Georges Devereux

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Georges Devereux (1908-1985) fut un psychanalyste et anthropologue franco-américain d'origine juive, né en Banat, alors en Autriche-Hongrie, aujourd'hui en Roumanie. Il fut un des parents de l'ethnopsychanalyse.

Sommaire

[modifier] Biographie

Devereux naquit sous le nom de Győrgy Dobó (version hongroise du nom antérieur de ses parents juifs - Deutsch) en 1908 à Lugos = Lugoj en Transylvanie, plus exactement en Banat (dont la plus grande partie fera partie de la Roumanie). Il s'avéra très tôt polyglotte à l'exemple de ses parents. Il parlait le hongrois , l' allemand , le roumain, et le français. Il écrivait aussi des vers et avait un talent musical. Il apprit à très bien jouer du piano et composa même des mélodies.

Après le suicide de son frère plus âgé en 1926, il partit en Allemagne et en France, où il fréquenta des milieux artistiques et littéraires, apprit le métier de libraire, fit la connaissance de Klaus Mann et d' Eugène Ionesco etc. Il tenta d'étudier la physique et la chimie à Paris, sous la direction de Marie Curie et Jean Perrin, mais abandonna après un an et demi. Il continua sa formation à l'école des langues orientales (où il apprit le malais) et à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, notamment auprès de Marcel Mauss, Paul Rivet et Lucien Levy- Bruhl, pour des études de sociologie et d'anthropologie.

Dans le cadre de ses études d'anthropologie, il se rendit en Indochine française étudier les populations Sedang Moi dont il apprît aussi la langue. Puis il partit aux États-Unis, à l'Université de Berkeley, pour apprendre l'anthropologie avec Alfred Kroeber et Robert Lowie. Dans le cadre de ses études, il ira vivre parmi les Amérindiens Mohave, apprit leurs langue et moeurs. Il fit ensuite son doctorat sur leur mentalité et leur vie sexuelle. Il dira que les Mohave lui ont mieux fait comprendre les idées de Freud.

En 1933, Győrgy Dobó renonça à la religion juive et se fit baptiser, prenant le nom de famille français de Devereux - ce nom pouvant toutefois rappeler le mot roumain evreu qui signifie juif (comme l'a fait remarquer Tobie Nathan texte en ligne.

Il suivit une cure psychanalytique auprès de Marc Schlumberger, écourtée après un an. Il entreprit alors une deuxième analyse auprès de Robert Jokl, et fera après cela un stage psychanalytique de quelques années à la clinique Menninger de Topeka, Kansas, où étaient admis aussi des non-médecins. Par la suite, il sera reçu membre de l'American Psychoanalytic Association ce qui lui confèrera la qualité de membre de la Société Psychanalytique de Paris lorsqu'il émigrera à Paris.

En 1963, Claude Lévi-Strauss et Roger Bastide l'aideront à rejoindre l'École pratique des hautes études.

[modifier] Influence

Devereux fut un pionnier de l'ethnopsychanalyse, démontrant la nécessité de combiner plusieurs approches. Il sera proche de l'école de Chicago ainsi que de l'egopsychology. Il défend l'idée de l'universalité du complexe d'Oedipe. Il pense que l'homme ne se construit pas qu'avec sa culture. Il a une approche transculturelle et développe le courant complémentariste (entre anthropologie et psychanalyse). Il se démarque du courant culturaliste dont il fut très proche (Linton, Margaret Mead) et des approches évolutionnistes, postulant le déterminisme biologique. Selon Laplantine, Devereux est le fondateur de l'ethnopsychiatrie, celle-ci devant être perçue comme une ethnopsychanalyse.

La seconde génération de l'École de Zurich de l'ethnopsychanalyse (Mario Erdheim, Maya Nadig et d'autres) est fortement influencée par Devereux. L'un de ses élèves connus en France est Tobie Nathan qui en se détournant de la psychanalyse a développé ses propres idées.

  • Transculturalisme

[modifier] Méthodologie

Dans De l’angoisse à la méthode (1985), Devereux suggère de reconsidérer la question des rapports entre observateur et observé dans les « sciences du comportement » (sciences humaines, zoologie,…) en s’inspirant du modèle de la cure psychanalytique.

