Électrocardiographie

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L'électrocardiographie (ECG) est la représentation graphique du potentiel électrique qui commande l'activité musculaire du cœur. Ce potentiel est recueilli par des électrodes à la surface de la peau.

L'électrocardiogramme est le tracé papier de l'activité électrique dans le cœur. L'électrocardiographe est l'appareil permettant de faire un électrocardiogramme. L'électrocardioscope, ou scope, est un appareil affichant le tracé sur un écran.

C'est un examen rapide (moins de cinq minutes), indolore et dénué de tout danger. Il peut être fait en cabinet de médecin, à l'hôpital, voire à domicile. Son interprétation reste cependant complexe et requiert une certaine habitude du clinicien.

Enregistrement sur 10s de la dérivation D2

La dépolarisation des cellules cardiaques.

Sommaire

[modifier] Histoire de l'électrocardiographie

Les courants électriques qui circulent dans le cœur entraînent des potentiels électriques et sont les responsables de l'activité musculaire cardiaque. Ces potentiels électriques sont connus depuis les travaux de Carlo Matteucci en 1842. Les premières expérimentations sont réalisées en 1878 par John Burden Sanderson et Frederick Page qui détectent à l'aide d'un électromètre capillaire les phases QRS et T. En 1887 le premier électrocardiogramme humain est publié par Augustus D. Waller. En 1895 Willem Einthoven met en évidence les cinq déflexions P, Q, R, S et T, il utilise le galvanomètre à cordes en 1901 et publie les premières classifications d'électrocardiogrammes pathologiques en 1906. Il obtiendra en 1924 un prix Nobel pour ses travaux sur l'électrocardiographie. Les dérivations précordiales sont utilisées pour le diagnostic médical à partir de 1932 et les dérivations frontales unipolaires à partir de 1942, ce qui permet à Emanuel Goldberger de réaliser le premier tracé sur 12 voies.

On notera qu'en 1938 une conférence internationale transatlantique a fixé la position des dérivations précordiales, V1 à V6.

Aujourd'hui l'électrocardiographie est une technique relativement peu coûteuse, permettant à l'aide d'un examen indolore et sans danger, de surveiller l'appareil cardio-circulatoire, notamment pour la détection des troubles du rythme et la prévention de l'infarctus du myocarde.

[modifier] L'électrocardiographe

Le signal électrique détecté est de l'ordre du millivolt. La précision temporelle nécessaire est inférieure à 0.5 ms (ordre de grandeur de la durée d'un spike de stimulateur cardiaque.

Les appareils étaient, jusqu'à une époque récente, analogiques. Les plus récents sont numériques. La fréquence d'échantillonnage atteint près de 15 kHz[1].

Un filtrage numérique permet d'éliminer les signaux de hautes fréquences secondaires à l'activité musculaire autre que cardiaque et aux interférences des appareils électriques. Un filtre basse fréquence permet de diminuer les ondulations de la la ligne de base secondaire à la respiration.

La qualité du signal peut être améliorée par le moyennage de plusieurs complexes, mais cette fonction entraîne des artéfacts en cas d'irrégularités du rythme cardiaque ou d'extrasystoles, surtout ventriculaire. Cette technique de moyennage est particulièrement employée sur les appareils adaptés aux épreuves d'effort où le tracé est fortement artéfacté par le patient en mouvement.

Le tracé numérique peut être ensuite stocké sur un support informatique. Il n'existe cependant pas, à ce jour, de format standard, comme peut l'être la norme DICOM en imagerie médicale.

[modifier] Les douze dérivations

L'ECG à 12 dérivations a été standardisé par une convention internationale[2]. Elles permettent d'avoir une idée tridimensionnelle de l'activité électrique du cœur.

Les douze dérivations standard

[modifier] Six dérivations frontales

  • DI : mesure bipolaire entre bras droit et bras gauche.
  • DII : mesure bipolaire entre bras droit et jambe gauche.
  • DIII : mesure bipolaire entre bras gauche et jambe gauche.

La lettre D pour dérivation n'est pas en usage dans les pays anglo-saxons qui les appellent tout simplement I, II et III

  • aVR : mesure unipolaire sur le bras droit.
  • aVL : mesure unipolaire sur le bras gauche.
  • aVF : mesure unipolaire sur la jambe gauche.

La lettre a signifie "augmentée"

DI, DII, et DIII décrivent le triangle d'Einthoven, et on peut calculer la valeur de toutes ces dérivations à partir du signal de deux d'entre elles. Par exemple, si on connaît les valeurs de (DI) et (DII) : Enoncé de la Theorie d'Einthoven : le cœur se trouve au centre d'un triangle équilatéral formé par les membres supérieurs et la racine de la cuisse gauche.

