Système d'information Schengen

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Le Système d'Information Schengen, aussi appelé SIS, est un système d'information utilisé dans certains pays européens, qui peuvent y consulter ou y enregistrer des informations sur des personnes ou des objets. Les données concernent par exemple des personnes sous mandat d'arrêt ou des objets dont on a perdu la trace. Ces informations sont partagées entre les pays participants, pour la plupart signataires du traité de Schengen, en particulier la France, l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Depuis sa création, plusieurs autres pays ont rejoint le système: la Grèce, l'Autriche, l'Islande, la Suède, la Finlande, le Danemark, l'Italie, le Portugal, l'Espagne et la Norvège, qui ont signé le traité de Schengen. Actuellement le Système d'information Schengen est utilisé par 15 pays. A noter que parmi eux, seules l'Islande et la Norvège ne sont pas membres de l'Union européenne.

Quant à l'Irlande et au Royaume-Uni, qui n'ont pas signé la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 (CAAS), ils peuvent participer à la coopération Schengen en vertu du traité d'Amsterdam incluant les dispositions de Schengen dans l'Union européenne, mais ces deux pays ont eu le choix de ne participer qu'aux dispositions qu'ils souhaitaient appliquer. A contrario, les 10 nouveaux États membres devront appliquer cette coopération en totalité. L'Irlande et le Royaume-Uni ne participeront donc que partiellement au Système d'Information Schengen lorsque les conditions techniques le leur permettront. Ils n'utiliseront pas les données de l'article 96, car ils ne comptent pas mettre en œuvre la politique de libre circulation des personnes au niveau européen.

Sommaire

[modifier] Description générale

Dans le SIS, l'information est stockée selon la législation de chaque pays. Il y a plus de 15 millions d'entrées contenant les informations suivantes :

  • nom et prénom, les alias éventuels étant enregistrés séparément ;
  • éventuelles particularités physiques objectives et permanentes ;
  • première lettre du second prénom ;
  • date et lieu de naissance ;
  • sexe ;
  • nationalité ;
  • port éventuel d'une arme ;
  • caractère violent ou non de la personne ;
  • raison du rapport ;
  • action à prendre ;
  • armes perdues, volées ou détournées ;
  • documents d'identité délivrés, perdus, volés ou détournés ;
  • documents d'identité vierges, perdus, volés ou détournés ;
  • véhicules automobiles perdus, volés ou détournés ;
  • billets de banque perdus, volés ou détournés.

Une seconde version technique du système est en préparation (SIS II)[1],[2], afin d'inclure de nouveaux types de données et d'intégrer les nouveaux pays membres de l'Union. Le système serait ouvert à un plus grand nombre d'institutions, par exemple les autorités juridiques, Europol et les services de sécurité. On imagine des applications permettant à la police et à la douane de lire les données d'une personne sur un assistant personnel dans toute l'Europe, lors des contrôles d'identité.

Certains voudraient profiter de ces changements techniques pour en faire un système d'investigation, mais un grand nombre d'États membres souhaitent que ce système demeure un système de recherche policière, laissant à Europol la tâche d'investigation.

[modifier] Historique

Le traité de Rome du 25 mars 1957 et celui instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, portaient dans leurs gènes l'idée de libre circulation des personnes et des biens. Le Benelux, entité réduite, pourra mettre en œuvre plus rapidement cette intégration. Pour la Communauté européenne, la priorité sera donnée dans un premier temps aux aspects économiques et il faudra attendre la signature, le 13 juillet 1984, de l'accord de Sarrebruck entre la France et l'Allemagne pour voir apparaître les premières mesures concrètes visant à la suppression graduelle des contrôles des personnes aux frontières des deux États.

Rapidement rejoint par les trois États membres du Benelux, ces pays approfondissaient leur réflexion et signaient le 14 juin 1985 l'accord de Schengen (village du Luxembourg) visant à établir progressivement la libre circulation des personnes entre les cinq États signataires. Pour simple qu'elle soit en apparence, cette idée présente cependant un certain nombre de difficultés. En effet, le corollaire de cette liberté est le transfert de la responsabilité des contrôles effectués aux frontières nationales au bénéfice d'un autre État membre. En d'autres termes, chaque État doit se dessaisir d'une parcelle de son autorité et s'en remettre à ses partenaires pour effectuer en ses lieu et place les contrôles nécessaires à sa propre sécurité.

