Keorapetse Kgositsile

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.


Keorapetse William Kgositsile (né le 19 Septembre 1938 à Johannesburg) est un poète et militant politique sud africain. Il fut un membre influent du Congrès National Africain pendant les années 1960 et 1970. Il a vécu en exil aux États-Unis de 1962 à 1975, point culminant de sa carrière littéraire.

Kgositsile fit des études approfondies de la culture et de la littérature Afro-américaine et s'intéressa notamment au Jazz. Pendant les années 1970, il était l'une des figures phares de la poésie Afro-américaine, en mettant en valeur l'Afrique tout en faisant reconnaître la poésie en tant qu'art de la scène : Kgositsile était célèbre pour ses lectures dans les clubs de Jazz New-Yorkais.

Il fut l'un des premiers auteurs à rapprocher la poésie africaine de la poésie afro-américaine et était de ce fait l'un des poètes pionniers du Panafricanisme.

[modifier] Jeunesse

Kgositsile est né à Johannesburg et a grandi dans une petite cabane adossée à une maison d'un quartier blanc. Sa première expérience de l'apartheid (à part le fait de devoir aller à l'école hors de son quartier pour des raisons qui le dépassaient) fut un conflit avec une famille blanche voisine après qu'il s'est battu avec un camarade blanc qui avait hésité lorsque plusieurs autres camarades renoncèrent à s'inscrire à un club de boxe qui avait refusé que Kgositsile s'inscrive. Cette mauvaise expérience fut formatrice et d'autres vinrent s'y ajouter, de plus en plus nombreuses au fur et à mesure que son adolescence s'écoulait. Pour Kgositsile, l'âge adulte, c'est-à-dire "être une grande personne nègre" signifiait avant tout faire son entrée dans l'apartheid.

Kgositsile était élève au lycée Matibane à Johannesburg. Pendant sa scolarité, il parvint, non sans difficulté, à se procurer des livres de Langston Hughes ou Richard Wright. C'est sous leur influence, ainsi que sous celle d'auteurs européens tels que Charles Dickens ou D. H. Lawrence qu'il commença à écrire des histoires, sans cependant nourrir à l'époque d'ambitions professionnelles.

À la sortie du lycée, il s'essaya à divers métiers avant d'envisager sérieusement l'idée d'écrire à titre professionnel. Son premier emploi fut pour le journal politisé (en) New Age. Ses contributions au journal étaient aussi bien journalistiques que poétiques. Les poèmes de l'époque faisaient déjà poindre ce que serait l'œuvre de la vie de Kgositsile, une combinaison de lyrisme et d'un appel aux armes sans détour, comme les quelques lignes suivantes, extraites de "Dawn" (l'aube) le montrent :

Remember in baton boot and bullet ritual
The bloodhounds of Monster Vorster wrote
SOWETO over the belly of my land
with the indelible blood of infants
So the young are no longer young
Not that they demand a hasty death

L'intérêt que portait Kgositsile à la fiction s'est vite estompé au profit du sentiment de besoin de communiquer urgemment qu'il ressentait. Comme il le dira lui-même : "Dans une situation d'oppression, il n'y a pas d'autre choix que l'écriture didactique : soit en tant qu'outil d'oppression, soit en tant qu'instrument de libération".

[modifier] Les années d'éxil

En 1961, subissant une pression considérable, tant à titre personnel que sous le coup des efforts faits par le gouvernement pour faire fermer le journal New Age, le congrès national africain, dont Kgositsile était membre, lui demanda de quitter le pays.

Il fit d'abord étape à Dar es salaam, où il écrivit pour le magazine Spearhead (qui n'a aucun rapport avec le magazine britannique homonyme), avant d'émigrer pour les États-Unis. Ils étudia dans diverses universités, à commencer par la Lincoln University en Pennsylvanie, où il "passait beaucoup de temps à la bibliothèque, essayant de lire toute la littérature afro-américaine qui [lui] tombait sous la main". Après avoir étudié à l'Université du New Hampshire puis à The New School, Kgositsile choisit d'effectuer un Master of Fine Arts(diplôme de beaux arts) en écriture à l'Université Columbia. C'est à cette période qu'il publia son premier recueil de poèmes, Spirits Unchained (les esprits libérés). Ce recueil fut accueilli positivement et Kgositsile fut récompensé à cette occasion, par le Conseil Culturel de Harlem d'une part et par le Fonds National pour les Arts d'autre part.

