Rhum agricole

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Le rhum agricole est un rhum (alcool de sucre de canne) produit par fermentation et distillation du jus de la canne à sucre. On le distingue du rhum traditionnel ou rhum de sucrerie, produit à partir de la mélasse.

Sommaire

[modifier] Origines

Dès 1635, les colons français installés dans les Antilles introduisent des cultures d'exportation comme le café ou le coton. Des essais d'acclimatation de la canne à sucre sont tentés. La canne est tout d'abord cultivée pour la production du sucre. Cette culture n'est pas très rentable car seule une partie du jus est utilisée. Une solution est trouvée lorsqu'on s'aperçoit que le jus fermenté par la chaleur et les levures naturelles donne une boisson alcoolisée. En 1694 le père Labat imagine de distiller cette boisson, créant ainsi une eau-de-vie qui, après quelques évolutions, est devenue le rhum, les sucreries ajoutent alors rapidement une distillerie à leur installation.

Les sirops ainsi produits prennent une place prépondérante dans les échanges internationaux. En 1767, la Martinique compte 450 sucreries-distilleries. En 1870, la canne occupe 57% des surfaces agricoles de la Martinique.

L'effondrement des cours du sucre poussent les planteurs à trouver d'autres débouchés, c'est l'origine de l'industrie du rhum. En 1902, l'éruption de la Montagne Pelée réduit de moitié la production martiniquaise mais la Première Guerre mondiale relance l'activité car le rhum devient un des nerfs de la guerre, soutenant le moral des poilus.

En 1918, les producteurs de rhum de la métropole s'inquiètent de la concurrence des colonies et obtiennent en 1922 une loi limitant les importations.

Dans les années 1960, la production de rhum agricole égale presque le niveau de production du rhum industriel. Au début des années 1970, la production de rhum agricole dépasse celle de rhum industriel.

En novembre 1996, le rhum agricole de Martinique obtient une AOC.

[modifier] Mode de production

[modifier] Récolte de la canne

Depuis le début des années 1990, deux modes de coupe coexistent :

  • la coupe manuelle, en voie de disparition et réservée aux terrains trop accidentés. Les cannes sont livrées entières, débarrassées de leur feuillage. La récolte est alors parfois précédée d'un brûlis pour éliminer les feuilles sèches, ce qui permet de faciliter la coupe, et de faire fuir les éventuels serpents.
  • la coupe mécanisée. Une machine (récolteuse-tronçonneuse-chargeuse) coupe la canne et la débite en tronçons de 20 cm.

Cette coupe intervient une fois par an, durant la saison sèche.

Récolte mécanique de la canne (Dzamandzar, Madagascar)
Récolte mécanique de la canne (Dzamandzar, Madagascar)

[modifier] Réception de la canne

Les cannes sont livrées assez rapidement après la coupe afin d'éviter la dégradation des sucres contenus dans la canne, d'autant plus si la récolte a été mécanique car le conditionnement en tronçons augmente la surface de contact entre le coeur de la canne et l'air. Selon les lieux, la livraison s'effectue en charrettes (à bœufs dans le passé) ou dans des remorques tirées par des tracteurs pour les cannes entières, et en camions à fond roulant ou en semi-remorques pour celles récoltées et débitées mécaniquement (tendance en forte progression).

Livraison de la canne par camion à fond roulant (Usine Saint James - Sainte-Marie)
Livraison de la canne par camion à fond roulant (Usine Saint James - Sainte-Marie)
stockage des cannes avant broyage (Usine Saint James - Sainte-Marie)
stockage des cannes avant broyage (Usine Saint James - Sainte-Marie)


À l'arrivée, elles sont contrôlées (poids, teneur en sucre, pH ; les résultats de ce contrôle sont notamment utilisés pour déterminer le paiement aux producteurs).

[modifier] Broyage

Si les cannes sont entières (coupe manuelle), elles sont d'abord débitées en tronçons de 20 cm. Ces tronçons sont ensuite broyés par une série de moulins et arrosées entre chaque broyage pour optimiser l'extraction du jus. Les résidus de ce broyage appelés bagasse sont stockés pour servir de combustible à l'usine (chauffage des colonnes à distiller, production d'électricité).

