Situation politique en Afrique libérée (1942-1943)

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Le régime de Vichy a été maintenu en Afrique du nord plusieurs mois après le débarquement allié, d’abord sous l’autorité de L'Amiral Darlan, capturé par les alliés et forcé de changer de camp, puis sous l’égide du général Henri Giraud. Cette situation était qualifiée par Roosevelt de « Military expediencies ».

Sommaire

[modifier] Le maintien du régime de Vichy sous l’autorité de Darlan

[modifier] Capitulation d’Alger encerclé

Le 8 novembre 1942, Darlan et Alphonse Juin, d’abord arrêtés par de jeunes résistants français (voir Putsch du 8 novembre 1942), puis libérés par la Garde mobile, s’étaient absorbés dans la reconquête d’Alger contre les résistants sans s’occuper des forces alliées. Celles-ci avaient ainsi pu encercler Alger sans opposition, et en obtenir la capitulation le soir même. (voir Opération Torch ).

[modifier] Armistice forcé pour Oran et le Maroc

Darlan et Juin, commandant de l’armée d’Afrique se refusèrent pendant 3 jours à ordonner le cessez-le-feu au reste de l’AFN., où les forces de Vichy livraient un combat sanglant aux alliés, provoquant ainsi la mort de 1346 français et de 479 alliés ainsi que de lourdes pertes matérielles (voir Opération Torch ). Darlan, craignant d’être remplacé par Giraud arrivé le 9 novembre, ne se résigna enfin à signer l’armistice pour l’Afrique du Nord que le 10 novembre, sous les menaces du général Clark. Darlan s’était alors prévalu de la « pensée profonde du maréchal » attestée par de prétendus télégrammes secrets censés reçus de Vichy (cf. Dénouement de l'Opération Torch ). Cet armistice enfin entré en vigueur le 10 à Oran, puis le 11 au Maroc, avait, de justesse, sauvé la vie des officiers patriotes en jugement à Meknès (Antoine Béthouart, Magnan et les autres). Quant à Giraud, il avait annoncé sa fidélité à Darlan, en échange du commandement des forces terrestres et aériennes d’Afrique du nord.

Quant au chef de l’armée de Tunisie, le Général Barré, qui, venait de livrer la Régence à une poignée de troupes allemandes et italiennes, Juin ne lui ordonna de résister à l’ennemi que le 12 novembre, ordre que Barré appliqua six jours plus tard.

[modifier] Une tentative de vichysme sous protectorat américain en Afrique

Dans son ordre de cessez-le-feu du 10, Darlan avait pris soin de dire: “Je prends autorité sur l’AFN, au nom du maréchal. Les chefs militaires conservent leur commandement et l’armature politique et administrative reste en place. Aucune mutation ne peut être effectuée, jusqu’à nouvel ordre de ma part”.

[modifier] Instauration d’un Haut-commissariat en Afrique et d’un Conseil Impérial
  • C’est alors que, le 11 novembre, la Zone sud de la métropole fut envahie, et que l’armée d’armistice se rendit sans combat aux forces de l’Axe. Darlan en profita pour invoquer l’acte constitutionnel n° 4 quater qui le faisait successeur du maréchal, et se proclama « Haut Commissaire de France en Afrique », « au nom du Maréchal empêché », le 14 novembre 1942. Il prit comme Haut-Commissaire adjoint le Général Bergeret, ancien ministre de Pétain.
  • Le 15 novembre, il nomma des « secrétaires » (ministres), dont deux résistants d’extrême droite et un banquier accommodant : Rigault à l’Intérieur, Lemaigre-Dubreuil aux relations avec les Américains, et Pose aux Finances. Darlan recruta un peu plus tard, croyant ainsi se l’attacher, Henri d’Astier, assisté de l’abbé Cordier, comme Secrétaire-adjoint à l'Intèrieur, chef de la police.
  • Il complèta enfin son Haut-Commissariat par un « Conseil Impérial », comprenant, outre lui-même, Bergeret et Giraud, ainsi que les différents proconsuls vichystes, Noguès pour le Maroc, Châtel pour l’Algérie et, deux jours plus tard, Boisson pour l’A.O.F.

