Shenxiu

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Shenxiu
Shenxiu

Shénxiù ou Shen-hsiu (神秀) 607?-706, né Lǐ (李), originaire du Henan, fut considéré comme le sixième patriarche du bouddhisme Chan jusqu’à la seconde moitié du VIIIe siècleShenhui, disciple de Huineng , fut reconnu septième patriarche par l’ empereur. Huineng remplaça alors Shenxiu dans la lignée officielle. Ce 'coup d’État' symbolise l’émergence du Chan dit du Sud, représenté par Huineng, et l’effacement de l’école du Nord représentée par Shenxiu.

Sommaire

[modifier] Biographie

Devenu moine en 625 au monastère Tiangong (天宮寺) de Luoyang, c’est à 48 ans que Shenxiu serait devenu disciple de Hongren. L’Histoire des moines du Lanka (楞伽人法志) de Xuanze, condisciple de Shenxiu, affirme que Hongren lui confia le Sūtra Lankavatara, signe qu’il en faisait son successeur, alors que le Sūtra de l’Estrade assure que Huineng fut choisi. Dans la seconde moitié du VIIe siècle, la branche de l'école Lanka dite Dongshan, fondée par Daoxin et Hongren, connait un succès certain jusque dans le milieu de la cour. Son centre le plus actif est sur le mont Song où exerce Faru. En 677, Shenxiu fut chargé sur ordre impérial de porter l’enseignement de Dongshan au monastère Yuquan (玉泉寺) dans le Hubei. En 23 ans il y fit de nombreux disciples. En 700 il fut appelé à Luoyang par Wu Zetian qui le reçut avec le plus grand respect et le nomma Patriarche national (國師). Jusqu’à sa mort en 706, où on lui fit des funérailles solennelles, Shenxiu jouit de la faveur impériale, « Maître des deux capitales et de trois empereurs » (兩京法主 三帝國師) selon l'expression de Zhangshuo (張說 667-730). Puji lui succéda.

L'école Dongshan, ultérieurement appelée école du Nord, sera ouvertement attaquée à partir de 734 par Shenhui, disciple de Huineng mort pour sa part discrètement en 713 près de Canton.

[modifier] Caractéristique

Le style de la pratique contemplative de Shenxiu est souvent qualifié de gradualiste en opposition avec celui de son condisciple Huineng qualifié de subitiste. Comme les termes "grand véhicule" et "petit véhicule", les mots "gradualiste" et "subitiste" sont en eux-mêmes neutres. L'efficacité dépend plutôt du niveau et de la capacité du pratiquant que de la méthode elle-même. Mais sur les deux styles bien distincts, il existe depuis plus de douze siècles des débats et des controverses quelquefois intransigeants. Il est tout à fait compréhensible qu'on préfère généralement le grand véhicule que le petit véhicule, le moyen rapide que le moyen lent. Mais en réalité ce n'est pas dans tous les cas ni pour tout le monde de conduire une Mercedes S 600 ou de prendre un avion supersonique. Voici le célèbre poème de Shenxiu:

"Mon corps est l'arbre de l'éveil,

Mon esprit est le corps du miroir.

De tout temps je m'efforce de les essuyer

Pour qu'ils ne soient pas couverts de poussière."

Même d'après le Sūtra de l’Estrade de Huineng, le cinquième patriarche Hongren apprécie ce poème et demande à tous ses élèves de le réciter et de le mettre en pratique. Cet assistant du patriarche ne manque pas de perspicacité pour aller droit au but en visant les deux éléments cruciaux que sont le corps-acte et l’esprit-pensée sur lesquels il est vrai qu’on a beaucoup à faire au cours de la mise en pratique de l’enseignement du bouddha. Le corps et l’esprit étant bien contrôlés le troisième élément bouche-parole sera automatiquement mis on ordre. C’est la raison pour laquelle le patriarche approuve le point d’impact de son élève préféré ainsi que son entendement du dharma bouddhique. Il est certain que par rapport à la quintessence de l’esprit Chan transmise en Chine par Bodhidharma et à la grande sapience guidant à l’autre rive (Mahāprajñāpāramitā) que prêche le bouddha Shākyamuni pour les bodhisattvas, ce point de vue de Shenxiu n’atteint naturellement pas la vérité ultime ou la nature du bouddha (tathāgatagarbha), puisqu’il garde encore les notions objectives telles que l’arbre de l’éveil et le corps du miroir qui l’empêchent forcément de pénétrer l’essence vide de la nature des choses dont la compréhension de son condisciple Huineng est certes beaucoup plus profonde, la preuve est son poème que voici:

"L'éveil n'est en effet pas un arbre,

Le miroir n'est pas non plus un corps.

La nature de bouddha est toujours immaculée:

Où trouverait-on de la poussière ? " .

Huineng nie catégoriquement le point de vue de Shenxiu en transformant ses deux premiers vers en négation, il a tout à fait raison d’ailleurs sur le plan métaphysique, son troisième vers exprime sa position fondamentale qui est conforme à la loi merveilleuse (saddhama), et son quatrième vers est une interrogation affirmative qui est beaucoup plus expressive qu’une négation simple.

