Wandervogel

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le symbole des Wandervogel
le symbole des Wandervogel

Le mouvement Wandervogel (oiseaux migrateurs) est une organisation apolitique de jeunesse allemande fondée en 1896, à Berlin-Steglitz, et qui visait à affranchir la jeunesse d'une société bourgeoise, répressive et autoritaire.

Sommaire

[modifier] Description

Ce mouvement s'adresse en priorité à la jeunesse à laquelle il permet d'acquérir des clefs et des repères pour l'avenir par la connaissance de son identité, de son passé et de l'histoire régionale. Deux axes distincts mais non séparés y sont cultivés: la vie de groupe, le sport, et la randonnée comme activité prédominante d'une part, et l'activité culturelle d'autre part.

Ce mouvement réunit donc ses membres autour de la nature, la vie en plein air, des activités sportives et culturelles, de fraternité, d'aventure, de musique folk et de chants traditionnels. Un peu comme le Scoutisme, dont il se distingue sur les points suivants: par son rejet du monde des adultes, son organisation étant prise en charge par la jeunesse elle-même sans encadrement; le fait qu'elle n'est pas basée sur un modèle militaire et son goût pour la mixité, un scandale pour l’époque. De plus, la formation y intègre une dimension culturelle plus étendue et enracinée. Par exemple en remettant au goût du jour des fêtes traditionnelles qui, depuis la nuit des temps, ont rythmé la vie des peuples, et que les aléas du monde moderne ont pu faire tomber en désuétude, comme la célébration des solstices ou des équinoxes. À noter que des "écoles populaires" dispensent une formation couvrant un grand nombre de domaines: histoire, littérature, mythologie, écologie, secourisme, etc. Le mouvement peut être amené, de manière ponctuelle, à participer à la restauration d'édifices du patrimoine régional ou, dans un esprit de maintient de liens étroits avec le monde rural, à des travaux des champs. Le tout dans un esprit d'évasion du monde citadin.

[modifier] Historique

Quatre périodes marquent l’histoire du mouvement.

[modifier] La phase du Wandervogel

Inaugurée par Hermann Hoffmann et reprise par Karl Fischer, la première phase est essentiellement une réaction contre les rigidités bourgeoises, contre les attitudes guindées de la Belle Époque, le snobisme matérialiste, etc. Le Wandervogel de Fischer s’instaure comme une « nouvelle école », plus proche de la nature, plus émancipée par rapport aux conventions et aux institutions scolaires, vectrices d’un savoir schématique. Le Wandervogel, c’est la contestation d’avant 1914. Le mouvement inaugure des contre-Institutions comme des Auberge de jeunesse, revient au terroir et quitte les déserts de pierre que sont les villes, découvre le camping et les randonnées en forêt. Le Wandervogel rejette les frivolités du « bourgeoisisme » : il ne danse pas, ne suit pas la mode, condamne l’alcoolisme et l’abus de tabac. Avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, la majorité du mouvement est pacifiste.

[modifier] La phase de la Freideutsche Jugend

La deuxième phase, celle portée par la Freideutsche jugend, est en fait une phase de transition, entre le mouvement d’écoliers et de lycéens qu’était le Wandervogel et celui, plus politisé, de la phase « bündisch ». Avec la rencontre sur le mont Hohen Meissner, près de Kassel les 11 et 12 octobre 1913, la protestation contre la société bourgeoise s’exprime pour la première fois en toute clarté. En l'occurrence, il s'agissait de contester la commémoration patriotique officielle des 100 ans de la bataille des nations à Leipzig. On disait désormais sans ambages que l’on voulait créer un « royaume de la jeunesse » (un Jugendreich) sans immixtion des adultes. On trouve aussi une influence des théories de l'éducateur Gustav Wyneken. Ce serait pour cette raison que les dizaines de ligues présentes se sont jointes à la Freideutsche Jugend. Tous voulaient dépasser l’individualisme de la période « Wandervogel ». Le désir de mener une action commune devenait de plus en plus fort et on croyait en la possibilité de forger une nouvelle communauté, une communauté vivante déployant son style propre, en opposition frontale à la société de masse des adultes. Quand éclate la Première Guerre mondiale, ce rêve se brise en mille morceaux. Sur tous les fronts les volontaires issus du mouvement de jeunesse tombent au service d’une société qu’ils avaient méprisée. La guerre laissa ses traces aussi après le traité de Versailles dans le mouvement de jeunesse. Plusieurs ligues, dans les circonstances de l’époque, finissent par s’engager dans des mouvances politiques ou s’adonnent aux expériences les plus insolites. On ne pouvait plus parler d’unité. C’était le morcellement complet. Cette phase est encore apolitique, dans une large mesure. Les Freideutsche communistes seront les premiers à être absorbés par une formation politique adulte. Par cette scission, le signal de la politisation générale de la société allemande est donné. La politisation s’enclenchera sous la pression des événements tragiques que connaît l’Allemagne : inflation, disette, réparations imposées par Versailles, agitation sociale, etc. La fuite hors des réalités, la marginalisation voulue par Fischer se heurtent aux frustrations du réel social, frustrations dues au constat qu’il n’est plus possible, avec une économie aussi défaillante et une nation aussi asservie, de créer l’homme nouveau. Pour ôter les obstacles de la misère socio-politique, il faut, bien évidemment, agir sur le terrain politique… Les chefs des divers mouvements ne peuvent plus cultiver indéfiniment leurs dadas philosophiques ni poursuivre leur rêve romantique de liberté, de détabouisation sociale.

