Colonie Dignidad

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La colonie Dignidad est, à l'origine, un camp d'éducation fondé au Chili en 1961 par un ancien nazi, Paul Schäfer (ou Schaefer), brancardier de la Wehrmacht.

Schäfer avait déjà été, dans la jeune RFA, le fondateur d'un établissement destiné aux orphelins de guerre. Œuvre louable en apparence mais qui avait fini par attirer l'attention de la justice en raison de plusieurs plaintes révélant la pédophilie de Schäfer. Néanmoins, ce dernier parvient, non seulement à échapper aux poursuites en s'exilant au Chili mais, de surcroît, à se voir attribuer, par les autorités chiliennes, un territoire de 3000 ha au sud de Santiago. Territoire sur lequel il est censé reproduire son action "caritative" auprès des populations déshéritées de la région. C'est ainsi que naît la Colonie Dignidad.

La réalité sera bien différente. La Colonie Dignidad étend son territoire et finit par constituer, en plein territoire chilien, une enclave hermétique mais néanmoins prospère de plusieurs centaines de kilomètres-carrés, accumulant privilèges et exemptions. Bref, une zone de non-droit dans laquelle Schäfer, nostalgique du IIIe Reich, règne en maître absolu tout en profitant de sa position pour donner libre cours à ses penchants sexuels pervers. Le régime d'Augusto Pinochet et sa DINA (la police politique chilienne) fermeront complaisamment les yeux, trouvant dans la Colonie Dignidad une base arrière bien confortable dans le cadre de l'Opération Condor. La "Colonie" a en effet servi d'usine d'armements, de centre de torture et de base de retransmission des informations sur les opposants marxistes et socialistes. De même que Pinochet, Manuel Contreras visitait régulièrement la Colonia Dignidad [1].

L'impunité dont bénéficiait la Colonie Dignidad va progressivement s'effriter après le départ de Pinochet (1990). En 1991, elle perd son statut d'association caritative et se rebaptise "Villa Bavaria" (ou Baviera). En 1996/1997, l'étau se resserre autour de Paul Schäfer, accusé d'abus sexuels sur mineurs et de torture. En 1997, Schäfer disparaît de la circulation et échappe aux enquêteurs durant plusieurs années. Il est alors âgé de 76 ans, et certains le donnent pour mort. Il est finalement capturé en Argentine en mars 2005.

Interrogé en mars 2005 par le juge Alejandro Madrid à propos de la mort de l'ancien président chrétien-démocrate Eduardo Frei Montalva, l'américain Michael Townley, agent de la DINA, avoua l'existence de liens entre la Colonia Dignidad, et le Laboratoire de guerre bactériologique de l'armée chilienne de l'autre coté. Les enquêteurs soupçonnent que le poison qui a tué Frei Montalva dans la clinique de Santa Maria en 1982 a été élaboré dans cet endroit. Ce nouveau laboratoire de l'armée, à l'intérieur de la Colonia Dignidad, aurait été, selon Townley, le successeur du laboratoire de la DINA Via Naranja de lo Curro, où Townley travaillait avec le chimiste Eugenio Berrios. Townley a aussi témoigné au sujet d'expériences biologiques commises sur des prisonniers dans ce camp de détention [2].

[modifier] Références

  1. Paul Schäfer et la « Colonia Dignidad » : réminiscences nazies au pays de Pinochet (Mémoire brute), Les Territoires de la Mémoire, n°42, octobre-décembre 2007
  2. Michael Townley fue interrogado por muerte de Frei Montalva, Radio Cooperativa, 30 mars 2005

[modifier] Bibliographie

  • Frédéric PLOQUIN et Maria POBLETE, La colonie du docteur Schaefer, une secte nazie au pays de Pinochet, Fayard, 2004.
  • John Dinges, Les Années Condor, La Découverte, 2005.