Christiania (Danemark)

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Drapeau de Christiania
Drapeau de Christiania

Christiania, la « Commune libre » de Copenhague (Danemark), auto-gestionnaire et fondée en septembre 1971 sur le terrain de la caserne de Bådmandsstræde par un groupe de squatters, de chômeurs et de hippies, est une rare expérience libertaire historique toujours en activité au Nord de l’Europe.

Sommaire

[modifier] Naissance de Christiania

La ville libre vue de l’église Notre Sauveur
La ville libre vue de l’église Notre Sauveur

Le groupe fondateur comportait une cinquantaine de personnes. L’expérience devint célèbre avec la parution d’un article rédigé par Jacob Ludvigsen, et intitulé « Émigrez avec le bus 8 » dans un journal underground appelé Hovedbladet. Une crise aiguë du logement régnant alors à Copenhague, en quelques années la population dépassa plusieurs centaines de personnes pour se stabiliser aux alentours du millier, l’hiver. Au sein de Copenhague, Christiania est une zone très étendue et très belle, un peu comme si à Paris les Invalides avaient été squattés ; elle comporte un lac et de nombreux arbres. Plus d’une cinquantaine de collectifs divers exercent des activités industrielles, artisanales, commerciales, culturelles, sanitaires, théâtrales, etc. Christiania possède son jardin d’enfants, sa boulangerie, son sauna, son unité d’éboueurs/recycleurs, ses bulldozers, sa fabrique de vélos, son imprimerie, sa radio libre, un atelier de restauration de poêles anciens, un autre de restauration de voitures anciennes, son propre cinéma (« Byens Lys », « Les Lumières de la Ville ») et une foule de bars, restaurants et lieux de spectacles. Les égouts de Christiania ont été rénovés et agrandis par les Christianites eux-mêmes.

[modifier] Vie d’une communauté à part

Au moins une cinquantaine d’enfants sont nés à Christiania et y ont été élevés. Curieusement, au moins jusqu’en 2006, la proportion approximative d’un tiers de femmes pour deux tiers d’hommes n’a jamais changé. La plus forte proportion d’étrangers est bien sûr composée de Scandinaves ; il faut noter la présence de quelques dizaines d’Inuits, explicable par le fait que le Groenland soit un territoire danois. Quoique la population ait eu un caractère marqué d’instabilité, la moyenne d’âge est à présent élevée, apportant la preuve de la persistance d’un noyau dur de résidents de très longue durée.

La contribution de Christiania à la vie culturelle de Copenhague est hors de toute proportion avec le nombre des Christianites ; les Danois de plus de 40 ans se souviennent de l’armée des Pères Noël créée par le théâtre de rue « Solvognen » (Chariot du soleil) qui, le jour de Noël 1973, envahit le célèbre « Magasin du Nord » et se mit à distribuer gratuitement des livres aux clients présents. Les affiches de Christiania, d’une très grande beauté, ont été préservées dans le livre Plakater compilé par Fabbrikken, l’un des collectifs d’habitation de Christiania. Un grand nombre d’entre elles sont dues à Silketrykkeriet, l’atelier d’imprimerie sur soie implanté dans le bâtiment de Fabbrikken. Le plus beau livre de photographies sur Christiania, intitulé Christiania, a été publié par Mark Edwards aux éditions « Information ». La télévision danoise possède des centaines d’heures de documentaires et d’émissions sur Christiania, et la presse danoise a publié des milliers d’articles sur ce lieu unique, où une collection étonnamment complète de ces articles est conservée. Mais de nombreux articles de la presse suédoise ou norvégienne comprennent des erreurs factuelles dues aux controverses que suscite la commune libre. En revanche, la Bibliothèque Royale de Copenhague conserve très peu de documents sur Christiania.

