Pierre-Marie Théas

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Pierre-Marie Théas
Évêque de l'Église catholique
[[Image: Image de Pierre-Marie Théas]]
titre
Blason de Pierre-Marie Théas
« Petrus Apostolus Jesu Christi »
Naissance 14 septembre 1894
à Barzun (France)
Ordination
sacerdotale
26 septembre 1920
Consécration
épiscopale
3 octobre 1940
Évêque Évêque de Montauban
Évêque de Tarbes et Lourdes
Décès 3 avril 1977
Archevêque · Évêque catholique
Archevêché français ·Évêché français · Diocèse catholique en France
données
Projet Catholicisme · instructions

Pierre-Marie Théas, né à Barzun dans les Pyrénées-Atlantiques le 14 septembre 1894 et mort à le 3 avril 1977, était un religieux catholique français, évêque de Montauban puis de Tarbes et Lourdes. Il se singularisa au sein du clergé français en étant un des rares évêques à avoir protesté publiquement contre les mesures antisémites du gouvernement de Vichy. Son engagement actif dans le secours des Juifs de sa région lui vaudra d'être déclaré Juste parmi les Nations en 1969.

Sommaire

[modifier] Biographie

Béarnais d'origine, Pierre-Marie Théas accomplit ses études au collège Saint-Joseph de Nay puis au grand séminaire de Bayonne. Incorporé en décembre 1914 au 13e régiment d'infanterie de ligne puis au 173e, le sergent Théas est démobilisé en 1919 avec la Croix de guerre deux citations[1]. Il est ordonné prêtre le 26 septembre 1920.

Il se rend alors à Rome pour étudier au séminaire français et y obtient un doctorat en droit canonique. En 1922, il est nommé vicaire à Saint-Martin de Pau avant de prendre la direction du grand séminaire de Bayonne en octobre 1923, y enseignant la théologie morale.

Nommé évêque de Montauban le 26 juillet 1940, il est consacré le 3 octobre à Bayonne et prend sa charge le 17.

[modifier] La guerre

Pierre-Marie Théas fait tout d'abord totalement confiance au maréchal Pétain et se trouvera en accord avec la plupart des mesures prises son gouvernement. Il se singularisera cependant au sein de l'épiscopat français. Ainsi, reçu à l'académie de Montauban en janvier 1941, il fait l'éloge du philosophe Henri Bergson décédé quelques jours plutôt, soulignant notamment sa judéïté. À partir de l’été 1942, certains membres du haut clergé s'émeuvent des mesures antisémites, notamment après la rafle du Vel' d'Hiv de juillet 1942. Le 23 août 1942, Jules-Géraud Saliège, archevêque de Toulouse avec lequel l'évêque de Montauban est en étroite relation, fait lire dans son diocèse une lettre épiscopale - Et clamor Jerusalem ascendit - retentissante.

Le 26 août, le gouvernement de Vichy lance des rafles à Montauban et dans le département du Tarn-et-Garonne. Mgr Théas publie alors une lettre « sur le respect de la personne humaine » qu'il fait lire à la messe du 30 août 1942, lettre portée à bicyclette dans les églises de la paroisse par sa secrétaire Marie-Rose Gineste, militante aux Jeunesse ouvrière chrétienne. Le message délivré, présenté comme « une protestation indignée de la conscience chrétienne contre le traitement infligé en France aux juifs », est sans ambiguïté :

« Des scènes douloureuses et parfois horribles se déroulent en France, sans que la France en soit responsable. A Paris, par dizaines de milliers, des juifs ont été traités avec la plus barbare sauvagerie... Des familles sont disloquées, des hommes et des femmes sont traités comme un vil troupeau et envoyés vers une destination inconnue… Je fais entendre la protestation indignée de la conscience chrétienne et je proclame que tous les hommes, aryens ou non aryens, sont frères parce que créés par le même Dieu… Les mesures antisémitiques actuelles sont un mépris de la dignité humaine, une violation des droits les plus sacrés de la personne et de la famille. »

Limor Yagil[2] souligne la fermeté doctrinale et la précision du vocabulaire de ce texte qui ne se retrouve pas dans d'autres actes épiscopaux. Le texte, ainsi qu'une intervention du cardinal Gerlier, fut repris intégralement sur la Radio Londres le 15 septembre 1942. Il faut d'ailleurs noter que seuls cinq évêques français sur plus d'une centaine protesteront publiquement contre les rafles antisémites[3]. L'évêque de Montauban déclarera encore en juin 1943 dans sa cathédrale que le STO est une atteinte au droit naturel.

Pierre-Marie Théas, au-delà de cette prise de position s'engage dans le camouflage de juifs tant dans les couvents du diocèse que chez les particuliers. Il couvre tous les religieux qui aident les réfugiés pourchassés du département[4]. Il signe des dizaines de faux certificats de baptême aidé par des militants laïcs et des ecclésiastiques, couvert par le préfet de Tarn-et-Garonne, François Martin et épaulé dans ses activités par sa collaboratrice, Marie-Rose Gineste, qui joue un rôle décisif en liaison avec la résistance toulousaine. Cette dernière sera elle aussi reconnue juste parmi les nations en 1985.

Homme de caractère, ayant protesté à de nombreuses reprises contre des arrestations abusives, affirmant en privé que la lutte contre les nazis était un devoir de chacun[5] , il est finallement arrêté par la Gestapo le 9 juin 1944 le même jour que Mgr Saliège. Interné à Toulouse puis au Frontstalag 122 de Compiègne, il est libéré par la Division Leclerc le 25 août 1944. À la Libération, il contribue à la liaison entre le général de Gaulle et le pape Pie XII.

[modifier] Engagements et ministère

Son internement, qui lui fit côtoyer des protestants, des israélites, des orthodoxes, semble l'avoir marqué profondément et lui fait prendre conscience de la nécessité d’initiatives œcuméniques[6]. Dès mars 1945, il est à l'initiative, avec Marthe Dortel-Claudot, du Mouvement de Réconciliation franco-allemand qui deviendra le mouvement Pax Christi.

Son parcours religieux croise également les grandes questions sociales, politiques, religieuses et internationales, dans le contexte difficile de la guerre froide, du XXe siècle. Si il fut un pionnier du dialogue social, l’évêque social, sans cesse préoccupé par le soutien aux défavorisés, restera totalement opposé au marxisme[7].

Du 17 février 1947 au 12 février 1970, il est évêque de Tarbes et Lourdes. Il tâchera d'améliorer la qualité du clergé diocésain et de combattre, mais en vain, la crise des vocations. Il œuvrera à « adapter Lourdes aux temps nouveaux » en reprenant en main les sanctuaires, tentant de revivifier le culte marial dans un espace modernisé. Il lance l'audacieux projet d'un grand abri, projet dont la témérité lui vaudra l’humiliation de se voir accompagné d'un évêque coadjuteur gestionnaire, Jean-Marie Maury. L'impressionnante basilique souterraine Saint-Pie X sera inaugurée en 1958 par Angelo Roncalli, alors Patriarche de Venise, qui deviendra bientôt le pape Jean XXIII, et Pierre-Marie Théas redevient seul évêque de son diocèse le 18 août 1959.

Les dernières années de son épiscopat marquent un certains repli sur le diocèse sont décrites[8] comme « un difficile aggiornamento » marqué par un engagement moins marqué sur les grandes problématiques qui traversent le temps, comme la guerre d’Algérie, défense de l’enseignement privé ou le concile Vatican II.

[modifier] Notes et références

  1. Citation à l'ordre du régiment, étoile de bronze, et citation à l'ordre du corps d'armée, étoile de vermeil
  2. Limor Yagil, Chrétiens et Juifs sous Vichy, 1940-1944, sauvetage et désobéissance civile, éd. Cerf, 2005,p; 284
  3. Outre Mgr Théas, Mgr Saliège et le cardinal Gerlier, Mgr Jean Delay à Marseille, Mgr Jean-Joseph-Aimé Moussaron à Albi et Mgr Edmund Vansteenberghe à Bayonne en septembre
  4. Michel Debré, Trois républiques pour une France : mémoires, t. I : Combattre, Paris, 1984, cité par Limor Yagil, op. cit.
  5. Pierre Bertaux, La libération de Toulouse et de sa région, éd. Hachette, 1973, cité par Limor Yagil, op. cit.
  6. Sylvaine Guinle-Lorinet, Pierre Marie Théas, Un évêque à la rencontre du XXe siècle, in Revue d’Histoire Immédiate, coll. Sources et Travaux n°1, 1993, citée par les Archives pyrénéennes
  7. Sylvaine Guinle-Lorinet, op. cit.
  8. Sylvaine Guinle-Lorinet, op. cit.

[modifier] Bibliographie

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

[modifier] Sources partielles

  • Limor Yagil, Chrétiens et Juifs sous Vichy, 1940-1944, sauvetage et désobéissance civile, éd. Cerf, 2005, pp.384-388, en ligne
Autres langues