Il y soutient la thèse suivante : le principe méthodologique classique qui commande au chercheur de tout mettre en œuvre pour considérer ce qu’il observe d’un point de vue strictement objectif est non seulement vain, mais surtout contreproductif.

Selon Devereux, l’observateur doit se replacer au cœur du processus et considérer qu’il n’observe jamais que des réactions à ses propres observations, qu’il n’y a pas de données indépendantes de son travail d’observation. Plus précisément, les seules « données » dont dispose le chercheur sont constituées par ses propres réactions – « et c’est cela que je perçois » - aux réactions qu’il suscite. Pour Devereux, l’observateur doit penser sa relation à l’observé de la même manière que le psychanalyste aborde la relation à son patient. L'analyste ne travaille que sur les réactions de transfert dont il fait l’objet et sur ses propres réactions de contre-transfert. Ce sont là les seules données pertinentes. Il doit en être de même, assure Devereux, dans toute démarche d’enquête portant sur des humains (ou des animaux). La « subjectivité » du chercheur, au lieu d’être considérée comme une source d’erreur, doit donc être envisagée comme une ressource, la seule ressource même, dont dispose celui qui entretient le projet de comprendre une activité humaine quelconque. « Par bonheur, ce qu’on appelle les « perturbations » dues à l’existence de l’observateur, lorsqu’elles sont correctement exploitées, sont les pierres angulaires d’une science du comportement authentiquement scientifique et non – comme on le croit couramment – un fâcheux contretemps dont la meilleure façon de se débarrasser est de l’escamoter » (1980, p. 30).

[modifier] Ouvrages

Devereux est l'auteur de près de 400 textes. Parmi ceux-ci figurent :

  • Psychothérapie d'un indien des plaines: réalités et rêve, [1951], rééd. Fayard, 1998, ISBN 2213600244
  • Ethnopsychiatrie des indiens mohaves, Ed.: Empecheurs Penser en Rond, 1996, ISBN 2908602830
  • De l'angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Paris, Flammarion, 1980 [1967 pour l'édition originale en anglais], 474 p. Ed.: Aubier Montaigne, 1998, ISBN 2700721861
  • Essais d'ethnopsychiatrie générale, Paris, Gallimard, 1970 (réédité en coll. Tel, 1983, ISBN 2070282066
  • Ethnopsychanalyse complémentariste, Paris, Flammarion, 1985 [première édition 1972], 375 p.
  • Femme et Mythe, Paris, 1982, Flammarion, rééd. coll. Champs-poche: 1999, ISBN 2080811800
  • Les rêves dans la tragédie grecque, Paris, Les Belles Lettres, coll. «Vérité des mythes», 2006, 522 p. (ISBN 2251324380) Traduction de Dreams in Greek tragedy : an ethno-psycho-analytical study, Berkeley University Press, 1976.
  • Tragédie et poésie grecques, Ed.: Flammarion, 1992, ISBN 2082106454
  • Cléomène le roi fou: Études d'histoire ethnopsychanalytique, Paris, Aubier, 1998, ISBN 2700721144

Il a également fondé et dirigé la revue Ethnopsychiatrica.

[modifier] Références

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • Collectif : Georges devereux, une voix dans le monde contemporain, in Le Coq-Héron, no 190, 2007, éd.: eres ISBN 9782749207827
  • Elisabeth Burgos, Georges Devereux, Mohave, Le Coq-Héron, n°109, 1988, p.71-75
  • Marie-Christine Beck, La jeunesse de Georges Devereux. Un chemin peu habituel vers la psychanalyse, "Revue Internationale d'Histoire de la Psychanalyse", 1991, 4, 581-603
  • Simone Valantin-Charasson , Ariane Deluz , Contrefiliations et inspirations paradoxales : Georges Devereux (1908-1985), Revue Internationale d'Histoire de la Psychanalyse, 1991, 4, 605-617
  • Françoise Michel-Jones, Georges Devereux et l'ethnologie française. Rencontre et malentendu, Nouvelle revue d'Ethnopsychiatrie, 1986, n°6, 81-94
  • Roland Jaccard : L'exil intérieur: schizoïdie et civilisation, Ed. : PUF, 1975, ASIN B0000DLNVW
  • Tobie Nathan : L'héritage du rebelle. Le rôle de Georges Devereux dans la naissance de l'ethnopsychiatrie clinique en France texte en ligne.



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