Ligne Bar-Lev

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La ligne Bar Lev (Arabe : خط برليف, Hebreux: קו בר לב) était une chaine de fortification construite par Israël le long de la côte est du Canal de Suez après la conquête de la péninsule du Sinaï sur l'Égypte durant la guerre des six jours en 1967.

Sommaire

[modifier] Planification et construction

L'ouvrage qui coûta 500 millions de dollars fut nommé d'après le chef d'état-major Israëlien Haïm Bar-Lev et était formé de remparts de terre et d'une série de postes en béton positionnés le long du canal avec des fortifications supplémentaires aux points de passages les plus probables. Les remparts de terre étaient édifiés par-delà une unique barrière d'eau et étaient hauts de 20 à 22m en moyenne avec une inclinaison de 45 degrés en direction du canal. Chaque poste accueillait environ 15 hommes, leur principale tâche étant de donner l'alerte au cas où les Egyptiens tenteraient de franchir le canal, et de diriger le feu d'artillerie des batteries placées en arrière. Derrière le canal, les Israéliens avaient placé de petites unités d'artillerie blindées, plus loin encore étaient installées des bases où étaient entreposées les armes et équipements pour les brigades de réserve qui pouvaient être mobilisées en 24 heures en cas de tentative de franchissement du canal. Les Israéliens se reposeraient ainsi sur leur artillerie et leurs forces aériennes pour occuper les unités tentant de franchir le canal jusqu'à ce que leurs brigades puissent atteindre le canal. Au sommet des remparts de terre positionnés le long du canal, les ingénieurs Israéliens avaient construits 30 fortifications à intervalle de 7 à 10 km. Creusés à une profondeur de plusieurs étages sous le sable, ces forts de béton étaient prévus pour procurer un abri aux troupes capable de résister à des bombes de 500 kg tout en étant équipés de l'air conditionné. En surface, le périmètre de ces fortifications était d'environ 250 à 300 m. Des emplacements pour tanks, pièces d'artillerie, mortiers et fusils mitrailleurs étaient prévus tout le long du canal pour empêcher toute attaque Égyptienne.

Les noms de certaines de ces fortifications étaient : Tasa, Maftzach, Milano, Mezach, Chizayon, Mifreket, Orcal, Budapest (le plus grand), Nisan, Lituf, Chashiva.

Comme dernier élément, pour tirer profit de l'obstacle naturel constitué par le canal, les Israéliens installèrent un système de tuyaux sous-marins prévus pour pomper du pétrole brut inflammable dans le canal de Suez pour créer un obstacle de flammes. Le pétrole en feu aurait atteint tout Égyptien tentant de franchir le canal. Certaines sources israéliennes affirment que le système n'était en fait pas efficace et seul quelques-unes de ces installations étaient effectivement opérationnelles. Néanmoins, les Égyptiens prirent la menace très sérieusement et, à la veille de la guerre du Kipour, dans la soirée du 5 octobre, des équipes de plongeurs Égyptiens bloquèrent les tuyaux avec du béton avant les opérations.

[modifier] Histoire

La ligne Bar-Lev a été délaissée après la fin de la guerre d'usure en aout 1970 alors que les Israéliens fermaient graduellement quelques fortifications, réduisant leur nombre de 30 à environ 22. Malgré ces réductions, la ligne Bar-Lev représentait toujours une formidable barrière, les Égyptiens devaient toujours utiliser du temps, des ressources et des efforts pour développer un plan permettant de contourner les défenses israéliennes. Bien que la ligne Bar-Lev n'était pas construite comme une ligne Maginot, le commandement supérieur israélien attendait toujours à ce que celle-ci constitue une tombe pour les troupes égyptiennes, empêchant tout effort Égyptien majeur d'établir des têtes de pont sur la rive est du canal.

La défense du Sinai dépendait de 2 plans : Shovakh Yonim et Sela. Dans ces deux plans, l'état-major israélien prévoyait que la ligne Bar-Lev joue le rôle de ligne d'arrêt ou « kav atzira » une ligne défensive devant être tenue quelqu'en soit le coût. Comme le disait un colonel israélien peu après la fin de la guerre d'usure « La ligne a été édifiée pour donner une réponse militaire à deux besoins basiques : en premier lieu, écarter le risque d'une attaque Égyptienne majeure sur le Sinaï qui aurait pour conséquence l'établissement d'une tête de pont qui pourrait déboucher sur une guerre ouverte, et en second, réduire tant que possible les victimes parmi les troupes de défense. » La ligne était très populaire parmi l'opinion publique israélienne bien que quelques généraux, notamment Ariel Sharon, restaient très critiques à son sujet.

