Théorème du moment cinétique

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

En mécanique classique, le théorème du moment cinétique est un résultat fondamental, corollaire utile des lois du mouvement de Newton. Il se révèle très pratique dans l'étude des problèmes à deux corps et en mécanique du solide.

Le théorème du moment cinétique est notamment utilisé dans l'étude des problèmes à forces centrales, car celles-ci ont une contribution nulle, ce qui simplifie parfois grandement l'analyse : il peut dans ce cas être compris comme un principe de conservation[1]. Il peut par ailleurs être utilisé pour démontrer les lois de Kepler[2].

Il relie deux quantités physiques : le moment cinétique et le moment d'une force.

Sommaire

[modifier] Mécanique du point

[modifier] Énoncé

On se place dans un référentiel galiléen[3]. On considère un point fixe O, origine du repère choisi. Soit un point M de masse m. Le moment cinétique du point M dans ce référentiel est défini par :

\overrightarrow{L_O} = \overrightarrow{OM} \wedge \overrightarrow{p} = \overrightarrow{OM} \wedge m \overrightarrow{v}

avec p la quantité de mouvement de la masse ponctuelle, v la vitesse du point M et où \wedge désigne le produit vectoriel usuel.

Soit une force F s'appliquant sur le point M. Alors on définit le moment de F par :

\overrightarrow{\mathcal M_O} = \overrightarrow{OM} \wedge \overrightarrow{F}

Si le point est soumis à n forces, de moment \overrightarrow{\mathcal M_{i,O}} chacune, alors le théorème du moment cinétique énonce que :

\frac{\mathrm d\overrightarrow{L_O}}{\mathrm dt} = \sum_{i=1}^{n} \overrightarrow{\mathcal M_{i,O}}

[modifier] Démonstration

On montre ici pour des raisons de clarté le théorème du moment cinétique pour une seule force. La démonstration se fait de même pour plusieurs forces, en notant F la résultante de toutes les forces.

En effectuant l'opération de dérivation sur le moment cinétique, on a :

\frac{\mathrm d\overrightarrow{L_O}}{\mathrm dt} = \frac{\mathrm d \left( \overrightarrow{OM} \wedge \overrightarrow{p} \right)}{\mathrm dt} = \overrightarrow{OM} \wedge \frac{\mathrm d \overrightarrow{p} }{\mathrm dt} + \overrightarrow{p}\wedge \frac{\mathrm d \overrightarrow{OM} }{\mathrm dt}

Or, d'après le principe fondamental de la dynamique, la dérivée de la quantité de mouvement est égale à la somme des forces. D'autre part, la quantité de mouvement est colinéaire à la vitesse, donc le second produit vectoriel est nul. On a ainsi :

\frac{\mathrm d\overrightarrow{L_O}}{\mathrm dt} = \overrightarrow{OM} \wedge \overrightarrow{F} = \overrightarrow{\mathcal M_{O}}

[modifier] Utilisation : équation du pendule simple

Icône de détail Article détaillé : Pendule simple.
Le cas du pendule simple est facilement traité par le théorème du moment cinétique.
Le cas du pendule simple est facilement traité par le théorème du moment cinétique.

On considère un pendule simple, constitué d'une masse m, repéré par sa position en coordonnées polaires (r, θ) et accrochée par un fil inextensible parfait de longueur l à un point fixe O. Le pendule est supposé soumis uniquement au champ de pesanteur, considéré uniforme et égal à g. Le fil forme un angle θ avec la verticale.

On travaille dans le système de coordonnées polaires (er, eθ, ez).

Le moment des forces autre que le poids (réaction au niveau de la liaison pivot et force de tension du fil) est nul. Le moment exercé par le poids au point O est :

\overrightarrow{\mathcal M_{O}} = - mgl \sin \left(\theta\right) \overrightarrow{e_z}

Le moment cinétique de la masse est :

\overrightarrow{L_O} = l \overrightarrow{e_r} \wedge  ml \frac{\mathrm d \theta}{\mathrm dt} \overrightarrow{e_{\Theta}} = ml^2 \frac{\mathrm d \theta}{\mathrm dt} \overrightarrow{e_z}

En dérivant cette relation, on a, d'après le théorème du moment cinétique :

ml^2 \frac{\mathrm d^2 \theta}{\mathrm dt^2} \overrightarrow{e_z} = - mgl \sin \left(\theta\right) \overrightarrow{e_z}

Ce qu'on peut simplifier pour écrire, en notant la dérivée par rapport au temps par un point :

\ddot{\theta} + \frac{g}{l} \sin \left( \theta \right) = 0

On retrouve bien la formule générale de l'équation du pendule plan simple.

[modifier] Mécanique du solide

En mécanique du solide, on ne traite plus en toute rigueur des points matériels. Néanmoins, la notion de centre de gravité permet localement d'assimiler une partie du solide à un point, afin de lui appliquer le théorème du moment cinétique. On peut ainsi sommer les contributions sur un volume infinitésimal, où le théorème du moment cinétique reste valable.

