Indicateur économique

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Un indicateur économique est une statistique construite afin de mesurer certaines dimensions de l’activité économique, de façon aussi objective que possible. Leurs évolutions et corrélations sont fréquemment analysées à l'aide de méthodes économétriques.

L'ensemble des indicateurs peut être regroupé dans un document appelé « tableau de bord ». La construction des indicateurs découle d'un choix de conventions qui traduisent certaines priorités et valeurs éthiques et morales. Le « Tableau économique » de François Quesnay, l'un des premiers physiocrates qui a vécu au XVIII ème siècle, constitue l'un des premiers exemples d'un tel indicateur visant à mesurer la richesse d'un pays. Depuis les développements des comptes nationaux après la seconde guerre mondiale, le Produit intérieur brut (PIB) et le Produit national brut (PNB) sont les indicateurs les plus courants.

Par ailleurs, il existe d'autres indicateurs qui prennent en compte d'autres facteurs ignorés par le PNB et le PIB afin de mesurer le bien-être des habitants d'un pays, en incluant principalement des indicateurs de santé, d’espérance de vie, de taux d'alphabétisation. Le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) a ainsi crée l'Indicateur de développement humain (IDH) dans les années 1990.

Des tentatives pour prendre en compte d'autres dimensions telles la sécurité ou pour inclure la « soutenabilité écologique » de l'activité économique dans des indicateurs ont aussi été menées plus récemment.

Sommaire

[modifier] Indicateurs les plus utilisés

Parmi les nombreux indicateurs économiques : le Produit intérieur brut (PIB), dont on surveille le taux de croissance afin de mesurer la croissance économique ; le taux d'inflation (mesuré par l’indice des prix à la consommation ou le déflateur du PIB) ; l'indice du coût de la construction (utilisé longtemps pour réévaluer le niveau des loyers) ; le niveau de la dette publique ; le salaire minimum, le salaire moyen, l'indice de Gini, lesquels fournissent divers aperçus de la répartition des revenus ; le niveau d'endettement des ménages, etc.

[modifier] Indicateurs de production

La mesure de la production d'un pays se fait généralement par le Produit national brut (PNB) et le Produit intérieur brut (PIB). Ces indicateurs correspondent au développement des comptes nationaux mis en place après la seconde guerre mondiale[1]. Ils sont donc limités, à la fois dans leur mesure et au niveau conceptuel (voir la liste de huit de ses limites dans l'article Produit intérieur brut).

Le Produit intérieur brut (PIB) vise aussi à évaluer la valeur des productions réalisées sur le territoire d'un pays. Pour ce faire, il ajoute au PNB les productions et services réalisés sur le territoire par les non-résidents (donnant lieu au versement de revenus hors du pays) et retranche la valeur des produits et services effectués à l'étranger par des résidents (entreprises ou personnes qui ont donc reçu des paiements de revenus à l'étranger). En dehors de ces ajustements comptables correspondant à la balance des paiements, le PIB présente les mêmes défauts et qualités que le PNB.

[modifier] Indicateurs de richesse

Pour évaluer la richesse, on utilise souvent le Revenu national brut (RNB) qui fournit une mesure des revenus monétaires acquis durant l'année par les ressortissants d'un pays.

Mais les données de patrimoine constituent de meilleurs indicateurs de la richesse proprement dite. Il est difficile toutefois d'obtenir des évaluations comparables du patrimoine quand bien même on se limite aux valeurs seulement monétaires. Le problème devient encore plus ardu si on veut inclure des évaluations du patrimoine physique (immeubles, usines, outils de production, etc.) ou du patrimoine culturel (monuments, œuvres d'art présentes dans des musées, etc.). Il serait nécessaire d'établir des conventions comptables pour cela et, si l'on veut effectuer des comparaisons internationales, de se mettre d'accord au niveau mondial sur leur utilisation.

[modifier] Indicateurs de développement

Au début des années 1990, certaines institutions internationales du système de l'Organisation des Nations unies ont fait un travail de pionnier en proposant de nouveaux indicateurs de développement. La collaboration d'économistes comme Amartya Sen avec le PNUD, ou Programme des Nations unies pour le développement, a permis de proposer successivement toute une batterie de nouveaux indices multidimensionnels du développement qui incluent, en plus du PNB, des critères sociaux. Le plus connu est l'Indicateur de développement humain (IDH). De nombreuses autres initiatives se sont multipliées depuis le milieu des années 1990.

