Grammaire inuit (nunavimmiutitut)

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Sommaire

[modifier] Problématique générale

L'idée même de grammaire inuit n'a en réalité pas plus de sens que "grammaire romane" ou "grammaire sémitique", l'inuit, considéré par les linguistes comme une langue unique, ne présente pas moins de quatre aires dialectales -inupiaq, inuktun, inuktitut et kalaallisut- qui diffèrent de façon considérable, des différences qui, du point de vue de langues à grammaire fortement normalisée suite à une tradition grammairienne ancienne et fortement implantée, seraient la marque de langues distinctes. Il n'y a pas de normalisation de ce genre en inuit sinon à l'état embryonnaire, à l'exception du Groenland Ouest (kalaalisut) où l'alphabétisation à été bien plus précoce (dès le milieu du XVIIIe siècle). Ne nous leurrons pas : la définition de langue, dialecte, patois, etc. n'a de sens que dans le cadre de l'étude d'un groupe linguistique déterminé : ce sont des critères linguistiques précis (présence ou absence d'un trait phonétique, d'un trait morphologique ou syntaxique, emploi de tels ou tels termes synonymes...) essentiellement qui peuvent permettre de tracer des frontières un tant soit peu précises entre différents parlés, encore ne s'agit-il que d'une définition parcellaire dans la mesure où elle ne concerne qu'un ou un ensemble de traits et non la description entière d'un parler. De ce fait ces critères ne peuvent pas servir à dresser une frontière absolue et définitive entre différents parlers. Par conséquent, ce n'est pas "l'inuit" qu'on étudie, mais forcément un parler local de la langue, aussi est-il absolument nécessaire de préciser de quel aire dialectale il est question, et même de préférence à quel dialecte de cette aire on a affaire.

[modifier] Caractéristiques fondamentales communes des dialectes inuits

Cette liste est donnée à titre indicatif et ne prétend pas être exhaustive.

Les dialectes inuits ont en commun plusieurs traits phonologiques et morphosyntaxiques saillants :

  • phonologie pauvre qui ne contient que trois voyelles et de 13 à 16 consonnes
  • structure syllabique assez stricte, avec seulement des syllabes de type V VC CV ou CVC, les groupes de consonnes (jamais plus de 2) ne se rencontrent qu’en jointure de syllabes
  • la durée vocalique est phonologiquement pertinente, système à deux degrés (bref vs long)
  • procédé morphologique de base : agglutination
  • utilisation exclusive de suffixes (300 à 400, et même plus si l’on tient compte des affixes composés), cumulables selon des règles précises, et de terminaisons non-cumulables, il existe quelques enclitiques
  • une forte tendance à la polysynthèse, encore renforcée, semble-t-il, par la création de nouveaux affixes par figement d’une combinaison de deux affixes, lesquels peuvent d’ailleurs continuer d’exister indépendamment
  • incorporation nominale fréquente par ajout d’un suffixe verbalisant à une base nominale (la composition de plusieurs bases est un procédé morphologique inconnu en inuit)
  • l’ordre syntaxique de base place le verbe en fin de phrase, les subordonnées devant les principales et le génitif précède le nom, mais les déterminants (démonstratifs, numéraux…) le suivent la plupart du temps
  • les prépositions, les conjonctions, les relatifs et les articles sont inexistants, les mots tendant à être longs, peu nombreux et morphologiquement complexes
  • les pronoms sont tous des formes lourdes (au moins deux syllabes), il ne semble pas exister de formes brèves/atones clitiques
  • les noms se déclinent avec huit cas et trois nombres (singulier, duel et pluriel) sauf au Groenland où le duel a disparu, pas de genre grammatical, la déclinaison peut être simple ou possessive (quatre « personnes » aux trois nombres)
  • le verbe et les marques possessives opposent quatre « personnes » car ils distinguent entre troisième coréférentielle et non-coréférentielle
  • il y a une forte ressemblance entre les marques possessives et les marques personnelles
  • les marques de nombre sont les mêmes pour le nom et le verbe à la 3e personne, et se retrouvent aussi, mais moins clairement, aux deux premières personnes
  • enfin, morphologie et syntaxe ne sont pas très distinctes étant donné la complexité morphologique du mot, l’étude du lexique relève en grande partie de la grammaire et la création lexicale est constante, les expressions figées existent cependant comme dans toute langue

[modifier] Le dialecte présenté ici

Nunavik, Québec
Nunavik, Québec

Le dialecte dont traite cet article est le nunavimmiutitut, une variété d’inuktitut parlée dans la région du Nunavik (en rouge sur la carte) par environ 8000 personnes, elle-même subdivisée en deux sous-dialectes, mais il n’est pas très important de faire ressortir la différence ici. Il est préférable de se limiter à un seul dialecte, suffisamment restreint pour que les variations internes soient négligeables pour son étude grammaticale, et suffisamment vaste pour n’avoir pas à faire ressortir toute une série de particularités locales qui ne feraient que compliquer inutilement l’étude, dont le propos n’est pas de comparer plusieurs variétés d’inuit. C'est cette forme d'inuktitut qui est enseignée à l'INALCO, aussi couramment appelé Langues'O.

Le terme nunavimmiutitut provient bien entendu de la région Nunavik, mais plus précisément de nunavimmiut, pluriel du nom nunavimmiuq qui désigne l'habitant du Nunavik, le suffixe -miuq (pluriel -miut) est un suffixe très usuel qui sert à former le nom des habitants d'un lieu (ici le k final de Nunavik s'assimile au m qui le suit, d'où mm). La forme en -titut est le pluriel d'un cas de déclinaison appelé simulatif ou comparatif, utilisé pour marquer la ressemblance ou l'égalité. Littéralement on le traduit par "comme les habitants du Nunavik", ce qui renvoie d'une manière général à la culture dans sa globalité, mais avant tout à la langue, donc le terme nunavimmiutitut désigne dans la langue simplement le parler des habitants du Nunavik. Remarquez que c'est absolument la même chose que nous avons avec inuktitut, qui veut simplement dire ici "parler des Inuit (sg Inuk)". Ce genre d'expression présente un assez haut degré de figement, on a tendance à l'employer comme une forme pseudo-adverbiale invariable comme dans : inuktitut uqaqpuq "parler inuktitut", inuktitut nalunaqtualuk "l'inuktitut c'est très compliqué" (litt. "qui engendre de l'ignorance").

[modifier] Phonologie

Le système phonologique du nunavimmiutitut comprend, comme tous les parlers inuits, trois voyelles, et treize consonnes, ce qui en fait un des systèmes consonantiques les plus réduits parmi les parlers inuits, les plus riches ne dépassant toutefois pas les seize consonnes.


La longueur vocalique est un trait pertinent en toute position, initiale, médiane et finale. C'est un système d'opposition à deux degrés, bref vs long et qui concerne chaque timbre vocalique, comme il en existe beaucoup à travers le monde.

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