Si l'on s'attache aux objets concrets qui sont innombrables on ne pourra jamais s'en sortir. Même si l’on se sert des concepts concrets ou imagés on aura encore des contraintes pour se réjouir d’une vraie liberté. On passe ici à un autre niveau de la compréhension des choses où toutes les notions semblent impuissantes voire inutiles, on ne pourrait même pas lui attribuer un nom, c’est ce que Lao Zi (老子) appelle à contre cœur « la voie » (dào 道) qu’il désavoue tout au début de son fameux canon classique « La Voie et la Vertu » (Dàodéjīng 《道德經》): « La voie qu’on peut prononcer n’est pas la voie éternelle, le nom qu’on peut désigner n’est pas le nom permanent. ». Il s’agit bien là de la nature de bouddha (tathāgatagarbha) qui est à la fois innommable et impensable : « lorsqu’on en parle on a tort, quand on y pense c’est déjà faux ». Même pour citer la notion propre de «la nature de bouddha », on a besoin d’emprunter la manière explicative du Soutra du Diamant, « la nature de bouddha dont on parle n’est pas la nature de bouddha, donc on l’appelle la nature de bouddha ».

La compréhension de la nature de bouddha ou de la vérité suprême est un acte d’ importance monumentale, selon Shenxiu on peut s’en approcher progressivement et l’atteindre finalement, d’où est venu le nom de l’illumination progressive ou graduelle , et quant à Huineng on peut l’atteindre d’un seul coup, d’où le nom de l’illumination subite.

Si l’on peut atteindre un jour soudainement la compréhension ou l’illumination qui est presque le synonyme de l’éveil sacré, comme ce sera merveilleux, fabuleux, extraordinaire, hyperchanceux, aucun mot n’est si fort pour l’exprimer. Cette séduisante illumination subite est digne d’être recherchée depuis presque mille trois cents ans, par plusieurs dizaines de générations des bouddhistes religieux et laïcs, même des lettrés ou illettrés non bouddhistes. Mais hélas finalement peu nombreux sont ceux qui ont connu le même résultat que ce célèbre campagnard et illettré. La raison est peut-être qu’on a totalement écarté la légende chinoise qui relate que Huineng avant de venir sur notre planète était déjà un bodhisattva de la 7e Terre.

Shenxiu est attaqué par Huineng parce qu’il a employé des métaphores imagées indignes du premier plan de la vérité, sa méthode gradualiste est méprisée par la suite c’est probablement à cause du snobisme des pratiquants ultérieurs désirant devenir bouddha en peu de temps. Il s’agit là d’une psychologie compréhensible, les maîtres doivent proposer ce que les gens veulent entendre : « déposez le couteau du bourreau et devenez bouddha sur le champ », « vous êtes bouddha , vous n’avez qu’à l’avouer » etc., ainsi des bouddhas vivants partout, jusqu’à ce que presque personne ne tient compte du fait que le dernier bouddha est Shākyamuni et que le prochain bouddha sera Maitreya dans plus de cinq milliards d’années.

Shenxiu s’est mal exprimé, il comprenait peut-être aussi bien l’ultime vérité que Huineng, sinon en même temps, au moins plus tard, de toute façon ce n’était pas par hasard qu’il était en réalité « maître de deux capitales et de trois empereurs ». On lui a arraché le titre du sixième patriarche après sa mort, et ses écrits n’ont pas perduré, le savant du 20e siècle Hu Shi a soulevé le problème et fait quelques recherches, on connaîtra peut-être un jour la vérité.

Pourquoi connaît-on si difficilement l’illumination ? Pourquoi n’arrive-t-on pas à pénétrer ce secret maintes fois expliqué par le bouddha Shākyamuni ? Parce que tout simplement nous avons encore un mauvais karma qui ne finit pas de nous conduire là où nous devons être par une loi de cause à effet qui est la même que les scientifiques et matérialistes appellent "la loi de la nature". Ce qui compte, c'est de purifier le plus vite possible ce mauvais karma qui nous pèse sur le dos. Pour ce faire il faut commencer à rectifier nos pensées, paroles et actes en pensant toujours qu'on récolte exactement ce qu'on a semé. C'est la loi ni noble ni humble de la nature. D'où l'utilité de toutes les règles établies (vinaya) par notre éducateur Shākyamuni.

Si l’on n’arrive pas par de multiples raisons à prendre un hélicoptère, il vaudra mieux prendre une voiture, ou un vélo, ou même à pied, de cette manière, rapidement ou lentement, on avance. Si l’on attend obstinément l’hélicoptère qui ne vient toujours pas, alors on restera à la même place.

Balayer la cour, ranger la maison, nettoyer les meubles, laver le linge, c'est toujours utile pour une vie correcte et agréable. Ne pas faire ce qui est immoral, ne pas dire ce qui est incorrect, ne pas penser ce qui est impur, c’est toujours bénéfique pour notre progrès menant à l’illumination. Au moins pour les débutants, c'est une étape infranchissable.

Notre progrès quotidien compte beaucoup plus que la supériorité de l’un ou de l’autre maître.


[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

皮朝纲 [南能北秀美學思想異同論] 四川师范大学学报:社科版1997年3期

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