[modifier] Le PNB n'est pas un indicateur de développement

Indicateur de la puissance économique d'une nation, le PNB mesure la richesse d'un pays. Mais il ne fournit qu'une mesure très approximative du bien-être des habitants qui y vivent. Il ne fournit en effet qu'une agrégation comptable des valeurs des différents biens et services marchands produits, quelles que soient les utilités de ces productions. Par exemple, le PNB ne prend pas en compte les externalités négatives de la production (les dégâts causés à l'environnement, les prélèvements sur le patrimoine, etc.). Il ne mesure pas non plus l'impact de toutes les activités non monétarisées et réalisées hors du champ économique proprement dit (travaux domestiques, éducation des enfants, activités artistiques, etc. – ensemble théorisés par l'opéraïsme italien sous le nom de « travail social », et qui concerne souvent les femmes), lesquelles augmentent le bien-être général.

Dans le cas des Etats-Unis, par exemple, le PNB agglomère indistinctement la production de biens qui ne contribuent pas directement au bien-être des habitants (aides au développement, etc.), avec celles des biens ou services produits et consommés par les états-uniens.

[modifier] Indicateur de développement humain (IDH)

L' Indicateur de développement humain (IDH) est le premier des indicateurs créés par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement). Utilisé depuis les années 1990, l'IDH combine trois facteurs permettant d'apprécier les « capacités » des résidents de ces pays (leurs capabilities selon l'économiste Amartya Sen) : l'espérance de vie, le niveau de connaissances mesuré par le taux d'alphabétisation des adultes et le taux brut de scolarisation, ainsi que le niveau de vie réel par habitant. L'IDH classe les pays sur une échelle de 0 à 1, en établissant la moyenne entre ces trois indicateurs principaux, dits « standardisés » (parce qu'ils permettent une comparaison entre différents pays).

Le niveau de vie réel est calculé à partir du logarithme du PIB par habitant en parités de pouvoir d'achat (PPA); à cela on ajoute l'espérance de vie à la naissance, ainsi que le niveau d'instruction (mesuré par un indicateur alliant pour deux tiers le taux d'alphabétisation des adultes et pour un tiers le taux de scolarisation).

Le PNUD publie aussi trois autres indicateurs synthétiques. D'abord, à partir de 1995, l'ISDH (Indicateur "Sexospécifique" ou "sexué" de développement humain[2]), qui permet de corriger l'IDH d'un facteur d'autant plus positif que les différences entre les situations des femmes et des hommes sont moins importantes du point de vue des trois critères pris en compte dans le développement humain. Puis, à partir de 1995 également, l'IPF, "Indicateur de Participation des Femmes" à la vie économique et politique, lequel complète le précédent en faisant la moyenne d'un certain nombre de taux de participation des femmes à des postes politiques ou économiques valorisés.

L'IPH, "Indicateur de pauvreté humaine", est introduit à partir de 1997. Il est construit sous un autre principe que celui des capabilities de Sen. Il signale les manques, privations ou exclusions fondamentales d'une partie de la population du point de vue de quatre dimensions (longévité, éducation, emploi et niveau de vie). Deux variantes de calculs sont distinguées : une variante 1 pour les pays en développement et une variante 2 pour les pays développés. Pour les pays développés, l’IPH-2 tient compte de quatre critères auxquels il accorde le même poids : la probabilité de décéder avant 60 ans, l'illettrisme, le pourcentage de personnes en deçà du seuil de pauvreté (50 % du revenu médian), le pourcentage de chômeurs de longue durée.

