Deux cents familles

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L'expression « deux cents familles » désignait les deux cents plus gros actionnaires (sur près de 40.000) de la Banque de France pendant l'Entre-deux-guerres.

Le slogan a été lancé par Édouard Daladier, président du Conseil, lors du Congrès radical de Nantes en 1934:

« Deux cents familles sont maîtresses de l'économie française et, en fait, de la politique française. Ce sont des forces qu'un État démocratique ne devrait pas tolérer, que Richelieu n'eût pas tolérées dans le royaume de France.
L'influence des deux cents familles pèse sur le système fiscal, sur les transports, sur le crédit. Les deux cents familles placent au pouvoir leurs délégués. Elles interviennent sur l'opinion publique, car elles contrôlent la presse. »

Depuis la création de la Banque de France en 1800, ce système s'est instauré légalement, puisque selon l'article 11 des statuts de la Banque de France, (fixés par la loi du 24 Germinal an XI, loi confirmée par Napoléon Ier le 22 avril 1806), « Les 200 actionnaires qui composeront l'Assemblée générale seront ceux qui seront constatés être, depuis six mois révolus, les plus forts propriétaires de ses actions. »

Ces 200 membres de l'Assemblée générale avaient ainsi le pouvoir de désigner 15 membres du Conseil de régence de la Banque de France.

Dans le contexte de la Grande Dépression économique des années 1930, le slogan des "200 familles" a été repris aussi bien par l'extrême-droite que par les anarchistes, le Front populaire, et même Léon Trotsky, qui écrit « Dans le cadre du régime bourgeois, de ses lois, de sa mécanique, chacune des "deux cents familles" est incomparablement plus puissante que le gouvernement Blum » (in Où va la France ?, 1936).

Après avoir été un thème de campagne électorale, le système de régence fut réformé par une loi du Front populaire, le 24 juillet 1936:

  • 1 gouverneur (assisté de 2 sous-gouverneurs) continue de diriger la Banque.
  • Il n'a plus à justifier de la propriété d'actions de la Banque.
  • La pratique du serment, tombée en désuétude, est rétablie.
  • Le conseil général regroupe le gouverneur, les 2 sous-gouverneurs, les 3 censeurs élus par l'assemblée et 20 conseillers (remplaçant les 15 régents précédents) : 2 sont élus par l'assemblée, 9 représentent les intérêts de la nation, 8 sont choisis au titre des intérêts économiques et des usagers du crédit, 1 élu par le personnel de la Banque.
  • Par souci d'égalité, au sein de l'assemblée générale, 1 actionnaire = 1 voix.

Cependant, si le système des "200 actionnaires" a été réformé, les Accords de Matignon du 7 juin 1936, pris entre la Confédération Générale du Travail (CGT) et la Confédération générale de la production française (CGPF, ancêtre du MEDEF) sont parfois considérés comme nuisibles aux petites entreprises, favorisant la concentration industrielle, et renforçant ainsi le pouvoir des 200 familles.

Ainsi, dans Organized Business in France (1957, traduit en français sous le titre La politique du patronat français : 1936-1955, Colin, 1959), le professeur Henry Walter Ehrmann, du Dartmouth College, écrit:

« Beaucoup d'industriels et de commerçants moyens affiliés à la CGPF estimaient, et ils n'avaient pas tort, que leurs propres organisations les excluaient des activités de l'association.
Les trusts qui les contrôlaient et une douzaine de « grands commis » qui dirigeaient la CGPF en leur nom étaient, aux yeux de beaucoup, de petites entreprises industrielles et commerciales, aussi néfastes que la propagande du Front populaire.
Craignant les conséquences de la nouvelle législation sociale, les petits patrons avaient le sentiment d'avoir été trahis et persistaient à croire à un complot entre « les 200 familles » et le gouvernement marxiste. »

[modifier] La Liste des 200 Familles

Dans La Banque de France au mains des 200 Familles (Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, 1936),Francis Delaisi recensait ces 200 familles, parmi lesquelles:

Famille Rothschild (Banque )
Famille Tapie (Sport)
Famille de Wendel (Industrielle)
Famille Louis-Dreyfus (Négoce de grains)
Famille Gradis (Commerce)
Famille Darblay (Industrielle)
Famille Stern
Famille Schlumberger
Famille Schneider
Famille Lazard
Famille Worms
Famille Mallet
Famille Hottinguer
Famille Mirabaud
Famille Vernes
Famille Fould
Famille Davillier
Famille Raphaël
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[modifier] Références bibliographiques

  • Henry Coston: Le retour des « 200 familles », Documents et Témoignages, 1960
  • Jean-Yves Capul et Olivier Garnier: Dictionnaire d'économie et de sciences sociales, Hatier, 1993
  • Quid 1998