[modifier] la phase de la Bündische Jugend

Du magma d’idéaux idylliques ou fumeux, sublimes ou excentriques, naît la troisième phase : la phase « bündisch ». L’anarchisme s’estompe. Les ligues qui se constituent acceptent désormais des principes directeurs et des hiérarchies organisatrices. Dans la foulée, les uniformes apparaissent et remplacent petit à petit les attirails chamarrés, les chemises colorées et les chapeaux à fleurs. Le « style » succéda ainsi à la fantaisie charmante. L’accent est mis désormais sur le Bund, en tant que communauté, qu’instance supra personnelle (« Les personnalités meurent comme les mouches mais ce qui est objectif ne meurt jamais »). Le Bund recrute les meilleurs garçons et en ce sens il est élitiste. Mais ses chefs sont élus, comme chez les anciens Germains. Le Bund fonctionne démocratiquement : les chefs élus discutent plans et projets avec tous les membres. Le principe d’autonomie demeure, malgré le changement de formes.

[modifier] la phase de dissolution par la répression nationale-socialiste

Mais, quand la politisation de la société allemande atteint son paroxysme lors des campagnes électorales qui amèneront Hitler au pouvoir, ce principe d’autonomie s’avère terriblement faible face aux groupes politisés et fanatisés. Hitler avait toujours montré son mépris pour les « marginaux » des mouvements de jeunesse. Il fera tout pour que ceux-ci rejoignent les rangs de son parti ou disparaissent. Malgré une ultime tentative de regroupement, sous l’égide du vieil Amiral von Trotha, les Bünde finiront par être tous interdits et dissouts. Les récalcitrants seront impitoyablement pourchassés. Le nouveau totalitarisme allemand ne toléra aucun espace d’autonomie… Quand bien même serait-il sainement éducateur comme l’ont été les Bünde. En Allemagne, ce mouvement sera donc interdit par les nazis en 1933.

[modifier] Le mouvement Wandervogel aujourd'hui

Le mouvement renaîtra péniblement après la Seconde Guerre mondiale, pour essaimer ensuite lentement dans différents pays.

[modifier] Le mouvement Wandervogel en Allemagne

Pays qui a vu naître le mouvement Wandervogel, l'Allemagne abrite aujourd'hui encore la branche la plus importante en nombre de membres du mouvement, environ 5 000. Le château de Ludwigstein, au nord de Kassel, renferme les archives du mouvement.

[modifier] Le mouvement Wandervogel en France

Il a fallu attendre exactement quatre-vingt dix ans après la création officielle du mouvement Wandervogel à Steglitz pour voir l'émergence d'une organisation de jeunesse se réclamant de ce mouvement en France, prenant pour nom sa traduction française : « Les Oiseaux Migrateurs ».

