Augusto Pinochet

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Augusto Pinochet
30e Président de la République du Chili

Actuellement en fonction
Mandat

17 décembre 1974 - 11 mars 1990

Depuis le 17 décembre 1974

Élu(e) le
Réélu(e) le {{{réélection1}}}
Prédécesseur Salvador Allende
Successeur Patricio Aylwin

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Autres fonctions
Président de la Junte de Gouvernement
Mandat
11 septembre 1973 - 17 décembre 1974
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Successeur José Toribio Merino

Général en chef des armées chiliennes
Mandat
1973 - 1998
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Biographie
Nom de naissance Augusto José Ramón Pinochet Ugarte
Naissance 25 novembre 1915
Valparaíso (Chili)
Décès 10 décembre 2006
Santiago (Chili)
Nationalité Chilienne
Conjoint Lucía Hiriart
Enfants {{{enfants}}}
Diplômé de
Profession Militaire
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Résidence(s)
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Président de la République du Chili

Augusto José Ramón Pinochet Ugarte [pinoˈʧεt] plus couramment appelé Augusto Pinochet (né le 25 novembre 1915 à Valparaíso, Chili et mort le 10 décembre 2006 à Santiago), est un militaire[1]chilien et un chef d'État[2], général en chef des armées chiliennes de 1973 à 1998, président de la junte militaire gouvernant le Chili de 1973 à 1981 et président de la république du Chili de 1981 à 1990.

Le général Pinochet a pris le pouvoir le 11 septembre 1973 à la suite d'un coup d'État militaire[3] contre le gouvernement d'Unité Populaire du président socialiste légalement élu en 1970, Salvador Allende. Le coup d'État a lieu dans un contexte de guerre froide, de polarisation politique nationale extrême et de crise économique et sociale[4]. Le général Pinochet gouverne le pays pendant 17 ans, d'abord à la direction d'une junte militaire dont il écarte progressivement les autres membres, puis comme président de la république dans le cadre d'un régime constitutionnel autoritaire à partir de 1980.

Son régime est d'abord marqué par de multiples violations des droits de l'homme (plus de 3 000 morts et disparus, principalement dans les 5 premières années du régime selon le rapport Rettig, plus de 27 000 torturés), lesquelles ont fait l'objet de deux rapports et de 4 procédures judiciaires dans les années 1990 et 2000. Il est également marqué par un développement économique appelé le « Miracle chilien »[5] mené par les Chicago boys à partir de 1977[6], postérieurement à la poursuite de politiques économiques interventionnistes[7] bien que celles-ci soient cependant relativisées ou contestées par les opposants aux réformes économiques néolibérales[8],[9],[10].

En 1988, il perd le référendum populaire qu'il avait organisé pour se maintenir au pouvoir, organise la transition démocratique et cède le pouvoir à Patricio Aylwin le 11 mars 1990. Il reste commandant en chef de l'armée chilienne jusqu'en 1998, puis devient sénateur à vie, en tant qu'ancien président.

En novembre 1998, il est arrêté à Londres à la suite d'une plainte internationale pour les violations des droits de l'homme commis alors qu'il dirigeait le pays. Personnalité très controversée au Chili, il est mort en décembre 2006 sans qu'aucune des procédures judiciaires intentées contre lui n'ait aboutie.

« Ses partisans estiment qu'il a sauvé le Chili du communisme et le considèrent comme le père du miracle économique, alors que ses adversaires lui reprochent les crimes sanglants de la dictature »[11].

Sommaire

Origines

Augusto Pinochet est né dans une famille de la classe moyenne, descendant d'une famille française arrivée au Chili au XVIIIe siècle, originaire de la ville de Lamballe, en Bretagne. Le premier Pinochet, marin, est arrivé à Concepción avec un bateau chargé de marchandises, ne pouvant rien débarquer car seuls les royalistes espagnols avaient le droit de commercer, il se marie alors dans la noblesse locale pour pouvoir débarquer ses marchandises ; leur fils fut capitaine dans l'armée chilienne. L'épouse d'Augusto Pinochet, Lucía Hiriart Rodríguez, fille d'un ancien ministre radical, est quant à elle descendante d'immigrés basques français (famille Hiriart de Nilo). Ils ont eu trois filles et deux garçons[12].

Études et carrière militaires

Il fait ses études primaires et secondaires au Seminario San Rafael à Valparaíso, à l'Institut Rafael Ariztía Frères maristes à Quillota et à l'école des Pères Français à Valparaíso.

En 1933, à 18 ans et après trois tentatives, il entre dans une école militaire. Quatre années plus tard, il obtient le grade d’Alférez (sous-lieutenant) dans l'infanterie[13]. Il commence dès lors son service militaire et en septembre 1937, rejoint le régiment « Chacabuco » à Concepción avant d'obtenir le grade de lieutenant en 1939.

En 1947, lors des débuts de la guerre froide, le capitaine Pinochet est responsable d'un camp de prisonniers à Iquique où sont détenus les dirigeants du Parti communiste sur ordre du président Videla.

En 1953, il devient commandant et officier d'état-major. Il termine ses études à l'Académie de guerre de Santiago[14]. En 1955, il commence ses études de Droit à l'Université du Chili[15].

En 1963, il dirige l'école militaire de Santiago[16].

En 1967, il est promu au rang du colonel[17]. En 1968, le général Alfredo Mahn le nomme chef d'État-Major dans la Division Santiago[18]. L'année suivante, en 1969, il est nommé chef de la Sixième Division à Iquique (ville la plus importante du nord du Chili, c'est la capitale de la región de Tarapacá)[19].

En 1970, Eduardo Frei (président du Chili de 1964 à 1970) le nomme général de brigade. L'année suivante, il officie comme aide de camp du dictateur cubain Fidel Castro pendant sa visite d'état au Chili. En 1972, il est nommé chef d'état major du général Carlos Prats, commandant de l'armée de terre. Il est ensuite nommé général de division sur recommandation de ce dernier en juin 1973.

Après l'élection du docteur Salvador Allende à la présidence de la république, la situation économique du Chili se dégrade rapidement, notamment en raison des grèves incessantes, celle des camionneurs en tête. L'inflation atteint 150 %. La CIA soutient les divers opposants[20].

Le 23 août 1973, alors que le Parlement vient de voter la veille la destitution du Président de la République Salvador Allende et appelle la population à la désobéissance civile, le président contre-attaque et, pour rétablir l'ordre, nomme commandant en chef de l’armée chilienne Augusto Pinochet, connu seulement pour être viscéralement anti-communiste mais aussi catalogué comme un militaire « sans épaisseur »[21].

Pinochet se tient alors à l'écart des complots divers qui se trament, ce qui lui vaut sur le coup une réputation d'homme loyal au régime[22].