La suppression des contrôles aux frontières désormais dites intérieures devant se faire sans provoquer un déficit de sécurité, notamment au sein d'une Europe déjà soumise à l'époque à une forte menace terroriste, des mesures compensatoires devaient être mises en œuvre.

L'élaboration de ce texte prendra cinq ans. C'est seulement le 19 juin 1990 que les cinq États signent la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 (CAAS). Ces cinq États précurseurs seront progressivement rejoints par l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la Grèce, l'Autriche puis les cinq pays de l'Union nordique des passeports (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède).

[modifier] Le système d'information Schengen aujourd'hui

[modifier] Aspects juridiques et caractéristiques techniques

Depuis le 25 mars 2001, quinze États appliquent la CAAS et ont supprimé les contrôles de police à leurs frontières intérieures. Les mesures compensatoires forment l'essentiel de la CAAS mais la mesure principale, l'épine dorsale de Schengen, est la création d'un système d'information commun aux États signataires : le Système d'Information Schengen (le SIS). Ce système est extrêmement novateur en matière de co-opération policière tant au plan juridique que technique :

  • juridique tout d'abord par la reconnaissance de la force juridique des signalements émis par les partenaires Schengen, avec l'engagement de chaque État de respecter la conduite à tenir prescrite par le signalement, ainsi que l'insertion, dès l'origine, d'un dispositif propre à assurer le respect des libertés individuelles et la protection des données nominatives.
  • technique ensuite par la création de toutes pièces d'un système informatique connecté en permanence à des applications nationales fort diverses, devant assurer la mise à jour en temps réel des bases nationales.

La mise en commun de données personnelles avec délégation de pouvoir quant à l'application des conduites à tenir ne pouvait se faire que sur la base de la confiance réciproque, qui repose elle-même sur la transparence. Pour ce faire, ces États se sont engagés en signant la convention à s'assurer de l'exactitude, de l'actualité et de la licéité des données intégrées, et à n'utiliser ces données qu'aux seules fins énoncées par les articles pertinents de la convention. Ces engagements sont complétés par des procédures de consultation entre les États, notamment lorsque pour des raisons de droit interne, ou d'opportunité, une conduite à tenir ne peut être exécutée sur un territoire national. Cette consultation permet aux instances nationales d'exposer les motifs de droit ou de fait d'un signalement émis et, à l'inverse, d'informer un État émetteur d'un signalement des raisons pour lesquelles la conduite à tenir ne pourra pas être appliquée. Cette procédure s'applique notamment pour des signalements d'étrangers estimés indésirables par un pays, mais titulaires d'un titre de séjour délivré par un autre pays, pour des mandats d'arrêt internationaux, ou encore pour des affaires mettant en cause la sûreté de l'État.

S'agissant d'un système informatique traitant des données personnelles, le souci de protection de la vie privée existant dans les pays fondateurs en la matière est transposé naturellement dans le texte de la convention, qui édicte que l'existence d'une loi sur la protection des données est un préalable à la mise en œuvre de la convention dans les pays. Ainsi, chaque autorité nationale (pour la France la Commission nationale de l'informatique et des libertés ou CNIL) est chargée du contrôle de la partie nationale du SIS la concernant. Le système central, par essence international bien que sous responsabilité française, ne pouvait pas rester sans contrôle. La convention a donc créé une autorité de contrôle commune indépendante des États et composée de représentants des instances nationales. Elle est chargée de veiller à la stricte application des dispositions relatives à la protection des données personnelles.

En matière technique, le choix des pays signataires s'est porté sur une architecture informatique en étoile composée d'un site central comportant la base de données de référence, dit C-SIS, dont la responsabilité est confiée à la République française par la CAAS, et un site par pays, dit N-SIS, contenant une copie de la base de données. Ces différentes bases doivent être identiques en permanence. L'ensemble C-SIS / N-SIS constitue le SIS.

