Croissance économique

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Évolution du PIB par habitant sur les deux derniers millénaires
Évolution du PIB par habitant sur les deux derniers millénaires

La croissance économique au sens large désigne l'augmentation des produits et services produits par une économie sur une période donnée[1]. Selon la définition plus restreinte de François Perroux[2], la croissance économique correspond à « l'augmentation soutenue pendant une ou plusieurs périodes longues d’un indicateur de dimension, pour une nation, le produit global net en termes réels »[1].

En pratique, l'indicateur utilisé pour la mesurer est le produit intérieur brut ou PIB, et le taux de croissance est le taux de variation du PIB. De même, on utilise la croissance du PIB par habitant pour mesurer la croissance du niveau de vie.

Sommaire

[modifier] Définition

Le terme de croissance est donc conventionnellement utilisé par les économistes pour décrire une augmentation de la production sur le long terme. À court terme, les économistes utilisent le terme d' « expansion » (qui s'oppose à la « récession » ou à la « dépression »).

Au sens strict, la croissance décrit un processus d'accroissement de la seule production économique. Elle ne renvoie donc pas directement à l'ensemble des mutations économiques et sociales propres à une économie en expansion. Ces transformations au sens large sont, conventionnellement, désignées par le terme de développement économique.

La croissance est un processus fondamental des économies contemporaines. Elle transforme la vie des individus en leur procurant davantage de biens et services. À long terme, le niveau de vie (que l'on ne doit pas confondre avec la qualité de vie) des individus dépend ainsi uniquement de cette croissance. De même, l'enrichissement qui résulte de la croissance économique permet seul (mais pas nécessairement) de supprimer la misère matérielle.

[modifier] La mesure de la croissance

La croissance économique est généralement mesurée par l'utilisation d'indicateurs économiques dont le plus couramment utilisé est le Produit intérieur brut. Il mesure la somme des valeurs ajoutées des entreprises du pays, auquel on ajoute le solde de la balance extérieure. Il offre donc une certaine mesure quantitative du volume de la production. Afin d'effectuer des comparaisons internationales, on utilise également la Parité de pouvoir d'achat, qui permet de mesurer le pouvoir d'achat dans une même monnaie. Pour comparer la situation d'un pays à des époques différentes on peut également raisonner à monnaie constante.

L'indicateur du PIB reste cependant imparfait comme mesure de la croissance économique et du développement. Il est pour cela l'objet de plusieurs critiques : il ne mesure ainsi pas, ou mal, l'économie informelle. D'autre part, s'il prend en compte la production des services publics gratuits, il ne mesure pas l'activité de production domestique (ménage, potagers, etc.). Selon la boutade d'Alfred Sauvy, il suffit de se marier avec sa cuisinière pour faire baisser le PIB. Enfin, il ne prend en compte que les valeurs ajoutées, et non la richesse possédée, par un pays. Une catastrophe naturelle (Katrina détruisant la Nouvelle-Orléans, par exemple), qui détruit de la richesse, va pourtant contribuer au PIB à travers l'activité de reconstruction qu'elle va générer. Cette contribution ne reflète pas la destruction antérieure, ni le coût du financement de la reconstruction. Cette contradiction était dénoncée dès 1850 par l'économiste français Frédéric Bastiat qui dans son Sophisme de la vitre cassée écrivait que « la société perd la valeur des objets inutilement détruits », ce qu'il résumait par : « destruction n'est pas profit. »[3]

Dans son acception classique le développement économique ne se résume pas à la croissance économique et des indicateurs ont été proposés pour mesurer plus finement certains aspects de la croissance économique; ainsi, le Coefficient de Gini mesure les différences de revenus au sein d'une population. Selon la Courbe de Kuznets, la croissance économique entraine dans un premier temps une hausse des différences de revenus puis une réduction.

[modifier] Historique

Les historiens s’accordent généralement sur le fait que le niveau de vie des êtres humains sur l’ensemble du globe n’a que peu évolué depuis l’Antiquité jusqu’au XVIIIe siècle (entre l'an 0 et l'an 1000 l'économie mondiale aurait même décliné), mis à part une embellie en Europe occidentale entre le Xe et XIIIe siècles, annulée par les épidémies et les famines du XIVe et XVe siècles. La croissance économique est donc un phénomène récent et géographiquement limité.

