Civilisation rubanée

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Céramique linéaire du Rubané
Céramique linéaire du Rubané

La civilisation rubanée, à céramique linéaire ou plus simplement le Rubané désigne le Néolithique le plus ancien d'Europe centrale. Cette civilisation est la principale manifestation du courant danubien, une migration en Europe continentale de peuples néolithiques suivant le Danube et pratiquant l'agriculture sur brûlis qu'ils introduisent en Europe. À la même époque, un autre courant de néolithisation, dit courant méditerranéen, suit les côtes nord de la Méditerranée et est à l'origine du Cardial ou céramique imprimée.

Le rubané doit son nom aux rubans décorant fréquemment les poteries qui le caractérisent. Il date de 5500 à 5000 av. J.-C. et est présent en Europe centrale (Hongrie, République tchèque, Allemagne occidentale et France septentrionale).

Sommaire

[modifier] Les premiers sédentaires

Les groupes porteurs de la civilisation rubanée ont un mode de vie différent de celui des chasseurs-cueilleurs qu'ils côtoient sur place et auxquels ils ne ressemblent pas du tout. Ces derniers sont les ultimes chasseurs du Mésolithique, descendants directs des hommes de Cro-Magnon.

Les nouveaux venus sèment, cultivent et moissonnent des céréales — le blé et l'orge — dans de petits champs dont ils remuent la terre à l'abri des forêts, élèvent des moutons, des porcs et des bœufs, façonnent des poteries et construisent des maisons qui vont se grouper en villages.

[modifier] Les caractéristiques de la civilisation rubanée

Compte tenu de l'absence d'informations écrites pour les sociétés préhistoriques et protohistoriques, on ne peut associer des régions à la même culture qu'à partir de la similitude constatée entre objets et vestiges retrouvés archéologiquement. Ces cultures peuvent être définies à partir d'objets caractéristiques (céramique, industrie lithique, statuettes…), de l'habitat (maison, village, territoire) et des pratiques funéraires (sépulture, objets, position du corps…).

[modifier] La céramique

Rien ne sert de produire légumes et céréales si on ne peut les conserver pour les périodes les plus difficiles. Pour la conservation des réserves alimentaires et pour le transport de l'eau, les agriculteurs sédentaires fabriquent de remarquables poteries d'argile qu'ils décorent en y dessinant des rubans, d'où le qualificatif de « rubanée » donné à cette civilisation.

Deux types de céramiques sont présents dans la culture du rubané : la céramique grossière (gros vases avec peu de détails sans doute modelés rapidement) et la céramique fine (petits vases bien lissés avec une bonne finition et portant des décors incisés). Le motif en ruban incisé peut porter un remplissage d'incisions au poinçon. Certaines céramiques présentent des représentations anthropomorphes modelées en relief.

Il existe dans les régions à Rubané des céramiques contemporaines qualifiées d'étrangères, ou non-rubanés. On a défini deux styles particuliers : le style de la Hoguette (céramique de forme ovulaire que l'on trouve surtout en Allemagne actuelle) et le style de Limbourg, plus récent (céramique de forme plus plate, présente en Belgique, aux Pays-Bas et dans le bassin parisien). Il pourrait s'agir de vases fabriqués par d'autres groupes, notamment les chasseurs-cueilleurs qui auraient été en contact avec les sociétés agricoles, mais ceci reste à démontrer.

[modifier] Le matériel lithique

Les Rubanés ont fabriqué une partie de leur outillage en pierre : soit en silex pour les outils taillés, soit en roches volcaniques ou métamorphiques pour les outils polis. Les types d'outils et leur méthode de fabrication se retrouvent dans tout le Rubané Européen, avec néanmoins quelques variantes selon les régions.

La méthode de fabrication des outils taillés repose sur le débitage laminaire : un bloc de silex brut est mis en forme pour pouvoir en extraire des lames, à l'aide d'un percuteur. La majorité de l'outillage se présente donc sous forme de lames en silex, retouchées afin d'obtenir le type d'outil souhaité. En général, on retrouve sur les sites rubanés une grande quantité de grattoirs sur lame, ainsi que des perçoirs, des racloirs, et des lames non retouchées, utilisées comme lames de faucille. Ces lames présentent parfois sur leur partie agissante un lustré qui résulte de l'action de fauchage de céréales (les brins de céréales contiennent de la silice qui se dépose sur la lame). Les rubanés fabriquaient également des pointes de flèches en silex, de forme triangulaire ou trapézoïdale. Il existe aussi des outils fabriqués à partir d'éclats de silex ou de gros blocs, mais ceux-ci sont en général plus rares.