[modifier] Tentatives d’extension du pouvoir de Darlan
  • Le 13 novembre, Darlan avait appelé sans succès la flotte de Toulon à se rallier. Mais, du moins, le 14 novembre, avait-il obtenu le ralliement de l’AOF, désormais coupée de Vichy.

[modifier] Substitution du protectorat américain au protectorat allemand

Darlan signa finalement les accords exigés par le général Clark. Mais ces accords « Darlan-Clark », imposés de vainqueur à vaincu, furent beaucoup moins avantageux pour la France que les accords de Cherchell (Cf. Préparation de l'Opération Torch) passés avec la Résistance algéroise, entre alliés. En voici des extraits :

- art.2 : Tout déplacement des forces françaises sera notifié aux autorités militaires américaines.
- art. 14 : Aucun impôt direct ou indirect n’est dû par les forces alliées.
- art. 15 : Extraterritorialité des ressortissants et forces sous autorité du Commandant en chef de l’armée des États-Unis.
- art. 16 : En AFN, les régions considérées comme importantes par le commandement allié pourront être déclarées régions militaires et tomberont sous son autorité.
- art. 11 : Les personnes arrêtées pour assistance au débarquement allié doivent être libérées.
- Le taux du dollar est fixé à 75 F, au lieu 43,80 F à Cherchell.

[modifier] Maintien intégral du régime de Vichy par Darlan

La mobilisation est proclamée « pour libérer le maréchal » dont la photo va rester présente dans les mess de l’armée et sur les timbres d’Algérie, tandis que toutes les lois et mesures vichystes d’inspiration hitlérienne vont être maintenues.[non neutre]

[modifier] Maintien des lois et des mesures d’exclusion pétainistes
  • Les lois d’exclusion de Vichy, furent maintenues, en dehors de toute pression allemande[1] et les détenus politiques déportés par Vichy restèrent internés dans les terribles camps de concentration du Sud.
  • Les officiers résistants du 8 novembre, les colonels Jousse, Baril et Magnan, ainsi que les généraux de Montsabert, Béthouart et Charles Mast, furent dès lors relevés de leurs commandements et mis en quarantaine.[non neutre]

[modifier] Aggravation des lois d’exclusion
  • Le nouveau pouvoir, après même la mort de Darlan, refuse d'incorporer les recrues juives dans l'armée et l'explique dans une note du 30 janvier 1943 : « Cette mesure a paru nécessaire afin d’éviter que la situation d’ancien combattant ne puisse être acquise par l’ensemble de la population juive et pour ne pas engager l’avenir sur la question du statut qui leur sera donné après la guerre. » Les juifs seront donc versés dans des bataillons spéciaux de travailleurs non combattants, en Algérie ou au Maroc, sous le nom de « pionniers »[1].

[modifier] L’opposition à Darlan

[modifier] Opposition de la France Combattante
  • Bien qu’exclu de l’Opération Torch, de Gaulle a lancé le 8 novembre un appel à la rentrée en guerre de l’AFN aux cotés des Alliés. Mais, le 16 novembre, le débarquement ayant réussi, le général de Gaulle fait savoir officiellement que lui-même et le Comité National Français de Londres n’assument aucune part dans les négociations des alliés avec Darlan. Peu après, il envoie à Alger, en ignorant Darlan, le général François d'Astier de la Vigerie (frère d'Henri d'Astier), pour y établir des contacts.
  • Opposition des « Mouvements unis de la résistance intérieure » (« MUR »), qui, de métropole, condamnent la politique alliée de compromission avec le collaborateur Darlan.[non neutre]

[modifier] Opposition des opinions alliées

* Les correspondants de guerre alliés protestent, dans leurs articles publiés en Angleterre et aux États-Unis, contre le maintien du régime de Vichy en Afrique française. Ils y sont relayés par de grands éditorialistes, comme Walter Lipmann et Dorothy Thompson qui y provoquent un mouvement d’opposition à la politique favorable aux généraux vichystes de Roosevelt et Murphy. De même en Angleterre, où Churchill se fait interpeller à la Chambre des Communes.