[modifier] Données gérées par le SIS

Un accord a été trouvé sur la définition des signalements à intégrer dans ce système. Ils concernent les personnes :

  • recherchées en vue d'extradition ;
  • indésirables sur le territoire d'un pays signataire ;
  • mineurs d'âge, malades mentaux ou disparues ou en danger dans le but d'assurer leur propre protection ;
  • recherchées comme témoin, citées à comparaître ou pour notification de jugement ;
  • soupçonnées de participer à des infractions graves et devant faire l'objet de surveillance ou de contrôle.

Par ailleurs sont concernés les objets suivants :

  • les véhicules automobiles à surveiller, contrôler ou saisir ;
  • les billets de banque ;
  • les documents d'identité volés vierges ou délivrés ;
  • les armes à feu.

Par la communication de ces données, chaque État met à la disposition de ses partenaires les éléments leur permettant d'assurer pour son compte, et sur la base de ses propres renseignements, la part de sécurité qu'il leur délègue. Une forte contrainte technique, visant à assurer la mise à jour du SIS en un maximum de cinq minutes, assure l'actualité des données.

Considérant qu'un système ne vaut que par l'utilisation qui en est faite, la France, pour l'alimentation du SIS, a opté pour un système d'alimentation le plus automatisé possible, à partir des grands fichiers nationaux. Cette automatisation permet de limiter au strict nécessaire les interventions humaines, génératrices de perte de temps et de risques d'erreurs. Les signalements français sont donc diffusés aux pays participants au SIS, en un temps record.

Dans le même esprit, la France a décidé de coupler l'interrogation, par les services de terrain, des bases de données nationales avec le SIS, sans pour autant provoquer un surcroît de travail pour l'utilisateur final. Ainsi, sans manœuvre supplémentaire spécifique, le fonctionnaire de police interrogeant le fichier des personnes recherchées (FPR) ou le fichier des véhicules volés (FVV) obtiendra une réponse au niveau des États Schengen en même temps que la réponse des systèmes nationaux.

Les découvertes effectuées par les services de terrain sur la base des signalements du SIS entraînent obligatoirement l'application des mesures prévues par la conduite à tenir indiquée par le pays signalant. Le fonctionnement du SIS engendre donc un échange d'informations entre les services des États y participant.

Le problème linguistique a amené la création de procédures particulières qui dictent, selon des schémas préétablis, la façon dont les échanges doivent se dérouler, ainsi qu'à celle, dans chaque pays, d'un bureau particulièrement chargé de cette nouvelle forme de coopération internationale. Ce service, point de contact unique par pays, qui assure la transmission entre les services français et étrangers de l'ensemble des informations pertinentes à l'exécution des conduites à tenir, ainsi que leur traduction, a pris la dénomination de SIRENE (Supplément d'Information Requis pour l'Entrée NationalE). Au fur et à mesure des découvertes, les SIRENE échangent, par un système de messagerie propre, des formulaires d'avis de découverte et de renseignements complémentaires qui, bien qu'indispensables à la bonne poursuite des enquêtes et procédures en cours, ne peuvent figurer dans le fichier de recherches et contrôles qu'est le SIS.

[modifier] Coopération policière et entraide judiciaire

Aux côtés du SIS et du bureau SIRENE dont l'intervention y est directement liée, la convention de Schengen a institué une coopération policière et une entraide judiciaire qui complètent utilement ce dispositif opérationnel. La coopération policière recouvre en particulier :

  • l'assistance aux fins de prévention et de recherche de faits punissables (article 39) ;
  • le droit d'observation transfrontalière permettant la poursuite d'une surveillance ou d'une filature dans un autre pays Schengen (article 40) ;
  • le droit de poursuite transfrontalière qui évite qu'un individu auteur d'une infraction flagrante ne doive son immunité au fait de passer une frontière qui n'est désormais plus contrôlée (article 41) ;
  • enfin la communication d'informations importantes pour la répression ou la prévention d'infractions ou de menaces pour l'ordre et la sécurité publique (article 46).

