Tristan et Isolde

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Tristan et Isolde (en allemand Tristan und Isolde) est un opéra en trois actes de Richard Wagner, composé entre 1857 et 1859, créé le 10 juin 1865 au Théâtre royal de la Cour de Bavière à Munich et souvent considéré comme l'un des sommets de l'opéra occidental. Inspiré par la mystérieuse Frau M.W., Mathilde Wesendonck, Tristan et Isolde est la première œuvre créée sous le patronage du roi Louis II de Bavière. En se tournant vers l'ouest et ses mers déchirées, Richard Wagner offre au monde un opéra qui, basé sur une idée unique, se contorsionne sur lui-même en une passion d'une intensité telle qu'elle ne peut aboutir qu'en une fin tragique qui, plus qu'un renoncement, est une délivrance. C'est un des meilleurs exemples du projet wagnerien de transformer l'opéra en drame musical. L'audace harmonique de la musique commence à faire éclater le cadre de la tonalité. Le prélude du premier acte est devenu un morceau orchestral à part entière, aussi célèbre que prestigieux ; la Liebestod (« mort d'amour ») d'Isolde, à la fin de l'opéra, compte, pour beaucoup, parmi les passages les plus bouleversants qui aient jamais été composés.

L'Opéra dure près de quatre heures et quinze minutes.

Sommaire

[modifier] Les personnages

  • Tristan, neveu du roi Marke (ténor)
  • Isolde, princesse d'Irlande (soprano)
  • Marke, roi de Cornouaille (basse)
  • Kurwenal, écuyer de Tristan (baryton)
  • Brangäne, suivante d'Isolde (mezzo-soprano)
  • Melot, ami de Tristan (ténor)
  • Un jeune marin (ténor)
  • Un berger (ténor)
  • Un pilote (baryton)
  • Un timonier (basse)
  • Les marins et les chevaliers de Cornouailles (chœurs)

[modifier] Résumé de l'action

L'argument est inspirée de la légende celtique de Tristan et Iseut. Mais Tristan et Isolde a aussi été perçu souvent comme le symbole de l'amour impossible entre Wagner et Mathilde Wesendonck (voir Wagner).

Depuis longtemps, la Cornouaille tentait de s'affranchir de la suzeraineté du Roi d'Irlande qui, afin de mater la révolte, avait dépêché sur place une expédition militaire qu'il confia à Morold, fiancé de sa fille Isolde. Armé de l'épée qu'Isolde instruite de l'art de la magie avait enduite de poison, Morold franchit la mer, mais au cours d'un furieux combat fut tué par Tristan, le neveu du Roi de Cornouailles. Pourtant, avant de mourir, Morold, dont la tête tranchée et l'épée ébréchée avaient été envoyées au pays d'Érin au titre de seul tribut consenti, était parvenu à blesser son adversaire qui savait que, dès lors, seule Isolde disposait de l'antidote contre le poison qui le rongeait. Ainsi, arrivant comme un naufragé sur les rivages d'Irlande sous le nom de Tantris, Tristan fut recueilli par Isolde qui, n'étant pas dupe du mensonge et ayant découvert dans la plaie du guerrier un morceau de la lame de Morold, prit la résolution de se venger de l'homme qui lui avait ravi son amour. Tandis qu'il dormait, Isolde brandit l'épée, s'apprêtant à terrasser Tristan qui soudainement s'éveilla : le jeune homme regarda non le glaive qui le menaçait, mais uniquement les yeux d'Isolde qui, bouleversée, lacha l'arme et soigna son ennemi afin que, guéri, elle n'eût plus jamais à croiser ce regard qui lui avait inspiré la pitié et l'avait détournée de son but. Quelques années plus tard, la paix fut scellée par le mariage du vieux Roi Marke de Cornouailles avec Isolde, événement qui, lorsque Tristan lui-même fut envoyé en ambassade pour venir chercher la jeune promise, s'accompagna d'un serment d'oubli pour tout le passé. Pourtant, la fille d'Irlande ne voulant imaginer qu'elle pût apporter en dot son pays à ceux qui en étaient autrefois les vassaux n'était nullement disposée à se joindre à ce grand pardon et à se résoudre à ce mariage arrangé.

[modifier] Acte I

L'acte se déroule à bord d'un bateau voguant vers la Cornouaille. Tristan, accompagné de son fidèle écuyer Kurwenal, a été chargé par son oncle le roi Marke de faire venir d'Irlande sa future épouse, la princesse Isolde. Comme le voyage touche à sa fin, celle-ci sort du mutisme dans lequel elle s'est cloîtrée (scène 1) pour confier à sa suivante Brangäne un terrible secret (scène 3). Tristan, le valeureux héros admiré de tous, n'est autre que l'assassin de son fiancé Morold, tué pour affranchir le roi de Cornouailles du tribut qu'il payait au roi d'Irlande. Blessé, il avait été recueilli et soigné par Isolde qui ne l'avait pas reconnu, jusqu'au jour où, remarquant une cassure sur son épée, celle-ci découvrit sa véritable identité. Sur le point de se venger, elle fut arrêtée in extremis par un regard d'amour. Partagée entre la haine, l'amour et la honte d'être ainsi livrée au vassal de son père par l'assassin de son fiancé, Isolde choisit de s'unir à Tristan dans la mort (scène 4). Elle fait préparer par sa suivante un breuvage empoisonné, que Tristan accepte en connaissance de cause (scène 5). Brangäne, qui ne peut se résoudre à exécuter l'ordre de sa maîtresse, remplace le philtre de mort par un philtre d'amour. Après l'avoir bu, Tristan et Isolde tombent en extase l'un devant l'autre (il est pourtant clair que le philtre n'est que le révélateur de sentiments préexistants), tandis que le bateau accoste et que le roi Marke s'avance pour accueillir sa fiancée (scène 5).

[modifier] Acte II

Pendant que le roi est parti chasser, Tristan et Isolde se retrouvent en secret malgré les avertissements avisés de Brangäne. Suit alors un immense duo d'amour d'un romantisme exacerbé. De suprêmement érotique, il devient peu à peu mystique : Tristan et Isolde chantent leur désir de consacrer leur amour par une mort qui serait le triomphe définitif de la Nuit sincère et douce sur le Jour vain, perfide et mensonger. Voici un extrait célèbre du livret :

So stürben wir, Ainsi nous mourrions
um ungetrennt, pour n'être plus séparés,
ewig einig éternellement unis,
ohne End', sans fin,
ohn' Erwachen, sans réveils,
ohn' Erbangen, sans crainte,
namenlos oubliant nos noms,
in Lieb' umfangen, embrassés dans l'amour,
ganz uns selbst gegeben, donnés entièrement l'un à l'autre
der Liebe nur zu leben ! pour ne plus vivre que l'amour !

Le duo amoureux de Tristan et Isolde est le plus long (trois quarts d'heure) et sans doute le plus beau de l'histoire de la musique par son lyrisme stupéfiant et sa musique si expressive. Le duo est soudainement interrompu par l'arrivée de Marke et de ses hommes. Le roi, dans un long et touchant monologue, exprime alors toute l'affliction qu'il ressent en se voyant trahi par celui qu'il aimait plus que tout au monde, à qui il avait légué pouvoir et biens. Tristan, déconnecté du monde social, invite Isolde à le suivre dans son pays, la mort, avant de se jeter sur Melot qui l'a trahi. Comme il ne se défend pas, Melot le blesse grièvement.

[modifier] Acte III

En Bretagne, Tristan agonise près de son château de Kareol. Seuls Kurwenal et un berger veillent sur lui, attendant avec impatience l'arrivée d'Isolde, la seule à pouvoir le guérir. Tristan, qui sent que sa bien-aimée est encore en vie, désire la revoir pour mourir enfin. Après une fausse alerte, le navire d'Isolde est en vue. Dans un état d'excitation extrême, Tristan arrache alors ses bandages, s'élance à la rencontre d'Isolde et meurt dans ses bras.
Soudain, on voit un autre bateau accoster. C'est celui du roi Marke qui, mis au courant du secret du philtre par Brangäne, est venu unir Isolde à celui qu'elle aime. Kurwenal, croyant à une vengeance, repousse vigoureusement les nouveaux arrivants, tue Melot et meurt lui-même à quelques pas de son maître. Isolde, en extase devant le cadavre de Tristan, meurt transfigurée. Marke, consterné, bénit les cadavres, tandis que le rideau tombe lentement.

[modifier] Les leitmotive

[modifier] Généralités

Les leitmotive de Tristan et Isolde sont très nombreux, mais ils procèdent presque tous des premières notes de l'opéra qui représentent l'aveu et le désir. Lorsqu'on les regarde dans leur ensemble, on ne peut manquer d'être stupéfié par leur unité.

Tout au long de l'opéra, Wagner, comme à son habitude, les transforme, les réorchestre, les oppose, les combine, exprimant ainsi avec une justesse rarissime les sentiments les plus subtils. En entendant (même inconsciemment) ces transformations thématiques, le spectateur saisit instinctivement l'évolution des personnages et de leurs émotions.