  • Roosevelt maintient sa politique en la qualifiant de « Military expediencies » (terme traduit par René Gosset sous le titre d « Expédients provisoires »).[non neutre]

[modifier] Opposition sur place
  • Les volontaires du 8 novembre, révoltés par les accords Clark-Darlan, refusent le régime de l’amiral. Plusieurs se regroupent et obtiennent des armes de jeunes officiers anglais scandalisés par les accords avec Darlan. Leur groupe s’entraîne à Cherchell sous l’égide d’Henri d'Astier de la Vigerie. De ce groupe vont émerger deux unités, le "Special Detachment" provisoirement sous commandement anglais et le "Corps Franc d'Afrique" sous autorité française: Le 11 novembre 1942, le Corps franc d’Afrique est constitué, principalement avec des volontaires du 8 novembre. Les premiers engagements au Corps franc s’opèrent dans des domiciles privés, chez le professeur Henri Aboulker, au 26 rue Michelet, ainsi qu'au Service de répartition des Carburants, 7 rue Charras, grâce à l'aspirant Pauphilet, qui avait arrêté Juin et Darlan,.

Les membres du Corps Franc d’Afrique, à l'entrainement au Cap Matifouen attendant leur départ pour la Tunisie, passent leurs nuits à couvrir les murs d’Alger de graffitis, dont le plus modéré est « l’Amiral à la flotte », cependant que certains d'entre eux méditent en secret une solution plus radicale.

  • Le mouvement « Combat » du professeur Capitant, dont les cadres (Docteur Duboucher et Morali, colonel Tubert, etc.) avaient participé au putsch du 8 novembre, sort de la clandestinité: Il publie quasi-officiellement sa revue Combat, où il affiche son gaullisme, tandis que son émanation parallèle,l’organisation des « Jeunes de Combat », développe la propagande gaulliste dans les lycées et sur les murs des villes. Une autre publication semi-clandestine Le Canard dissident s'en prend aussi à Darlan.
  • Les communistes, qui avaient refusé de participer au putsch du 8 novembre, se joignent à l’opposition pour réclamer la libération de leurs membres, internés dans des conditions abominables à Alger et dans les camps du Sud.
  • La Communauté juive réclame simultanément le retrait des lois d’exclusion frappant ses membres, et l’incorporation des soldats juifs dans les mêmes unités combattantes que les autres Français.

Son principal porte-parole est alors le professeur Henri Aboulker, grand blessé de 14-18, dont l'appartement du 26 rue Michelet avait servi de Q.G. à la résistance jusqu'au débarquement: Il adresse une lettre à Darlan pour exiger le retrait des lois d'inspiration hitlérienne et le droit pour les soldats juifs d'aller au front, comme les autres Français.[non neutre]

[modifier] La succession de Darlan

[modifier] La mort de Darlan et la répression vichyste

Polarisant une telle hostilité, François Darlan aurait gagné à se retirer, pour permettre un rapprochement entre Alger et Londres. D'autre part, son impunité, en dépit de son passé collaborationniste notoire, ne pouvait que décourager les résistances intérieures de tous les pays occupés. Enfin les nazis locaux les plus inflexibles lui reprochaient son changement de camp. En bref tout le monde, sauf les personnalités et officiers vichystes d'A.F.N. qui voyaient en lui leur lien avec Pétain,...et leur sauvegarde auprès des Alliés, voulait le voir disparaître.

[modifier] Le meurtre de Darlan et sa succession

  • C’est alors qu’un jeune militant monarchiste, Fernand Bonnier de La Chapelle, désigné par un tirage au sort entre quatre frères d’armes, abattit l'amiral, le 24 décembre 1942. Après avoir rencontré l’abbé Cordier, adjoint d’Henri d’Astier, qui lui donna l’absolution par avance, Bonnier s’introduisit au Palais d’Été, et y abattit Darlan, avant d’être immédiatement arrêté.
  • Les membres du Conseil Impérial eurent à trouver un successeur à Darlan. Leur préférence les portait vers Noguès, mais les autorités alliées leur firent comprendre que seul Giraud avaient leur soutien. C’est ainsi que celui-ci fut élu Haut Commissaire, le 26 décembre 1942, par les proconsuls vichystes, et prit à son tour pour adjoint le général Bergeret, ancien ministre de Pétain. Giraud adopta ensuite le titre curieux de « Commandant en Chef civil et militaire ».