La première société à connaître un phénomène de croissance est, au XVIIe siècle les Pays-Bas. Comme le note Henri Lepage en reprenant les analyses de Douglass North, « pour la première fois dans l'histoire connue de l'humanité, un pays se trouvait en mesure d'offrir un niveau de vie croissant à une population croissante, et cela un siècle avant que se manifestent les premiers signes réels de la Révolution industrielle »[4].

Le phénomène s'est ensuite progressivement étendu; la phase de développement économique depuis la montée en puissance de l'économie de marché au XIXe siècle n'a aucun précédent historique. Après le XVIe siècle, lorsque différentes parties du monde entament très lentement et à tâtons des relations commerciales, on constate des périodes de croissance économique, mais éphémères et marginales. Les conditions de vie au XVIIIe siècle étaient pratiquement semblables partout, ou du moins nous semblent-elles semblables dans la mesure où elles étaient très inférieures à ce que nous connaissons. On estime que la croissance globale de l'économie entre 1500 et 1820 n'est que d'un trentième de ce qu'elle a été depuis. Les revenus en Europe ont plus que décuplé. L'Asie accélère aussi son rythme de croissance depuis un demi siècle : le niveau de vie en Chine a été multiplié par six et celui du Japon par huit.

Cependant, au XIXe siècle le développement économique fut apparemment dans les faits assez paradoxal, entrainant des bouleversements sociaux avec l'exode rural par exemple.

Croissance des principaux pays sur les périodes 1990-1998 et 2000-2006
Croissance des principaux pays sur les périodes 1990-1998 et 2000-2006

Il faut dire ici que le niveau de vie et le développement n'ont commencé à être observés qu'au XIXe siècle, si bien qu'il est difficile, faute de données, de faire une comparaison entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Ce que l'on sait, c'est qu'en France, la Révolution Française eut lieu dans un contexte de quasi-famine dans les campagnes, alors que tout le monde avait à manger au XIXe siècle. Peu avant la Révolution Française, des observateurs avaient par exemple vu près de Chartres de nombreux hommes brouter de l'herbe comme les chevaux, n'ayant aucun autre moyen de subsistance[5]. L'exode rural du XIXe siècle a rendu la pauvreté manifestement plus visible, mais certainement pas plus grande.

En 1913, le PIB/h français était de 3.485 $[6] (dollars internationaux 1990). En 1998, il était de 19.558 $. Le taux de croissance moyen du PIB/h était donc de 2,0% sur cette période. S'il avait été de 1,0%, le niveau de vie aurait été de 8.199 $ en 1998, soit un peu moins que le niveau de vie réel de l'Uruguay (8.314 $).

[modifier] Quelques déterminants de la croissance

On peut distinguer plusieurs types de déterminants à la croissance[7] : richesses naturelles, environnement extérieur, population, innovation, investissement, connaissance, cohérence du développement. Les principales conclusions des travaux de Xavier Sala-i-Martin, économiste espagnol spécialiste de la croissance[8], confirment qu'il n'y a pas qu'un seul déterminant simple de la croissance économique.

Xavier Sala-i-Martin avance par ailleurs que le niveau initial est la variable la plus importante et la plus robuste. (C'est-à-dire que, dans la plupart des cas, plus un pays est riche, moins il croît vite. Cette hypothèse est connue sous le nom de convergence conditionnelle). Il considère également que la taille du gouvernement (administration, secteur public) n'a que peu d'importance. Par contre la qualité du gouvernement a beaucoup d'importance : les gouvernements qui causent l'hyperinflation, la distorsion des taux de change, des déficits excessifs ou une bureaucratie inefficace ont de très mauvais résultats. Il ajoute également que les économies plus ouvertes tendent à croître plus vite. Enfin, l'efficience des institutions est très importante : des marchés efficients, la reconnaissance de la propriété privée et l'état de droit sont essentiels à la croissance économique. Il rejoint en cela les conclusions d'Hernando de Soto[9]. Se fondant sur plusieurs indices de liberté économique, la revue Sociétal arrivait à la même conclusion et écrivait en 2003 que « Les facteurs les plus étroitement corrélés avec la prospérité sont ceux qui garantissent un état de droit : droits de propriété, absence de corruption, système juridique efficace. »[10]

L'histoire, notamment celle du XVIIIe siècle, semble quand même montrer que l'extension des libertés (liberté d'entreprendre, liberté de circulation des idées, des personnes et des biens) est une condition de la croissance. Par exemple, il existe un certain nombre de cas où une population partageant les mêmes antécédents historiques, la même langue et les mêmes normes culturelles a été divisée entre deux systèmes, l'un étant une économie de marché et l'autre une économie dirigée et centralisée (les deux Allemagne, les deux Corée, la République populaire de Chine et Taiwan). Dans chaque cas, les zones ayant pratiqué l'économie de marché ont montré une bien meilleure performance. L'effondrement de l'URSS témoigne également des meilleurs résultats des modèles économiques libéraux par rapports aux économies de type collectiviste.

