Mayerling

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Mayerling est un village autrichien dans la grande banlieue de Vienne. C'est aussi le nom d'un pavillon de chasse où, le 30 janvier 1889, l'archiduc héritier d'Autriche Rodolphe, fils de l'empereur François-Joseph Ier d'Autriche et de l'impératrice Elisabeth, dite Sissi, est retrouvé mort en compagnie de sa maîtresse, la baronne Mary Vetsera.

Rodolphe de Habsbourg-Lorraine
Rodolphe de Habsbourg-Lorraine

Sommaire

[modifier] Les protagonistes du drame

[modifier] L'archiduc Rodolphe, héritier du trône d'Autriche

Héritier des trônes d'Autriche, de Hongrie et de Bohème, Rodolphe de Habsbourg, tant dans sa vie privée que publique, multiplie les « incartades » :

  • dans sa vie privée : Rodolphe est marié, en 1881, sans amour à la princesse Stéphanie de Belgique; le couple eut seulement une fille, l'Archiduchesse Elisabeth-Marie (née en 1883 et morte en 1963. Elle épousera successivement le prince Otto de Windisch-Graetz puis Léopold Petznek). Rodolphe s'éloigne rapidement de son épouse et collectionne les esclandres, les maîtresses et les nuits de lupanar. Ce qui lui vaut de contracter de graves maladies vénériennes ;
  • dans sa vie publique: tenu à l'écart des affaires par son père, qui se méfie de sa pusillanimité, il se pique de libéralisme et écrit des articles anonymes dans un journal d'opposition. Il se prend à espérer une évolution de l'empire austro-hongrois vers davantage de démocratie et de fédéralisme. Il est de plus favorable à un rapprochement avec la France alors que son père souhaite maintenir son pays dans l'alliance avec l'Allemagne.

Ce comportement lui vaut de fréquentes et violentes querelles avec son père.

[modifier] La baronne Marie Vetsera

Marie Vetsera est née le 19 mars 1871 à Vienne.

Elle est la fille du baron Albin Vetsera, administrateur des biens du sultan de Constantinople et de Hélène Baltazzi. Les frères d'Hélène Vetsera sont des familiers de la Cour, puisqu'ils montent à cheval en compagnie de l'impératrice Sissi.

Elle rencontre l'archiduc probablement à l'automne 1888.

[modifier] Le pavillon de Mayerling

Mayerling est un pavillon dépendant du monastère cistercien d'Heiligenkreuz ; construit autour du XIVe siècle, il est saccagé par les turcs puis reconstruit. Il est ensuite sécularisé et abandonné.

Le pavillon est acquis en 1887 par l'archiduc, qui le transforme en pavillon de chasse, tout en conservant la chapelle. Il se compose alors d'une grande bâtisse trapue, rectangulaire, à un étage ainsi qu'une aile basse destinée au logement du personnel de service, un chenil, des écuries, des communs.

L'ensemble sera presque totalement rasé après le drame, et remplacé par un monastère de Carmélites.

[modifier] Le drame

Le 30 janvier 1889, l'archiduc Rodolphe, héritier de la couronne Impériale d'Autriche-Hongrie, fils unique de, François-Joseph Ier, Empereur d'Autriche et Roi de Hongrie, et de l'impératrice Élisabeth, dite «Sissi», est retrouvé mort à Mayerling.

Selon la version officielle, c'est l'un des familiers de Rodolphe, le valet Loschek, qui découvre les deux corps, celui de Rodolphe et de sa maîtresse, allongés côte à côte sur un lit (la position exacte des corps sera vite l'objet de versions contradictoires) ; quelques heures plus tard, la nouvelle parviendra à la Hofburg.

François-Joseph fait l'impossible pour tenter de cacher la présence de Mary Vetsera aux côtés de son fils. Et la thèse officielle parle de « crise cardiaque » ou d' « apoplexie » . Ce qui fait rire tout Vienne, d'autant plus qu'Elisabeth répand autour d'elle la thèse de l'empoisonnement.

Faute d'étude sérieuse de la scène du crime, faute de l'habituel rapport de police en cas de crimes (si laconique et imprécis soit-il), les criminologues en sont, encore aujourd'hui, réduits aux hypothèses et encore aujourd'hui, le mystère reste entier.

[modifier] La version du meurtre suivi d'un suicide

Cette version fut, pendant des décennies, la version officielle du drame, propagée par l'entourage de la famille impériale.

Prématurément vieilli par la syphilis, atteint de troubles nerveux (Psychose maniaco-dépressive?), aggravés par l'interdiction de divorcer et sa stérilité (due sans doute à une gonococcie), Rodolphe songeait de plus en plus souvent, au suicide. Craignant de ne pouvoir y arriver seul, il aurait convaincu Mary Vetsera de l'accompagner dans la mort. Il la tue d'un coup de pistolet avant de se tirer lui-même une balle dans la tête.

Pour préserver l'image de la dynastie, François-Joseph fera l'impossible pour obtenir du pape Léon XIII que son fils soit inhumé chrétiennement dans la crypte impériale du couvent des Capucins, et non à l'écart comme l'église l'impose de tous les suicidés (la rumeur du suicide se propagera cependant jusqu'à Rome où le cardinal Rampolla, Secrétaire d'État de Léon XIII, tentera sur ce fondement de s'opposer aux obsèques religieuses de l'archiduc).

De même, Francois-Joseph tentera-t-il de cacher les circonstances exactes du décès (notamment la présence de Mary Vetsera).

Ces dissimulations vont vite alimenter les rumeurs sur l'hypothèse d'un double meurtre politique, passionnel ou même crapuleux.