Noguès, doyen du Conseil impérial, se proclama Haut-commissaire par intérim, en vertu d'une ordonnance secrète prise par Darlan du 2 décembre 1942, et sans valeur légale, puisque non publiée. Usurpant alors la fonction du Maréchal, dont pourtant il se réclamait, il rejeta, la nuit même, le recours en grace. Giraud immédiatement saisi, toujours dans la même nuit, puisqu'il dirigeait alors la justice militaire en tant que Commandant en Chef, refusa de différer l'exécution, et donna l'ordre de fusiller Bonnier de la Chapelle, 26 décembre, à 7h30. Deux heures plus tard Giraud s'agenouillait devant la dépouille de Darlan.

Giraud fut récompensé de son attitude l'apprès-midi même, 26 décembre 1942, par les membres vichystes du Conseil impérial, qui, à la demande de Murphy, l'élirent sans opposition Haut-commissaire, pour succéder à Darlan. Giraud garda alors le même adjoint que son prédecesseur, le général Bergeret, ancien ministre de l'Air de Pétain, et maintint les aspects les moins défendables du régime de Vichy dans le camp allié (lois d'exclusion, y compris celles frappant les enfants, et camps d'internement des suds algérien et marocain). Simultanément, il fit rapidement ouvrir une nouvelle enquête sur le meurtre de Darlan, alors qu'il venait de faire exécuter à la hâte Bonnier, principal témoin. Il ordonna, ce que Darlan n'avait pas osé faire,l'arrestation, le 30 décembre 1942, de 27 chefs de la résistance française du 8 novembre qui avaient permis le succès du débarquement allié.

[modifier] Le complot monarchiste avorté

  • L’élection de Giraud mit fin aux espoirs du prétendant orléaniste au trône de France, le « comte de Paris », qu’Henri d’Astier avait fait venir à Alger. Celui-ci s'était proposé, une fois Darlan écarté, de constituer un gouvernement unifié, dont de Gaulle aurait assuré la direction politique et Giraud la direction militaire, étant entendu qu’une fois la métropole délivrée, la France choisirait démocratiquement son régime.
  • Il aurait espéré le soutien de Giraud, réputé monarchiste, et celui des proconsuls vichystes, ainsi que la neutralité des États-Unis. Mais, à la disparition de Darlan, Giraud se montra avant tout « giraudiste ».
  • Selon certains tenants de cette version, Bonnier de la Chapelle, aurait été désigné, à l’instigation d’Henri d’Astier et de l’abbé Cordier, pour débarrasser le monde de Darlan, tout en ouvrant la voie au prétendant. Selon d’autres cette exécution aurait été commanditée par de Gaulle, par l’intermédiaire du général d’Astier frère d’Henri. (Alors que, pour s'en tenir aux faits, la mort de Darlan avait profité davantage à Giraud qu'à de Gaulle).
  • La motivation monarchiste attribuée à Bonnier a visé à réduire son geste héroïque, au niveau d'un simple crime politique. Mais elle est totalement en contradiction avec les faits, puisque la désignation de Bonnier a été faite non par d’Astier, mais par un tirage au sort entre quatre jeunes compagnons, dont trois étaient des résistants, ayant participé au putsch du 8 novembre 1942. De toutes façons, toute solution écartant Darlan constituait un progrès pour l’ensemble des résistants. Par conséquent, même si Bonnier avait eu personnellement des aspirations monarchistes, son geste n’en aurait pas moins revêtu un caractère patriotique et servi la France.

[modifier] L’exploitation de l’exécution de Darlan

[modifier] L’enquête truquée
  • Giraud ordonna une enquête sur le meurtre de l’amiral, alors que lui-même avait privé les enquêteurs de leur témoin essentiel, Bonnier de La Chapelle, dans la hâte mise à le faire exécuter.
  • Les juges militaires, Laroubine et Voituriez, souhaitèrent mener leurs recherches dans les directions désirées par Giraud et Bergeret, l’ennui étant, selon Voituriez lui-même, qu’il aurait voulu, à cet effet, des instructions plus précises de Giraud. En outre, ces juges ne prirent à aucun moment en compte dans cette affaire, le fait que Darlan avait notoirement trahi en signant les accords de Paris de 1941, en livrant à l’ennemi la base d’Alep en Syrie, et en ravitaillant les alliés irakiens de l’Axe en armes et en munitions, en violation des dispositions de l’article 75 du code pénal de l’époque, et qu'ainsi l'amiral avait légitimé dans une grande mesure le geste de Bonnier de la Chapelle.
  • En réalité, Bergeret et les autres vichystes entourant Giraud semblent surtout avoir cherché à se venger des chefs de la résistance qui les avaient empêchés de tirer sur les alliés lors du putsch du 8 novembre 1942, et à mettre de Gaulle en cause, à travers eux.

