Talaat Pacha

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Talaat Pacha
Mandat : 14 février 1917 au
8 octobre 1918
Prédécesseur : Said Halim Pacha
Successeur : Ahmed İzzet Pacha
Année de naissance 1874
Lieu de naissance : Kırcaali (Edirne)
Mort : 15 mars 1921
Lieu du décès : Berlin
Parti politique : Jeunes-Turcs
Titre : 280ème grand vizir

Mehmet Talaat Pacha était un des leaders des Jeunes-Turcs, un homme d'État ottoman, grand vizir et membre principal de la Sublime Porte de 1913 à 1918.

Il est le principal organisateur du génocide arménien. On lui attribue l'ordre de « tuer tous les hommes, femmes et enfants arméniens sans exception ».

Sommaire

[modifier] Jeunes années

Mehmet Talat, né à Kircaali (province d'Edirne) en 1874, était le fils d'un membre important de l'armée ottomane. Sa position dans la société lui permit de recevoir une éducation de haut niveau. Il était diplômé du Collège d'Edirne. Il rejoint l'équipe de la compagnie de télégraphe d'Edirne, mais il est bientôt arrêté en 1893 pour activités politiques subversives. Il était activement impliqué dans le mouvement de résistance contre le régime despotique du Sultan Abdülhamid II. Relâché deux ans plus tard, il fut désigné chef secrétaire des postes et télégraphes à Thessalonique et rendit d'importants services à la cause des Jeunes-Turcs. Entre 1898 et 1908, il fut facteur à la Poste de Thessalonique, avant d'en être le directeur.

[modifier] Implication avec les Jeunes-Turcs et le génocide de 1915

Icône de détail Article détaillé : Génocide arménien.

En 1908, il fut banni pour avoir été membre du Comité d'Union et Progrès (noyau du mouvement des Jeunes-Turcs). Après la révolution des Jeunes-Turcs en 1908, cependant, il devint député d'Edirne au Parlement ottoman, et en juillet 1909, il fut nommé Ministre de l'Intérieur. Il devint Ministre des Postes, puis secrétaire général du Comité d'Union et Progrès en 1912.

Après l'assassinat du Premier Ministre Mahmut Şevket Pacha en juillet 1913, Talat Pacha redevint Ministre de l'Intérieur. Talat, avec Enver Pacha et Djemal Pacha, formait un groupe appelé les Trois Pachas. Ces trois hommes devinrent les dirigeants efficaces du gouvernement ottoman depuis ce moment jusqu'à la fin de la guerre en octobre 1918.

Talat, qui depuis 1908 se laisse de plus en plus séduire par l'idéologie panturquiste, analyse froidement la situation politique du pays et la nécessité d'annihilation des populations arméniennes[1]. Dès 1914, de nombreux rapports de diplomates allemands soupçonnent Talat de vouloir anéantir les Arméniens. Après le début du génocide arménien en 1915, malgré les démentis du ministre, les ambassadeurs allemands et autrichiens, pourtant alliés de l'Empire ottoman, ne doutent plus de son double jeu et de ses mensonges[1]. En privé, Talat, intéressé par les assurances américaines souscrites par les Arméniens, confie à l'ambassadeur américain Morgenthau : « Je vous ai demandé de venir aujourd'hui, désirant vous expliquer notre attitude à l'égard des Arméniens ; elle est basée sur trois points distincts : en premier lieu, les Arméniens se sont enrichis aux dépens des Turcs ; secondement, ils ont résolu de se soustraire à notre domination et de créer un Etat indépendant ; enfin ils ont ouvertement aidé nos ennemis, secouru les Russes dans le Caucase et par là causé nos revers. Nous avons donc pris la décision irrévocable de les rendre impuissants avant la fin de la guerre. Nous avons déjà liquidé la situation des trois-quarts des Arméniens ; il n'y en a plus à Bitlis, ni à Van, ni à Erzerum. La haine entre les deux races est si intense qu'il nous faut en finir avec eux, sinon nous devrons craindre leur vengeance[2]. »

Contrairement aux massacres hamidiens de 1894-1896 où le Sultan laissait ses délégués régler les détails, le génocide de 1915 fut parfaitement organisé. Aidé d'Enver, qui avait habité quelques années à Berlin, et de conseillers coutumiers des administrations européennes, Talaat fit des massacres une véritable organisation étatique[3]. Durant les déportations d'Arméniens depuis les provinces de l'Est vers le désert de Mésopotamie, il donne l'ordre de massacrer la plupart des colonnes de déportés à Kémagh-Boghaz, sur l'Euphrate, et compte sur la fatigue, l'épuisement, la faim et la soif pour l'extermination de celles qui arrivèrent jusqu'en Syrie[4].

Aujourd'hui, les Arméniens l'appellent le Hitler turc[5].

En 1917, Talat devint grand vizir, mais il était incapable de retourner la spirale descendante des fortunes ottomanes dans sa nouvelle position.

[modifier] Talat le franc-maçon

Talat était le premier vénérable maître-en-chaire (ou président) de la grande loge de Turquie. Il commença la franc-maçonnerie en 1903, à Thessalonique, dans la loge du Macedonia Risorta, avec les membres de son parti. Un an plus tard, il passera à la loge Veritas et y occupera le poste de second surveillant.

En 1909, il monte au 33e degré et prend la tête du Rite écossais ancien et accepté. Il prend à ce moment-là place parmi les fondateurs de la loge de la patrie à Istanbul. Ses fonctions à la loge l'obligeront à laisser son titre de grand vizir en 1910.

Durant son mandat de grand vizir, il répondit ainsi aux injures dirigées contre lui :

« …On m'accuse d'être maçon. Oui, je suis maçon. J'ai accepté la franc-maçonnerie pour le bonheur de l'humanité, tout comme j'ai embrassé le bektachisme en tant que voie de choix nationaliste… »

[modifier] La fin de la guerre

Au cours de l'année suivante, Jérusalem et Bagdad sont perdues, et en octobre 1918, les Anglais brisent les deux armées qu'ils ont affrontées. Avec la défaite certaine, Talat démissionne le 14 octobre 1918. Une semaine plus tard, le gouvernement ottoman capitule devant les Alliés et signe un armistice à l'île de Mudros.

La semaine suivante, Talat Pacha, Enver Pacha et Djemal Pacha s'enfuient à Berlin. Ces deux derniers seraient morts vers la fin de 1922. Talaat est tué par Soghomon Tehlirian, un rescapé arménien du génocide, membre de l'opération Némésis, le 15 mars 1921.

Il fut enterré au cimetière turc de Berlin mais, en 1943, ses restes furent transférés à Istanbul et inhumés à Şişli. Ses mémoires de guerre furent publiés après sa mort.

[modifier] Notes et références

  1. ab Yves Ternon, Enquête sur la négation d'un génocide, Marseille, Parenthèses, 1989, (ISBN 2-86364-052-6) [lire en ligne (page consultée le 31 mai 2008)].
  2. Henry Morgenthau, Mémoires, Paris, 1919, rééd .Paris, Flammarion, 1984, pp. 290-291.
  3. Jacques de Morgan, Histoire du peuple arménien, Berger-Levrault, Paris, 1919, rééd. Imprimerie des Pères Mékhitaristes, Venise, 1981, p. 271.
  4. Ibid. p. 272.
  5. « Le tribunal administratif du Land de Berlin vient de lever l'interdiction », Collectif Van, 18 mars 2006, [lire en ligne (page consultée le 29 mai 2008)].

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes