Poétique (Aristote)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Sommaire

[modifier] L'art

[modifier] La production artistique

Aristote pense la création artistique et la production artisanale comme la réalisation d’une idée conçue préalablement. En cela, il s'oppose à Platon, pour qui l’artiste est inspiré par la divinité et ne maîtrise pas le procédé de sa création. Ainsi, toute production nécessite:

- une cause formelle (idée de l’objet à produire présente dans l’imagination de l’artisan ou de l’artiste)

- une cause matérielle: la matière sur laquelle l’homme agit

- une cause efficiente: la maîtrise technique et l’effort fourni par l’homme pour transformer la matière et la rendre conforme à l’idée initiale

- et une cause finale: l’objet réalisé

[modifier] L'art comme imitation

Dans La Poétique, Aristote semble s’inscrire dans la tradition platonicienne en présentant l’art comme étant une imitation. En effet, Platon explique au livre X de la République que l'oeuvre d'art n'est qu'une imitation d'imitation, la copie d'une copie. Car l’artiste ne fait qu’imiter l’objet produit par l’artisan ou par la nature, objet sensible qui est lui-même la copie ou l'imitation de son essence (l'Idée ou Forme). L’art pour Platon, en tant que production d’objet, n’est donc qu’une imitation de second ordre, copie de la copie de l'Idée. L'oeuvre d'art est ainsi de piètre valeur, car doublement éloignée de la vérité. Et l'artiste lui-même apparaît comme un danger pour la réalisation de la République, puisqu'il est un illusionniste, qui fait tenir pour vrai ce qui est faux et peut ainsi renverser dans l'apparence qu'il construit l'ordre des valeurs.

C'est sur ce point qu'Aristote se sépare de Platon. En effet, Aristote ne songe pas à exclure les artistes de la cité : il leur confère tout au contraire une nécessité dans l'ordre de la cité. Aristote présente en effet la notion d’imitation sous un jour tout à fait nouveau, qui nous permet d'en comprendre l'intérêt.

Pour lui, les hommes aiment imiter, pour deux raisons essentielles qui sont le plaisir et la connaissance.

Le plaisir esthétique fait ainsi sa première apparition dans l’histoire de la philosophie. Il est produit par l'émotion que provoque l'oeuvre, qui touche et excite nos passions qui trouvent en elle un exutoire : "il s'agit, non seulement d'imiter une action dans son ensemble, mais aussi des faits capables d'exciter la terreur et la pitié, et ces émotions naissent surtout et encore plus, lorsque les faits s'enchaînent contre notre attente" (Aristote, La Poétique, chapitre IX - Histoire et Poésie).

Aristote développe alors l'idée selon laquelle nous pouvons prendre plaisir à voir une représentation d’une chose répugnante: "des objets réels que nous ne pouvons pas regarder sans peine, nous en contemplons avec plaisir l'image la plus fidèle ; c'est le cas des bêtes sauvages les plus repoussantes et des cadavres. » (Aristote, La Poétique Chapitre IV - "Origine de la poésie - Ses différents genres".) L’important n’étant pas l’objet de la représentation mais cette représentation elle-même. (Cf. "Une Charogne" de Baudelaire).

Il insiste cependant sur la distance existant entre la chose représentée et son imitation:

  • L’imitation ressemble à cet objet mais n’est pas lui, elle résulte du travail de l’artiste, de la manière dont il met en forme son modèle.
  • L’imitation peut donc être belle, en tant que fruit de l’élaboration de l’artiste, à partir de n’importe quel modèle, et même si ce modèle n’est pas beau en lui-même.

L'imitation consiste en effet à reproduire la "forme" de l'objet sur une autre scène et dans une autre "matière", à la mimer dans le geste ou le récit, pour que la passion puisse s'y épancher sans toucher l'ordre de la réalité.

L'objet de sa démonstration tient dans l'idée que la représentation artistique, en imitant des situations qui ne sauraient être moralement tolérées dans la réalité de la communauté politique (crimes, incestes, etc.), permet la "catharsis", c'est-à-dire l'expurgation des passions mauvaises des hommes qui auraient pu menacer l'ordre réel de la cité si elles n'avaient trouvé à s'épancher dans la contemplation de l'oeuvre. L'art est ainsi salutaire pour l'ordre de la cité, qu'il protège en détournant la satisfaction des passions mauvaises dans un autre ordre, celui des imitations, où elles peuvent se satisfaire par imitation ou mimétisme, sans attenter de ce fait à la réalité de l'ordre politique commun.

En ce qui concerne la connaissance, Aristote s'oppose ici aussi radicalement à Platon qui nous exhorte à nous détacher des apparences sensibles et à nous tourner vers la réalité Idéale. Aristote explique en effet qu’il faut s’imprégner du sensible afin d’en former une idée que l’on garde en mémoire, ainsi, pouvons-nous reconnaître instantanément l’objet lorsqu’il nous est à nouveau présenté. De ce fait, l’imitation de la réalité sensible, nous permet de nous en imprégner, donc de la connaître et de la reconnaître plus facilement. C'est la raison pour laquelle nous commençons par regarder des livres d'images...

[modifier] La tragédie

Dans cet ouvrage, Aristote accorde une place essentielle à la tragédie. C'est un point débattu entre philologues, et presque mythique, de savoir si le tome 2 de la Poétique, consacré à la comédie, et que certains commentaires d'Aristote laissent imaginer, a jamais été rédigé.

Cet hypothétique second tome est le ressort de l'intrigue du roman Le Nom de la rose d'Umberto Eco (1980), porté à l'écran par Jean-Jacques Annaud en 1986.

[modifier] Définitions

Il s’agit de l' « imitation d’une action noble, accomplie jusqu’à sa fin et ayant une certaine étendue, en un langage relevé d’assaisonnements (rythme, mélodie et chant)... C’est une imitation faite par des personnages en action, et non par le moyen de la narration , et qui par l’entremise de la pitié et de la crainte, accomplit la purgation des émotions de ce genre (...)" (chap6)

Il s’agit d’une histoire qui possède une introduction, un développement et une fin. L’action des personnages doit être vraisemblable et il est conseillé qu’au moins l’un des personnages se réfère à une personne ayant existé. La tragédie se distingue de l’épopée en ce que cette dernière se fait au moyen de la narration et n’est pas tenue à la vraisemblance, puisqu’elle imite des faits ayant existé.

[modifier] La catharsis

La purgation des émotions, ou catharsis, se produit de la manière suivante : le spectateur commence par ressentir la pitié ou la crainte, mais il ne leur donne aucune ampleur puisqu’il est emporté par l’action qui se déroule sous ses yeux. Ainsi peut-il s'en détacher.Autrement dit, ce qui permet de se détacher de ces émotions est la construction de l’histoire. Seule une histoire bien liée selon les règles pré-citées, c’est-à-dire, mise en forme... permet d’obtenir ce résultat. (chap 14)

  • si l’on veut faire un rapprochement avec des œuvres récentes, en particulier cinématographiques, on peut convenir de considérer que seule une œuvre « travaillée » formellement et esthétiquement permet cette catharsis, et non la présentation d’images assez crues qui ne permettent au spectateur aucune mise à distance...

[modifier] « Parties » de la tragédie » ou moyens par lesquels doit être réalisée cette imitation...

  • l’organisation du spectacle, qui englobe les 5 autres parties, mais qui n’appartient pas véritablement à la poétique
  • l’histoire, ou « agencement des actes accomplis » est sa partie la plus importante, dans la mesure où elle comprend sa fin => chap 8, 9, 10, 11, 13, 14 (+ notion de catharsis), 17, 18
  • le caractère « est ce qui est de nature à déterminer un choix » => « ce qui permet de dire que les personnages en action sont tels ou tels » => « le caractère sera bon si le choix est bon » chap 15
  • la pensée (chap. 19) « appartient au domaine de la pensée tout ce qui doit être produit pas des paroles : démontrer, réfuter, produire des émotions comme la pitié... » Mais, dans le cas de la tragédie, les effets doivent se manifester sans raisonnement, découlant des paroles ou des actes
  • la composition du chant et de l’expression (au moyen desquels se produit l’imitation)
  • le chant est le principal assaisonnement
  • l’expression est « la manifestation de la pensée à travers les mots » et l' « agencement des mètres » => chap 17 : elle « permet de donner aux histoires leur forme achevée en se mettant le plus possible les situations sous les yeux... permettant ainsi d’éviter les contradictions internes... »

[modifier] Parties de l'expression, ou anticipation de la linguistique

Le chap. 20 expose « les parties de l’expression prise dans son ensemble : la lettre, la syllabe, la conjonction, le nom, le verbe, l’article, la flexion et l’énoncé »... Il convient ici de remarquer le caractère tout à fait novateur de cette étude que l’on pourrait désigner, par anticipation, de la linguistique.

.

[modifier] Plus petite unité de son

« La syllabe est un son sans signification » sera ainsi reformulée par les linguistes : le phonème cf ; gr ou gra (qui correspond souvent à la syllabe) est la plus petite unité de son, mais n’est pas signifiante en elle-même.

[modifier] Plus petite unité de sens

« Le nom est un son composé et signifiant qui n’indique pas le temps, dont aucune partie n’est signifiante par elle-même » (voir aussi de l’interprétation, 2) => le nom est la plus petite unité signifiante... tout mot est une combinaison de son et de sens.

[modifier] L'articulation du langage

La notion linguistique d’articulation du langage est présente et même fondamentale chez Aristote, dans la mesure où elle lui permet de distinguer l’homme de l’animal : - articulation des lettres en syllabes (ou phonèmes) ; poétique XX, 1456 b, 20 à 25 - articulation des syllabes (...) en noms ; poétique XX, 1457 a, 10 à 15 ; et de l'interprétation II, 20 à 30 - articulation des noms en discours ; de l’interprération, 4

[modifier] Caractère conventionnel du langage

Dans le texte de l’interprétation, Aristote précise le caractère conventionnel du langage : « le nom est un son vocal, possédant une signification conventionnelle... rien n’est par nature un nom , mais seulement quand il devient symbole, car même lorsque des sons inarticulés, comme ceux des bêtes, signifient quelque chose, aucun d’entre eux ne constitue cependant un nom ».

[modifier] Éditions anciennes de La Poétique

[modifier] Voir aussi