[modifier] L’arrestation des chefs de la résistance
  • De fait, une rafle fut déclenchée contre les résistants, le 30 décembre par Bergeret et Rigault, assistés des commandants vichystes Defrance, de Beaufort et de La Tour du Pin :

Les gardes mobiles intervinrent brutalement aux domiciles des principaux résistants, et en premier lieu, au 26 rue Michelet, ex-Quartier Général de la Résistance. Il y arrêtèrent le professeur Henri Aboulker, grand mutilé de la Première Guerre mondiale et José Aboulker qui avait dirigé à Alger le putsch du 8 novembre, ainsi que son adjoint Bernard Karsenty. Leur brutalité fut telle que ces sous-officiers français menacèrent de leurs armes automatiques les petits enfants du professeur Aboulker, Yves et Philippe Danan (13 ans et 9 ans). Leur père, Sam Danan, un revolver sur son ventre, s’exclama « mais ce sont des enfants ! », ce à quoi l’adjudant répondit par une mimique soupçonneuse, et les maintint en joue. Les gardes arrêtèrent aussi Pierre et Armand Alexandre, Raphaël Aboulker, René Moatti, Henri Capitant et le Docteur Fernand Morali, ainsi que les policiers patriotes Achiary, Bringard et Muscatelli, tandis que Capitant et Roger Carcassonne, ancien chef de la résistance à Oran réussirent à se cacher.

  • Après le départ des gardes mobiles, la fille et le gendre du Docteur Aboulker se rendirent en pleine nuit à l’Hotel de Cornouailles, où ils alertèrent les correspondants de guerre américains et Anglais ainsi que certains officiers alliés.
  • Mais Murphy, représentant de Roosevelt, qui pourtant connaissait personnellement plusieurs des personnalités arrêtées, et savaient qu’elles avaient risqué leur vie le 8 novembre pour empêcher les Vichystes de tirer sur les soldats de son pays, se refusa à intervenir, sous le prétexte (nouveau dans son cas!) qu’il se serait agi d’« une affaire intérieure française » (sic).

Les résistants furent alors « expédiés » en lieu sur, à Laghouat, oasis saharienne en bordure de l'Atlas. Le 31 décembre, au cours d’une conférence de presse, Giraud assiégé par les correspondants de guerre, tout à fait au courant de l’affaire, se ridiculisa en justifiant ces arrestations par un prétendu complot dirigé contre lui.

  • Le 10 janvier suivant, ce fut à Henri d’Astier d’être arrêté sur l’ordre de Rigault. Il y avait certes davantage de fondement à cette arrestation qu’à celle des autres chefs de la résistance, puisque Bonnier de la Chapelle avait déjeuné avec d’Astier le matin de son attentat. Mais à un détail près. C’est que les activités collaborationnistes de Darlan et son impunité avaient conféré au meurtre de l'amiral un mobile patriotique.

[modifier] Le maintien du régime de Vichy par Giraud

Giraud conserva strictement les mesures discriminatoires du régime de Vichy, et fît tout pour maintenir la filiation de son gouvernement avec celui du « maréchal empêché ».

[modifier] La référence à la filiation pétainiste, selon Saint-Hardouin

C’est ainsi qu’une circulaire du diplomate Saint-Hardouin, soit disant résistant, dont Darlan avait fait son secrétaire aux Affaires Etrangères, fût adressée à tous les postes diplomatiques, et, reprenant la justification invoquée par Darlan, en vertu de l’acte constitutionnel n° 4ter, en déduisait que Giraud, en sa qualité de successeur de l’amiral, avait qualité pour diriger l’Empire « au nom du maréchal empêché ».