L'entraide judiciaire prévoit quant à elle, notamment, la possibilité de transmettre directement certaines pièces de procédure par voie postale aux personnes se trouvant sur le territoire d'autres États ; de transmettre des demandes d'entraide judiciaire directement entre autorités judiciaires ; enfin de transmettre l'exécution d'un jugement répressif à une partie contractante sur le territoire de laquelle un de ses ressortissants s'est réfugié. Par ailleurs, la convention assimile l'inscription d'un mandat d'arrêt au SIS à une demande d'arrestation provisoire en vue d'extradition, ce qui a pour effet d'assurer le placement immédiat des individus ainsi interpellés sous écrou extraditionnel.

[modifier] Bilan et évolution du SIS

[modifier] Statistiques

Après plus de onze ans d'existence, le système ayant été ouvert aux utilisateurs finaux le 26 mars 1995, ce double défi juridique et technique s'est révélé être un succès. Le SIS est aujourd'hui le système de coopération policière le plus efficace et le plus performant grâce à son temps d'actualisation extrêmement court, à sa simplicité d'utilisation et à son accès ouvert à tous les services de police des 15 pays. Alimenté dans un premier temps, au moins par certains pays, principalement par des signalements d'étrangers indésirables, la base de données voit actuellement un accroissement des signalements pour arrestation en vue d'extradition, ainsi qu'une augmentation des signalements d'objets. Il contient plus de treize millions de signalements. Les résultats opérationnels obtenus sont à la mesure des efforts déployés pour faire fonctionner de façon satisfaisante l'ensemble complexe que constitue le SIS. On peut noter en particulier qu'au cours des 10 premières années d'existence, ce système a permis de faire arrêter sur le territoire des partenaires Schengen plus de 2 000 individus faisant l'objet de mandats d'arrêt de la justice française, et à l'inverse d'arrêter en France environ 1 900 malfaiteurs recherchés par les autres pays Schengen.

[modifier] Évolution vers le SIS II

Une seconde version technique de ce système (SIS II), est actuellement en cours de réalisation sous la responsabilité de la Commission européenne. Certains voudraient qu’il devienne un système d’investigation, modifiant ainsi sa finalité première d’outil de recherche.

Pour justifier cette évolution, le système actuel a été critiqué à cause de sa limitation (pour des raisons politiques et non techniques) à 18 connexions. Des responsables techniques du système estiment pourtant que le système actuel aurait pu évoluer pour gérer les nouveaux pays sans une refonte d'ensemble [3]. Les critiques du projet de refonte mettent aussi en avant la flexibilité du système actuel, qui a déjà connu plusieurs évolutions. Ils critiquent les risques de retard et le coût important du projet de la Commission. Si la voie de l'évolution progressive du SIS 1+ au SIS II avait été suivie, le SIS II serait certainement déjà en fonction, et les nouveaux États membres pourraient s'y connecter au fur et à mesure de l'avancée de leurs travaux.

L’amélioration du SIS passe également, selon les souhaits des responsables politiques européens par une plus grande accessibilité aux données par de nouveaux acteurs de la sécurité intérieure (Europol et Eurojust notamment). Ces accès, qui devraient leur être ouverts prochainement, ont un effet limité sur le système central (C-SIS), et aucune conséquence pour les systèmes nationaux N-SIS.

[modifier] Controverses

Certains voient en cette concentration d'informations par les gouvernements une menace contre la vie privée. Le SIS a été la cible de nombreuses protestations, en particulier du 18 juillet au 28 juillet 2002 lorsque 2000 activistes de No Border Network ont manifesté à Strasbourg, où le C.SIS (Centre du Système d'Information Schengen) est situé. Beaucoup craignent que la seconde version du SIS n'inclue des photographies, des empreintes digitales et des relevés d'ADN, qui pourraient être dispersés vers des autorités et organisations auxquelles ces informations n'étaient pas destinées lors de leur collecte. Toutefois les projets de la Commission ne prévoient pas officiellement l'inclusion de relevés ADN.

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Règlement (CE) no 2424/2001 du Conseil du 6 décembre 2001 relatif au développement du système d'information de Schengen de deuxième génération (SIS II)
  2. Décision du Conseil du 6 décembre 2001 relative au développement du système d'information de Schengen de deuxième génération (SIS II) (2001/886/JAI)
  3. Voir par exemple le rapport du Sénat français sur la refonte du SIS, p. 14.