Philippe Pinchemel

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Philippe Pinchemel était un géographe français (né le 10 juin 1923 à Amiens - mort le 16 mars 2008 à Sceaux, dans les Hauts-de-Seine [1]).

Étudiant à l’université d’Amiens avant la Seconde Guerre mondiale, il devient l’élève d'André Cholley et s’oriente alors vers la géographie. Conformément à la tradition universitaire de l’époque, il soutient deux thèses : l’une en géomorphologie consacrée aux plaines de craie des bassins parisien et londonien [2]; l’autre en géographie humaine consacrée à la dépopulation rurale en Picardie. Fortement attaché à sa région, la Picardie orientera le déroulement de sa carrière en déterminant successivement ses objets d’études.

Maître-assistant puis maître de conférences à l’Université de Lille, il s’intéresse à la géographie urbaine et industrielle, une thématique qu’il approfondira en dirigeant au milieu des années soixante l’enseignement général de géographie urbaine à l’Institut d'urbanisme de Paris. Il étudie avec ses collègues géographes et sociologues le « sous-développement » du Nord. Pinchemel s’oriente dès lors sur la voie de l’aménagement du territoire en étudiant notamment l’implantation des universités ou la question des grands ensembles. Il prônera la conception du géographe aménageur, c’est-à-dire la posture du chercheur qui met son savoir en action[3].

Nommé à la Sorbonne au milieu des années 1960, il rencontre des géographes marxistes comme Pierre George. Dans l’ébullition idéologique et intellectuelle au sein de l’université, l’intérêt pour l’épistémologie et l’histoire de la discipline grandit chez Philippe Pinchemel. En 1967, il fonde avec le médiéviste Michel Mollat du Jourdain le Centre d’histoire de la géographie et de la géographie historique. Dans la droite ligne de ses préoccupations, il est nommé en 1968 par Jean Dresch président de la commission pour l’histoire de la pensée géographique au sein de l’Union Géographique Internationale, chargée de renouveler les problématiques épistémologiques de la discipline. De même, il sera président de la commission d’épistémologie et de l’histoire de la géographie (1973-1988) du Comité national Français de Géographie.

Par ses recherches épistémologiques sur sa discipline, Philippe Pinchemel s’attache à définir la géographie (en analysant ses fondements), ses objets (contribuant à définir les notions de lieu, de milieu et d’interface), ses méthodes et ses outils (notamment pour l’analyse spatiale). Se revendiquant de l’héritage de Paul Vidal de la Blache, il reprend sa théorie selon laquelle la géographie est la science des lieux et non celle des hommes. De là son souci de recentrer la géographie et retourner à sa source primitive en la re-conceptualisant et en hiérarchisant ses concepts. Ainsi, il formule la conception d’une géographie recentrée autour du paysage, objet complexe, qu’il débarrasse du flou qui l’entourait et l’érige en concept central de la nouvelle discipline.

La face de la terre qu’il écrit avec sa femme Geneviève Pinchemel est l’aboutissement de son cheminement intellectuel, d’une réflexion sur le recentrage de la géographie autour de ses problématiques (qui relèvent des manifestations spatiales de phénomènes sociologiques) et de l’analyse spatiale. La face de la terre est un manifeste sur l’unité de la discipline en démontrant concrètement les solidarités et les rapports entre la géographie humaine et de la géographie physique, tout en précisant leurs contenus spécifiques (notamment en précisant et articulant entre eux les concepts de l’analyse géographique). La géographie est définie comme l'étude de l'écriture des sociétés humaines sur l'interface naturelle de la Terre, écriture qui visualise l'action géographique des hommes, écriture complexe faite de lignes, de points, de surfaces, de formes, volumes et couleurs[4]. De là, Pinchemel développe une conception générale et ambitieuse pour la géographie : accéder à « l’intelligence de l’interface terrestre » [5]— c’est-à-dire à l’écriture que les sociétés humaines laissent sur la surface de la Terre — car la discipline est à la fois savoir, action et pensée.

À partir des années quatre-vingt dix, Philippe Pinchemel édite dans la collection du Comité des travaux historiques et scientifiques des ouvrages de géographes (souvent oubliés ou ignorés par la communauté scientifique) contribuant à éclaircir les fondements de la géographie (épistémologique et historique) et témoignant de sa volonté de continuer à définir son « essence »[6]. C’est ainsi que fut éditée en France l’Histoire de la pensée géographique du géographe anglais Clarence J. Glacken [7] ou réédité L’homme et la terre d’Eric Dardel[8], œuvre ayant influencé de nombreux géographes contemporains.

Il a reçu le prix Vautrin Lud au Festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges le 3 octobre 2004, le « prix Nobel » de la géographie, qui couronne ses recherches et ses apports à la discipline.

[modifier] Bibliographie.

