Jules Romains

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Jules Romains (1936)
Jules Romains (1936)

Jules Romains, de son vrai nom Louis Henri Jean Farigoule (26 août 1885 à Saint-Julien-Chapteuil (Haute-Loire) - 14 août 1972 à Paris), est un poète et écrivain français, membre de l'Académie française.

Sommaire

[modifier] Biographie

Élève du lycée Condorcet et de l'École normale supérieure, il est agrégé de philosophie en 1909.

Il est proche du groupe de l'Abbaye de Créteil (Groupe de l'Abbaye) fondé en 1906 par Charles Vildrac et René Arcos, qui réunit, entre autres, l'écrivain Georges Duhamel, le peintre Gleizes et le musicien Albert Doyen.

En 1927, il signe la pétition (parue le 15 avril dans la revue Europe) contre la loi sur l’organisation générale de la nation pour le temps de guerre, qui abroge toute indépendance intellectuelle et toute liberté d’opinion. Son nom côtoie ceux de Lucien Descaves, Louis Guilloux, Henry Poulaille, Séverine… et ceux des jeunes normaliens Raymond Aron et Jean-Paul Sartre.

Pendant la Seconde Guerre mondiale il s'exile aux États-Unis, où il s'exprime parfois à la radio (Radio Boston ou Voice of America), puis à partir de 1941 au Mexique, où il participe avec d'autres réfugiés à la fondation de l'Institut français d'Amérique latine (IFAL) à Mexico.

Auteur polygraphe, il est élu à l'Académie française en 1946, au fauteuil 12, succédant à Abel Bonnard, lequel avait été radié l'année précédente pour indignité nationale constatée par condamnation judiciaire. En 1964, Jules Romains est nommé citoyen d'honneur de Saint-Avertin. Après sa disparition, il est remplacé à l'Académie française, en 1973, par Jean d'Ormesson.

Il est à l'origine du concept d'unanimisme, dont il fut le principal représentant, et dont la gigantesque fresque Les Hommes de bonne volonté, odyssée de deux amis, Jallez et Jerphanion, l'écrivain et l'homme politique, racontée sur une période de vingt-cinq ans, constitue le plus remarquable exemple romanesque. Après la guerre, il collabore au quotidien L'Aurore (journal 1944) que dirige Robert Lazurick.

[modifier] Académie française

Avec Paul Claudel, Maurice Garçon, Charles de Chambrun, Marcel Pagnol et Henri Mondor, il est une des six personnes élues le 4 avril 1946 à l'Académie française lors de la deuxième élection groupée de cette année visant à combler les très nombreuses places vacantes laissées par la période de l'Occupation. Il y remplace Abel Bonnard, toujours en vie mais radié de l'Académie pour faits de collaboration. Ainsi, quand il est reçu le 7 novembre 1946 par Georges Duhamel, il ne prononce pas dans son discours l'hommage de son prédécesseur.

[modifier] Les Hommes de Bonne Volonté

Fresque romanesque constituée de 27 volumes, publiés régulièrement entre 1932 et 1946, Les Hommes de Bonne Volonté démarre le 6 octobre 1908, par une présentation de Paris, et des principaux protagonistes, et se termine le 7 octobre 1933. Cette œuvre se fonde sur quelques principes de construction :

  • les personnages sont nombreux, et censés être représentatifs des différentes classes de la société.

On y trouve par exemple des hommes politiques, des actrices, un enfant qui habite à Montmartre, une famille du 16ème arrondissement, un chien, des étudiants, un prêtre…

  • même si certains romans se focalisent plutôt sur un des personnages, le but de l'auteur est plutôt de rendre compte, à une date donnée, de la vie de chacun. Au fil de ces 24 années, on voit donc des personnages évoluer dans la société, se marier, faire faillite ou mourir. On a donc la grande histoire (la première guerre mondiale, la construction de l'Europe) et la petite (les criminels, les hommes d'affaires, les mondaines et les demi-mondaines…).
  • une grande part des œuvres est dévolue aux pensées de chacun. Jules Romains se met dans la peau de chacun, avec ses interrogations, ses pensées quotidiennes, ses sentiments personnels.
  • enfin, servant de fil rouge, deux personnages se retrouvent régulièrement au fil des romans : Pierre Jallez et Jean Jerphanion se rencontrent à l'École normale, rue d'Ulm, dans le premier roman, où ils entrent comme étudiants. Malgré leurs différences d'origines (Jerphanion est provincial, fils de paysans, Jallez est parisien), ils deviennent amis, et n'ont de cesse de comprendre et commenter leur époque, tous deux soucieux d'apporter leur pierre, fut-elle petite, à l'édifice humain. Le dernier roman se finit sur une phrase lancée par l'un des deux.

[modifier] Analyse des Hommes de Bonne Volonté et critique

Dans une introduction détaillée, Jules Romains décrit ce qu'il souhaitait faire :

  • décrire la société par couches, de manière simultanée, aux mêmes périodes
  • se fonder sur une multiplicité de points de vue, et rendre compte des sentiments personnels autant que des pensées générales
  • établir une correspondance entre ses personnages, dont la somme des âmes personnelles aboutit à une âme collective (c'est le principe de l'unanimisme), celle des hommes de bonne volonté.

Cette étude, naturaliste et romanesque, fait penser au travail d'Émile Zola avec Les Rougon-Macquart. Jules Romains s'en est démarqué dans son introduction aux Hommes de Bonne Volonté, en expliquant les différences majeures. Néanmoins, certains auteurs ont considéré que le travail de Jules Romains était superficiel, comme en témoigne la citation suivante.