Le pays est au bord de la guerre civile: les milices ouvrières de l'Unité populaire soutiennent le président Allende, tandis que la majorité parlementaire rencontre l'adhésion d’une grande partie de la société chilienne mais aussi de nombreux officiers et, secrètement, du gouvernement des États-Unis d'Amérique, inquiet de la tournure que prennent les événements et notamment, de la nationalisation par le nouveau régime des mines de cuivre appartenant au groupe ITT.

La prise de pouvoir de septembre 1973

D'abord loyal à Allende, le général Pinochet se joint in extremis au complot organisé par l'amiral Jose Toribio Merino, et le commandant en chef de l'armée de l'air, le général Gustavo Leigh. Le complot débouche sur le coup d'état du 11 septembre 1973, pendant lequel le palais présidentiel (Palacio de la Moneda) est bombardé avec des avions de fabrication britannique Hawker Hunter. Allende est contraint au suicide, et la répression commence pour ses partisans ou suspectés tels : le stade national sert de prison à ciel ouvert pour 40 000 personnes. Selon le rapport Rettig publié en 1991, le nombre de victimes de la junte militaire est de 2 279 victimes, dont 641 tués pour des motifs non élucidés (crapuleux ou politiques), et de 957 disparus[16]. La Commission chilienne sur la prison politique et la torture dans le rapport Valech en 2004 comptabilise 33 221 arrestations arbitraires et cas de tortures entre 1973 et 1990, dont 27 255 personnes pour des raisons politiques. Environ 200 000 personnes se sont exilées durant la période du régime militaire[23].

La crise politique fut une conséquence de l'appel de la population et est « garant de la défense de l'unité nationale, menacée par la guerre civile et les dissensions ».

Le chef du pouvoir (1973-1990)

Icône de détail Article détaillé : Régime militaire d'Augusto Pinochet.

Dès le 12 septembre 1973, Augusto Pinochet prend cependant l'ascendant sur la junte et met fin aux espérances de la droite chilienne des conservateurs et des démocrates chrétiens qui s'attendaient à récupérer le pouvoir exécutif. Au contraire, le parlement est dissout. Le communisme est interdit et les partis politiques sont suspendus. Les opposants sont traqués et assassinés, y compris à l'étranger (opération Condor, 1975).

En 1974, Pinochet est à l'origine de la création de la DINA, police politique qui recourt aux disparitions et aux assassinats[24].

En novembre 1975, le général Pinochet est au premier rang de ceux qui viennent assister à l'enterrement du généralissime Francisco Franco, caudillo-régent d'Espagne, manifestant ainsi son admiration pour son action, bien que le système économique que Pinochet va mettre en place, soit le contraire du système de contrôle étatique franquiste.

Le nouveau régime recourt en effet à des économistes, les Chicago Boys, de jeunes économistes chiliens influencés par l'Ecole de Chicago de Milton Friedman, pour redresser l'économie du pays. Pendant les huit premières années (puis de 1984 à 1989) le taux de croissance dépasse alors les 7 % par an alors que la classe moyenne se développe, que l'analphabétisme recule et que l'inflation chute de 500 % à 30%[16]. Pour la droite et les milieux d'affaires, Pinochet devient « l'homme qui a sauvé le Chili du communisme »[25] et fait décoller le pays en privatisant les grandes entreprises d'État, à l'exception notable des mines de cuivre du nord du pays qui avaient été nationalisées sous le régime de Salvador Allende[26].

Augusto Pinochet avec le général argentin Jorge Rafael Videla, en 1978
Augusto Pinochet avec le général argentin Jorge Rafael Videla, en 1978

Sur le plan international, le général Pinochet s'assure le soutien discret des États-Unis et l'approbation tacite des pays d'Europe occidentale[27]. Les relations sont même très bonnes avec certains d'entre eux comme Margaret Thatcher, le premier ministre britannique, notamment après que le Général Pinochet lui a apporté un soutien décisif dans la guerre des Malouines contre l'Argentine (1982), pourtant dirigée également par une junte militaire.

En 1977, le terme de « chilenité » est avancé comme idéologie justificatrice du régime, à savoir un ensemble de « valeurs morales indéfectibles » basées sur la foi chrétienne, la défense de la dignité et de la souveraineté de la nation[28].

En avril 1978, les lois d'amnistie garantissent l'impunité contre les poursuites judiciaires aux auteurs de crimes et exactions liés au coup d'état, commis entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1978 à l'exception de l'assassinat de l'ancien ministre Orlando Letelier[16]. Il écarte également de la direction de la junte militaire son rival, le général Gustavo Leigh, commandant en chef de l'armée de l'air, qui s'était déclaré en faveur d'un plan de normalisation démocratique sur cinq ans, et l'organisation d'élections.

Le 11 septembre 1980, le général Pinochet organise un référendum par lequel 67 % des électeurs approuvent une nouvelle constitution qui lui accorde un mandat de 8 ans en tant que président de la république[29].

Défilé du 9ème anniversaire du coup d’État, 11/09/1982 à La Moneda
Défilé du 9ème anniversaire du coup d’État, 11/09/1982 à La Moneda
Augusto Pinochet et Eugenia Garrido, maire de la station balnéaire de Viña del Mar à la fin des années 1980
Augusto Pinochet et Eugenia Garrido, maire de la station balnéaire de Viña del Mar à la fin des années 1980

En 1982 et 1983, l'économie stagne, l'inflation s'envole et le PIB chute de près de 14 % alors que la répression contre les opposants s'accentue. En 1984, la croissance repart (5% de hausse par an)

Le 11 mai 1983, les ouvriers, les mineurs du cuivre, et les étudiants organisent leur première grande protestation contre le régime[16].

Le général Pinochet avait entretenu de bonnes relations avec le nonce apostolique en Argentine, Mgr Angelo Sodano, qui deviendra cardinal de la curie romaine[30].

Le 5 novembre 1984, l'état de siège est décrété. En septembre 1986, le général Pinochet échappe à un attentat perpétré par le Front patriotique Manuel-Rodriguez, la branche militaire du Parti communiste[31].

En avril 1987, le général Pinochet accueille au Chili le Pape Jean-Paul II qui lui rappelle que « le peuple a le droit de jouir de ses libertés fondamentales, même s’il commet des erreurs dans l’exercice de celles-ci »[32].

En 1988, il sollicite la prorogation de son mandat à la présidence du pays par le biais d'un référendum, comme le prévoit la constitution. Tous les partis politiques sont alors de nouveau légalisés. Soutenu par tout un nombre d'organisations internationales et de pays et après une véritable campagne électorale menée par les deux camps en présence, 53 % des électeurs lui refusent ce mandat (contre 45 %)[31].

Il organise alors la transition démocratique qui aboutit en mars 1990 à l'intronisation du démocrate chrétien Patricio Aylwin comme président de la République.