[modifier] Guerre du Kipour et destruction

Durant la guerre du Yom Kipour (octobre 1973), les Égyptiens, sous le commandement du président de l'époque Anouar el-Sadate, ont aisément pu franchir la ligne Bar-Lev grâce à l'élément de surprise et à la puissance de feu nettement supérieure. Pour franchir les remparts de terre, les Égyptiens utilisèrent des canons à eau faits de tuyaux reliés à des pompes puisant l'eau dans le canal. D'autres méthodes employant des explosifs, l'artillerie ou des bulldozers auraient été trop lentes et demandaient des conditions de travail presque idéales. Par exemple, 600 kg d'explosif et un bulldozer aurait nécessité 5 à 6 heures sous une riposte israélienne ininterrompue pour dégager 1500 mètres cube de sable. Employer un bulldozer sur la rive est tout en protégeant les lieux de l'artillerie israélienne aurait été pratiquement impossible durant les heures initiales de l'assaut. La construction des ponts nécessaires aurait en conséquence commencé trop tard. Fin 1971, un jeune officier Égyptien proposa une petite pompe à essence, légère, comme solution au problème. Les militaires Égyptiens achetèrent donc 300 pompes aux anglais et remarquèrent que 5 de ces pompes étaient capables de dégager 1500 mètres cube en trois heures. Puis, en 1972, le corps du génie acheta 150 pompes allemandes plus puissantes. Une combinaison de 3 pompes anglais plus 2 pompes allemandes réduisait le temps nécessaire à 2 heures. Cela s'avéra bien en dessous de ce qu'avaient envisagé les israéliens qui avaient apparemment négligé l'importance des canons à eau utilisés par les Egyptiens durant leurs exercices d'entrainement. Ceux-ci pompaient de puissants jets d'eau créant 81 brèches dans la ligne en dégageant 3 millions de mètres cube de terre dans le premier jour des combats.

Les Égyptiens montèrent à l'assaut de la ligne Bar-Lev avec 2 armées et des forces de Port Saïd et du district militaire de la Mer Rouge. La seconde armée couvrit le secteur allant du nord de Qantara au sud de Deversoir tandis que la troisième armée était responsable du secteur allant du Lac Amer à Port Tawfiq.

Les Égyptiens commencèrent leur attaque simultanée d'air et d'artillerie en envoyant 250 avions, MiG-21, MiG-19 et MiG-17 attaquer leurs cibles désignées dans le Sinai. Pendant ce temps, 2000 pièces d'artillerie ouvrirent le feu sur toutes les fortifications le long de la ligne Bar-Lev, un barrage qui dura 53 minutes et largua 10 500 obus au cours de la première minute, soit 175 obus par seconde.

Au cours de la première heure de la guerre, le Corps Egyptien du Génie dégagea la barrière de sable, 17 groupes du génie, chacun responsable de l'ouverture d'un point de passage, travaillèrent de barges en bois. Grâce à des lances raccordées à des pompes, ils commencèrent à attaquer l'obstacle de sable. Plusieurs brèches étaient prêtes deux ou trois heures après le début des opérations respectant l'horaire prévu. En plusieurs endroits cependant, ils rencontrèrent des difficultés imprévues, la terre des brèches était réduite en une boue d'une hauteur de un mètre à certains endroits. Le problème nécessita l'emploi de bois, de rail, de pierres, de sacs de sable, de plaques d'acier ou de filets de métal pour permettre le passage des véhicules lourds. La troisième armée, en particulier eu des difficultés dans son secteur. L'argile s'avéra résistant à l'eau sous pression ce qui entraina des retards. La seconde armée eut fini l'érection des ponts en neuf heures tandis qu'il en fallu plus de seize pour la troisième armée.

Sur les 441 hommes occupant la ligne Bar-Lev au début de la guerre, 126 furent tués et 161 furent capturés. Seul Budapest, à l'extrême nord, près de la ville méditerranéenne de Port Saïd tint bon tout au long du conflit tandis que tous les autres forts étaient submergés.

[modifier] Remarques

Selon l'historien Rabinovitch, la ligne Bar-Lev était une erreur stratégique, l'effectif était trop faible pour être une ligne de défense efficace et trop important pour un simple poste d'observation et d'alerte. De plus, certaines personnes maintiennent que l'idée d'une ligne de défense était opposée aux tactiques de combats mobiles évoluant rapidement sur le champ de bataille qui représentaient le coeur et la force de l'armée israélienne.

Ariel Sharon, qui fut affecté en 1969 au commandement de la frontière sud, critiqua la défense statique représentée par la ligne Bar-Lev et proposa au contraire une défense agile et mobile. Il fortifia cependant la ligne pour procurer une meilleure défense aux forces armées israéliennes durant la guerre d'usure.

Selon le témoignage du Lieutenant-Général Saad El Shazli relatant la guerre du Yom Kipour, dans son livre « The crossing of the Suez », tous les experts militaires occidentaux ayant visité la ligne Bar-Lev l'ont jugé insurmontable.

[modifier] Liens internes

[modifier] Références

  • The Yom Kippur War : The Epic Encounter That Transformed the Middle East by Abraham Rabinovich. ISBN 0-8052-4176-0
  • The 1973 Arab-Israeli war: The albatross of decisive victory by Dr. George W. Gawrych. Leavenworth papers US ISSN 0195-3451