Dans un des derniers livres de son épopée, Romains se met apparemment en scène lui-même, sous le nom de l'écrivain Strigelius (c'est cela, je crois). Ce S. sait et peut faire tout ce que savent les autres écrivains, et pas mal d'autres choses encore par-dessus le marché. Mais ses capacités ne sont pas seulement d'un écrivain. Il a compris que "l'art" (le génie) est universel. Il sait aussi dans d'autres branches – en particulier en politique – plus que les autres. D'où le "Plan du 9 juillet" et le livre de J.R. sur les rapports de la France et de l'Allemagne.
Pas de doute que la tête a tourné à cet écrivain de talent. Il comprend beaucoup de choses en politique, mais plutôt visuellement, donc superficiellement. Les profonds ressorts sociaux des phénomènes lui demeurent cachés. Dans le domaine de la psychologie individuelle il est remarquable, encore que sans profondeur. Ce qui lui manque comme écrivain (et d'autant plus comme politique) c'est visiblement le caractère. Il est spectateur, non participant. Et seul le participant peut être profond comme spectateur. Zola était participant. C'est pourquoi, malgré toutes ses vulgarités et ses défaillances, il est beaucoup plus haut que Romains, plus profond, plus chaud, plus humain. Jules Romains se qualifie lui-même (cette fois sans pseudonyme, sous son propre nom) : distant. C'est vrai. Mais la distance chez lui n'est pas seulement optique, elle est aussi morale. Ses lumières morales ne lui permettent de voir les choses que d'une certaine, immuable distance. Aussi semble-t-il excessivement éloigné du petit Bastide, et excessivement proche de l'assassin Quinette. Chez le participant, la "distance" varie en fonction du caractère de sa participation ; chez le spectateur non. Un spectateur comme Romains peut être un remarquable écrivain, il ne peut pas être un grand écrivain.
Léon Trotsky, Journal d'exil, 21-22 mars 1935.

[modifier] Œuvres principales

Envoi de Jules Romains à Fernand Gregh
Envoi de Jules Romains à Fernand Gregh
  • L'Ame des Hommes, poésie (Crès, 1904)
  • La Vie unanime, poésie (Abbaye, 1908 et Mercure de France, 1913)
  • Premier livre de prières, (Vers et prose, 1909)
  • Un être en marche, poésie (Mercure de France, 1910)
  • Mort de quelqu'un, roman (1911)
  • Odes et prières, poésie (Mercure de France, 1913 et N.R.F., 1923)
  • Les Copains, roman (1913)
  • Europe, poésie (N.R.F., 1916)
  • Les quatre saisons, poésie (1917)
  • La Vision extra-rétinienne et le sens paroptique, traité (1920)
  • Knock ou le triomphe de la médecine, théâtre (1923)
  • Monsieur Le Trouhadec saisi par la débauche, théâtre (1923)
  • Psyché (Lucienne ; Le Dieu des corps ; Quand le navire...), trilogie romanesque (1922-1929)
  • Les Hommes de bonne volonté, cycle romanesque en 27 volumes (1932-1946)
Chronologie et dates de parution :
  1. 1908 : Le Six octobre (1932)
  2. 1908 : Crime de Quinette (1932)
  3. 1908 : Les Amours enfantines (1932)
  4. 1908 : Éros de Paris (1932)
  5. 1908-1909 : Les Superbes (1933)
  6. 1909-1910 : Les Humbles (1933)
  7. 1910 : Recherche d'une Église (1934)
  8. 1910 : Province (1934)
  9. 1910-1911 : Montée des périls (1935)
  10. 1911 : Les Pouvoirs (1935)
  11. 1911-1912 : Recours à l'abime (1936)
  12. 1912 : Les Créateurs (1936)
  13. 1913 : Mission à Rome (1937)
  14. 1913-1914 : Le Drapeau noir (1937)
  15. 1914-1916 : Prélude à Verdun (1938)
  16. 1916 : Verdun (1938)
  17. 1919 : Vorge contre Quinette (1939)
  18. 1919-1920 : La Douceur de la vie (1939)
  19. 1922 : Cette grande lueur à l'Est (1945)
  20. 1922 : Le Monde est ton aventure (1945)
  21. 1923 : Journées dans la montagne (1946)
  22. 1923-1924 : Les Travaux et les joies (1946)
  23. 1926 : Naissance de la bande (1946)
  24. 1928 : Comparutions (1946)
  25. 1933 : Le Tapis magique (1946)
  26. 1933 : Françoise (1946)
  27. 1933 : Le Sept octobre

[modifier] Bibliographie

  • André Bourin, Jules Romains discuté par Jules Romains, 1961
  • Jean-Louis Loubet del Bayle, L'illusion politique au XXe siècle. Des écrivains témoins de leur temps, Economica, 1999.
  • Olivier Rony, Jules Romains, ou l'appel du monde, Robert Laffont, 1992

[modifier] Citation: l'hymne à l'amitié

Son hymne à l'amitié demeure célèbre :

On ne sait pas ce que ce que c'est que l'amitié.
On n'a dit que des sottises là-dessus. Quand je suis seul, je n'atteins jamais à la certitude où je suis maintenant. Je crains la mort. Tout mon courage contre le monde n'aboutit qu'à un défi.
Mais, en ce moment je suis tranquille.
Nous deux, comme nous sommes là, en bécane, sur cette route, avec ce soleil, avec cette âme, voilà qui justifie tout, qui me console de tout.
N'y aurait-il que cela dans ma vie, que je ne la jugerais ni sans but, ni même périssable.
Et n'y aurait-il que cela, à cette heure dans le monde, que je ne jugerais le monde ni sans bonté, ni sans Dieu.
Lorsqu'un fils de l'homme connait un seul jour cette plénitude, il n'a rien à dire contre son destin.

(extrait de Les copains).

[modifier] Décorations

[modifier] Liens externes


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