Le général Pinochet reste alors encore pendant sept ans chef des armées et en profite, à ce titre, pour parcourir le monde de la Chine à la Russie.[réf. nécessaire]

Le commandant en chef de l'armée (1990-1998)

En 1990, la commission vérité et réconciliation publie le rapport Rettig sur le bilan humain du régime du général Pinochet, promis par le président Alwyn durant la campagne électorale de 1989, sur fond de consensus national.

En tant que commandant en chef de l'armée, le général Pinochet apparaît alors jouer un rôle de modérateur au sein de celle-ci alors que plusieurs de ses anciens cadres sont mis en cause devant les tribunaux à commencer par Manuel Contreras, l'ancien chef de la DINA. Tandis que certains généraux disent publiquement qu'ils ne tolèreront pas d'autres procès contre ses membres pour les violations des droits de l'homme commis sous le régime militaire, les dirigeants démocrates-chrétiens admettent que le général Pinochet tient alors un rôle primordial pour calmer les ardeurs des plus belliqueux des militaires. Certains estiment que par tactique ou par ruse, il s'est résigné à ce que des châtiments modérés soient infligés à quelques boucs émissaires[33].

En 1995, il manifeste pour la première fois une exaspération publique contre un projet de loi du gouvernement visant à réduire le pouvoir de l'armée, en supprimant les 9 sièges de sénateurs désignés par les militaires et en donnant au président la faculté de déplacer des officiers supérieurs ou de les mettre d'office à la retraite. Le gouvernement offre en échange une loi dite de point final sur le modèle argentin.

Néanmoins, en 1995, pour une majorité de chiliens, le général Pinochet fait alors figure de « papi bonhomme », une sorte de « paysan roublard » et rusé qui apparaît ainsi dans une émission satirique « les Toppins », équivalents de l'émission des guignols de l'info en France. Avec 40 % de bonnes opinions, il est alors la 3e personnalité la plus populaire du Chili après le président Frei et le footballeur Ivan Zamorano[34].

Le sénateur face aux procédures judiciaires (1998-2006)

En 1998, atteint par la limite d'âge, il quitte son poste de commandant en chef de l'armée. Il devient désormais sénateur à vie en tant qu'ancien président de la république.

Arrestation à Londres

Le 16 octobre 1998, alors qu'il est à Londres pour des examens médicaux, le général Pinochet est placé en état d'arrestation puis assigné en résidence surveillée, suite à un mandat d'arrêt international émis par le juge espagnol Baltasar Garzón. En Espagne, deux procédures sont en cours: le juge Manuel García Castellón enquête sur l'assassinat ou la disparition de ressortissants espagnols au Chili entre septembre 1973 et décembre 1983 tandis que Baltasar Garzón enquête sur « l'opération Condor ». Les deux juges accusent l'ancien dictateur de « génocide, de tortures, de terrorisme international et d'enlèvements »[35].

Contexte chilien

L' arrestation d'Augusto Pinochet place les gouvernements chiliens et britanniques dans l'embarras: le premier, parce qu'au nom de la souveraineté nationale et pour satisfaire l'armée, il doit réclamer sa remise en liberté[36]; le second, parce qu'il s'interroge sur sa compétence juridique[37] et parce que comme le rappelle Pinochet dans une déclaration, le ministère des Affaires étrangères britannique était au courant de sa visite au Royaume-Uni[38].

En signe de protestation, le gouvernement chilien d'Eduardo Frei envoie ses ministres à Londres et suspend les échanges interministériels[39] et oblige les députés socialistes Isabel Allende et Juan Pablo Letelier, partis à Londres pour dénoncer « les crimes du régime militaire », à faire amende honorable le 3 décembre alors que Ricardo Lagos, le candidat de la Concertation, demande à son tour le retour de Pinochet au Chili[40].

Tandis qu'à Londres, les exilés de la dictature manifestent pour réclamer le jugement de Pinochet, au Chili, l'arrestation du vieux général fait craindre le retour des tensions internes entre les partisans et opposants à Pinochet : le 2 décembre, un sondage de l'institut Mori, commenté par la sociologue Marta Lagos est publié dans les journaux chiliens selon lequel 45 % de chiliens jugent négativement son arrestation contre 44 % qui la jugent positivement. Selon le même sondage, 63 % des chiliens pensaient que le général Pinochet était responsable des faits qui lui étaient reprochés mais 57 % jugeaient que c'était aux tribunaux chiliens de se prononcer et non une juridiction étrangère[41].

Le Chili est alors en période d'élection présidentielle dont la campagne illustre la divergence des opinions : Joaquín Lavín, candidat de Union démocrate indépendante, partisan de Pinochet, axe sa campagne autour du retour au Chili du général Pinochet, tandis que Ricardo Lagos, membre de l'alliance Parti socialiste-Parti pour la démocratie « estime que la question doit être traitée comme une simple affaire judiciaire ou diplomatique ».[42]. Après le résultat du premier tour, Lagos est mis en ballotage, ce que la droite pinochetiste considère comme une victoire, dans la mesure où elle est parvenue à rallier un nombre important de suffrages démocrates-chrétiens. Lagos est néanmoins élu au second tour avec une marge très étroite, soit 48,69 % des voix contre 47,52 % à Lavin[43].

Procédure britannique

Mettant en exergue son statut d'ancien chef d'État, la Haute Cour de justice d'Angleterre et du pays de Galles conclut que poursuivre Augusto Pinochet enfreint l'immunité dont il bénéficie. Les faits soulevant cependant une « question de droit d'une importance publique générale », l'affaire est renvoyée devant la Chambre des Lords. Le 25 novembre 1998, par une majorité de trois voix sur cinq, celle-ci confirme la légalité de l'arrestation du Sénateur Pinochet en se basant sur deux arguments : d'une part, l'immunité d'un chef d'État ne s'applique pas dans les cas de torture et de prise d'otages ; d'autre part, en tant qu'ancien chef d'État, Augusto Pinochet ne bénéficie pas d'immunité personnelle[44],[45]. Le 17 décembre, la Chambre annule sa première décision, au motif de l'implication d'un juge de la majorité, Lord Hoffmann, dans l'organisation Amnesty International[46]. Le deuxième jugement de la Chambre des Lords, siégeant dans une formation de sept juges, est rendu le 24 mars 1999 : semblable au premier, il restreint cependant les actes de torture à la période 1988 - 1990[47],[48].

Le 9 décembre, le Ministre britannique de l'intérieur, Jack Straw, donne le feu vert pour les audiences en vue d'une extradition, au cours desquelles notamment le Premier Ministre Tony Blair condamne le passé « épouvantable » de Pinochet. Cependant, selon Neil Tweedie, journaliste au Daily Telegraph, « face à la pression grandissante du gouvernement chilien qui avait suspendu les échanges interministériels en signe de protestation contre la détention de Pinochet, le Premier ministre cherchait à se débarrasser du problème. »[49].