  • III = III
  • aVF = III / 2
  • aVR = − I / 2 − II / 2
  • aVL = III / 2

Ces équations expliquent que les électrocardiogrammes numériques n'enregistrent plus en réalité que 2 dérivations et restituent les 4 autres à partir de celles-ci par simple calcul.

[modifier] Six dérivations précordiales

  • V1 : 4e espace intercostal droit, bord droit du sternum (parasternal).
  • V2 : 4e espace intercostal gauche, bord gauche du sternum (parasternal).
  • V3 à mi-chemin entre V2 et V4.
  • V4 : 5e espace intercostal gauche, sur la ligne médioclaviculaire.
  • V5 : même horizontale que V4, ligne axillaire antérieure.
  • V6 : même horizontale que V4, ligne axillaire moyenne.

[modifier] Autres dérivations

Elles sont faites dans certains cas pour affiner, par exemple, le diagnostic topographique d'un infarctus du myocarde[3].

  • V7 : même horizontale que V4, ligne axillaire postérieure.
  • V8 : même horizontale que V4, sous la pointe de l'omoplate.
  • V9 : même horizontale que V4, à mi-distance entre V8 et les épineuses postérieures.
  • V3R, symétrique de V3 par rapport à la ligne médiane.
  • V4R, symétrique de V5 par rapport à la ligne médiane.
  • VE, au niveau de la xiphoïde sternale.

[modifier] L'axe électrique du cœur

C’est l’angle du champ électrique généré par les cellules cardiaques lors de l'activation ventriculaire. On assimile ce champ à un vecteur unique dans le plan frontal. L’axe se mesure par la comparaison des amplitudes (idéalement des surfaces) respectives du segment QRS (positivité – négativité) dans les dérivations frontales. La plus grande positivité du QRS (onde R) donne une bonne idée de l’axe du cœur. Comme la dépolarisation physiologique se fait du nœud AV vers la pointe des ventricules, l'axe moyen du cœur est situé entre 30 et 60° mais il peut être normal entre -30° et +100°. On parle de déviation axiale gauche au-delà de -30° et de déviation axiale droite au-delà de +100°. Dans certaines configurations, l'axe électrique n’est mesurable car situé dans un plan perpendiculaire au plan frontal, ceci n'est pas un signe de tracé pathologique. L'axe électrique du cœur dans le plan horizontal est nettement moins utilisé en pratique. Un axe anormal peut être le signe de perturbations dans la séquence d'activation des ventricules ou même de dommages cellulaires.

Axe droit. Axe du cœur entre +90 et +120° (surface du QRS en D3 > D2, en VF comparable à D3, négative en VR). Cette angulation est physiologique (sujet longiligne) ou évoque une surcharge ventriculaire droite.

Axe gauche. Axe du cœur entre +30 et –30° (surface du QRS en D1 > D2, en VL comparable à D2, presque isoélectrique en VF). Cette angulation est physiologique (sujet bréviligne) ou évoque une surcharge ventriculaire gauche.

Axe hyperdroit. Axe du cœur > 120° (surface du QRS en D3 > D2, négative en D1 et positive en VR). Cette angulation évoque une surcharge ventriculaire droite ou un hémibloc postérieur gauche au-delà de 100°.

Axe hypergauche. Axe du cœur < -30° (surface du QRS positive en D1 et négative en D2-D3). Cette angulation évoque une surcharge ventriculaire gauche ou un hémibloc antérieur gauche au-delà de -45°.

Axe indifférent. Axe du cœur entre +60 et +90° (surface du QRS en D2 > D1 > D3, positive en VL, en D1 comparable à VF)

Axe dans le no man’s land. Axe situé dans le no man’s land (180-270°). S’il n’y a pas erreur dans la position des électrodes, un tel axe évoque une origine ventriculaire des QRS en faveur d’une tachycardie ventriculaire. Il traduit une activation de la pointe du cœur vers la base et donc le contraire de ce qui se produit en cas d’activation via le faisceau de His.

Axe perpendiculaire. Axe du cœur incalculable car perpendiculaire au plan frontal (tous les QRS ont sensiblement la même amplitude et la même morphologie). Cet aspect est secondaire à une bascule du cœur vers le plan sagittal.

Axe vertical. Axe du cœur entre 60 et 90° (surface du QRS en D2 > D3 > D1, négative en VL, et en D2 comparable à VF).

[modifier] Utilisation médicale de l'ECG

[modifier] Qu'est ce qu'un bon ECG ?