[modifier] « Un seul but, la victoire », le slogan usurpé

  • Pour ne rien changer à son régime politique hérité de Vichy, Giraud usurpa indûment le slogan « Un seul but, la victoire » de son discours apocryphe du 8 novembre 1942, prononcé à sa place à Radio Alger par Raphaël Aboulker, à l'heure où lui-même attendait sans risque à Gibraltar les résultats de l’Opération Torch.
  • Par là, il voulait marquer, sous le prétexte respectable de tout subordonner à l’effort de guerre, son refus de toucher à l’ordre vichyste avant la paix, et notamment aux lois d’inspiration hitlérienne de Pétain. C’est ainsi qu’il maintint, ces lois qui frappaient les enfants, ainsi que les discriminations écartant des unités combattantes les Français juifs, pourtant patriotes particulièrement motivés. Giraud maintint même les internés de Vichy dans les terribles camps de concentration du sud.

[modifier] Les pressions alliées pour la fusion

Pendant ce temps, les dirigeants alliés, excédés des complications entraînées par la coexistence de 2 autorités françaises, exercèrent des pressions pour obtenir leur unification. Roosevelt et Churchill décidèrent alors de se réunir au Maroc (Voir Conférence de Casablanca (1943), dite aussi « Conférence d'Anfa ») où ils convoquèrent Giraud et de Gaulle. Le désaccord des deux généraux ne put qu’y être constaté, mais leurs revendications respectives furent clairement mises en parallèle.

[modifier] Pressions alliées sur de Gaulle

  • Dès la mort de Darlan, de Gaulle avait proposé de lui-même cette fusion à Giraud, sous certaines conditions à débattre. C'était Giraud qui avait tardé à répondre, estimant que, son grade étant plus élevé, de Gaulle ne pouvait que se placer sous ses ordres.
  • Cela aurait bien arrangé les Anglo-américains dont les préférences allaient à Giraud, non seulement en raison de sa docilité et des effectifs plus importants qu’il commandait, mais aussi, parce que Roosevelt était prévenu contre de Gaulle par les allégations de certains Français des États-Unis et par celles de ses diplomates, Leahy et Murphy accusant de « dictature » le chef de la France libre. Ils espéraient que de Gaulle serait enfin mis au pas, à l’intérieur d’une autorité unifiée.
  • De Gaulle était prêt à négocier, mais sur un pied d’égalité, et à condition de constituer un gouvernement traitant librement avec les alliés, de rétablir les lois de la République, de libérer les résistants internés et d’écarter les hauts dignitaires vichystes.

[modifier] Pressions alliées sur Giraud

Roosevelt et Churchill ne tenaient pas à la formation, demandée par de Gaulle, d’un véritable gouvernement français indépendant. Mais, prêchant une croisade contre les puissances totalitaires, il leur fallait bien admettre le bien fondé des exigences formulées par de Gaulle en matière de démocratie.

[modifier] Pressions sur Giraud pour le retour à la démocratie

D'autre part, les pressions exercées par les correspondants de guerre et la presse des pays alliés, dénonçant aux opinions anglaise et américaine le maintien du régime de Vichy sur les arrières du front de Tunisie, obligèrent les dirigeants alliés à exiger enfin de Giraud un effort de démocratisation.

[modifier] Démocratisation forcée et incomplète
  • La libération des chefs du putsch du 8 novembre 1942, demandée à la Conférence de Casablanca (1943), tenue à Anfa, finit par aboutir. Mais en ce qui concerne les détenus politiques des terribles camps du sud, tous les retards possibles furent suscités par les adjoints de Giraud pour retarder leur libération, en invoquant notamment la « crise du logement à Alger » (sic).
  • Les alliés envoyèrent même à Giraud un conseiller politique, très prisé par Roosevelt pour ses compétences économiques et ses capacités d’organisateur, Jean Monnet. Celui-ci n’aimait pas de Gaulle, mais comprit que le maintien du système dictatorial et concentrationnaire de Vichy dans le camp allié ne pouvait pas durer.
  • Monnet en convainquit Giraud, qui rétablit partiellement les institutions démocratiques par ses ordonnances du 18 mars 1943. Malheureusement, ne pouvant maîtriser son antisémitisme, il réabrogea le décret Crémieux, duquel les juifs d’Algérie tenaient leur citoyenneté française. Ceux-ci en restèrent donc privés, ainsi que du droit de servir dans les unités combattantes.
  • Bergeret, ancien ministre de Pétain et Rigault, qui avaient fait arrêter les chefs de la résistance en décembre 1942, démissionnèrent alors du Commandement Civil et Militaire ainsi que Lemaigre-Dubreuil.
  • Simultanément, une représentation réciproque fut établie entre les deux autorités, par l’échange de deux missions : celle du Général Catroux à Alger, et celle du Général Bouscat à Londres.