[modifier] Théories de la croissance

Les théories explicatives de la croissance sont relativement récentes dans l'histoire de la pensée économique. Ces théories ont conduit à mettre en avant le rôle primordial du progrès technique dans la croissance. Sur le long terme, seul le progrès technique est capable de rendre plus productive une économie (et donc de lui permettre de produire plus, c'est-à-dire d'avoir de la croissance). Toutefois, ces théories expliquent mal d'où provient ce progrès, et en particulier en quoi il est lié aux fonctionnement de l'économie.

[modifier] L'école classique

Les économistes de l'école classique, écrivant pourtant au commencement de la révolution industrielle, pensaient qu'aucune croissance ne pouvait être durable, car toute production devait, selon eux, inexorablement converger vers un état stationnaire. C'est ainsi le cas de David Ricardo pour qui l'état stationnaire était le produit des rendements décroissants des terres cultivables, ou encore pour Thomas Malthus qui le liait à son "principe de population". Toutefois, Adam Smith, à travers son étude des effets de productivité induits par le développement de la division du travail, laissait entrevoir la possibilité d'une croissance ininterrompue.

[modifier] Schumpeter : L'innovation à l'origine de la croissance et de ses cycles

A partir des travaux sur les cycles économiques de Kondratieff, Joseph Schumpeter a développé la première théorie de la croissance sur une longue période. Il pensait que l'innovation portée par les entrepreneurs constituait la force motrice de la croissance. Il développa en particulier l'importance de l'entrepreneur dans Théorie de l'évolution économique en 1913.

Exemple de cycle économique
Exemple de cycle économique

Pour Schumpeter, les innovations apparaissent par « grappes », ce qui explique la cyclicité de la croissance économique. Par exemple, Schumpeter retient les transformations du textile et l'introduction de la machine à vapeur pour expliquer le développement des années 1798-1815 ou le chemin de fer et la métallurgie pour l'expansion de la période 1848-1873. De façon générale il retient trois types de cycles économiques pour expliquer les variations de la croissance :

Il introduisit enfin le concept de « destruction créatrice » pour décrire le processus par lequel une économie voit se substituer à un modèle productif ancien un nouveau modèle fondé sur des innovations. Il écrit ainsi[12] :

« L'impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d'organisation industrielle - tous éléments créés par l'initiative capitaliste. [...] L'ouverture de nouveaux marchés nationaux ou extérieurs et le développement des organisations productives, depuis l'atelier artisanal et la manufacture jusqu'aux entreprises amalgamées telles que l’U.S. Steel, constituent d'autres exemples du même processus de mutation industrielle - si l'on me passe cette expression biologique - qui révolutionne incessamment de l'intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs. Ce processus de Destruction Créatrice constitue la donnée fondamentale du capitalisme : c'est en elle que consiste, en dernière analyse, le capitalisme et toute entreprise capitaliste doit, bon gré mal gré, s'y adapter. »

[modifier] La croissance « sur le fil du rasoir » : Harrod et Domar

Icône de détail Article détaillé : Modèle de Harrod-Domar.

Après la seconde guerre mondiale, les économistes Harrod et Domar, influencés par Keynes, vont chercher à comprendre les conditions dans lesquelles une phase d'expansion peut être durable. Ainsi, s'il ne propose pas à proprement parler une théorie de la croissance (expliquant son origine sur une longue période), le modèle de Harrod-Domar permet, néanmoins, de faire ressortir le caractère fortement instable de tout processus d'expansion. En particulier, il montre que pour qu'une croissance soit équilibrée (c'est-à-dire que l'offre de production augmente ni moins (sousproduction) ni plus (surproduction) que la demande), il faut qu'elle respecte un taux précis, fonction de l'épargne et du coefficient de capital (quantité de capital utilisée pour produire une unité) de l'économie. Or, il n'y a aucune raison que la croissance, qui dépend de décisions individuelles (en particulier des projets d'investissement des entrepreneurs), respecte ce taux. De plus, si la croissance est inférieure à ce taux, elle va avoir tendance non pas à le rejoindre, mais à s'en éloigner davantage, diminuant progressivement (en raison du multiplicateur d'investissement). La croissance est donc, selon une expression d'Harrod, toujours « sur le fil du rasoir ». Ce modèle, construit après guerre et marqué par le pessimisme engendré par la crise de 1929, a toutefois été fortement critiqué. Il suppose, en effet, que ni le taux d'épargne, ni le coefficient de capital ne sont variables à court terme,ce qui n'est pas prouvé.