En 1971, il obtint son diplôme de l'Université Columbia. Il choisit de rester à New York, où il enseignait. C'est alors qu'il commença à organiser les lectures qui l'ont rendu célèbre, dans des clubs de Jazz du centre ville, pour le compte d'un mouvement culturel afro-américain, le Uptown Black Arts Movement. L'ouvrage le plus célèbre de Kgositsile, My Name Is Afrika fut publié cette année-là. Les réactions à cet ouvrage, dont une introduction à un livre de Gwendolyn Brooks firent de Kgositsile l'une des figures majeures de la poésie afro-américaine. The Last Poets, groupe afro-américain révolutionnaire, tire son nom de l'un de ses textes.

Le Jazz avait une importance toute particulière dans la culture afro-américaine au sens de Kgositsile et dans sa contribution personnelle à celle-ci. Il eut l'occasion de rencontrer John Coltrane, Nina Simone, Billie Holiday, B.B. King et bien d'autres dans les clubs de Jazz New-Yorkais. Plusieurs de ses poèmes leur sont consacrés ou adressés. Le Jazz était essentiel dans la thèse la plus influente de Kgositsile : celle d'une diaspora mondiale africaine, unie par un style musical. À propos de cette ésthéthique noire qu'il recherchait et qu'il célébrait, il écrivit ceci :

There is nothing like art—in the oppressor's sense of art. There is only movement. Force. Creative power. The walk of Sophiatown tsotsi or my Harlem brother on Lenox Avenue. Field Hollers. The Blues. A Trane riff. Marvin Gaye or mbaqanga. Anguished happiness. Creative power, in whatever form it is released, moves like the dancer's muscles.

Soit approximativement :

Il n'y a pas d'art à proprement parler, au sens où l'oppresseur l'entend. Il n'y a que du mouvement. De la force. Une puissance créative. Le pas d'un voyou de Sophiatown ou d'un de mes frères d'Harlem sur Lenox Avenue. Le blues. Un riff de Trane [ndr : John Coltrane]. Marvin Gaye ou du mbaqanga [ndr : musique sud africaine]. De la joie angoissée. La puissance créative, quelque soit la façon dont elle est libérée, se déplace, comme les muscles d'un danseur.

Pouvoir se libérer d'une sensibilité esthétique blanche contraignante et découvrir la sensation rythmique commune aux noirs du monde entier étaient, pour Kgositsile, deux facettes d'un seul et même problème.

Kgositsile, pendant son séjour à New York, devint également actif sur scène, en fondant le Black Arts Theatre (Théatre des arts afro-américains), à Harlem. Il considérait le théatre noir comme une activité fondamentalement révolutionnaire, dont l'objectif devait être la suppression des préjugés, responsables de la vision péjorative du peuple noir, tant du point de vue des blancs que du point de vue des noirs eux-mêmes. Il tint les propos suivant à ce sujet :

We will be destroying the symbols which have facilitated our captivity. We will be creating and establishing symbols to facilitate our necessary and constant beginning.

Soit approximativement :

Nous détruirons les symboles qui ont favorisé notre captivité. Nous créerons puis nous installerons des symboles pour favoriser notre éveil nécessaire et permanent.

Le Black Arts Theatre était partie intégrante d'un projet plus ambitieux visant à la création d'une force littéraire noire qui n'aurait pas peur de militer. Kgositsile était opposé à l'idée d'un mouvement tel que la Négritude, qu'il considérait comme étant une vision purement esthétique de la culture noire. En effet, celle-ci était selon lui dépendante des schémas de l'esthétique blanche. Kgositsile décrivait cette interdépendance par l'expression "forniquer avec l'œil blanc" (fornicating with the white eye). La mise en place de ce projet eut lieu lorsque Kgositsile enseignait à Columbia, au début des années 1970. Pendant cette période, il partit brièvement travailler pour le magazine Black Dialogue Magazine.

En 1975, Kgositsile décida de retourner vivre en Afrique malgré sa carrière américaine florissante. Il fut embauché en tant que professeur à l'université de Dar es Salaam, en Tanzanie. En 1978, il se maria à Baleka Mbete, une autre exilée de l'ANC qui vivait en Tanzanie. Encore en exil, il reprit ses actions au sein de l'ANC, en fondant en 1977 le service de l'éducation puis en 1983 le service des arts et de la culture, avant d'en devenir secrétaire adjoint en 1987.

Autres langues