Sophia Alexeievna

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Portrait de Sophia Alexeievna par Ilya Repine
Portrait de Sophia Alexeievna par Ilya Repine

Sophia Alexeievna Romanovna (1657-1704). Fille d'Alexis Ier de Russie et de Maria Miloslavskaïa, elle est la sœur de Fédor III et Ivan V et la demi-sœur de Pierre Ier. Elle fut régente de Russie de 1682 à 1689.

Sommaire

[modifier] Avant la prise du pouvoir

Comme son frère Fédor, elle a comme précepteur Siméon de Polotsk qui en fait une femme très cultivée pour la Russie de cette époque. Intelligente et ambitieuse, elle a le goût du pouvoir et ne veut pas se faire rabaisser à un rang inférieur comme les femmes de ce temps. Le consul La Neuville, peu indulgent, parle de son physique comme d'un corps d'une grosseur monstrueuse, avec une tête large comme un boisseau, du poil au visage et des ulcères aux jambes. Il ajoute cependant: Autant que sa taille est large, courte et grossière, autant son esprit est délié et politique et, sans avoir jamais lû Machiavel, ni pris de leçon, elle possède naturellement toutes les maximes.

Lorsque Fédor devient tsar, en 1676, elle prend comme amant son principal conseiller, Vassili Golitsyne, qui l'initie à la politique. Elle devient alors le chef du clan des Miloslavski qui s'oppose à celui des Narychkine, famille de la seconde épouse d'Alexis, Natalia. Celle-ci est la mère de Pierre, le futur Pierre le Grand.

[modifier] Le coup d'État

Le 7 mai 1682, Fédor III meurt sans héritier et sans avoir désigné de successeur. Son frère naturel, Ivan, devrait normalement ceindre la couronne, mais c'est un esprit malade, incapable de gouverner. Le zemski sobor décide donc d'élire son demi-frère Pierre comme tsar avec sa mère Natalia Narychkina comme régente.

Sophia ne l'entend pas ainsi . Durant les jours qui suivent, elle monte le corps des streltsy contre les Narychkine, déjà détestés, et les accusent d'avoir fait empoisonner Fédor. Bientôt, elle fait courir la rumeur que le tsarévitch Ivan a été assassiné. Le 25 mai, les steltsy se se soulèvent. Ils entrent de force au Kremlin et massacrent plusieurs boyards, dont les deux frères de Natalia Narychkina, des membres de la famille des Dolgoroucki ainsi que Artamon Matvéiev, ancien conseiller d'Alexis Ier, que les Miloslavski exécraient. Grâce à eux, Sophia s'impose comme régente et instaure une dyarchie avec Ivan V et Pierre Ier comme co-tsars. Comme récompense, elle donne une prime de dix roubles aux streltsy et augmente leur solde. Vassili Golitsyne est nommé chancelier et responsable des Affaires étrangères.

[modifier] Les Vieux-Croyants

Le premier problème auquel Sophia est confronté est celui des Vieux-Croyants qui contestent la réforme de l'Église orthodoxe entreprise sous Alexis Ier. Ivan Khovanski, chef des streltsy, est un raskolnik (partisan du Schisme) qui encourage ses hommes à adopter la Vieille-Foi.

En septembre 1682, Sophia et Golitsyne convoquent un concile afin de tenter une réconciliation. Non seulement celle-ci n'a pas lieu mais les Vieux-Croyants profitent de cette tribune pour s'opposer ouvertement au pouvoir de la tsarine et menacent de renverser les Romanov s'ils n'abandonnent pas leur politique de réforme.

Sophia abandonne alors la conciliation. On arrête des centaines de schismatiques qui sont brûlés sur la Place Rouge. Soupçonné de complot, Khovanski est arrêté et exécuté avec 37 de ses streltsy. Les autres membres du corps de garde préfèrent rentrer dans le rang mais gardent rancœur à la régente d'avoir ainsi éliminé leur chef bien-aimé.

[modifier] Les deux expéditions en Crimée

La politique d'ouverture à l'Occident, amorcée par Golitsyne sous le règne de Fédor III, se continue sous la régence de Sophia. De longues négociations avec la Pologne aboutissent au traité de Moscou de 1686. Le roi de Pologne reconnaît officiellement à la Russie la possession de l'Ukraine orientale (à l'est du Dniepr), de Kiev et de Smolensk contre l'engagement de Moscou de faire la guerre aux Turcs de Crimée.

Bien que plusieurs boyards s'opposent à une guerre contre les Turcs, Sophia y est plutôt favorable car elle espère une conquête facile de la Crimée. Elle commet cependant une grave erreur en nommant Vassili Golitsyne à la tête de l'armée. Bien qu'il ait de grandes qualités politiques, il fait un chef de guerre absolument incapable.

L'opération de 1687 en Crimée est un véritable échec. L'armée revient sur ses pas sans avoir livré un seul combat. Les troupes sont mal ravitaillées, les Cosaques désertent, un énorme incendie de la steppe entre le Dniepr et l'isthme de Kérékop empêche les troupes de pénétrer en Crimée. Mais la principale cause de ce désastre est l'incompétence du commandement.

Cependant, Golitsyne est reçu en héros à son retour à Moscou. Sophia tente de faire croire au peuple et à l'Occident que l'opération a été un succès sur toute la ligne.

En 1688, suite à une incursion des Turcs en territoire russe, Sophia ordonne une nouvelle expédition en Crimée. Le commandement est de nouveau confié à Golitsyne qui n'a pas plus de chance que la première fois. Après avoir assiégé en vain Pérékop, il ordonne la retraite, laissant 20 000 morts et 15 000 prisonniers sur le terrain. De retour à Moscou, il obtient un nouveau triomphe.

[modifier] La chute

Depuis 1682, Pierre et sa mère avaient été relégués à Préobrajenskoié où Sophia surveillait de loin ses agissements. En 1689, le jeune tsar décide de ne pas assister au second triomphe de Golitsyne, n'y voyant là qu'une farce ridicule. Sophia se persuade alors qu'il veut la renverser et décide d'organiser un nouveau coup d'État des streltsy dans lequel Pierre trouverait la mort.

Fédor Chaklovity, qui a succédé à Khovanski à la tête des streltsy, accepte de participer au complot, mais plusieurs de ses hommes qui en veulent à Sophia d'avoir exécuté leur ancien chef décident de prévenir Pierre. Celui-ci prend peur et accourt vers Moscou pour tenter de contrer sa demi-sœur.

La régente, abandonnée petit à petit par les streltsy, détestée par les Moscovites, n'a plus aucun appui. Elle tente de rencontrer Pierre au monastère de la Trinité, près de Moscou, où il s'est installé. Pierre refuse de la recevoir. Sophia est déchue de tous ses pouvoirs et doit se retirer au couvent de Novodievitchi, à quelques kilomètres de la capitale, où elle vit ses dernières années.

Plusieurs années plus tard, en 1698, une nouvelle révolte des streltsy est réprimée dans le sang. Pierre, croyant sans cependant de preuve que Sophia est à l'origine de ce nouveau complot, l'oblige à prendre le voile. Elle prend le nom de sœur Suzanne et vit désormais cloîtrée. Elle décède au couvent de Novodiévitchi le 14 juillet 1704.

[modifier] Bibliographie

Michel de Saint Pierre. Le drame des Romanov. Laffont. 1968.