On pose ainsi une nouvelle définition du moment cinétique. Soit un solide S, dont chaque point M est animé d'une vitesse v(M) et est affecté d'une masse volumique ρ(M). Alors le moment cinétique en O est :

\overrightarrow{L_O} = \int_{S} \overrightarrow{OM} \wedge \rho \left( M \right ) \overrightarrow{v} \left( M \right) \mathrm d\tau

On peut vérifier que pour un objet à symétrie sphérique et homogène — c'est-à-dire assimilable à une masse ponctuelle — cette formule est strictement équivalente à celle donnée en mécanique du point.

Si le solide est homogène et en rotation selon le vecteur \overrightarrow \omega de direction fixe[4], alors l'expression du moment cinétique peut être simplifiée par l'introduction du moment d'inertie J :

\overrightarrow{L_O} = J \cdot \overrightarrow \omega.

Il apparaît alors une analogie formelle remarquable entre l'expression du théorème du moment cinétique et celle du théorème du centre d'inertie[5] qui sont les deux principaux outils de l'étude dynamique en mécanique du solide. En effet, le théorème du moment cinétique s'écrit :

J \frac{\mathrm d \overrightarrow \omega}{\mathrm dt} = \sum_i \overrightarrow{\mathcal M_{i,O}}

Alors que le théorème du centre d'inertie s'écrit :

m \frac{\mathrm d \overrightarrow{v}}{\mathrm dt} = \sum_i \overrightarrow{F_{i,G}}

avec v la vitesse, m la masse (inertielle) et Fi,G les forces appliquées en son centre de gravité G — analogues respectivement de la vitesse angulaire ω, du moment d'inertie J et des moments \mathcal M_{i,O} au point fixe O.

[modifier] Mécanique des fluides

Le théorème du moment cinétique peut garder un sens en mécanique des fluides, mais les phénomènes de convection nous privent d'un énoncé similaire à celui de la mécanique du point ou du solide. Il n'est pas possible, en effet, de définir de façon claire le moment cinétique d'une particule fluide indépendamment de ses voisines.

Néanmoins, on peut considérer le système étudié dans son ensemble, pour réaliser un bilan de moment cinétique total. On a alors :

\frac{\mathrm d \overrightarrow {L_{tot}}}{\mathrm dt} = \overrightarrow {\mathcal M_{tot}}

On préfère souvent exprimer un tel bilan comme une différence sur un intervalle de temps infinitésimal dt :

\mathrm d \overrightarrow {L_{tot}}= \overrightarrow{\mathcal M_{tot}} \cdot \mathrm dt

Le principal inconvénient de cette formulation est qu'elle ne donne accès qu'aux propriétés globales du système, ce qui revient à considérer l'ensemble comme un problème de mécanique du solide. On n'accède pas, en effet, aux moments de chaque particule. De plus, certaines propriétés, comme la masse volumique, peuvent dépendre du temps. Le théorème n'est valable que si ces variations sont négligeables, uniformes ou suffisamment lentes. On donne ici des expressions indépendantes du temps.

Le moment cinétique total est donné par une formule analogue à celle de mécanique du solide :

\overrightarrow{L_{tot}} = \int_{S} \overrightarrow{OM} \wedge \rho \left( M \right ) \overrightarrow{v} \left( M \right) \mathrm d\tau

À la différence du solide, la vitesse d'un point n'est pas liée à la vitesse d'un autre point : il n'est pas possible de définir l'équivalent du moment d'inertie, donc de simplifier cette expression. Il est également courant de considérer les moments des forces volumiques. Pour une force volumique f, on définit le moment de f sur tout le système par :

\overrightarrow{ \mathcal M } = \int_{S} \overrightarrow{OM} \wedge \overrightarrow f \left( M \right ) \mathrm d\tau

D'après le théorème de Noether, un système fluide dont le moment cinétique total pris en son centre de gravité est conservé présente une symétrie sphérique : c'est en première approximation le cas des étoiles ou des gouttes d'eau dans le vide.

L'expression complète du théorème sous cette forme est :

\int_{S} \frac{ \mathrm d \left(\overrightarrow{OM} \wedge \rho \overrightarrow{v} \right)}{\mathrm dt} \, \mathrm d\tau = \int_{S} \overrightarrow{OM} \wedge \sum_i \overrightarrow f_i \, \mathrm d\tau

[modifier] Notes et références

  1. On peut également comprendre cette conservation comme une conséquence du théorème de Noether.
  2. La seconde loi de Kepler, ou « loi des aires », est démontrée en utilisant le théorème du moment cinétique dans l'article dédié.
  3. L'utilisation d'un référentiel non-galiléen a pour effet la violation du principe fondamental de la dynamique, à moins qu'on y introduise les forces d'inertie. Le théorème du moment cinétique reste valable dans un tel référentiel si on prend en compte l'effet de ces deux forces virtuelles.
  4. C'est-à-dire en rotation d'axe ce vecteur, à la vitesse angulaire ω.
  5. En mécanique du solide, le « théorème du centre d'inertie » est en réalité le principe fondamental de la dynamique, appliqué au centre de gravité du solide ainsi réduit à une masse ponctuelle.

[modifier] Voir aussi