La procédure dure un an, tandis que la détention domiciliaire du général Pinochet à Londres dure au total 503 jours. Après un troisième accident vasculaire cérébral et un examen médical mené en janvier 2000 concluant que le général avait subi de graves lésions cérébrales, Jack Straw déclare que la condition de Pinochet ne lui permettait pas de se présenter à un procès. Le 2 mars 2000, Pinochet est alors secrètement emmené à la base aérienne de Waddington puis repart au Chili[50].

Le retour au Chili

De retour au pays, il est accueilli par des milliers de ses partisans à Santiago du Chili. Comme promis par le désormais président Lagos, les conditions juridiques et politiques sont réunies pour que des poursuites judiciaires soient engagées contre lui mais elles seront périodiquement annulées en fonction de l'état de santé du général Pinochet.

Accordée en sa qualité d'ancien président, le général Pinochet bénéficie d'une immunité qui a été l'objet depuis 1998 de 350 plaintes pour violation des droits de l'homme[51].

Accusations dans l'instruction de « la Caravane de la mort »

Le 23 mai 2000, la cour d'appel de Santiago lève pour la première fois son immunité parlementaire de sénateur à vie. Le 1er décembre 2000, le juge Juan Guzman l'inculpe pour la mort de 75 opposants, tués en 1973 par une unité militaire surnommée « la Caravane de la mort » mais dès le 11 décembre, la procédure est suspendue par la cour d'appel de Santiago pour des motifs médicaux. En janvier 2001, les médecins estiment que Pinochet souffre d'une forme de « démence légère ». Le 8 mars, la cour d'appel confirme l'inculpation comme simple « complice » de la Caravane de la Mort et non comme instigateur.

Le 9 juillet 2001, les actions judiciaires sont de nouveau suspendues en raison de la dégradation de l'état de santé du vieux général, alors âgé de 86 ans.

Le 1er juillet 2002, la Cour suprême invoque ses conditions physiques dues à une « démence modérée » pour totalement absoudre le général Pinochet dans l'affaire dite des « Caravanes de la mort »[52].

Accusations dans l'application du Plan Condor

Le 26 août 2004, la Cour suprême du Chili décide de nouveau de lever l'immunité parlementaire du général Pinochet dans le cadre de l'enquête sur le plan Condor. Ce plan concerté des dictatures sud-américaines avait été organisé en vue d'éliminer entre 1974 et 1980 les opposants politiques aux régimes militaires en place au Chili, en Argentine, en Bolivie, au Brésil, au Paraguay et en Uruguay. À cette occasion, la partie civile demande le rejet de l'argument de « démence » en déposant un rapport de trois psychiatres concluant à de bonnes conditions mentales après avoir décortiqué une interview accordée en novembre 2003 par l'ancien général à une télévision de Miami[53]. En juin 2005, le général Pinochet est relaxé par la Cour d'appel de Santiago dans le cadre de la procédure judiciaire sur l'Opération Condor. Les recours déposés par les familles de victimes sont jugés « irrecevables ». Cette relaxe est confirmée définitivement le 15 septembre 2005 par la Cour Suprême.

Accusations dans l'Opération Colombo

Dans une autre affaire, le 14 septembre 2005, la Cour suprême chilienne, par dix voix contre six, lève l'immunité du général Pinochet dans le cadre de l'enquête sur l'opération Colombo, pour laquelle il aurait couvert l'exécution de 119 membres du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR) chilien dont les cadavres avaient été retrouvés en Argentine et au Brésil en 1975. Les examens médicaux pratiqués conclurent que son état de santé physique et mental lui permettait d'affronter un procès[54]

Accusations de fraudes fiscales et de détournements de fonds

C'est aussi le cas pour un dossier de fraude fiscale concernant l'existence de comptes bancaires secrets de Pinochet et de sa famille aux États-Unis et dans les Caraïbes, pour un montant de 27 millions de dollars, qui met davantage en émoi l'opinion publique chilienne que les accusations relevant d'activités criminelles. Quatre-vingt-dix pour cent de ces fonds auraient été acquis entre 1990 et 1998 quand le général Pinochet était chef des armées et proviendraient essentiellement de trafic d'armes (lors de l'achat de Mirage belges en 1994, de tanks Léopard hollandais, de chars suisses Mowag ou encore lors de la vente illégale d'armements à la Croatie, en pleine guerre des Balkans). Le 15 juillet 2004, le Washington Post révèle que la Banque Riggs aurait aidé le vieux général à cacher également plusieurs millions de dollars pendant sa détention en Grande-Bretagne en 1998-1999. Sur ces comptes, le couple Pinochet et l'un de ses fils sont accusés d'avoir accumulé frauduleusement plus de 27 millions de dollars[55]. Le général Pinochet devrait alors au fisc 16,5 millions de dollars. L'immunité du sénateur à vie a alors également été levée par la Cour d'appel de Santiago et confirmée par la Cour Suprême le 19 octobre 2005. Lui, son épouse et l'un de ses fils, Marco-Antonio, sont alors inculpés pour fraude fiscale et détournements de fonds ou complicité de fraude fiscale et de détournements de fonds par le juge Carlos Cerda qui ordonna son arrestation et son assignation à résidence. Il est mis en liberté sous caution[56]

En janvier 2007, les charges d'évasion fiscale contre Mme Pinochet et ses deux filles, Lucia et Veronica, sont abandonnées, faute de preuves. Seul son fils Marco-Antonio demeure encore inculpé.

Accusations dans l'affaire Berrios

En mai 2006, la levée de son immunité est une nouvelle fois demandée dans l'enquête sur l'enlèvement et l'assassinat en Uruguay, en 1993, d'un ex-agent de la DINA, Eugenio Berrios alors que le général Pinochet était le chef de l'armée[57].

L'affaire des lingots d'or

Le 26 octobre 2006, la justice chilienne ouvre une enquête sur l'existence présumée de 9 tonnes de lingots d'or au nom d'Augusto Pinochet dans le coffre d'une filiale de la banque britannique HSBC à Hong Kong. Les dépôts d'or auraient été effectués entre juillet et novembre 1980. La banque HSBC indique cependant qu'elle n'est pas en possession de ces lingots, d'une valeur estimée supérieure à 100 millions de dollars[58].

L'accusation dans l'affaire de la villa Grimaldi

Le 30 octobre 2006, le général Pinochet est inculpé pour les crimes commis en 1973 dans le centre de détention de la villa Grimaldi et placé en détention provisoire avec assignation à résidence à Santiago. Le 27 novembre, pour la cinquième et dernière fois en cinq ans, il est assigné à résidence[59].