Lors de la fouille d'une occupation rubanée, on retrouve, en plus des outils en silex, un grand nombre de déchets de taille. Ils se présentent sous forme d'éclats, de blocs, mais aussi de déchets typiques liés à la méthode de débitage utilisée (flancs, tablettes et lames à crêtes). Les fouilles d'ateliers de débitage et le remontage des déchets, tel un puzzle, a permis de comprendre exactement comment procédaient les tailleurs de silex rubanés.

Les sortes de silex utilisées permettent aux archéologues de comprendre où les rubanés se sont approvisionnés en matières premières, s'ils ont échangé des objets avec des groupes différents et donc s'il existe des réseaux de communication à longue distance entre les régions d'implantations néolithiques en Europe.

[modifier] L’habitat

L'habitat rubané est souvent situé sur des grandes terres agricoles d'Europe centrale (environ 12 000 sites), sur des terrains plats, des loess et près des cours d'eau. Les rubanés ne s'installent jamais en hauteur ; les sites se trouvent à 400 mètres de haut maximum. Ces populations choisissent de s'installer dans des zones non-inondables avec un environnement varié. Ils iront par la suite bâtir un autre village quelques kilomètres plus loin, et les relations entre villages resteront actives. La plupart des sites se trouvent juste en dessous de la terre végétale ce qui les rend archéologiquement faciles à trouver.

Plan schématique d'une maison rubanée du site de Cuiry-lès-Chaudardes
Plan schématique d'une maison rubanée du site de Cuiry-lès-Chaudardes

Les maisons de ces agriculteurs sédentaires sont bien connues par les fouilles de sites tels que celui de Cuiry-lès-Chaudardes dans le département français de l'Aisne, l'un des seuls qui ait été entièrement fouillé, le site de Bylany en République tchèque et le site de Langweiler et Allemagne.

Elles sont rectangulaires et ont une longueur comprise entre 10 et 47 mètres ; la taille dépend de la fonction du bâtiment. Les maisons sont bâties à partir de cinq rangées de poteaux de 20 à 50 cm de diamètre. Elles comportent trois rangées de poteaux à l'intérieur (ce qui forme des tierces, c'est à dire une rangée de trois poteaux allant d'un long côté à l'autre) et deux pour les longs murs extérieurs, soit quatre nefs. Systématiquement deux tierces resserrées appelées "couloir" sont présentes vers le milieu de la maison. Leur utilité est inconnue mais il pourrait s'agir d'une séparation symbolique arrière/avant de la maison, comme on en trouve dans de nombreuses cultures.

Il existe parfois un doublement des poteaux dans la partie frontale des maisons : il pourrait s'agir d'un renforcement des poteaux porteurs pour soutenir un étage servant de grenier. Les maisons comportent plusieurs pièces. Elles ont des murs en clayonnage recouverts de torchis et sont recouvertes par un toit pentu de paille. Plusieurs familles pouvaient y habiter. L'orientation des maisons n'est pas aléatoire : en Europe de l'Est, elles sont orientés nord-sud, et plus on va vers l'ouest plus les maisons s'orientent progressivement est-ouest. Cette orientation est peut être due à la direction des vents ; il pourrait même s'agir d'une orientation symbolique car il est dans le sens exact de la colonisation néolithique (et les sépultures sont orientés de la même façon).

Dans les villages rubanés, de nombreuses fosses sont présentes et relèvent de deux systèmes : les fosses latérales qui longent les bâtiments (en France notamment) et les fosses isolées à environ 25 mètres des maisons (surtout en Allemagne). La fonction primaire de ces fosses est l'utilisation de la terre creusée en torchis pour construire les murs des maisons, puis les fosses sont utilisées comme dépotoir pour les déchets alimentaires (os) et les céramiques inutilisables (ce qui a permis de nous renseigner sur l'alimentation et la culture céramique des habitants). Les concentrations d'objets à des endroits particuliers des fosses nous permet aussi de nous renseigner sur les ouvertures éventuelles des maisons, des différentes fonctions de chaque parties des maisons. Des foyers culinaires étaient probablement présents à l'entrée des maisons, comme en témoigne la concentration d'os brûlés trouvés dans les fosses à ce niveau. Les fosses renseignent également sur les règles de voisinages : lorsqu'il y a deux maisons côte-à-côte, les déchets sont rejetés de l'autre côté.

Les superficies des villages peuvent aller de 1 à 30 hectares ; leur taille dépend de la durée d'occupation du site et de l'environnement, donc des ressources disponibles. La plupart des villages importants comportent plusieurs phases d'habitats définis par la contemporanéité des constructions et l'évolution du décor céramique. Ces phases d'habitats sont souvent séparées par les phases d'abandons du site qui durent en général plus longtemps. À titre d'exemple, le site de Bylany qui a été habité de 5500 à 5000 av. J.-C. environ s'étend sur 10 hectares, avec approximativement 140 maisons pour chacune des 20 phases d'habitats (chaque phase d'habitat dure environ 15 ans pour ce site particulier).