[modifier] Critiques formulées à l'encontre des indicateurs économiques

Les critiques ont été historiquement nombreuses vis à vis des indicateurs économiques « classiques ». Marilyn Waring, première femme députée au Parlement Néo-Zélandais, a souligné que les tâches ménagères et le temps consacré par les parents à l’éducation des enfants, en particulier par les femmes et surtout les femmes dites « inactives », étaient occultées par les mesures de production par individu. En outre, des indicateurs comme le PIB mesurent mal l'économie informelle ou les services domestiques comme le faisait remarquer Alfred Sauvy. Enfin, il se concentre sur la valeur ajoutée, et non sur la richesse possédée (stock de capital). Dès lors, une catastrophe naturelle qui détruit de la richesse va pourtant contribuer au PIB à travers l'activité de reconstruction qu'elle va générer. Cette contribution ne reflète pas la destruction de capital, ni le coût de la reconstruction. Cette contradiction était dénoncée dès 1850 par l'économiste français Frédéric Bastiat qui, dans Sophisme de la vitre cassée, écrivait que « la société perd la valeur des objets inutilement détruits », ce qu'il résumait par : « destruction n'est pas profit. »[3]

Depuis les années 1990, de multiples mouvements ont mis en cause les capacités du PNB à représenter toutes les dimensions du niveau de vie. En 1990, une équipe du Programme des Nations unies pour le développement menée par Amartya Sen a ainsi été chargée de mettre au point de nouveaux indicateurs, comme l'IDH. Fin juin 2007, l'OCDE a organisé un colloque à Istanbul portant sur « les statistiques, les connaissances et les politiques ». Il a débouché sur une déclaration énergique exhortant les bureaux statistiques du monde entier à « ne plus se limiter aux indicateurs économiques classiques comme le produit intérieur brut (PIB) »[4]. À son tour, la Commission européenne a réuni les 19 et 20 novembre 2007 à Bruxelles un colloque international dénommé Beyond the GDP (Au-delà du PIB), durant laquelle son président, José Manuel Durão Barroso, défendait la mise en place de nouveaux indicateurs pour mesurer les problèmes contemporains.

[modifier] Autres indicateurs économiques synthétiques

Des indicateurs alternatifs sont mesurés, de manière plus ou moins statistiquement faible, afin d'évaluer le bien-être social et environnemental. Parmi les indicateurs synthétiques alternatifs, certains concernent les problèmes sociaux contemporains, d'autres les inégalités et la pauvreté, la sécurité économique et sociale ou le patrimoine écologique.

[modifier] L’indice de santé sociale

L’indice de santé sociale (ou ISS) a été mis au point aux États-Unis par deux chercheurs, Marc et Marque-Luisa Miringoff. L’ISS est un indice social synthétique visant à compléter le PIB pour évaluer le progrès économique et social. C'est une sorte de résumé des grands problèmes sociaux présents dans le débat public aux Etats-Unis dans les années 1990. Il se traduit dans 16 indicateurs sociaux dont il fait une sorte de moyenne. Sont ainsi regroupés dans cet indice des critères de santé, d'éducation, de chômage, de pauvreté et d'inégalités, d'accidents et de risques divers. L'ISS a acquis une grande réputation internationale en 1996, année de la parution d'un article majeur dans la revue économique Challenge montrant le décrochage des courbes de progression du PNB et de l'ISS aux Etats-Unis, le premier continuant à progresser alors que le second plongeait durablement après les années 1973-1975 du triomphe des politiques néo-libérales. Ce graphique montre ainsi en quoi les années Reagan et Bush (père) ont porté un rude coup à la santé sociale des Etats-Unis, laquelle se trouvait en 1996 à un niveau nettement inférieur à celui de 1959, en dépit d’une très belle courbe de croissance économique.

[modifier] en France

[modifier] Le BIP 40 ou Baromètre des Inégalités et de la pauvreté en France

Le BIP 40 est un indicateur synthétique de l'évolution des inégalités en France dont le nom est une référence ironique à la fois au PIB (inversé) et au CAC 40. Cet indicateur a été mis au point et présenté à la presse en 2002 par réaction au fait que la santé économique et la santé boursière ont droit à des indices synthétiques médiatisés, alors que la "santé sociale" est réduite selon eux à la portion congrue (même si l’INSEE publie de nombreuses études et indicateurs sur le sujet[5]). L'équipe de militants syndicalistes, d'économistes et de statisticiens français qui ont agrégé des indicateurs pour former le BIP 40 est associée à un réseau associatif militant pour la réduction des inégalités, le RAI (Réseau d’alerte sur les inégalités).

