Prédestination

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La prédestination est un concept théologique selon lequel Dieu, de toute éternité, aurait choisi ses élus.

Sommaire

[modifier] Christianisme

Chez les chrétiens, cette croyance est généralement rejetée par les catholiques, à l'exception notable des jansénistes, et acceptée par une partie des protestants (notamment calvinistes) qui ne sont pas arminiens.

C'est en effet dans le monde chrétien que le débat fut le plus vif sur ce sujet car si l'on admet qu'une âme individuelle est créée à chaque naissance, il est difficile de nier que, dans son omniscience, Dieu sait si elle ira au paradis ou en enfer après la mort physique de la personne. Chacun de nous serait ainsi prédestiné dès notre naissance à une éternité de félicité ou de souffrance. Cette idée a toujours paru insupportable à certains qui avaient foi en un Dieu infiniment bon alors que d'autres, se référant à des passages scripturaires, l'acceptaient plus volontiers.

Ce débat est sans objet chez les ésotéristes chrétiens (partisans de l'anthroposophie ou rosicruciens) pour qui un éventuel salut ne peut venir que d'un progrès spirituel acquis par une suite de réincarnations.

[modifier] La prédestination dans l'Église catholique

La prédestination absolue a toujours été rejetée par l’Église catholique, bien que le débat existe depuis les origines, et qu’il ne soit toujours pas résolu. Ainsi, au Ve siècle, un conflit oppose saint Augustin au moine Pélage qui soutient que l’homme peut être sauvé par sa seule volonté. Le pape Adrien Ier donne en 785 un avis très clair dans une lettre adressée aux évêques d'Espagne :

« Dieu a préparé de toute éternité dans son immutabilité les œuvres de justice et de miséricorde. Il a donc préparé les mérites de ceux qui doivent être justifiés. Mais pour les méchants, il n'a pas préparé les œuvres mauvaises ni les volontés mauvaises, mais il leur a préparé de justes châtiments. Voilà en quoi consiste la prédestination éternelle des œuvres futures de Dieu. »

Au IXe siècle, Gottschalk d'Orbais, moine de Fulda, soulève à nouveau le problème. Le concile de Quierzy (Carisiacum) de 853 le condamne et édicte :

« Le Dieu tout puissant créa l'homme sain, sans péché, avec le libre arbitre, et le posa dans le paradis. Il voulait qu'il demeurât toujours dans la sainteté de la justice. Mais l'homme pécha et déchut en se servant de sa liberté mal à propos, et tout le genre humain devint une masse de perdition. Dieu, dans sa bonté et sa justice, de cette masse de perdition, élut gratuitement dans sa prescience ceux qu'il a prédestinés à la vie éternelle. Les autres que par le décret de sa justice il a laissés dans la masse de perdition, il a prévu qu'ils périraient, mais ne les a pas prédestinés à périr. Dans sa justice, il leur a prédestiné une peine éternelle. Voilà pourquoi nous ne parlons que d'une seule prédestination qui a trait soit au don de la gràce, soit à la rétribution de sa justice. »

Le concile de Valence ne dit pas autre chose en 855 :

« Nous croyons fermement en la prédestination des élus à la vie, et à la prédestination des impies à la mort. Dans l'élection de ceux qui doivent être sauvés, la miséricorde de Dieu précède le mérite des bonnes œuvres. Dans la condamnation de ceux qui périront, la culpabilité des mauvaises actions précède le juste jugement de Dieu. Par la prédestination, Dieu a déterminé uniquement ce qu'il ferait par sa miséricorde gratuite ou selon son juste jugement. Dans les méchants, Dieu n'a fait que prévoir leur malice en tant que procédant d'eux seuls. Il n'a pas prédestiné leur malice, parce qu'elle ne vient pas de lui. Mais la peine qui suit la faute, en tant que Dieu qui connaît tout à l'avance, il l'a prévue et prédestinée. Mais que quelques-uns aient été prédestinés au mal par la volonté divine de façon telle qu'il n'était pas en leur pouvoir de ne pas être mauvais, non seulement nous ne le croyons pas, mais s'il s'en trouve qui croient une telle énormité nous les rejetons et les anathématisons. »

Un autre texte du même concile dit :