[modifier] L’alimentation

L'étude archéozoologique des restes d'ossements animaux contenus dans les fosses permet d'obtenir des informations relatives à l'alimentation des populations rubanées : 82 % des animaux consommés sont des animaux domestiques. Les rubanés privilégiaient les bovins, puis le mouton, la chèvre et le porc. Pour les 18 % restants, il s'agit d'animaux sauvages chassés, en particulier le sanglier, puis le cerf, le chevreuil et l'aurochs. Les autres animaux chassés sont beaucoup plus rares : il s'agissait peut-être de chasses de prestige ou destinées l'acquisition de fourrure.

Des informations sur l'agriculture des rubanés sont également fournies par l'étude des graines calcinées trouvées sur les sites. On trouve deux variantes de blé, l'orge, des petits pois et des lentilles.

[modifier] Pratiques funéraires

Le site d'Alterhofen en Bavière a livré un cimetière du Rubané. On y a pratiqué l'incinération mais l'inhumation y est beaucoup plus fréquente. Les sépultures sont presque toutes individuelles et peu profondes et les corps sont placés en position fœtale le plus souvent. La tête est orientée à l'est avec le regard vers le sud. Les défunts étaient sans doute enterrés avec leurs vêtements ; on y trouve des objets de parure, quelques outils en pierre et en os, de la céramique, des lames d'herminettes et des petites flèches en silex chez les hommes. Les sépultures de femmes contiennent des objets de parure en coquillage (de Méditerranée, et particulièrement de la mer Égée, ce qui témoigne de contacts et relations d'échanges lointains).

Les pointes de flèches et les lames sont présentes uniquement dans les sépultures masculines. Les activités de chasses et de coupage de bois étaient donc sûrement réservées aux hommes. Si ce n'est cette différence entre les sépultures de sexes opposés, rien n'indique de grandes différences de richesse entre individus. Il s'agissait donc d'une société plus ou moins égalitaire sans hiérarchisation nette.

En France septentrionale, les sépultures se trouvent surtout dans les villages. Certaines sont proches des fosses des maisons, en particulier les sépultures d'enfants, alors que d'autres, bien que dans les villages, ne sont pas particulièrement associées à une maison. On trouve parfois des regroupements de sépultures. Compte tenu du faible nombre de sépultures mises au jour en rapport à la population estimée, il se peut que les défunts n'aient pas été systématiquement enterrés et qu'une certaine sélection ait pu s'opérer.

[modifier] Les origines ethniques des Rubanés

Il est très difficile de déterminer l'origine ethnique des populations rubanées. Néanmoins, certains chercheurs se permettent d'émettre des hypothèses diverses.

L'une des principales hypothèses est celle du chercheur espagnol Pedro Bosch-Gimpera, complétée ensuite par d'autres spécialistes. Il considère que les rubanés, venus d'Asie Mineure, correspondent au premier peuple indo-européen à coloniser l'Europe continentale tout en acculturant et assimilant les groupes de chasseurs-cueilleurs autochtones qui auraient été peu nombreux. Or la colonisation a été possible surtout grâce à l'accroissement démographique considérable que permettait la nouvelle économie agricole. Cette hypothèse est considérée comme satisfaisante par de nombreux chercheurs car elle expliquerait l'introduction de cette famille linguistique en Europe, ses liens avec les Hittites d'Asie Mineure et la présence d'un fort substrat non indo-européen dans les régions d'Europe qui n'ont pas été touchées par la civilisation rubanée.[1]

Le reste de l'Europe aurait ensuite été colonisé par de nouveaux peuples indo-européens au IIIe millénaire avant notre ère. De nombreux changements culturels et techniques sont associés à ces nouvelles migrations, dont l'introduction de la métallurgie du cuivre, la domestication du cheval et l'émergence d'une hiérarchie sociale.

[modifier] Civilisation omalienne

En Belgique, c'est en Hesbaye liégeoise que l'on compte la plus grande densité de sites rubanés (Remicourt, Voroux-Goreux…). Les premières traces ayant été retrouvées à Omal, on nomme également cette civilisation la civilisation omalienne.

[modifier] Liens externes

articles sur le Rubané de Hesbaye en PDF

[modifier] Notes et références de l'article

  1. Les Celtes - Histoire et Dictionnaire, Venceslas Kruta, ed. Robert Laffont, pages 125-126

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens et documents externes