[modifier] Exemples de leitmotive

Voici, à titre d'illustration, quelques-uns des très nombreux motifs de l'opéra :

  • Ceux qu'on peut entendre dans le prélude, d'importances inégales :

image:ti_aveudesir.png image:ti_regard.png image:ti_philtreamour.png image:ti_poison.png image:ti_philtremort.png image:ti_delivrance.png

  • Quelques autres motifs parmi les plus importants :

image:ti_morttristan.pngimage:ti_jour.pngimage:ti_liebestod.png

[modifier] Discographie sélective

[modifier] Fritz Reiner, 1936

Lauritz Melchior et Kirsten Flagstad, Tristan et Isolde,

Herbert Janssen, Emanuel List,

Enregistré sur le vif au Covent Garden, Londres, en juin 1936.

[modifier] Sir Thomas Beecham, 1937

Lauritz Melchior et Kirsten Flagstad, Tristan et Isolde

Sven Nilson, le roi Marke ; Herbert Janssen, Kurwenal ; Booth Hitchin, Melot ; Margarete Klose, Brangäne ; Parry Jones, un matelot ; Octave Dua, un pâtre ; Leslie Horsman, le pilote.

London Philharmonic Orchestra

En raison d'une méprise qu'il a reconnue, EMI ne possède pas d'enregistrement intégral dirigé par Thomas Beecham. L'enregistrement CD de 1991 mélange en réalité deux sources :

  • Mai 1936, Fritz Reiner (voir référence précédente) : le prélude et la majeure partie du premier acte ; les deux derniers tiers du troisième acte. Les interprètes doivent être corrigés comme suit : Sabine Kalter, Brangäne ; Emanuel List, le roi Marke.
  • Juin 1937, Thomas Beecham : le deuxième acte, le premier tiers du troisième acte.

[modifier] Wilhelm Furtwängler, 1952

Ludwig Suthaus et Kirsten Flagstad, Tristan et Isolde

Blanche Thebom, Brangäne ; Josef Greindl, le roi Marke ; Dietrich Fischer-Dieskau, Kurwenal ; Rudolf Schock, le matelot et le berger ; Edgar Evans, Melot ; Rhoderick Davies, le pilote.

Philharmonia Orchestra, Londres ; chœurs de l'opéra royal de Covent Garden.

Furtwängler devait diriger et enregistrer une version témoignage de l'époque du grand chant wagnérien, avec Kirsten Flagstad et Lauritz Melchior, alors considérés comme les plus grands interprètes des rôles titres. La guerre, malheureusement, vint contrecarrer ses projets. L'enregistrement n'eut lieu qu'en 1952, à Londres, avec le Philharmonia Orchestra et une Flagstad en fin de carrière (doublée par Elisabeth Schwarzkopf dans le contre-ut final). Melchior étant mort, c'est Ludwig Suthaus qui le remplaça.

[modifier] Herbert von Karajan, 1952

Ramón Vinay et Martha Mödl, Tristan et Isolde,

Ludwig Weber, le roi Marke ; Hans Hotter, Kurwenal ; Ira Malaniuk, Brangäne ; Ludwig Weber ; Hermann Uhde.

Chœur et orchestre du festival de Bayreuth, 1952

Enregistré lors des représentations du festival, l'année qui suivit la réouverture du festival après son interruption pour dénazification.

[modifier] Karl Böhm, 1966

Wolfgang Windgassen et Birgit Nilsson, Tristan et Isolde

Christa Ludwig, Brangäne ; Eberhard Waechter, Kurwenal ; Martti Talvela, le Roi Marke,

Chœurs et orchestre du festival de Bayreuth,

Cette version est restée une référence de l'interprétation de cet opéra. Elle rompt radicalement avec les interprétations antérieures et témoigne de la nouvelle lecture de l'œuvre par Wieland Wagner (petit-fils du compositeur, alors responsable du festival et initiateur de la période appelée « nouveau Bayreuth »). Elle est caractérisée par l'impétuosité de la direction d'orchestre.

[modifier] Herbert von Karajan, 1972

Jon Vickers et Helga Dernesch, Tristan et Isolde

Christa Ludwig, Brangäne

Orchestre philharmonique de Berlin.

Cet enregistrement en studio offre un Tristan puissant et halluciné, notamment au 3e acte, une belle Isolde, une parfaite Brangäne, mais surtout un orchestre qui donne une vision hédoniste de la partition.

[modifier] Carlos Kleiber, 1982

René Kollo et Margaret Price, Tristan et Isolde

Kurt Moll, le roi Marke

Staatskapelle de Dresde.

Tristan et Isolde à la beauté pure, sans doute décalé, voire mozartien avec l'Isolde de Margaret Price, mais avec un Tristan épuisé, et un très beau Roi Marke .

[modifier] Voir aussi

[modifier] Littérature

  • Tristan est une courte nouvelle assez ironique de Thomas Mann qui reprend à la fois le thème de l'amour impossible et dont l'intrigue se noue (ou se dénoue) autour de la réduction pour piano de l'opéra de Wagner.

[modifier] Liens externes

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