Moulins de broyage de canne (Distillerie Trois-Rivieres)
Moulins de broyage de canne (Distillerie Trois-Rivieres)
Broyage de la canne dans une usine
Broyage de la canne dans une usine
Broyage de la canne par des moulins (XVIIIe siècle)
Broyage de la canne par des moulins (XVIIIe siècle)


Le jus obtenu est placé en cuves pour la suite du processus de fabrication.

[modifier] Fermentation

Saccharomyces cerevisiae
Saccharomyces cerevisiae

Le jus de canne contient beaucoup de sucre qu'il faut transformer en alcool. Cette transformation s'effectue sous l'influence de levures qui déclenchent la fermentation éthylique.

Traditionnellement les levures utilisées étaient celles naturellement présentes dans la canne. Afin d'accélérer le processus et de le rendre plus re productible de nombreuses distilleries ensemencent un fraction du jus avec des levures puis chauffent cette fraction afin d'accélérer le développement des levures. Cette partie du jus est ensuite utilisée pour ensemencer à son tour le reste du jus.

On obtient ainsi au bout de 24 h un vin de canne à 5° baptisé vesou.

les distilleries utilisent en général des levures de type Schizosaccharomyces ou de type Saccharomyces. Les Schizosaccharomyces étant les plus répandues dans le monde et permettant d'obtenir des rhums dits légers. Par décret d'AOC, les rhums agricoles ne peuvent utiliser que les levures Saccharomyces qui permettent d'obtenir des rhums plus aromatiques. la principale levure utilisé est de type Saccharomyces cerevisiae

[modifier] Distillation

Colonne à distiller (Trois-Rivières, Martinique) : les anneaux sur le pourtour de la colonne correspondent aux plateaux
Colonne à distiller (Trois-Rivières, Martinique) : les anneaux sur le pourtour de la colonne correspondent aux plateaux
Une distillerie d'eau-de-vie en Afrique du Sud, on peut voir les chauffe-vins en haut
Une distillerie d'eau-de-vie en Afrique du Sud, on peut voir les chauffe-vins en haut

Ce vin est ensuite distillé. La distillation se fait dans une colonne à distiller qui est composée de plateaux. Ces plateaux sont de deux types : épuisement et concentration suivant la position dans la colonne (épuisement en bas, concentration en haut).

Le décret d'AOC impose un nombre de plateaux d'épuisement compris entre 15 et 25 et d'un diamètre compris entre 90 et 180 cm. Par décret également, le nombre de plateaux de concentration est compris entre 5 et 9 et d'un diamètre de 80 à 155 cm.

Cette distillation est dite continue sans repasse car contrairement aux anciennes méthodes de distillation, la distillation ne s'effectue pas en repassant plusieurs fois le liquide dans le même dispositif pour en élever progressivement la concentration en alcool.

Le vin est introduit par le haut de la colonne et descend de plateau en plateau. En chemin il rencontre la vapeur qui est introduite par le bas de la colonne. La vapeur baigne dans le vin et le réchauffe, se chargeant ainsi en alcool et principes aromatiques. Les vapeurs alcooliques sont ainsi entraînées vers le haut et sortent de la colonne pour être refroidies afin de redevenir liquides.

Le refroidissement est effectué dans un chauffe vin qui permet d'échanger la chaleur entre le vin froid qui sera introduit dans la colonne et la vapeur en sortant. Une partie du liquide est en général réintroduite dans la colonne afin d'obtenir une meilleure concentration en alcool. Cette réintroduction est appelée reflux.

On obtient ainsi un rhum agricole cristallin, titrant environ 70°


Ce rhum à 70° est ensuite dilué à 55° ou 50° pour consommation.

Ce rhum a trois destinations :

  • le rhum blanc agricole
  • Le rhum ambré agricole
  • Le rhum vieux agricole

(voir plus bas)

[modifier] Variétés de rhums agricoles

[modifier] Le rhum blanc

Le rhum produit par distillation est stocké 3 mois en foudres de bois, puis ramené à des teneurs alcooliques de 40° à 60° par adjonction d'eau de source, puis embouteillé.

[modifier] Le rhum ambré

Le rhum ambré, lui, séjourne 18 mois en foudres de chêne, ce qui lui donne cette couleur caractéristique (principalement héritée du contact avec le chêne). Ce rhum est aussi appelé rhum paille.