La responsabilité politique revendiquée par le général Pinochet

A l'occasion de ses 91 ans, le 25 novembre 2006, Augusto Pinochet déclare dans un message lu par son épouse: « Aujourd'hui, proche de la fin de mes jours, j'assume la responsabilité politique de mes actions. »[60] confirmant son ancienne déclaration trois ans plus tôt sur la chaîne hispanique de Miami WDLP-22: « Je ne compte pas demander pardon à qui que ce soit. Au contraire, ce sont aux autres de me demander pardon, les marxistes, les communistes. »[61]

Décès

Présentation funéraire du corps du Général Pinochet le 11 décembre 2006 dans le hall de l'école militaire de Santiago, et devant lequel 60 000 de ses partisans viendront lui rendre un dernier hommage
Présentation funéraire du corps du Général Pinochet le 11 décembre 2006 dans le hall de l'école militaire de Santiago, et devant lequel 60 000 de ses partisans viendront lui rendre un dernier hommage

Le 3 décembre 2006, victime d'un infarctus du myocarde, il est hospitalisé en urgence et subit un pontage coronarien à l'hôpital militaire de Santiago. Alors que son état de santé évoluait favorablement, il y meurt une semaine plus tard le 10 décembre 2006 à l'âge de 91 ans et 2 semaines.

Selon l'annonce de l'hôpital militaire, son décès a été provoqué par des complications cardiaques, conséquences conjointes de son infarctus et d'un œdème pulmonaire[62].

L'annonce de sa mort est l'occasion pour ses adversaires et les familles des victimes de la dictature, de se rassembler au centre de la capitale alors que ses partisans manifestent au contraire leur douleur et leur soutien à sa famille devant les portes de l'hôpital militaire de la capitale. Si le gouvernement chilien autorise que le drapeau national soit mis en berne à mi-mât dans les sites militaires du pays et que les honneurs militaires lui soient rendus, il refuse que soient organisées des funérailles d'État.

Le 11 décembre, son corps est exposé dans un cercueil vitré, dans la chapelle ardente dressée dans le hall de l'école militaire de Santiago, entouré d'une garde d'honneur de 8 cadets. Près de 60 000 personnes[63] viennent alors lui rendre hommage dans la journée et durant toute la nuit[64].

Lucía Hiriart de Pinochet et deux de ses petits nièces lors des funérailles de son mari le 12 décembre 2006
Lucía Hiriart de Pinochet et deux de ses petits nièces lors des funérailles de son mari le 12 décembre 2006

Les obsèques d'Augusto Pinochet, retransmises en direct à la télévision nationale, ont lieu le mardi 12 décembre dans la cour de l'école militaire devant 4 000 personnes dont le ministre de la défense, copieusement sifflé, alors qu'un millier de personnes se rassemblent à l'appel d'organisations de défense des droits de l'Homme et du Parti communiste, pour rendre hommage au président socialiste Salvador Allende.

Le corps du général Pinochet est incinéré selon ses dernières volontés mais aussi, selon son fils, « pour éviter une profanation de sa tombe par des gens qui l'ont toujours détesté »[65] et transporté sur sa propriété côtière de Los Boldos, à Concón[66].

Lors des obsèques de l'ancien chef de l'armée chilienne, au cours d'une déclaration publique non autorisée, son petit-fils, le capitaine Augusto Pinochet Molina justifia le coup d'état militaire qui avait « renversé un régime marxiste en pleine guerre froide » et s'en prit aux juges « plus en quête de renommée que de justice ». La présidente chilienne Michelle Bachelet demanda qu'il soit alors sanctionné pour avoir contrevenu au devoir de réserve et de neutralité des militaires. L'officier, par ailleurs ingénieur en informatique, fut sanctionné par son exclusion de l'armée[67].

Dans une lettre posthume adressée à ses compatriotes[68], rédigée en 2004 et publiée le 24 décembre 2006, le général Pinochet justifia le coup d'état de 1973, qu'il replaça dans le contexte de la guerre froide, par « son amour de la patrie », « son devoir de militaire » et par le « risque de guerre civile et de dictature marxiste-léniniste» qu'encourait selon lui le Chili à l'époque. Dans ce texte de 5 pages, il récuse l'existence de plan institutionnel pour encadrer les abus et exactions des militaires, admet des erreurs et justifie comme « inévitable » les violations des droits de l'homme, notamment le contrôle militaire, la réclusion transitoire, les exils autorisés, les exécutions après jugement militaire, du fait de la nature idéologique de ses ennemis. S'il déclare regretter avoir du recourir au coup d'état, il en rend responsable l'idéologie marxiste-léniniste et la politique du président Salvador Allende et se déclare fier de l'action entreprise pour la combattre. Néanmoins, il admet qu'« en cas de répétition de l'expérience », il aurait « souhaité davantage de sagesse », esquissant ainsi un certain regret sur les exactions commises.

Héritage

Partisans du Général Pinochet devant l'hopital militaire de Santiago en décembre 2006
Partisans du Général Pinochet devant l'hopital militaire de Santiago en décembre 2006

Les Chiliens restent divisés sur l'héritage des années Pinochet. Marta Lagos, directrice de l'institut de sondage Mori, confirme cette division de la société chilienne entre ceux qui soutiennent le général Pinochet pour avoir « sauvé le Chili du communisme et qui le considèrent comme le père du miracle économique » et ceux qui lui reprochent « les crimes sanglants de la dictature»[69],[70].

Ainsi, selon le premier sondage[71] effectué auprès des chiliens après sa mort, 63 % d'entre eux considéraient que les gouvernements du Général Pinochet étaient les initiateurs du développement économique actuel du Pays[72].

Banderole des opposants à l'ancien chef d'état, souhaitant un « Joyeux Noël sans Pinochet, au lendemain de sa mort en décembre 2006
Banderole des opposants à l'ancien chef d'état, souhaitant un « Joyeux Noël sans Pinochet, au lendemain de sa mort en décembre 2006

En terme institutionnel, le général Pinochet a légué une constitution, un ordre institutionnel autoritaire et une économie libérale, soumise à la seule loi du marché et un marché du travail très flexible. Si en août 2005, la Constitution de 1980 a été amendée, son inspiration conservatrice demeure[73]. La transformation reconnue de l'économie chilienne en une économie libérale devenue la plus performante d’Amérique latine dans les années 1990 avec une croissance rapide ininterrompue de 1987 à 1999[74],[75],[76] est aussi l'un des aspects de cet héritage invoqué par la droite et les figures les plus représentatives du patronat chilien dans leur soutien au Général Pinochet, notamment au moment de son arrestation en 1998[77].

En matière de liberté économique, le Chili est classé en 2007 par le think tank américain Heritage Foundation au 11e rang (par comparaison, la France est au 45e, la Russie au 120e, le Venezuela au 144e, Cuba au 156e)[78]. Le pays figure au 16e rang des pays les plus inégalitaires au monde en terme de revenus[réf. nécessaire].