[modifier] Les indicateurs de sécurité économique

De façon récente, des chercheurs de grandes institutions internationales (comme Guy Standing au BIT à Genève) et de pays développés (tels Lars Osberg et Andrew Sharpe au Canada[6] ou Georges Menahem en France) ont mis au point des indicateurs visant à cerner le degré de protection économique des personnes contre les principaux risques de perte ou de diminution forte de leurs revenus, par exemple en matière de chômage, de maladie, de retraite, etc.

[modifier] L'indicateur de bien-être économique de Osberg et Sharpe

Osberg et Sharpe prennent ainsi en compte quatre composantes caractérisant le bien-être des populations dans la construction d’un indicateur du bien-être économique (IBEE):

  1. les flux effectifs de consommation par habitant, qui incluent la consommation de biens et services marchands, les flux effectifs par habitant de biens et services non marchands et les changements dans la pratique des loisirs ;
  2. l’accumulation nette dans la société des stocks de ressources productives, y compris l’accumulation nette de biens corporels et de parcs de logements, l’accumulation nette de capital humain et des investissements en Recherche & Développement (RD), les coûts environnementaux et la variation nette du niveau de l’endettement extérieur ;
  3. la répartition des revenus, selon l’indice de Gini sur l’inégalité, ainsi que l’ampleur et l’impact de la pauvreté ;
  4. la sécurité économique contre le chômage, la maladie, la précarité des familles monoparentales et des personnes âgées.

Grâce à leur indicateur ils sont en mesure de comparer les tendances d’évolution du bien-être économique dans six pays de l’OCDE (les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, la Norvège et la Suède)[7]. Des comparaisons sont ainsi données sur le site du laboratoire de ces deux chercheurs canadiens[8]. Une application de l'IBEE au cas de la France a été proposée par Florence Jany-Catrice et Stephan Kampelmann en Juillet 2007[9].

[modifier] L'indicateur de sécurité de Standing à l'OIT

Dans les travaux de Guy Standing effectués dans le cadre du BIT, la vision est centrée sur le travail et vise à cerner la sécurité économique dans sept domaines. Dans un deuxième temps, un indice synthétique permet d'effectuer une moyenne de ces sept domaines[10] : les revenus (y compris les prestations sociales), la participation à l’activité économique, la sécurité d’emploi, la sécurité du travail (contre les risques d'accidents ou de maladies professionnels), la sécurité des compétences et qualifications, la sécurité de carrière, et enfin celle de la représentation syndicale et d’expression des salariés.

Une série de grandes enquêtes ont ainsi été menées par les missions locales du BIT dans une vingtaine de pays. Les pays scandinaves sont à nouveau aux premières places pour cet indicateur.

[modifier] L'indicateur de sécurité de Menahem

En France, Georges Menahem a mis au point en 2005 un indicateur baptisé "taux de sécurité économique" (TSE). Selon ses dernières publications[11], la sécurité économique peut être décomposée entre une partie "marchandisée" dépendante des relations salariales et de la vente des produits, et une partie "démarchandisée" relative aux prestations et aides auxquelles les individus ont droit indépendamment de leurs relations actuelles avec le marché (comme la retraite, les allocations familiales, de logement, de chômage ou le RMI). Ses estimations sur une trentaine de pays montrent que le taux de sécurité démarchandisée est un bon indicateur de l'efficacité du système de protection sociale : il est maximum en Suède et dans les pays Nordiques, il est encore important dans les pays continentaux tels l'Autriche, l'Allemagne ou la France, mais il est faible au Royaume-Uni et dans les pays Européens du Sud comme l'Italie, la Grèce ou l'Espagne et très limité dans les pays d'Europe Centrale et Orientale tels la Lettonie ou la Lithuanie. Quant aux États-Unis, leur taux de sécurité démarchandisée est négatif, ce qui témoigne du mauvais état des protections sociales dans ce pays présenté comme un modèle de l'économie de marché. Ce taux n'est que faiblement positif dans deux autres exemples du modèle "libéral" selon le sociologue danois Gosta Esping-Andersen[12] : en Australie et au Canada, à un niveau à peine plus élevé pour ce dernier car les programmes sociaux y sont plus étendus.

