du petit monde) est l'hypothèse que chacun puisse être relié à n'importe quel autre individu par une courte chaîne de relations sociales. Ce concept donna naissance, après l'expérience du petit monde, conduite en 1967 par le psycho-sociologue Stanley Milgram, au concept de « six degrés de séparation ». Celui-ci suggère que deux personnes, choisies au hasard parmi les citoyens américains, sont reliées en moyenne par une chaîne de six relations. Par contre, après plus de trente ans, le statut de cette idée comme description de réseaux sociaux hétérogènes reste une question ouverte. Des études sont encore menées actuellement sur le "petit monde".

Sommaire

[modifier] L'expérience de Milgram

Les recherches originales de Milgram ont été prises à parti sur de nombreux points. Elles étaient conduites au travers de larges populations plutôt que sur des groupes restreints et habitués à collaborer tels que les mathématiciens ou les acteurs (cf infra). Le protocole de sa première expérience de « petit monde », décrite dans un article non-daté et intitulé « Results of Communication Project », est le suivant : Milgram envoie 60 lettres à des recrues de la ville d'Ohama au Nebraska. Il leur demande de faire suivre cette lettre à un agent de change, vivant à une adresse fournie, dans la ville de Sharon au Massachusetts. Les participants pouvaient seulement passer les lettres, de main à main, à des connaissances personnelles qu'ils pensaient être capable d'atteindre l'objectif, directement ou via les amis des amis. Bien que cinquante personnes se soient prêtées à l'expérience, seulement trois lettres arrivèrent à destination. Le célèbre article de 1967 de Milgram décrit le fait qu'une lettre ne mit que quatre jours pour atteindre sa destination, mais négligea de mentionner que seulement 5% des lettres réussirent à rejoindre leur cible. Dans deux expériences ultérieures, le taux de succès (établissement de la chaîne) fut si faible que les résultats n'ont pas été publiés. De surcroit, des chercheurs ont montré que beaucoup de facteurs ténus peuvent modifier profondément les résultats d'une expérience de petit monde. Les études essayant de relier des gens de groupes ethniques ou de revenus différents montrent des asymétries significatives. Milgram lui-même a co-écrit un article qui révèle un taux de réussite de 13% lorsque la cible est de type africain et de 33% pour le type caucasien et ce en dépit du fait que les participants ignorent l'ethnie du destinataire.

Malgré ces complications, une série de nouvelles découvertes émergèrent des recherches de Milgram. Après de nombreuses améliorations du protocole (la valeur perçue de la lettre est un facteur prépondérant dans la motivation des intervenants à la faire passer ou non), Milgram fut à même d'atteindre un taux de réussite de 35%, et des chercheurs ultérieurs atteignirent 97%.

S'il y avait des doutes sur le fait que le monde entier soit un petit monde, il y a peu de doutes qu'il y ait beaucoup de petits mondes dans le monde global : depuis les chaînes dans l'université de l'état du Michigan jusqu'à celles du monde très uni de la communauté juive de Montréal.

À partir des chaînes ayant atteint leur destinataire, on constata que le nombre de 6 intermédiaires se dégageait. De cette constatation naquit l'expression « six degrés de séparation ». En plus, Milgram identifia un effet d'« entonnoir » par lequel la plupart des propagations étaient le fait d'un petit nombre de personnes ou étoiles qui avaient une connectivité nettement supérieure à la moyenne. Même dans l'étude pilote, Milgram constata que deux des trois chaînes avaient utilisé les mêmes personnes.

Une des difficultés dans la conduite des ces études tient à la supposition que les gens dans la chaîne sont compétents pour découvrir le lien entre les deux personnes servant de terminaux.

[modifier] Mathématiciens et acteurs

On a constaté que de plus petites communautés, comme celles des mathématiciens ou des acteurs sont fortement connectées par des chaînes personnelles ou d'associations professionnelles. Les mathématiciens ont créé le Nombre d'Erdős pour décrire leur distance depuis Paul Erdos, en se basant sur les publications communes. Un exercice semblable a été réalisé avec l'acteur Kevin Bacon pour les acteurs jouant dans les mêmes films. Les joueurs de go décrivent leur distance du grand joueur Honinbo Shusaku en comptant leur « nombre Shusaku » qui reflète leur degré d'écart en se basant sur les parties qu'ils ont disputées.

Il a été constaté que le nombre de degrés de séparation de deux acteurs quelconques d'Hollywood était rendu extrêmement faible en raison de la présence de seconds rôles comme Bud Spencer dans un très grand nombre de films.