Politiquement, le général Pinochet ne laisse pas d'héritier. Les leaders des deux partis anciennement pinochetistes, l'UDI et Renovation Nationale, ont quasiment renié leur ancien chef lors de la découverte des comptes bancaires secrets à l'étranger et n'ont pas assisté à ses funérailles, contrairement aux principaux chefs d'entreprises du pays[79].

Quant à l'armée, en 2003, elle a fait son mea culpa et reconnut sa responsabilité dans les exactions durant la dictature[79].

Symbolisme de cet héritage controversé, le ministre de la Défense chilienne, Vivianne Blanlot, annonça qu'un buste du général Pinochet sera vraisemblablement installé au palais présidentiel de La Moneda, au côté de celui de Salvador Allende et des autres présidents chiliens, du fait que l'état républicain l'avait reconnu comme président constitutionnel durant la transition vers la démocratie[80]. Quelques jours plus tard, des députés de l'UDI et de RN déposaient une proposition de loi concernant la construction de 3 monuments dédiés au Général Pinochet à Valparaiso, Santiago et Iquique alors que le maire du quartier de Las Condes à Santiago faisait approuver par sa majorité municipale, le principe de rebaptiser une rue à son nom[81].

Sa place dans l'histoire nationale s'inscrit dans une certaine continuité historique. Ainsi, pour Tomas Moulian, sociologue chilien et ancien conseiller de Salvador Allende, « Pinochet est un vrai politique, pas un politicien. Il a eu l'instinct du pouvoir et a toujours cru à un soutien d'ordre divin (...). Pinochet est profondément chilien, même si cela heurte. Ce pays s'est construit sur des modèles autoritaires. Lui incarne le triomphe contre le communisme. Il est celui qui prétend avoir évité la guerre civile, le chaos au nom de l'armée, au nom de Dieu ». L'historien Alfredo Joselyn-Holt partage cette conception sur la place historique de Pinochet dans le contexte national. Pour lui, « Pinochet est un artiste de la politique qui a atteint la dimension d'un mythe, celui des guerriers fondateurs. Il est l'héritier de l'histoire chilienne et c'est une vérité difficile à affronter (...). Ce général en soi insignifiant a incarné des valeurs ancrées ici depuis la fondation du pays. [Il continuera] de les incarner, déchu ou pas, vivant ou mort »[82].

Le régime du général Pinochet est devenu le symbole des dictatures d'Amérique du Sud, alors qu'il ne fut pourtant ni le plus long (Brésil de 1965 à 1984, Paraguay de 1954 à 1989, Cuba depuis 1959, ni le plus répressif (30 000 morts en Argentine) ni le seul à s'être personnalisé en son chef (Alfredo Stroessner au Paraguay, Fidel Castro à Cuba). Son régime fut cependant largement conspué par une partie de la nouvelle gauche européenne qui avait soutenu Allende[83]. Ainsi, le journaliste argentin Washington Uranga voit dans le général Pinochet un étendard, à la fois « objet de haine et de vénération », « suscitant répugnance ou adhésion inconditionnelle », symbole d'une époque tragique dont l'image « transcende les analyses et les capacités de la raison », constatant que, si pour certains, il est « l'incarnation du mal », pour d'autres, il restera « l'ange exterminateur du communisme»[84].