[modifier] La version du double meurtre

Dès les premiers jours, l'hypothèse se fait jour selon laquelle le drame participe d'un double meurtre commis par des services secrets.

[modifier] Émergence

Cette version a été longtemps regardée avec suspicion, dans la mesure où elle était contredite par les annonces officielles de la Cour d'Autriche. Dès les premiers jours, cependant, plusieurs éléments venaient jeter le doute sur la réalité d'un double suicide et accréditaient l'hypothèse d'un assassinat :

1- Plusieurs témoins ont en effet attesté que :

  • le corps de Rodolphe montrait des signes d'une confrontation violente avant sa mort.
  • des lacérations avaient été découvertes sur plusieurs parties du corps.
  • ses mains très abimées, montraient des signes de lutte (contrairement aux usages, l'archiduc sera inhumé, ses mains revêtues de gants noirs). Selon le témoignage de l'archiduchesse Gisèle, sœur ainée de Rodolphe, les poignets de l'archiduc avaient été sectionnés.
  • une fenêtre de la chambre avait été défoncée de l'extérieur.
  • le mobilier de la chambre était renversé et fracassé, de larges flaques de sang répandues sur le sol (témoignage du menuisier Frédéric Wolff).
  • le crâne de l'archiduc était enfoncé (témoignage de l'archiduchesse Marie-Thérèse, tante de Rodolphe).

2- D'autres éléments confortent cette thèse :

  • Le 9 février 1889, soit deux semaines après les faits, dans une missive envoyée à Berlin, l'ambassadeur allemand à Vienne, rapporte une conversation avec le Nonce apostolique, Monsignor Luigi Galimberti, et l'aumônier de la cour des Habsbourg, Monsignor Lorenz Mayer. « Les deux prélats, généralement bien informés ont exprimé leurs doutes les plus sérieux au sujet de la version officielle des événements chez Mayerling (le double suicide). »
  • Le Premier ministre britannique, Lord Salisbury, informera rapidement la Reine Victoria que les services de renseignements britanniques détenaient la preuve d'un double assassinat.
  • le revolver employé pour tuer Rodolphe n'était pas celui possédé par le prince impérial, et chacune des six balles en avait été tirée.
  • En 1959, des spécialistes autrichiens de la conservation funèbre, accompagnés d'un docteur et d'un membre de la famille de Mary Vetsera, ont examiné les restes de celle-ci. Ils découvrirent alors un élément surprenant : le corps de la jeune femme ne présentait aucune trace de mort par arme à feu mais un énorme traumatisme crânien. De toute évidence, ce traumatisme pouvait avoir été provoqué par un objet lourd et contondant (brique, canne plombée, chenet, marteau...) ou par un outil de jardinage, mais pas par une balle.

Pour vérification, les restes supposés de la baronne furent ensuite transportés et pleinement examinés à « l'institut médico-légal viennois » (la morgue de Vienne) où ils furent formellement identifiés comme tels. Curieusement, cette macabre découverte, post mortem, fut ignorée des « milieux habituellement bien informés »...

Bref, cette hypothèse, avancée avec peine des lustres plus tard (en 1959 !!) et même pas retenue par "les milieux habituellement bien informés", ne prouve donc rien du tout.

[modifier] Affirmations de la dernière Impératrice d'Autriche

La version du meurtre a été officiellement avancée en 1983 par l'Impératrice Zita, veuve de l'Empereur Charles Ier.

Selon l'impératrice Zita donc, l'archiduc aurait été assassiné car il aurait refusé de participer à un complot contre son père, complot qui visait à détrôner François-Joseph et à le remplacer, sur le trône de Hongrie par Rodolphe et sur le trône d'Autriche par l'archiduc Jean de Habsbourg-Toscane; Rodolphe aurait été informé de certains éléments relatifs à ce complot et aurait été assassiné, afin que les instigateurs ne soient pas inquiétés. L'Impératrice Zita ne fournit aucun élément permettant d'identifier ces instigateurs.

Cette thèse exclut l'idée d'un assassinat commandité par François-Joseph, souvent évoquée mais l'impératrice Zita pense que cette idée n'a pas à être retenue.

[modifier] Autres versions

Selon une autre version émanant d'on ne sait exactement qui, le commanditaire de l'assassinat aurait été le chancelier allemand Bismarck, inquiet de la francophilie de Rodolphe : l'archiduc, haissant le pangermanisme, projetait, une fois monté sur le trône, de détacher l'Autriche-Hongrie de l'Allemagne et de la lier à la France.

D'autres hypothèses font état d'un complot fomenté par les milieux liés à la hiérarchie catholique qui aurait supprimé l'archiduc au motif que, lié à des milieux fréquentant le radicalisme français, il aurait souhaité instaurer en Autriche une législation réfrénant davantage les appétits de l'Église catholique.

[modifier] Bibliographie

  • Art Beéche, Les fantômes de Mayerling /The Ghosts of Mayerling [1]
  • Jean-Paul Bled, François-Joseph, Fayard, 1987
  • François Fejtö, Requiem pour un empire défunt, Histoire de la destruction de l'Autriche-Hongrie, Lieu Commun, 1988
  • Jean des Cars, Rodolphe et les secrets de Mayerling, Perrin, 2000
  • Victor Wolfson, Mayerling, la mort trouble, Laffont, 1970

[modifier] Filmographie

[modifier] Littérature

  • Les oubliés de Mayerling, roman de Ann Dukthas (pseudonyme de Paul Doherty, historien et romancier anglais), qui se base sur une version originale de l'hypothèse du double meurtre. Titre original The time of murder, publié en français par les Éditions 10/18, ISBN-2-264-03807-1

[modifier] Lien externe

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