[modifier] Influence

[modifier] Les sciences sociales

L'ouvrage « The Tipping Point » (le point de déclenchement, de saturation) de Malcom Gladwell, basé sur des articles publiés à l'origine dans « The New Yorker », élabore le concept d'« entonnoir » ( « funneling »). Gladwell allègue que le phénomène des six degrés dépend extraordinairement de peu de gens (les « connecteurs ») qui ont de larges réseaux de contacts et d'amis : ces points de convergences servent d'intermédiaires entre la grande majorité d'individus faiblement reliés. C'est le cas de Bud Spencer dans l'exemple précédent.

Des travaux récents, portant sur les effets du phénomène du petit monde dans la propagation des épidémies, montrent, par contre, qu'a cause de la nature fortement reliée des réseaux sociaux pris comme un tout, retirer ces points de convergences d'une population n'a généralement que peu d'effet sur la longueur moyenne des chemins dans les graphes (Barrett et al., 2005).

[modifier] Modélisation de réseaux

En 1998, Duncan J. Watts et Steven H.Strogatz, tous deux du département de mécanique théorique et appliquée de l'université de Cornell, ont publié le premier modèle de réseaux concernant le phénomène du petit monde. Ils montrent que les réseaux des mondes naturels et artificiels comme les réseaux neuronaux des Caenorhabditis elegans et les réseaux électriques présentent les caractéristiques des petits mondes. Watts et Strogatz ont montré que, en commençant avec un treillis régulier, l'addition de quelque liens au hasard réduit la longueur du chemin direct entre deux nœuds depuis "très long" vers "très court". Cette recherche tire son origine des efforts de Watts pour comprendre les stridulations des criquets. Ceux-ci montrent un grand degré de coordination sur de grandes distances comme si ces insectes étaient guidés par un conducteur invisible. Le modèle mathématique développé par Watts et Strogatz pour expliquer ce phénomène à été appliqué depuis dans une large gamme de champs d'application. Dans les mots de Watts :

« Je pense avoir été contacté par quelqu'un de chaque domaine à l'exception de la littérature anglaise. J'ai des lettres de mathématiciens, de physiciens, de biochimistes, de neuro-physiologistes, d'épistémologistes, d'économistes, de sociologues; de gens du marketing, des systèmes d'information, d'ingénieurs civils, et d'entreprises commerciales qui utilise le concept de petit monde pour des utilisations de mise en réseaux sur Internet. »

De manière générale, leur modèle démontre le bien fondé de l'observation de Mark Granovetter qui indique que c'est la solidité des liens faibles qui tient ensemble les réseaux sociaux. Bien que ce modèle spécifique ait été généralisé depuis par Jon Kleinberg, il reste un cas d'étude dans le domaine des réseaux complexes. Dans la théorie des réseaux, l'idée présentée par les réseaux du petit monde a été explorée de façon très approfondie. En effet, plusieurs résultats classiques dans la théorie des graphes aléatoires montrent que même les réseaux sans vraie structure topologique présentent le phénomène du petit monde. Celui-ci s'exprime mathématiquement comme un diamètre de réseau qui est proportionnel au logarithme du nombre de nœuds plutôt que proportionnel au nombre de nœuds, comme c'est le cas pour un treillis. De même, ce résultats s'applique aux réseaux avec un degré de distribution exponentiel comme les réseaux « sans échelle » (où le nombre de connexions par nœud varie de plusieurs ordre de grandeur d'un nœud à l'autre).

En informatique, le phénomène des petits mondes (sous une autre désignation) est utilisé dans la conception de réseaux de pair à pair sécurisé, pour de nouveaux algorithmes de routage pour Internet et les réseaux sans fils, et dans la recherche d'algorithmes pour toutes sortes de réseaux de communication.

[modifier] Divers

Les modèles du petit monde ont été considérés comme l'une des 25 grandes idées qui ont changé le monde par l'historien des sciences Robert Matthews[1]

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

Est-il possible que quiconque dans le monde puisse rejoindre n'importe qui d'autre avec une chaîne de juste six amis ? Il y trois projets en cours pour valider cette hypothèse :

Gladwell's original New Yorker article: Article original de Gladwell New Yorker:

Could It Be a Big World After All?

Collective dynamics of small-world networks: Dynamique collective des réseaux de petit monde

Theory tested for specific groups:

[modifier] Source

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Small world phenomenon ».

[modifier] Références

  1. Robert Matthews, 25 big ideas that changed the world

La Magie des Paradoxes (Martin Gardner,1985)

Le Trésor des Paradoxes (Philippe Boulanger & Alain Cohen, 2007)

C. L. Barrett, S. G. Eubank, and J. P. Smith, If smallpox strikes Portland, Scientific American 292, 54 (2005).