[modifier] L'Empreinte écologique

L'empreinte écologique est un indicateur visant à mesurer les pressions économiques sur l'environnement. Nous avons en effet en commun avec les tribus primitives d'exploiter directement ou indirectement avec notre consommation les ressources issues d’un "territoire" limité : pour eux, c'était leur petite région ; pour nous, il s'agit de notre petite planète. L’empreinte écologique d’une population est la surface de la planète, exprimée en hectares, dont cette population dépend compte tenu de ce qu’elle consomme. Les principales surfaces concernées sont dédiées à l’agriculture, à la sylviculture, à la pêche, aux terrains construits et aux forêts capables de recycler les émissions de CO2. Il s’agit d’un indicateur synthétique, qui "convertit" en surfaces utiles de multiples pressions humaines sur l’environnement, mais pas toutes.

On peut calculer cette empreinte pour une population allant d’un seul individu à celle de la planète, et par grands "postes" de la consommation. Par exemple, la consommation alimentaire annuelle moyenne d’un Français exige 1,6 hectare dans le monde ; son empreinte totale (alimentation, logement, transports, autres biens et services) est de 5,3 hectares, dont la plus grande partie se trouve dans les pays du Sud, par exemple parce que leurs forêts nous rendent le « service » (gratuit) d’absorber les émissions de gaz carbonique liées à notre consommation d’énergie, à nos transports, etc. Pour un Américain, on obtient 9,7 hectares, record du monde.

Or quelle est l’empreinte par personne "supportable" par la planète aujourd’hui, compte tenu des rythmes naturels de régénération des ressources ? Elle était de 2,9 hectares en 1970, et elle ne cesse de diminuer sous l’effet de la progression de la population, de la régression des terres arables, des forêts, des ressources des zones de pêche, etc. Elle est passée à 2 hectares en 1990 et elle n’est plus que de 1,8 hectares en 2001. Si tous les habitants de la planète avaient le mode de vie des Américains, il faudrait 5,3 planètes pour y faire face. Si tous avaient le niveau de vie moyen des Français, il en faudrait près de trois. Quant à l’ensemble de l’humanité, elle s'est mise vers 1980 à consommer et à rejeter plus de ressources que ce que la planète peut régénérer. Nous en sommes à 1,2 planète aujourd'hui.

De nombreux rapports ont déjà été produits, dont ceux particulièremet documentés et fiables du WWF ou Global environmental conservation organization (soit l'organisation de conservation de l'environnement mondial). Mais leurs conséquences sont limitées compte tenu de la révolution à engager pour prendre en compte la situation actuelle d’épuisement des ressources naturelles renouvelables. La faible visibilité dans la sphère publique de ce problème est en partie explicable par le fait que ses conséquences négatives sur la vie quotidienne ne touchent pas encore vraiment les acteurs économiques, politiques et médiatiques dominants et les classes favorisées. Leur empreinte écologique est pourtant de loin la plus importante, mais ils disposent pour l’instant des moyens de reporter ces conséquences sur d’autres, de protéger leur surplus environnemental, et, de plus en plus, de privatiser l’eau, des parcs ou espaces urbains non souillés, et d’autres les services d’écosystèmes antérieurement accessibles à tous comme biens communs. Le néolibéralisme est un facteur d’accentuation des dégâts environnementaux et de « fracture » sociale croissante dans l’accès aux ressources naturelles. Mais la croyance dans les bénéfices d’une croissance matérielle soutenue et indéfinie dans une planète matériellement finie va bien au-delà de la croyance qu’est le libéralisme économique.

[modifier] Limites des calculs de l'empreinte écologique

L'empreinte écologique est un chiffre abstrait et synthétique qui ne traduit qu'une faible part des conséquences du dérèglement du climat et des dégradations des écosystèmes. La comparaison de l'empreinte de l'Afrique et de l'Europe montre certes que les pays les plus pauvres ont encore, pour quelque temps, une empreinte écologique par personne très supportable par la planète, ce qui permet aux pays riches de continuer à polluer et utiliser bien plus que leur surface. Ainsi, les dommages restent au faible niveau des premiers signes que nous observons actuellement. Ce résultat est imputable à ce qu’on peut évaluer comme une dette écologique des pays riches par rapport aux pays pauvres : les premiers « empruntent » (sans les payer, tant qu’il n’y a pas de fortes taxes) d’énormes surfaces de ressources naturelles, terres arables, forêts, aux pays du Sud. Ils y exportent leur pollution, au moins celle qui ne connait pas de frontière, à commencer par celle des gaz à effet de serre.

