Octave Mannoni

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Octave Mannoni, né le 29 août 1899 et mort le 30 juillet 1989 est un ethnologue, philosophe et psychanalyste français .

Sommaire

[modifier] Biographie

Né en Sologne, de parents corses, il fait des études de philosophie à Strasbourg. Dans les années 1920, il enseigne à la Martinique, au lycée Shoelcher et se lie d'amitié avec le poète Gilbert Gratiant, l'un des premiers à écrire des poèmes en créole. Il fondent ensemble la revue Lucioles.

Dans les années 1930, il est professeur de philosophie à Madagascar, où il porte un regard original et décalé sur les rapports entre les colonisés et les colons. En 1945, il devient chef du service d'information de l'île. Dans ses attributions, il se voit confier la direction du support de la propagande officielle : la Revue de Madagascar, où il donne place à la tradition littéraire malgache.

La révolte de 1947, réprimée dans le sang, lui sert de support pour une analyse des relations de dépendance en situation coloniale, des fantasmes inconscients que les colons plaquent sur les indigènes et sur la violence sous-jacente du processus de colonisation. Elle est publiée en 1950 sous forme d'un essai : Psychologie de la colonisation, réédité en 1984.

Cet ouvrage et la position qu'il y défend sont violemment critiqués par Aimé Césaire et Frantz Fanon (le premier y fait référence dans le Discours sur le colonialisme[1] et le second le mentionne dans Peau noire, masques blancs). Mannoni propose en effet dans cet ouvrage un modèle dans lequel le colonial européen typique ne parvient pas à affronter ses pairs et choisit la voie de la domination sur des colonisés vus comme inférieurs en vertu d'un racisme latent. Mannoni utilise pour synthétiser cette proposition une formule lapidaire : Le Nègre, c'est la peur que le Blanc a de lui-même, dans laquelle le terme nègre porte toutes les connotations de l'époque et du milieu colonial. En même temps, Mannoni y développe une thèse selon laquelle le colonisé attendrait, espérerait être dominé, dirigé, en établissant un parallèle entre l'attitude des Malgaches avec celle des Incas devant les conquistadores. Cette double analyse, formulée alors que l'ère coloniale française était remise en question de toutes parts dans les colonies, a donc été très mal perçue par les auteurs issus justement de peuples colonisés. Cependant, les tensions liées à la décolonisation s'apaisant, ce livre est maintenant vu comme une piste potentielle pour comprendre les affrontements de cultures.

A la même époque, vers la fin des années 1940, il entame une analyse avec Jacques Lacan, dont il fera le récit romancé et déguisé dans Lettres personnelles à Monsieur le Directeur. Il devient alors psychanalyste. Proche de Lacan, il sait garder son indépendance et nourrit sa réflexion aux sources de la littérature (lire les subtiles Fictions freudiennes) ou du théâtre (voir Clefs pour l'imaginaire ou l'Autre Scène). Avec sa femme Maud Mannoni, il fonde le Centre de Formation et de Recherches Psychanalytiques (CFRP).

Un article célèbre d'Octave Mannoni, publié dans les Clés pour l'imaginaire, ayant pour titre " Je sais bien, mais quand même ", indique précisément comment une croyance peut survivre au démenti de l'expérience.

[modifier] Anecdote

Lors d'une consultation, Octave Mannoni fait remarquer à un patient la ressemblance des prénoms de sa femme et de sa soeur (Laurence et Florence). Le patient répond, énervé, qu'il n'y a pas plus de ressemblance entre ces deux prénoms qu'entre un oeuf et un boeuf. Or, selon l'expressions consacrée "qui vole un oeuf, vole un boeuf", et "vole" ressemble à "viole". Ce patient culpabilisait d'avoir eu des pensées d'Inceste envers sa soeur. Par la communication non verbale et la loi de la quatrième proportionelle, le psychanalyste à pu découvrir ce que le patient cachait.

[modifier] Bibliographie sélective

  • Psychologie de la colonisation, Seuil, 1950, réédité sous le titre Prospero et Caliban, Editions Universitaires, 1984, et Le racisme revisité, Denoël, 1997. ISBN 220724587X
  • Lettres personnelles à Monsieur le Directeur, Seuil, 1951, réédité sous le titre La machine, Tchou, 1977, puis Lettres personnelles, fiction lacanienne d'une analyse, Denoël, 1990. ISBN 2207236862
  • Clefs pour l'imaginaire ou l'Autre Scène, Seuil, 1969. ISBN 2020089092
  • Fictions freudiennes, Seuil, 1978. ISBN 2020048116
  • Un commencement qui n'en finit pas, 1980
  • Un si vif étonnement, Seuil, 1988. ISBN 202010251X

[modifier] Références et citations

  1. « Qu'on le suive pas à pas dans les tours et détours de ses petits tours de passe passe. Il vous démontrera clair comme le jour que la colonisation est fondée en psychologie. Foin de racisme ! ça sent trop son barbare. M. Mannoni a mieux :la psychanalyse. Les résultats sont étonnants: le lieux communs les plus éculés vous sont ressemelés et remis à neuf; les préjugés les plus absurdes, expliqués et légitimés; et magiquement les vessies deviennent des lanternes. » Aimé Césaire, le discours du colonialisme, Présence africaine, 1955.


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