Ce mouvement est parti de Normandie, au cœur du Cotentin, de l'initiative d'une poignée de jeunes Normands, à la fois profondément attachés à la culture de leur région, et fascinés par le modèle du mouvement allemand, si méconnu en France, et qu'ils avaient découvert au travers de leurs lectures. Ils avaient le sentiment que là était le modèle qui apportait enfin la réponse à leurs aspirations, que le scoutisme français ne pouvait que laisser insatisfaites. En effet, ils y avaient trouvé le développement d'une « éducation totale », d'une éthique de vie telles qu'ils les concevaient. Elles mêlent tout à la fois esprit völkisch (notion complexe signifiant en même temps « régionaliste », « traditionnel », « populaire » et « rural »), esprit de camaraderie, de liberté et de « révolte contre l'esprit bourgeois ». Il s'agit ici de la liberté de la jeunesse dirigée par la jeunesse, libérée de toute emprise — voire prise d'otage — politique, philosophique ou religieuse par la société, celle des adultes. Ils y retrouvent aussi une certaine conception écologique du monde, l'aspiration à une vie simple, saine et proche de la nature, le rejet du monde des villes et de ses valeurs artificielles qui aliènent la jeunesse, et qui ont fait oublier aux hommes l'essence des choses et de la nature. Enfin, et surtout, ils font leur l'exaltation des grandes randonnées de la jeunesse wandervogel dans une nature retrouvée, à la découverte de leurs régions, mais aussi de l'Europe, sillonnant bocages, landes, forêts et montagnes. Là est d'ailleurs la première devise que prit leur groupe : « Normands et Européens », à savoir enracinés et affirmés dans leur culture propre (esprit völkisch), et partageant les valeurs universelles, européennes des Wandervogels, ainsi qu'un héritage et un patrimoine culturel communs aux peuples européens.

Par une analogie étonnante, et de façon bien inconsciente d'ailleurs, les premiers développements de ce mouvement naissant suivirent ceux des premiers groupes wandervogels allemands. En effet, ce fut d'abord un « groupe de copains », comme on dirait familièrement, peu structuré – même si les activités étaient relativement nombreuses, principalement des randonnées en Normandie -, et sans grande unité dans la tenue vestimentaire, typiquement à l'image de ce qu'on a appelé le Ur-Wandervogel, celui des premiers temps.

Puis, à la suite des premiers contacts avec un des plus anciens groupes wandervogels allemands, une nouvelle impulsion fut donnée aux jeunes Oiseaux Migrateurs Normands, qui découvrirent alors de visu l'esprit et la forme « wandervogels » qu'ils n'avaient connus jusqu'à présent que dans les livres : la réalité dépassait la fiction. Définitivement convaincus qu'ils avaient trouvé la bonne voie, ils furent aussi conscients de l'ampleur de la tâche à accomplir : ils partaient de zéro, n'ayant pour eux que leur volonté, leurs bonnes intentions, et leur état d'esprit. Le tournant bündisch fut alors pris : il fallait structurer le mouvement.

Très vite, une tenue vestimentaire « Oiseaux » fit son apparition, voulant se démarquer par son côté völkisch, traditionnel, de l'uniforme scout. Elle est issue d'une synthèse d'éléments wandervogels bündisch (knickers et chemise) et de spécificités régionales françaises : le « Affe » (sac à dos) des Allemands fut remplacé par le bon vieux « Bergame » français, la JuJa par l'ancien « track » des chasseurs alpins français. Quant à la Kohte, la fameuse tente lapone emblématique des Wandervogels, elle fut évidemment adoptée. De même apparut sur les chemises l'insigne des Oiseaux Migrateurs : le « Bouais-Jan » (mot normand signifiant « fleur d'ajonc »), symbolisant pour la Normandie ce qu'est le « Chardon » à l'Ecosse. Le symbole du « Bouais-Jan » a été exalté par le poète et écrivain normand Louis Beuve (1869-1949). Ce fut aussi le nom d'une revue régionaliste normande du début du XXe siècle. Mais aussi porte-t-on dorénavant, sur l'épaule, l'écu de sa région. En effet, de nouveaux jeunes, nombreux, se sont joints au mouvement, venant d'autres régions de France, où ils formèrent à leur tour leur propre groupe régional des Oiseaux Migrateurs. Le premier fut celui de Bretagne.