[modifier] Représentativité accrue du Général de Gaulle

[modifier] Ralliements à de Gaulle d’une partie des troupes de Giraud
  • La campagne de Tunisie toucha à sa fin en avril-mai. Les Forces Françaises Libres de Koenig et Leclerc, d'abord intervenues pour ouvrir la ligne Mareth à la 8e Armée, avaient progressé vers le nord et participé au défilé de la Libération à Tunis.
  • C’est alors que la moitié du Corps Franc d’Afrique, qui avait été à la pointe de la Campagne de Tunisie, passa aux Forces Françaises Libres. Ce geste fut suivi par de nombreux soldats de l’armée de Giraud, las de servir sous les officiers qui avaient tiré sur les alliés en novembre 1942, et leur prêchaient sans rire la « libération du Maréchal ».
  • Des permissionnaires à la Croix de Lorraine vinrent alors à Alger, chacun apportant plusieurs uniformes, tandis que le mouvement Combat y recevait à son siège les jeunes algérois volontaires pour servir « chez de Gaulle ». Ils y revêtaient les uniformes supplémentaires apportés par les permissionnaires et rejoignaient les FFL, en Tunisie dans les camions bâchés
  • Simultanément, 300 marins du Richelieu, à son arrivée à New York, demandaient à rejoindre les Forces Navales Françaises Libres, tandis que plusieurs vaisseaux marchands, tels le Ville d’Oran et l’Eridan réclamaient, à leur arrivée dans les ports alliés, leur rattachement à la France Combattante.
  • Ce « plébiscite militaire », était qualifié à tort de « désertion » par les autorités vichystes d’Alger, car ceux qui les quittaient voulaient continuer le combat, mais sous une hiérarchie plus sure. Aussi ce mouvement, bien que réprouvé par les Alliés, les conduisit-il à douter de la fiabilité de Giraud, d'autant qu'il n’enregistrait aucune « désertion » dans l’autre sens.

[modifier] Appui à de Gaulle du Conseil National de la Résistance (C.N.R.)

De Gaulle, au nom de la « France combattante » substituée à la France Libre, considérait que son Comité de Londres représentait aussi la résistance intérieure. Il en reçut la confirmation éclatante, dès la constitution clandestine en métropole du « Conseil National de la Résistance » (CNR) organisé par le préfet résistant Jean Moulin : Le CNR, en sa séance du 15 mai 1943, affirma: “le peuple de France n’admettra jamais la subordination du général de Gaulle au général Giraud, mais réclame l’installation rapide d’un gouvernement provisoire, sous la présidence du général de Gaulle, le général Giraud devant être le chef militaire...”.

[modifier] Dernières négociations entre de Gaulle et Giraud

[modifier] Atermoiements de Giraud

Charles de Gaulle exigea, pour rejoindre Alger, que tout s’y passe au grand jour. Giraud s’étant rendu à cette dernière exigence, le 17 mai, de Gaulle accepta son invitation le 25 mai, et arriva à Alger le 30 mai.

  • De Gaulle atterrit à Boufarik, et non à Maison Blanche. Mais la discrétion imposée par Giraud à sa venue échoua, car, lorsque de Gaulle se rendit au monument aux morts situé au centre d’Alger, il y fut accueilli par une imposante manifestation organisée par René Capitant et Roger Carcassonne, l’ex-chef de la résistance d’Oran, chargé de sa sécurité.
  • Dès le lendemain les négociations commencèrent et de Gaulle y exigea la constitution d’un vrai gouvernement et le départ des proconsuls ; Il reçut le soir même, à l’insu de Giraud, la démission de Peyrouton, ancien ministre de Pétain, inspirateur des pires lois hitlériennes de l’État français, récemment nommé par Giraud gouverneur général de l’Algérie.
  • Giraud riposta en nommant le 2 juin, à des postes clés (sécurité et information), deux ennemis personnels de Gaulle, l’amiral Muselier et André Labarthe.
  • Le colonel des FFL Billotte ayant appris que Muselier avait appelé à Alger 2 régiments sous prétexte que de Gaulle y projetait un coup d’État, obtint pendant la nuit, le ralliement à de Gaulle des chefs de ces deux régiments.