[modifier] Le progrès technique comme résidu : modèle de Solow

Icône de détail Article détaillé : modèle de Solow.

Robert Solow a été le premier à proposer un modèle formel de la croissance. D'inspiration néoclassique, ce modèle se fonde sur une fonction de production à deux facteurs : le travail et le capital. La production résulte donc exclusivement de la mise en combinaison d'une certaine quantité de capital (moyens de production) et de travail (main d'œuvre).

Le modèle de Solow se fonde sur l'hypothèse que les facteurs de production connaissent des rendements décroissants, c'est-à-dire qu'une augmentation de ceux-ci dans une certaine proportion engendre une augmentation dans une proportion plus faible de la production. Il pose également comme hypothèse que les facteurs de production sont utilisés de manière efficace par tous les pays. En posant que la population connaît un taux de croissance que Solow qualifie de « naturel » (non influencé par l'économie), le modèle déduit trois prédictions :

  1. Augmenter la quantité de capital (c’est-à-dire investir) augmente la croissance : avec un capital plus important, la main d'œuvre augmente sa productivité (dite apparente).
  2. Les pays pauvres auront un taux de croissance plus élevé que les pays riches. Ils ont en effet accumulé moins de capital, et connaissent donc des rendements décroissants plus faibles, c’est-à-dire que toute augmentation de capital y engendre une augmentation de la production proportionnellement plus forte que dans les pays riches.
  3. En raison des rendements décroissants des facteurs de production, les économies vont atteindre un point où toute augmentation des facteurs de production n'engendrera plus d'augmentation de la production. Ce point correspond à l'état stationnaire. Solow note toutefois que cette troisième prédiction est irréaliste : en fait, les économies n'atteignent jamais ce stade, en raison du progrès technique qui accroît la productivité des facteurs.

Autrement dit, pour Solow, sur le long terme, la croissance provient du progrès technologique. Toutefois, ce progrès technologique est exogène au modèle, c'est-à-dire qu'il ne l'explique pas mais le considère comme donné (telle une « manne tombée du ciel »).

[modifier] Endogénéiser le progrès technique : les nouvelles théories de la croissance

Les théories récentes cherchent précisément à rendre ce facteur endogène -c'est-à-dire à construire des modèles qui expliquent son apparition. Ces modèles ont été développés à partir de la fin des années 1970 notamment par Paul Romer et Robert Barro. Ils se fondent sur l'hypothèse que la croissance génère par elle-même le progrès technique. Ainsi, il n'y a plus de fatalité des rendements décroissants : la croissance engendre un progrès technique qui permet que ces rendements demeurent constants. La croissance, si elle génère du progrès technique, n'a donc plus de limite. À travers le progrès technique, la croissance constitue un processus qui s'auto-entretient.

Ces modèles expliquent que la croissance engendre du progrès technique par trois grands mécanismes. Premièrement, le « learning by doing » : plus on produit, plus on apprend à produire de manière efficace. En produisant, on acquiert en particulier de l'expérience, qui accroît la productivité. Deuxièmement, la croissance favorise l'accumulation du capital humain, c'est à dire les compétences possédées par la main d'œuvre et dont dépend sa productivité. En effet, plus la croissance est forte, plus il est possible d'accroître le niveau d'instruction de la main d'œuvre, en investissant notamment dans le système éducatif. D’une manière générale, la hausse du niveau d'éducation de la population – par des moyens publics ou privés – est bénéfique. Troisièmement, la croissance permet de financer des infrastructures (publiques ou privées) qui la stimulent. La création de réseaux de communication efficaces favorisent, par exemple, l'activité productive.