Outre dans la forme, c'est aussi dans le fond que le mouvement prit alors son essor et sa maturité, cultivant ses spécificités régionales. Concernant l'aspect völkisch, on y apprend et pratique les langues, les danses traditionnelles et les chants des régions. On y remet aussi au goût du jour les fêtes traditionnelles régionales qui, depuis la nuit des temps, ont rythmé la vie de nos peuples, et que les aléas du monde moderne ont pu faire tomber en désuétude : feux de solstice d'été (Saint Jean), fêtes de solstice d'hiver (Jul, Noël), et autres Champs de Mai (1er mai). De plus, partant du principe que l'esprit du peuple vit dans les campagnes, les jeunes « Oiseaux » aspirent à entretenir un contact étroit avec le monde rural, en participant par exemple aux travaux des champs. Enfin, ils pratiquent ce qui fait l'essence du mouvement : la vie de groupe, les sports collectifs, et surtout les grandes marches à travers les régions sauvages de France et d'Europe, qui contribuent à cultiver la défense de l'environnement par l'apprentissage de la nature. Enfin, une des grandes spécificités du mouvement des Oiseaux Migrateurs réside dans l'organisation de « Hautes Écoles Populaires », dont le nom et le concept sont issus de la Folke Hojskole fondée par le réformateur danois N.F.S. Grundtvig dans la première moitié du XIXe siècle, qui a initié un fort courant de renouveau culturel et populaire dans toute la Scandinavie, et qui se voulait un « éveilleur de peuple ». On notera qu'il reste de ce courant de très nombreuses écoles de ce type en Scandinavie, et aussi en Allemagne. Elles y sont très populaires, et désormais institutionnalisées. Néanmoins, la plupart se sont éloignées sensiblement de leur vocation première.

Il voulait en faire une alternative à l'éducation académique d'état (universités, etc.), qu'il qualifiait d'« école de mort », opposant à cette dernière une « école de vie », celle qu'il prônait. Par des cours qui vont de l'histoire régionale et européenne à la mythologie et légendes populaires, en passant par les traditions, les danses, les chants, les langues, la faune et la flore régionales, on y apprend la « culture populaire » (dans le sens du Folke-Dannelse de Grundtvig), une « culture de la vie », visant à insuffler, à éveiller « l'esprit du peuple » (l'esprit folkelig des Norvégiens) et à transmettre le « souffle vital », à forger des esprits enracinés. Grundtvig mettait un accent particulier sur la mythologie, qu'il considérait comme fondamentale, car porteur selon lui de l'essence d'un peuple, de son univers mental et spirituel. C'est ainsi que dans sa logique, par exemple, tout Normand devrait apprendre la mythologie scandinave, et tout Breton la mythologie celtique.

En conclusion, les Oiseaux Migrateurs, Wandervögel, en France aujourd'hui, sont nés de la même révolte de la jeunesse que celle dont étaient animés leurs prédécesseurs allemands, voici maintenant un siècle. En effet, même si en surface la société française apparaît difficilement comparable à la société wilhelmienne de l'époque, les problèmes de fond demeurent intacts pour la jeunesse : aliénation dans le monde urbain, prise d'otage morale, politique, voire religieuse par le monde des adultes (notamment celui des médias et scolaire), endoctrinement consumériste et matérialiste, déracinement et perte de repères culturels et moraux. La jeunesse actuelle ne pense pas par elle-même : on conçoit pour elle du « prêt à penser ». Cette société ne lui sert plus qu'un monde insipide, fade, gris et indifférencié. Rien n'a changé en fait depuis un siècle. L'esprit bourgeois tel que le définissent un Flaubert ou un Höffkes demeure : est bourgeois celui qui accepte un tel monde et y participe.

A cela, les Oiseaux Migrateurs opposent une « école de vie », celle des Wandervogels et de N.F.S. Grundtvig, et une « éducation totale », telle que définie par Pierre de Coubertin. Il y opposent aussi un culte de la « grande santé », promue par l'écrivain normand Jean Prevost. Il y opposent enfin l'esprit du peuple, l'esprit völkisch wandervogel ou folkelig des grands réformateurs scandinaves.

Tiré du site: http://www.crevetabous.com/chapitre_wv_om.htm

[modifier] Devises et Citations

Devenir mûr et rester pur.

Sauvage et Libre.

[modifier] Bibliographie

  • Karl Höffkes, Wandervogel: révolte contre l’esprit bourgeois, Editions ACE
  • Michel Froissard, Une histoire des mouvements de jeunesse allemands (1896-1933): du Wandervogel à la dissolution des ligues par le régime national-socialiste
  • Borinski, Werner Milch, Jugendbewegung. Die Geschichte der deutschen Jugend 1896-1933/Jugendbewegung. The Story of German Youth 1896-1933, (édition bilingue), dipa-Verlag, Frankfurt am Main, 1967-1982
  • Norgard Kohlhagen, Une fille qui voulait vivre autrement, Editions ACE

[modifier] Liens internes

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