« Nous tenons fermement que Dieu prévoit et a prévu de toute éternité et les bonnes actions que les bons allaient faire dans le futur et les mauvaises actions que les mauvais allaient accomplir. Car, nous avons la parole de l'écriture qui en témoigne : "Dieu éternel, toi qui connais les choses cachées et qui connais toutes choses avant qu'elles n'arrivent". Et il nous plaît de tenir que Dieu a prévu d'avance que les bons deviendraient bons par sa grâce et que, par la même grâce, ils recevraient des récompenses éternelles. Il a prévu que les mauvais seraient mauvais par leur propre malice et qu'ils devraient être condamnés par sa justice aux châtiments éternels. Mais la prescience de Dieu n'a rendu aucun mal nécessaire de façon telle que le mauvais ne pouvait qu'être mauvais. Dieu qui connaît tout avant qu'il n'arrive sut d'avance, par sa majesté toute puissante et immuable, ce que le méchant ferait par sa propre volonté. Nous croyons que personne n'est condamné sans motif, mais à cause de sa propre iniquité. Nous ne croyons pas non plus que les mauvais périssent parce qu'ils n'ont pas pu être bons, mais parce qu'ils ne voulurent pas devenir bons. Ils sont demeurés dans la masse de perdition par leur propre vice, par le péché originel et leurs péchés actuels. »

L'Église catholique a donc une doctrine précise sur la prédestination qui a toujours cours puisque les définitions dogmatiques sont irréformables et aucun pape ni aucun concile reconnu par le pape n'a jamais enseigné une doctrine contraire. Elle n'est néanmoins pas toujours enseignée par les théologiens modernes qui rejettent la justice en Dieu, l'enfer et le purgatoire.

Plus tard, il y eut les jansénistes du monastère de Port-Royal (rasé par ordre de Louis XIV en 1711). Ils disaient que la grâce n’est pas accordée à tous les hommes, et que Dieu, dans sa toute-puissance, l’accorde à certains, la refuse à d’autres. Il peut même la refuser à celui qui désirant échapper au péché, se soumet totalement à la loi divine. Les jansénistes appelaient « le juste pêcheur » cet exclu a priori de l’amour divin. Aujourd’hui, cette querelle reste purement théologique, et dans l’Église catholique elle ne touche généralement que les évêques.

[modifier] Protestantisme

[modifier] Calvin

Jean Calvin (15091564) développe la conception de la double prédestination en 1536, dans Institution de la religion chrétienne : prédestination à être élu et prédestination à recevoir la grâce. À un paroissien qui lui demandait s'il serait damné, Calvin répond : « Sur ton salut, je ne me fais pas de souci, c'est le mien qui me tourmente » (Correspondance). Il semblerait aussi que plus le fidèle doute de son Salut, plus il peut en déduire qu'il n'est pas élu. Pour les calvinistes, un élu ne peut douter de son salut.

[modifier] Karl Barth

Karl Barth, dans son commentaire de l'épître aux romains, explique la prédestination.

Pour lui le premier mouvement vient de Dieu, c'est la grâce qui vient sur l'homme, forcément pêcheur. La réponse de l'homme est la Foi, elle vient forcément ensuite.

[modifier] Analyses sociologiques

Max Weber cherchera dans la doctrine de la prédestination une des causes du dynamisme économique des États protestants et de la naissance du système capitaliste. En effet, cette doctrine pousse selon lui le croyant à tenter de deviner s'il est un élu. L'abondance de biens matériels et le succès dans les affaires peuvent être considérés comme un signe de cette grâce. De même, elle pousse à accumuler le capital, car si les enfants du croyant héritent d'une grande fortune, c'est qu'ils doivent être élus. Pour Weber, les catholiques, en rejetant la prédestination, se sont condamnés à être moins dynamiques, en valorisant le renoncement au monde.

Emmanuel Todd quant à lui renverse la perspective wébérienne. Selon lui, certaines régions d'Europe ont été tentée par la doctrine de la prédestination parce que les structures familiales y valorisaient la valeur d'inégalité entre frères (dans sa typologie, il s'agit des familles nucléaire absolue et souche). Ces structures familiales ont ensuite influé sur le développement de ces régions (la famille nucléaire absolue est un terrain favorable à des innovations économiques réclamant le déplacement de nombreuses personnes des campagnes vers les villes, d'où l'industrialisation précoce des régions où cette famille est présente ; la famille souche possède le plus grand potentiel de développement culturel, d'où un succès économique à long terme grâce à une main-d'œuvre plus qualifiée).


[modifier] Islam

Dans le Coran le rôle du prophète est d'apporter à la fois la Bonne nouvelle et l'alarme quant au jugement dernier.

Le fait qu'un homme croit ou non ne dépend ensuite que d'Allah.

[modifier] Acharisme

Cette thèse est défendue par les acharites. Elle est repris par Abû Hamid Al-Ghazali . Dieu n'a de compte à rendre à personne et n'a à se soumettre à aucune loi, l'univers est parfait comme il est sans que rien ne puisse y être amélioré. La condition de chaque humain n'est l'objet d'aucune injustice car ce serait contraire au principe de la justice divine : les misères de la vie terrestre sont certes des pertes sur terre, mais elles sont aussi des gains dans l'au-delà. Sans la nuit, le jour n'aurait pas de valeur. Sans la maladie, la santé ne serait pas si appréciable. Si l’imperfection n’avait pas été créée, la perfection resterait inconnue.