Notes et références

  1. Présentation sommaire de Pinochet
  2. Le site internet de la présidence chilienne utilise le terme de président de la république pour désigner le général Pinochet admettant qu'il a exercé le pouvoir pendant 17 années d'une manière dictatoriale sans contre-pouvoirs. Le ministre chilien de la défense Vivianne Blanlot a estimé en décembre 2006 que les manuels d'histoire devaient évoquer Augusto Pinochet en tant que président du Chili [1]
  3. Selon la BBC, ce coup d'état aurait été l'un des plus sanglants de l'Amérique Latine au XXe siècle. BBC News, Pinochet's rule: Repression and economic success, 7. January 2001.
  4. Le rapport Rettig parle de climat propice à la guerre civile dans un contexte international de guerre froide et de rapprochement avec Cuba et d'ouverture vers l'URSS (1ère partie, situation du Chili au 11 septembre 1973, la polarisation finale) ainsi que d'accélération de la crise politique et sociale et d'une crise économique « dévastatrice » avérée à partir de 1972 (plus de 500 % d'inflation en 1973). Le rapport Rettig insiste sur l'« ingouvernabilité du Chili » alors que l'opposition parlementaire approuvait par un vote du 23 août 1973 le recours aux forces armées et de police pour forcer le gouvernement à abandonner le modèle social qu'il tentait d'imposer au pays et à mettre fin aux « violations constitutionnelles et légales du gouvernement ». La mention de la polarisation politique extrême du Chili en 1973 a encore été rappelée dans la déclaration de la « table de dialogue » sur les droits de l'homme signée par les militaires en 2000 par laquelle ils reconnaissaient pour la première fois la violation des droits de l'homme durant le régime militaire. Elle figure dans tous les manuels scolaires chiliens depuis 1996. Voir également article de Time Magazine du 23 août 1973
  5. Article de l'express concernant l'histoire de l'exception chilienne et l'héritage économique de Pinochet
  6. Les réformes économiques « ont changé radicalement les structures de la production du pays et ont permis le décollage économique » selon l'historien chilien et politologue Carlos Huneeus, directeur du Centre d'études de la réalité contemporaine. Selon les spécialistes économistes chiliens et étrangers établis dans le pays, la paternité de la transformation économique doit en fait être attribuée principalement à Sergio de Castro, un économiste chilien, doyen de l'Université catholique de Santiago et ministre des finances à partir de 1976
  7. Gary Becker, « Latin America Owes a Lot to Its 'Chicago Boys.' », 9 juin 1997, Business Week; reprinted by Hoover Digest. Consulté le 1er février 2007
  8. selon lesquels les inégalités se seraient accrues
  9. Katherine Ellison, Some Say Pinochet Wasn't Good for Economy
  10. http://econoclaste.org.free.fr/dotclear/index.php/?2006/12/16/689-pinochet-et-l-economie-chilienne Pinochet et l'économie chilienne, sur Econoclaste
  11. Citation de Marta Lagos, sociologue et présidente de l'institut Mori
  12. France Culture
  13. Biograghie d'Augusto Pinochet Homme d'état chilien sur evene.fr
  14. Nécrologie du Général Pinochet dans Le Monde du 12 décembre 2006
  15. Article intitulé Muere Augusto Pinochet dans le quotidien chilien La Tercera du 11 décembre 2006
  16. abcde Pinochet est mort au Chili, sans avoir été jugé, Le Figaro, 11 décembre 2006
  17. Muere Augusto Pinochet dans le quotidien chilien La Tercera du 11 décembre 2006
  18. Article intitulé Muere Augusto Pinochet dans le quotidien chilien La Tercera du 11 décembre 2006
  19. Article intitulé Muere Augusto Pinochet dans le quotidien chilien La Tercera du 11 décembre 2006
  20. Une note manuscrite du président américain Richard Nixon aurait encouragé à saper le gouvernement chilien en ces termes : « Il faut faire hurler de douleur l'économie chilienne »[réf. nécessaire]
  21. L'appartenance maçonnique des deux hommes est rappelée dans l'article payant du Monde du 12 décembre 2006 Le dictateur était animé d'un désir de revanche sociale tout comme son anti-communisme et son "manque d'épaisseur" »
  22. Selon les rapports disponibles de la CIA et selon le témoignage télévisé d'anciens responsables putschistes, cela l'aurait poussé à faire de la surenchère dans la répression, pour faire oublier sa vocation tardive de conspirateur [réf. nécessaire]
  23. Les principales exactions du régime de Pinochet, Le Monde, 10 décembre 2006
  24. Article du Monde, ibid
  25. selon les rapports Rettig et Valech, 85 % des tués de la dictature n'auraient pas appartenu au PC chilien, et 46 % n'auraient pas eu de militantisme politique connu antérieur à leur arrestation [réf. nécessaire]
  26. La solution chilienne, Guy Sorman, 15 novembre 2007
  27. Aucune mesure de rétorsion ni aucune rupture des relations diplomatiques. Seul en France, le ministre des Dom Tom Bernard Stasi condamne le coup d’État et proteste contre l'absence de réaction des gouvernements européens[réf. nécessaire]
  28. discours de Chacarillas le 9 juin 1977 prononcé par le général Pinochet
  29. Biographie du Général Pinochet, Radio Canada
  30. These paths lead to Rome | National Catholic Reporter | Find Articles at BNET.com
  31. ab Augusto Pinochet, ancien dictateur chilien, Le Monde, 12 décembre 2006
  32. Jean Paul II a montré beaucoup de courage face aux dictateurs, 8 mai 2005
  33. Article de Marcel Niedergang dans Le Monde du 22 novembre 1995 intitulé « Augusto Pinochet toujours là »
  34. Article de Marcel Niedergang, ibid, « Augusto Pinochet toujours là »
  35. Les chefs d'accusation, Courrier International, n°416, 22 octobre 1998
  36. Pinochet, fauteur de troubles, l'Express, 12 novembre 1998 et article de l'hebdomadaire l'Express du 10 décembre 1998 intitulé le syndrome de Santiago
  37. L'affaire Pinochet, Nicole Duplé, Faculté de droit, Laval
  38. L'ami des Anglais, Courrier International (Web+), 14 déc. 2006, traduit de Neil Tweedie, dans The Daily Telegraph
  39. ibid
  40. Le syndrome de Santiago, Michel Faure, L'Express, 10/12/1998
  41. Le sondage, publié notamment par le journal conservateur El Mercurio a été réalisé par l'institut Mori du 17 au 24 novembre 1998. Il a été partiellement commenté dans l'article de l'hebdomadaire français L'Express Le syndrome de Santiago, le 10 décembre 1998
  42. La droite chilienne dénonce un « acte colonialiste », Courrier International, n°416, 22 octobre 1998, traduit de Paula Jarpa dans La Tercera
  43. voir également article de Courrier International n°416 du 22 octobre 1998 intitulé « La droite chilienne dénonce un acte colonialiste consacré à la réaction des deux partis de la droite chilienne, l'Union démocrate indépendante et le parti de la Rénovation nationale »
  44. R v Bow Street Metropolitan Stipendiary Magistrate, ex p. Pinochet Ugarte (No. 1) [1998] UKHL 41
  45. Le jugement de la Chambre des Lords dans l'affaire Pinochet, Isabelle Fichet, David Boyle, www.ridi.org, 10 décembre 1998
  46. In Re Pinochet [1999] UKHL 52
  47. R v Bow Street Metropolitan Stipendiary Magistrate, ex p. Pinochet Ugarte (No. 3) [1999] UKHL 17
  48. L’arrestation de Pinochet
  49. L'ami des Anglais, Courrier International (Web+), 14 déc. 2006, traduit de Neil Tweedie, dans The Daily Telegraph
  50. L'ami des Anglais, Courrier International (Web+), 14 déc. 2006, traduit de Neil Tweedie, dans The Daily Telegraph
  51. Article de Libération du 12 décembre 2006 intitulé La justice paie la mort de Pinochet citant les non-lieux en série dans près de « 350 affaires » lancées contre Augusto Pinochet
  52. Sur toute la procédure, voir la nécrologie du Journal Le Monde daté du 12 décembre 2006
  53. Le 25 septembre 2004, le juge Juan Guzman juge le général Pinochet capable de se défendre et invoque comme preuve l'entretien de plus d'une heure, accordé par Pinochet en novembre 2003, à la chaîne de télévision où celui-ci déclarait, « lucide et même blagueur » qu'il se considérait comme un « ange qui réfléchit et qui médite », refusant de « demander pardon aux victimes de la dictature ». C'est ainsi que, dans le cadre de l'opération Condor, le juge Guzman obtient à nouveau la levée de l'immunité et inculpe le général Pinochet le 13 décembre 2004. Voir Nécrologie du Monde, ibid
  54. « Les examens médicaux qui sont pratiqués dans le cadre de l'affaire de fraude fiscale ont conclu que l'état de santé physique et mental de l'ex-dictateur lui permettait d'affronter un procès. Le même diagnostic est finalement retenu pour sa responsabilité dans les violations des droits de l'homme de l'opération Colombo, l'assassinat de 119 opposants d'extrême gauche en juillet 1975 », Nécrologie du Monde, Ibid. Voir également la quatrième procédure concernant l'affaire Colombo
  55. Voir sur RFI
  56. « A Santiago, le juge Sergio Munoz commence une procédure pour fraude fiscale qui englobe le patrimoine familial, estimé à 27 millions de dollars ». Le 7 juin 2005, l'immunité d'ancien président est de nouveau levée. Le 23 novembre 2005, Pinochet est assigné à résidence à Santiago et inculpé de fraude fiscale, Nécrologie du Monde, Ibid.
  57. « Le juge Alejandro Madrid a demandé que l'immunité d'ancien président de Pinochet soit une nouvelle fois levée, pour son rôle dans l'enlèvement et l'assassinat en Uruguay, en 1993, d'un ex-agent du régime militaire, Eugenio Berrios », Nécrologie du général Pinochet, Le Monde daté du 12 décembre 2006
  58. Lingots d'or de Pinochet à Hong Kong : la justice chilienne ouvre une enquête, AFP, 26 octobre 2006 (lire sur le site de RFI)
  59. « Plus de 4 500 prisonniers politiques sont passés par la villa Grimaldi et 225 n'en sont jamais sortis », Nécrologie, ibid
  60. Augusto Pinochet en danger de mort après une crise cardiaque
  61. Pinochet ne compte pas demande pardon par (Agence France-Presse de Miami)
  62. Muere el ex dictador chileno Augusto Pinochet EFE
  63. Article de TSR du 12 décembre 2006 sur les obsèques d'Augusto Pinochet
  64. Dans son article payant La disparition du général Augusto Pinochet ravive les divisions entre les Chiliens, Le Monde rapporte que les portes de l'école militaire sont restées ouvertes toute la nuit pour accueillir la « multitude » de ses partisans. Voir aussi l'article de Reuters sur le Dernier hommage des nostalgiques de Pinochet avant les obsèques.
  65. Yahoo! Actualités du 11 décembre 2006
  66. Article payant du Monde intitulé Hommage militaire plutôt que funérailles nationales pour Pinochet
  67. Article du Monde intitulé Le petit-fils d'Augusto Pinochet exclu de l'armée chilienne
  68. Lettre posthume du général Pinochet, reproduit par Latin Reporters
  69. Voir article du Monde du 13 décembre 2006 intitulé La disparition du général Augusto Pinochet ravive les divisions entre les Chiliens
  70. Les sondages de l'institut Mori dont celui du 17 au 24 novembre 1998, Ibid. Selon ces sondages, un tiers de la population reste des inconditionnels du général et un tiers lui est résolument hostile. Un dernier tiers, plus indifférent à sa personne, tout en étant très réservé voire hostile à la méthode dictatoriale de gouvernement, paraît plus enclin à légitimer son coup d'état et/ou reconnaître les résultats de sa politique économique.
  71. réalisé du 14 au 15 décembre 2006 et paru dans le journal la Tercera
  72. Selon le même sondage, 33 % le considérait comme le principal responsable des violations des droits de l'homme durant le régime militaire, 36 % le considérait comme en partie responsable, 28 % le considérait comme vaguement impliqué et 3 % le considérait comme totalement innocent
  73. Rodrigo Contreras Osorio, Le Chili en quête d'un avenir, Article du Monde du 13 décembre 2006
  74. CHILI: L'économie chilienne
  75. Présentation du Chili - Economie -Ministère des Affaires étrangères-
  76. [RISAL] Chili : l'héritage de Pinochet
  77. Rodrigo Contreras Osorio, Ibid
  78. [pdf]Index of Economic Freedom 2007, Heritage Foundation
  79. ab Le général Pinochet ne laisse pas d'héritier politique au Chili, Le Monde, 15 décembre 2006
  80. Un buste d'Augusto Pinochet sera installé au palais de la Moneda, Yahoo! Actualités, 18 décembre 2006, reproduisant une interview de Vivianne Blanlot au journal El Mercurio). Vivianne Blanlot affirme qu'« Il faut le faire malgré l'aversion manifestée à son égard par une partie considérable de la population du pays », estimant également dans cet article que les manuels d'histoire doivent évoquer Augusto Pinochet en tant que président du Chili, concluant « Il ne convient pas d'oublier, pour des raisons politiques, que Pinochet était président légalement élu ».
  81. Pinochet to replace Kennedy in Chile's urban landscape
  82. Augusto Pinochet, l'ambiguïté chilienne, Géo Magazine n°272, octobre 2001.
  83. En fait, le soutien de la gauche européenne au régime d'Allende était relatif et provenait essentiellement des partis d'oppositions de gauche qui militaient pour un programme commun avec les communistes. « Quand le docteur Allende, au Chili, battit la démocratie chrétienne de Frei par la plus normale des élections, l’Occident n’en fut pas particulièrement touché (..). On entendait dans les mouvements contestataires, nullement antipolitiques mais très anticonstitutionnels, la boutade élections, pièges à cons et aucun parti socialiste ne semblait enthousiasmer quiconque. Du Chili on connaissait la tradition modérée, démocratique et la loyauté renommée de l’armée. En bref, les gauches européennes s’occupaient d’autre chose (...). En somme, sur le Chili on fut distraits.[2]. C'est le coup d'état et le renversement du président Allende qui feront de ce dernier un symbole pour une partie de la gauche continentale européenne.
  84. Washington Uranga, Pinochet symbole d'une époque, Pagina 12, Buenos Aires, cité par Courrier International n°841