Noguès, à son tour, démissionna de sa fonction de Résident général au Maroc, le 2 juin.

[modifier] Formation du premier Comité français de la Libération nationale, le 3 juin

C’est dans ces conditions qu’une autorité française unifiée fut enfin constituée le 3 juin sous le nom de « Comité français de la Libération nationale » (CFLN). Ses deux co-présidents en étaient Giraud et de Gaulle. Deux commissaires gaullistes (André Philip, à l’Intérieur et Massigli aux Affaires Etrangères) y participaient, ainsi que deux commissaires giraudistes (Jean Monnet à l’Armement et le général Georges, comme commissaire d’État). Enfin ce comité était complété du Général Catroux, chargé de la Coordination, dont les mauvaises langues disaient qu’il n’était « ni pour de Gaulle, ni pour Giraud, mais pour Catroux ».

[modifier] Nomination de nouveaux chefs de territoires

  • Après de nouvelles négociations de Gaulle obtint enfin le remplacement de tous les chefs de Territoires compromis: Au Maroc, fut nommé le Résident général Puaux, En Algérie, le Gouverneur général Catroux. À la tête des territoires sous mandat du Levant, Jean Helleu et en Tunisie, le général Mast. Le remplacement de Boisson en AOF fut décidé, mais provisoirement remis.
  • Un pouvoir unique était placé à la tête de l’Empire français, et de Gaulle, venu presque seul à Alger, allait , en quelques mois, en prendre la tête malgré une armée et une administration hostiles, et en dépit de toutes les pressions anglo-américaines. Il allait obtenir ce résultat, non seulement du fait même de l’incapacité de Giraud, mais avant tout parce qu’il allait défendre les idéaux de la France et sa souveraineté. Il allait d’ailleurs être soutenu en cela non seulement par les réprésentants de la résistance, mais aussi par ceux des partis et des syndicats métropolitains, qui allaient venir quelque mois plus tard légitimer sur place son autorité, dans le cadre de l’Assemblée Consultative provisoire.

[modifier] Bibliographie

[modifier] Reportages

  • René Pierre Gosset, Expédients provisoires, Paris, Fasquelle, 1945.
  • Melvin K. Whiteleather (War correspondant), Main street's new neigbors, Chapt.11, African episode extraordinary, J.B. Lippincot, Philadelphie & New York, 1945.

[modifier] Ouvrages scientifiques

  • Professeur Yves Maxime Danan, La vie politique à Alger de 1940 à 1944, Paris, L.G.D.J., 1963.
  • Henri Michel, Darlan, Hachette, Paris, 1993.
  • Romain Durand, De Giraud à de Gaulle: Les Corps francs d'Afrique, L'Harmattan, Paris, 1999.
  • Christine Levisse-Touzé, L'Afrique du Nord dans la guerre, 1939-1945, Paris, Albin Michel, 1998.
  • Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France Libre, Paris, Gallimard, 1997.
  • Jacques Cantier, L'Algérie sous le régime de Vichy, Paris, Odile Jacob, 2002.
  • José Aboulker et Christine Levisse-Touzé, « 8 novembre 1942 : les armées américaine et anglaise prennent Alger en quinze heures », Paris, Espoir, n° 133, 2002.
  • Annie Rey-Goldzeiguer, Aux origines de la guerre d'Algérie. 1940-1945, de Mers-el-Kébir aux massacres du Nord-Constantinois, Editions La Découverte, Paris 2002.

[modifier] Mémoires des principaux protagonistes

  • Général de Gaulle, Mémoires de Guerre, 2 vol., 1- L’appel et 2- L’unité, Livre de Poche, Paris, 1999.
  • Général Giraud, Un seul but : la victoire, Alger 1942-1944, Paris, Julliard, 1949.

[modifier] Références

  1. ab Benjamin Stora, « L’abolition, puis le rétablissement du décret Crémieux », 18 octobre 2007, Ligue des droits de l'Homme, section de Toulon. Consulté le 25 avril 2008
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