Enseigne de Gersaint

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Watteau, L'Enseigne de Gersaint, 1720 - Berlin, château de Charlottenburg
Watteau, L'Enseigne de Gersaint, 1720 - Berlin, château de Charlottenburg

L'Enseigne de Gersaint est une huile sur toile de grande dimension (1,66 m x 3,06 m) peinte en quelques jours à l'automne 1720 par Jean Antoine Watteau peu de temps avant sa mort pour servir de panneau publicitaire à son ami marchand de tableau Edmé-François Gersaint, dont la galerie est située à Paris sur le pont Notre-Dame. L'enseigne est accrochée quinze jours à l'extérieur et fait l'admiration de tout Paris. La vie et les activités de ce célèbre marchand d'art sont évoquées dans tous leurs détails par Guillaume Glorieux dans son étude réalisée à partir de nombreuses pièces d'archives.

Le tableau est d'une très grande originalité, car il représente une scène tout à fait ordinaire de la rue (un intérieur de boutique avec ses clients et ses vendeurs). En traitant d'un sujet de la vie quotidienne, elle est « contraire à toutes les normes artistiques de l'époque[1] » et représente une œuvre complètement atypique.

« Cette œuvre de circonstance [...] réalise un double prodige : d'une part elle constitue un document inestimable sur la vie urbaine de l'époque ; d'autre part, par la modernité de sa facture, elle annonce les grands observateurs de la vie parisienne, que seront, plus d'un siècle plus tard, Daumier, Manet ou Degas[2]. »

Même si le projet du tableau est longuement médité, on peut voir des repentirs — le peintre repense notamment la ligne de fuite du tableau ou la position de la femme au comptoir. L’enseigne de Gersaint est peinte sur deux morceaux, une division peut s’expliquer par la petite taille de la boutique (trois mètres sur trois mètres). Il faut savoir que l'enseigne ne représente pas les vraies œuvres vendues, les vrais clients, etc. D’ailleurs les visages sont très peu caractérisés, ce ne sont pas des portraits. Cette toile est donc une vision repensée, une vision idéale de la boutique de Gersaint. En ce qui concerne l’influence de Watteau, il s’agit sans nul doute des peintres italiens du XVIe siècle siècle et flamands du XVIIe siècle ; les tableaux accrochés aux murs sont « dans le goût de » ces peintres-là.

Il faut noter également qu’il manque la devanture (une femme est en train de rentrer dans la boutique, sur la gauche) ; nous voyons, aussi, les pavés de la rue. Dans le fond, à droite, un marchand présente une scène mythologique. Le chien, à droite, dans l’angle, est directement inspiré de ceux du Couronnement de Marie de Médicis par Rubens. Watteau rend comme un hommage à ce peintre. Au comptoir, un homme et sa femme regarde un miroir, nous ne savons pas s’ils admirent leurs reflets ou s’ils admirent l’objet lui-même.

Gersaint vend aussitôt le tableau à Claude Glucq qui demandera à Pater d'en exécuter une copie ; il le cèdera plus tard - sans doute à cause d'embarras financiers - à son cousin germain Jean Jullienne[3] (un industriel) qui cèdera à son tour la toile en 1744 au comte Rothenburg, l'agent du roi de Prusse Frédéric II, dit Frédéric le Grand. Le chef d'œuvre se trouve donc aujourd'hui à Berlin au Staatliche Museen.

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