« La principale [des] conclusions [de ces nouvelles théories] est qu'alors même qu'[elles] donnent un poids important aux mécanismes de marché, elles en indiquent nettement les limites. Ainsi il y a souvent nécessité de créer des arrangements en dehors du marché concurrentiel, ce qui peut impliquer une intervention active de l'Etat dans la sphère économique » [13]. En particulier ce « retour de l'État » [14] se traduit par le fait qu'il est investi d'un triple rôle : encourager les innovations en créant un cadre apte à coordonner les externalités qui découlent de toute innovation (par exemple grâce à la protection qu'offre aux innovateurs les brevets) ; susciter celles-ci en investissant dans la recherche (notamment fondamentale) et les infrastructures dont les externalités dépassent le profit que peuvent en attendre les acteurs privés ; améliorer le capital humain en investissant dans le système éducatif. D'une manière générale, c'est le rôle des politiques structurales de l'État, en particulier les investissements dans le capital public, qui est ainsi souligné.

Ces modèles sont toutefois très frustres en ce qu'ils n'expliquent pas les mécanismes précis qui font que la croissance économique stimule le progrès technique. En particulier, chacun des modèles de ces théories ne s'attache qu'à un seul mécanisme liant progrès technique et croissance. Comme le notent Gallec et Ralle, « Le modèle général recouvrant l'ensemble des formes du progrès technique est sans doute trop complexe pour être élaboré, ce qui limite la portée des résultats obtenus puisque les interactions entre plusieurs formes existantes sont ignorées »[15].

[modifier] Remise en cause

[modifier] La croissance peut-elle être infinie ?

Les tenants de la décroissance considèrent la croissance infinie comme une impossibilité physique et expriment a minima de sévères réserves sur la possibilité de poursuivre le modèle actuel de croissance, en raison de la nature finie de certaines ressources naturelles. Rien n'indique selon eux que l'on puisse y substituer d'autres ressources, ni que les ressources renouvelables puissent rendre les mêmes services. De même, ils soulignent les éventuelles dégradations de l'environnement qui pourraient remettre en cause la croissance future. Pour les critiques de la croissance, la promesse de « développement économique pour tous » n'est donc qu'une promesse qui ne repose sur rien de tangible. Néanmoins, en premier lieu il s'agit d'une conception matérialiste de la croissance qui occulte le fait que la croissance ne concerne pas que des biens physiques mais aussi des services qui sont immatériels. En second lieu toutes les prédictions de bornes absolues au développement depuis Malthus se sont révélées fausses, en raison de la capacité de l'homme à trouver de nouveaux usages aux ressources : le travail humain a été remplacée par le travail animal, puis mécanique, avec le développement progressif d'énergies nouvelles : bois, charbon, électricité, pétrole.

Une partie de la croissance économique est permise par l'exploitation des ressources naturelles : il convient donc de les gérer au mieux (par exemple par le recyclage), d'optimiser le potentiel d'extractions et de ressources. L'efficacité du système capitaliste est alors parfois remise en cause. Néanmoins, Karl Marx soulignait déjà dans Le Capital « l’acharnement fanatique des capitalistes à économiser les moyens de production », faisant tout pour que « rien ne se perde ni ne soit gaspillé »[16]. Les économistes libéraux soutiennent que le libre marché permet la meilleure affectation des ressources et leur gestion la plus efficace. Pour l'économiste Pascal Salin, des problèmes d'efficacité et de gestion liés à l'exploitation des ressources pourraient être résolus par la privatisation de ces ressources. En effet, un propriétaire, responsable d'une ressource naturelle, va l'évaluer et la gérer de façon à maximiser sa richesse et va donc l'entretenir. Pascal Salin prend comme exemple le problème de déforestation des forêts amazoniennes et écrit que « si des entreprises privées, véritablement capitalistes, pouvaient se porter acquéreurs de droits de propriété intégraux sur les forêts tropicales [...] elles seraient incitées à développer les plantations car la valeur de leurs terrains dépendrait de la valeur des arbres susceptibles d'y être coupés dans le futur »[17]. Pascal Salin insiste également sur le progrès technique et sur les « capacités d'inventivité de l'esprit humain ».

Contestant la vision optimiste d'un progrès technique capable de répondre aux problèmes et questions qu'il a lui-même engendrés, des penseurs et économistes voient une autre logique à l'œuvre dans l'idéal de croissance, qui obère la saine gestion des ressources de la planète. Ainsi pour Jacques Ellul, contempteur moderne de ce qu'il a appelé le système technicien, pour une entreprise capitaliste, seul compte le profit indépendamment des effets positifs ou négatifs de son activité[18].