[modifier] Le rhum vieux

Pour bénéficier de cette appellation, le rhum doit séjourner en foudres de chêne :

  • 3 ans pour un rhum VO
  • 4 ans pour un rhum VSOP
  • 6 ans pour un rhum XO

[modifier] Appellation d'origine contrôlée (AOC)

Par décret du 5 novembre 1996 publié dans le Journal officiel de la République française du 8 novembre, le rhum agricole de la Martinique a obtenu une « AOC Martinique ». Actuellement la Martinique est le seul département ou territoire d'outre-mer à bénéficier d'une AOC [1].


Cette AOC a été délivrée par l’Institut national des appellations d'origine, après plus de vingt ans de démarches de la part des acteurs de la filière. Première AOC d’outre-mer et de surcroît pour un alcool blanc, celle-ci classe dorénavant le rhum agricole martiniquais parmi les alcools nobles liés à une origine géographique. Cette Appellation traduit la typicité du « Rhum agricole Martinique », expression du lien intime entre la production, le terroir et le savoir-faire des hommes, perpétué au fil des générations[2].

[modifier] Distilleries

Les distilleries suivantes produisent du rhum agricole :

[modifier] Martinique

en 2006 il ne restait plus que 7 distilleries fumantes en Martinique :

Les marques de commercialisation de rhums agricoles sont les suivantes :

  • Plantations et Rhumeries antillaises
    • Rhum des Grands Mornes
  • J. Bally/Lajus Carbet
    • Rhum Bally
  • Distillerie Clément
    • Rhum Clément
    • Cuvée Charles Clément
  • Distillerie DePaz
    • Rhum DePaz
  • Distillerie Dillon
    • Rhum Dillon
    • Rhum Old Nick

En fait la distillerie Dillon ne distille plus depuis la fin de la campagne rhumière 2006. Elle n'assure désormais plus que l'embouteillage des rhums Dillon, Depaz & Saint James, tandis que le rhum Dillon proprement dit est élaboré au sein des distilleries Depaz et Saint-James. Dillon a par ailleurs développé son activité d'accueil touristique.

  • G & P Dormoy
    • Rhum Courville
    • Rhum La Favorite
  • Distillerie Duquesne
    • Rhum Duquesne
  • Plantation Fonds Dore
    • Rhum Bernus
  • Fonds Preville/Crassous
    • Rhum J.M.
  • Plantation Lapalun - Fermée
    • Rhum Lapalun (très rare)
  • Distillerie du Galion
    • Rhum du Galion
    • Rhum Grand-Fond
  • Plantation Gros Morne/Simonnet
    • Rhum Saint-Étienne
  • Gaston Hardy
    • Rhum Tartane Hardy
  • JCB
    • Rhum Pitterson
  • L. Jusselain
    • Rhum Vierge Jusselain
  • Distillerie La Mauny
    • Rhum La Mauny
  • P. Lambert
    • Rhum Lambert
  • Rhumerie Macouba
    • Rhum Macouba
  • Madkaud père et fils
    • Rhum La digue, maison fondée en 1924 au Lorrain
  • Héritiers Madkaud
    • Rhum Héritiers Madkaud, maison fondée en 1895 au Fond Capot au Carbet
  • Distillerie Neisson/Thieubert
    • Rhum Neisson
  • Distillerie des Rhums Agricoles
    • Rhum Canala
    • Rhum Richmond
    • Rhum Vieille Case
  • Plantation Rivière-Monsieur
    • Rhum Rivière-Monsieur
  • Plantations Saint James
    • Rhum Maniba
    • Rhum Saint-James
  • Rhumerie du Simon
    • Rhum Monna
  • Plantation Survi
    • Rhum Survi
  • Distillerie Tatanka
    • Rhum Tatanka
  • Distillerie Trois-Rivières
    • Rhum Trois-Rivières (suite à l'arrêt de la production de cette distillerie, le rhum Trois-Rivières est désormais produit à la distillerie La Mauny)

[modifier] Guadeloupe

  • Distillerie Carrere
    • Rhum Montebello
  • Distillerie Longueteau
  • Distillerie Esperance
  • Distillerie Bologne

[modifier] Île de la Réunion

[modifier] Haïti

[modifier] Bibliographie

[modifier] Références

  1. Consulter le décret AOC : [1]
  2. www.ctcs.mq Centre technique de la canne et du sucre de la Martinique