Mais, par exemple, l'empreinte écologique ne permet d'illustrer que très indirectement l'importance des conséquences du réchauffement climatique.

  1. l’accélération du réchauffement climatique dans la période récente est directement liée aux émissions d’origine humaine de gaz à effet de serre, principalement le CO2 qui n'a plus de surface de verdure qui puisse l'absorber.
  2. Au-delà d’un réchauffement de deux degrés par rapport à l’époque pré-industrielle (on est actuellement à un degré, et compte tenu des émissions passées et actuelles, on atteindra 1,5 degrés d’ici peu) des catastrophes humaines mondiales sont prévisibles : sécheresses, inondations et tempêtes, élévation du niveau des mers, etc.
  3. Au cours du XXIème siècle, sur la base des tendances actuelles, le réchauffement sera compris entre 2 degrés et 6 degrés, sans même évoquer des scénarios nettement plus pessimistes mais non dénués de fondements.

L'importance et la diversité de ces catastrophes à venir montre clairement qu'il faut compléter l'empreinte écologique par une batterie d'indicateurs d'inégalités économiques et sociales afin d'évaluer en quoi certaines populations plus pauvres sont davantage touchées par ce que les populations riches nomment les « aléas » climatiques. On estime en effet que 90 % des personnes concernées par les désastres « naturels » liés au réchauffement habitent dans des pays ou régions pauvres. Selon le PNUE (Programme des Nations unies pour l'environnement), le coût du réchauffement climatique double ainsi tous les dix ans. La moitié de la population mondiale vit dans des zones côtières qui seraient submergées si le niveau des mers s’élevait d’un mètre, évaluation possible pour le siècle à venir si les tendances actuelles persistent. Il faut donc s’attendre dans les décennies à venir à des migrations massives de « réfugiés environnementaux » : vingt millions avant la fin du siècle rien que pour le Bengladesh, 150 millions dans le monde dès 2050 selon des chercheurs d’Oxford. Quels indicateurs économiques permettront d'alerter l'opinion mondiale sur l'ampleur de ces désastres prévisibles ?

[modifier] Bibliographie

[modifier] Notes et références

  1. Voir François Fourquet, Les comptes de la puissance : histoire de la comptabilité nationale et du Plan, Recherches, 1980
  2. Voir par exemple le cas du rapport national sur le développement humain 2006 qui montre que le statut de la femme comorienne bénéficie d’un contexte favorable
  3. Frédéric Bastiat : Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, chapitre 1 : la vitre cassée, 1850, Texte intégral sur Wikisource
  4. L’OCDE et d’autres organisations internationales vont élaborer une nouvelle méthode de mesure du progrès des sociétés, OCDE
  5. voir Documents de l'INSEE
  6. Dans les travaux de L. Osberg et A. Sharpe sur leur indicators of Well-Being, voir discussion dans Travail et Emploi (2003) “Débat sur l’indice du bien-être économique,” No. 93, janvier, pp. 75-97
  7. [http://ideas.repec.org/p/sls/resrep/0305.html Lars Osberg and Andrew Sharpe"An Index of Labour Market Well-being for OECD Countries" or " New Estimates of the Index of Economic Well-being for selected OECD Countries"
  8. L. Osberg et A. Sharpe donnent des exemples de leurs indicateurs, les indicators of Well-Being, sur des données brutes secondaires présentées pour 14 pays dans des tableaux disponibles sur le site internet www.csls.ca.
  9. Jany-Catrice, F. & Kampelmann, S. (2007). "L'Indicateur de bien-être économique : une application à la France", Revue française d'économie, Volume XXII, No 1.
  10. Cf. Guy Standing, "Enquêtes sur la sécurité des personnes: vers un indicateur du travail décent 2002", Revue internationale du travail, 2002 – 4, Numéro spécial sur la sécurité socio-économique, page 487-492
  11. Voir son article dans la Revue internationale de sécurité sociale« The decommodified security ratio: A tool for assessing European social protection systems », in International Social Security Review, Volume 60, Issue 4, Page 69-103, October-December 2007
  12. Auteur du célèbre ouvrage Les trois mondes de l'État-providence dont la Version française est disponible aux Presses universitaires de France. (ISBN 2 13 050117 7)

[modifier] Liens externes