La croissance mondiale depuis la fin du XVIIIe siècle a été permise principalement par le charbon puis le pétrole[réf. nécessaire], qui sont des ressources naturelles non renouvelables. D’autres sources d’énergie sont venus compléter les besoins croissants en énergie comme l'énergie nucléaire qui elle aussi repose sur une ressource, abondante selon l'AIEA[19], mais non renouvelable, l'uranium.

[modifier] Conséquences négatives de la croissance

[modifier] Conséquences possibles sur l'environnement

La production économique engendre dans certains cas des perturbations dans les équilibres écologiques. Augmenter la production de biens matériels ou le transport (pour répondre à l’accroissement démographique par exemple) peut aggraver ces perturbations.

Le réchauffement climatique amène l'ensemble des économies du monde à prendre en compte leurs émissions de gaz à effet de serre et à rechercher au maximum une « croissance propre » (la communauté internationale envisage la mise en place de contraintes collectives, comme le protocole de Kyoto).

[modifier] Bouleversement induits

Les critiques de la croissance insistent enfin sur les déséquilibres qui peuvent naître de la croissance : bouleversements sociologiques, politiques et écologiques.

Ainsi, les exodes ruraux ou les nouveaux moyens de transport ont entrainé un exode rural et des transformations urbanistiques majeures, qui changent durablement les rapports sociaux. De plus, certains critiques[réf. nécessaire] considèrent que la croissance bénéficie surtout à une minorité qui tire profit de cette augmentation de productivité, alors que la majorité subit ces transformations de façon souvent traumatique (car les impacts sur l'environnement socio-familial peuvent être dramatiques dans certains cas), et ne retire aucun bénéfice ni en niveau de vie, encore moins en qualité de vie, de la croissance économique.

[modifier] Annexes

[modifier] Bibliographie

[modifier] Articles connexes

[modifier] Lien externe

[modifier] Notes et références

  1. ab Article croissance économique de l'Encyclopædia Universalis
  2. L’économie du XXe siècle, 1961.
  3. Frédéric Bastiat : Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, chapitre 1 : la vitre cassée, 1850, Texte intégral sur Wikisource
  4. Henri Lepage, Demain le capitalisme, 1978, p.93
  5. Jules Michelet, Histoire de la Révolution Française
  6. Angus Maddison, The World Economy: A Millennial Perspective, OCDE, Paris, 2001.
  7. Pierre Maillet, La croissance économique, Presses Universitaires de France, 1976
  8. Xavier Sala-i-Martin, 15 Years of New Growth Economics: What Have We Learnt?, Barcelone, 2002.
  9. Hernando de Soto, Le mystère du capital : Pourquoi le capitalisme triomphe en Occident et échoue partout ailleurs, 2005, Flammarion, ISBN 2-08-210504-0
  10. Gérard Dréan, Le modèle libéral et comment s'en servir, Sociétal, 1er trimestre 2003, p. 45
  11. Joseph Schumpeter, Les cycles des affaires, 1939
  12. Joseph Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942, Payot, édition française de 1951, p. 106-7
  13. Dominique Gallec et Pierre Ralle, Les nouvelles théories de la croissance, La Découverte, 1995, p. 112
  14. Gallec & Ralle, ibid, p. 109
  15. Gallec & Ralle, ibid, p. 90
  16. Karl Marx, Le Capital, critique de l'économie politique, Livre III, chapitre V, section 1, Paris : Éditions Sociales, 2000, p. 94
  17. Pascal Salin, Libéralisme, 2000, p. 475-476
  18. « Je voudrais rappeler une thèse qui est bien ancienne, mais qui est toujours oubliée et qu'il faut rénover sans cesse, c'est que l'organisation industrielle, comme la « post-industrielle », comme la société technicienne ou informatisée, ne sont pas des systèmes destinés à produire ni des biens de consommation, ni du bien-être, ni une amélioration de la vie des gens, mais uniquement à produire du profit. Exclusivement » in Jacques Ellul, Le bluff technologique (1988), éd. Hachette, coll. Pluriel, 2004, p. 571.
  19. (en) Global Uranium Resources to Meet Projected Demand, Agence internationale de l'énergie atomique, juin 2006