  • Visages de la Picardie, (sous sa direction), Horizons de France, 176 p., 1949.
  • Les plaines de craie de nord ouest du basin parisien et du sud-est du bassin de Londres et leurs bordures : étude de géomorphologie, (publication de sa thèse de doctorat : Études morphologiques sur le Nord-Ouest du Bassin Parisien et le sud-est du Bassin de Londres, 1952), Armand Colin, 502 p., 1954.
  • Structures sociales et dépopulation rurale dans les campagnes picardes de 1836 à 1936, (publication de sa thèse de doctorat : Essai méthodologique d'étude des structures sociales et de la dépopulation rurale dans les campagnes picardes de 1836-1936, 1952), 236 p., Armand Colin, 1957.
  • Géographie de la France, tome 1 : Les Conditions naturelles et humaines, Armand Colin, 1964 (nombreuses rééditions et mises à jour).
  • Géographie de la France, tome 2 : Les Milieux, campagnes, industrie et villes, Armand Colin, 1964 (nombreuses rééditions et mises à jour).
  • Visages de Picardie, (sous sa direction), Horizons de France, 197 p., 1967
  • Campus et urbanisme universitaire : étude comparative de quelques implantations universitaires en France et à l'étranger, (sous sa direction), SEGESA, 296 p., 1969.
  • La région parisienne, PUF, 128 p., 1979.
  • La France, tome 1 : Milieux naturels, population, politique, (sous sa direction), Armand Colin, 327 p., 1980 (nombreuses rééditions et mises à jour).
  • La France, tome 2 : Activités, milieux ruraux et urbains, (sous sa direction), Armand Colin, 415 p., 1980. (nombreuses rééditions et mises à jour).
  • Deux siècles de géographie. Choix de textes, (dirigé avec Marie-Claire Robic et Jean-Louis Tissier), Éditions du CHTS, 1984.

Consulter la table des matières sur le site du Comité des travaux historiques et scientifiques :

  • Lire les paysages, no 6088, La documentation française, 1987.
  • La Face de la Terre. Éléments de géographie, (avec Geneviève Pinchemel), Armand Colin, 519 p., 1988 (nombreuses rééditions).
  • La Terre écrite, (avec Pierre Clergeot), Editions Publi-Topex, 69 p., 2001.
  • Géographes, une intelligence de la terre, (avec Geneviève Pinchemel), Éditions Arguments, 295 p., 2005 (ISBN 2-909109-33-X)

Recueil d’une trentaine d’articles des deux auteurs publiée dans des revues entre 1944 et 2004 illustrant leurs carrières respectives (en cinq partie : « Le terrain et la quête des formes », « Les méthodes », « L’histoire de la discipline », « La définition de la géographie » et « Les engagements »).

[modifier] À voir aussi

  • Interview de Philippe Pinchemel sur l’évolution de la géographie en France dans la revue Historiens et Géographes en 1998 : [pdf] [1]
  • Denise Pumain – Marie-Claire Robic – Jean-Louis Tissier (dir.), Philippe Pinchemel, en face de la terre, UMR Géographies-cités, 2003.

Cédérom d’hommage à Philippe Pinchemel proposant de nombreux documents (entretiens, articles de presse, textes inédits, témoignages, extraits de ses films pédagogiques et d’analyse spatiale, etc.)

[modifier] Notes et références

  1. Nécrologie du Monde, n° 19651, 28 mars 2008, p. 20.
  2. Il met en évidence l’importance de l’hydrographie dans la genèse des formes.
  3. Il sera président de la commission de l’aménagement du territoire de 1969 à 1972 du comité national français de géographie.
  4. L’idée que c’est la société qui crée l’espace, thèse qu’a reprise Roger Brunet.
  5. « La géographie étudie l’interface terrestre, ses représentations, ses transformations par les sociétés humaines, ses différenciations et division en milieux, espaces, régions, territoires et paysages », p.4, Géographes, une intelligence à la terre, 2005.
  6. « Depuis un demi-siècle nous avons travaillé à affiner le champ de la géographie, à en définir l’essence. Nous nous trouvions ainsi en opposition avec ceux, et ils sont nombreux, qui refusent de définir la discipline, trop heureux de pouvoir y placer les contributions les plus disparates », p.3, Géographes, une intelligence à la terre, 2005.
  7. Clarence J. Glacken, Histoire de la pensée géographique, volume 1 : L’Antiquité (2000), volume 2 : Conception du monde au Moyen-âge (2002), volume 3 : Les temps modernes (XVe-XVIIe). L’homme et le contrôle de la nature 2005), volume 4 : Culture et environnement au XVIIIe siècle (à paraître) aux éditions du CHTS. Réédition de Traces on the Rhodian shore. Nature and Culture in western throught from ancient times to the end of the eighteenth century, 1967.
  8. Eric Dardel, L'homme et la terre : nature de la réalité géographique, Editions du CTHS, 200p, 1990 (édition originale de 1952) (ISBN 2735502007)