Il doit comporter :

  • les 12 dérivations comportant quelques complexes, ainsi qu'un tracé plus long d'au moins une dérivation, permettant de bien visualiser le rythme cardiaque,
  • l'identité du patient,
  • la date et l'heure du tracé, et éventuellement, les circonstances de ce dernier (systématique, douleur, palpitations...),
  • un calibrage correct : 25 mm/s et 1 cm/microvolt, ce dernier devant être prouvé par un signal de calibration visible sur le tracé.

Le tracé doit être par ailleurs indemne le plus possible de parasites électriques sur l'ensemble des dérivations et avec une ligne de base rectiligne (et non ondulante).

[modifier] Bases de l'interprétation d'un ECG

La lecture et l'interprétation d'un ECG requièrent une grande habitude qui ne peut être acquise par le médecin que par une pratique régulière. Il existe des logiciels livrés avec certains électrocardiographes pouvant aider au diagnostic, mais leur fiabilité approximative ne permet en aucun cas de se substituer au médecin.

Un ECG normal n'élimine en aucun cas une maladie du cœur. Un ECG anormal peut être également tout à fait anodin. Le médecin ne se sert de cet examen que comme un outil parmi d'autres, permettant d'apporter des arguments pour étayer son diagnostic.

Le tracé électrique comporte plusieurs accidents répétitifs appelés « ondes ».

  • L'onde P correspond à la dépolarisation (et la contraction) des oreillettes. On analyse sa forme, sa durée( qui est de 0,08 à 0,09 secondes), sa hauteur, son axe (cf ci-dessus) et sa synchronisation avec :
  • L'onde QRS (appelé aussi complexe QRS) qui correspond à la dépolarisation (et la contraction) des ventricules. L'onde Q est la première onde négative du complexe. L'onde R est la première composante positive du complexe. L'onde S est la deuxième composante négative. Suivant la dérivation et sa forme, on parle ainsi d'aspect « QS », « RS », voire « RSR' » (pour une forme en M avec deux positivités). La forme et la taille du QRS dépendent de la maladie du muscle cardiaque sous jascent mais avec une variabilité très importante; le QRS a une durée de 0,06 à 0,09 secondes
  • L'onde T correspond à l'essentiel de la repolarisation (la relaxation) des ventricules, celle-ci commençant dès le QRS pour quelques cellules; elle dure 0,20 à 0,25 secondes.
  • L'onde T atriale est masquée par l'onde QRS et correspond à la repolarisation (la relaxation) des oreillettes. Celle-ci est négative.

L'intervalle PR est le temps entre le début de P et le début du QRS. Il est le témoin du temps nécessaire à la transmission de l'influx électrique des oreillettes aux ventricules et qui dure de 0,12 à 0,20 secondes.

L'intervalle "QT" mesuré du début du QRS à la fin de l'onde T correspond à l'ensemble de la dépolarisation et de la repolarisation cardiaque. Son allongement voire son raccourcissement est lié dans certaines circonstances à l'apparition d'un trouble du rythme ventriculaire complexe nommé "Torsades de pointes" potentiellement mortel. Malheureusement sa mesure est grevée de nombreuses incertitudes rendant son étude difficile.

On peut également calculer la fréquence cardiaque (nombre de QRS par unité de temps) et voir si le rythme est régulier ou non. Si la fréquence cardiaque est régulière, la fréquence cardiaque est égale à  : 60/durée en secondes de l'intervalle R-R.

En cas d'anomalie, le tracé doit être idéalement comparé avec un ECG ancien chez le même patient : une repolarisation ventriculaire anormale n'a pas du tout la même signification si elle existe depuis plusieurs années que si elle est récente.

[modifier] Techniques complémentaires

[modifier] Holter cardiaque

Il s'agit d'un dispositif portable permettant l'enregistrement d'une ou plusieurs dérivations de l'ECG pendant plusieurs heures.

Voir article Holter cardiaque

[modifier] ECG au cours du test d'effort

Voir article épreuve d'effort.

[modifier] Scope de surveillance

[modifier] ECG à haute amplification

Ce type d'enregistrement est surtout employé pour détecter l'apparition d'arythmie et la modification du segment ST-T sur une durée de 24 heures. Les electrodes utilisés sont comme pour tous les ECG des électrodes en Ag/AgCl. Des recommendations liées aux choix des voies enregistrées lors de l'acquisition des ECG HOLTER ont fait l'objet de plusieurs travaux. Les enregistrements sont soit analogiques soit numériques.

[modifier] Electrophysiologie invasive

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes et références

  1. Recommendations for the standardization and interpretation of the electrocardiogram, Circulation. 2007;115:1306-1324
  2. Standardization of precordial leads. Joint recommendations of the American Heart Association and the Cardiac Society of Great Britain and Ireland. Am Heart J 1938; 15: 235 - 239.
  3. Guide Pratique de l'ECG - J.Sende. Ed.ESTEM. 2003