Voir aussi

commons:Accueil

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur Augusto Pinochet.

Bibliographie

  • (fr) Catherine Blaya, Femmes et dictatures : être chilienne sous Pinochet, ESF, 2000 (ISBN 978-2710113782)
  • (fr) Collectif, Pinochet face à la justice espagnole, L'Harmattan, 2000 (ISBN 978-2738483188)
  • (fr) Rémy Bellon et Dominique Rizet, Le Dossier Pinochet, Michel Lafon, 2002 (ISBN 978-2840987918)
  • (fr) Marc Fernandez et Jean-Christophe Rampal, Pinochet : Un dictateur modèle, Hachette, 2003 (ISBN 978-2012356962)
  • (fr) Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Le cas Pinochet : Justice et politique, Syllepse, 2003 (ISBN 978-2847970258)
  • (fr) Philippe Chesnay, Pinochet, l'autre vérité, Ed. Jean Picollec, 2007 (ISBN 9782864772170)
  • (fr) Juan Guzmán, Au bord du monde : les mémoires du juge de Pinochet, Arènes, 2005, 324 p. (ISBN 2-912485-52-5)
  • (es) Raquel Correa et Elizabeth Subercaseaux, Ego sum Pinochet, Éditions Zig-zag, Santiago du Chili, 1989
  • (es) Carlos Huneeus, El Régimen de Pinochet, Editorion Sudamericana, 2000, 670p, (ISBN 956-262-126-X)
  • (es) Gonzalo Vial, Pinochet : La Biografía, El Mercurio / Aguilar, Santiago, 2002, 2 tomes, 759 p. (ISBN 956-239-234-1)

Film et documentaire

  • Porté disparu (film), de Costa-Gavras, 1982. Une fiction basée sur l'histoire vraie d'un journaliste américain, Charles Horman, ayant disparu suite au sanglant coup d'État du 11 septembre 1973 d'Augusto Pinochet contre le président chilien Salvador Allende.
  • Un certain général Pinochet, documentaire britannique de Jenny Barraclough et Bain Rosalind, 1999.
  • Le Cas Pinochet, documentaire franco-chilien de Patricio Guzmán, 2001.

Liens internes

Liens externes



Précédé par
-
Chef suprême de la Nation
1974
Suivi par
-
Salvador Allende
Président du Chili
1974-1990
Patricio Aylwin
- Président de la junte militaire
1973-1981
José Toribio Merino
Carlos Prats Général en chef des armées chiliennes
1973-1998
Ricardo Izurieta