L’architecture de Christiania est célèbre, depuis la création de « Pyramiden », une pyramide faite de matériaux de construction par Helge, à Bananhuset (la Maison-Banane), construite par des apprentis charpentiers allemands, en passant par des dômes géodésiques et toutes sortes de constructions aussi hétéroclites que poétiques, et des intérieurs d’une grande poésie, en particulier le bar « Månefiskeren » (Pêcheur de Lune). Une maison faite d’un bateau coupé en deux s’est retrouvée au musée d’art moderne de Louisiania.

L’histoire de Christiania est agitée, l’événement le plus dangereux ayant été la « JunkBlokaden » de 1979 au cours de laquelle Christiania a expulsé les vendeurs et les usagers de drogues dures, l’héroïne principalement, qui menaçaient sa survie. Les plans officiels de suppression ou transformation de Christiania ont été nombreux, mais la plupart n’ont eu aucun effet, au moins jusqu’au milieu des années 1990. Les Christianites insistent sur le fait qu’aucun individu n’est à lui seul responsable de la survie ou du succès de Christiania, mais l’avocat communiste et résistant Carl Madsen a eu droit à leur gratitude pour la défense intelligente dont il fit bénéficier le squat devant les tribunaux et le Parlement. Un long conflit larvé a opposé « pushers », les vendeurs de haschich, et « activistes », les militants, plus politiques, au sujet de la vente de haschich et d’alcool. Ce conflit a plusieurs fois mené Christiania au bord du gouffre.

Christiania, en grande partie influencée par la pensée anarchiste même si aujourd’hui très peu de ses habitants s’en réclament, a constamment réussi à ne jamais être dirigée par des chefs, même s’il est ponctuellement arrivé que des Christianites soient élus au conseil municipal, voire au Parlement (une député christianite y donna le sein à son bébé, créant un beau scandale). L’autorité « suprême » y est exercée par le « Fællesmøde » (assemblée générale), à ceci près qu’aucune assemblée générale n’a, de loin, rassemblé la totalité des Christianites. Le pouvoir réel y est exercé, non sans difficulté, par les assemblées de quartier, les « Områdemøder », l’assemblée des entreprises (lucratives ou non), « Virksomhedsmøde », et l’assemblée des finances, « Økonomimøde » qui gère les ressources de Christiania (versements de la commune au titre de l’aide sociale, « loyer de Christiania » versé par une large part des habitants, contributions volontaires des collectifs à but lucratif). Dans ces assemblées, les décisions ne sont jamais prises au vote, mais quand il semble à chacun qu’un consensus a été atteint. Les Christianites considèrent pour la plupart qu’est Christianite qui dort à Christiania, mais ce point a fait l’objet de débats houleux. Il a existé entre neuf et dix quartiers à Christiania.

On ne trouve pas, à Christiania, de drogues dures, les voitures individuelles y sont normalement interdites. Après les deux premiers étés où les Christianites se sentirent débordés par un raz-de-marée de campeurs, le camping n’y est plus possible. Les vendeurs de haschich, tant que Pusher Street, la zone où ils vendaient à l’air libre, a existé, interdisaient qu’on les photographie. Le drapeau de Christiania, trois points jaunes sur fond orange (ou inversement) représentant les trois points sur les trois « i » de Christiania, aurait été créé par Viktor Essmann, qui inventa ce nom, qui fait référence au nom du quartier, « Christianshavn » le port de Christian, en référence à Christian IV, qui fut au Danemark ce que Louis XIV fut à la France.

Les relations économiques ordinaires ont cours à l’intérieur de Christiania, qui n’a jamais réussi à devenir matériellement indépendante du monde extérieur. Plusieurs collectifs d’habitation pratiquent un partage modéré de certaines ressources matérielles, et de nombreux collectifs d’activité travaillent sans but lucratif, voire sans rémunération.

L’entrée de la ville
L’entrée de la ville

Christiania entretient un dialogue conflictuel sans fin avec les autorités pour maintenir sa propre existence. Celle-ci est largement due au fait que détruire Christiania signifierait, pour les autorités, trouver un relogement pour un millier de personnes. En outre, plusieurs centaines de Christianites bénéficient d’aide sociale, qui a été fixée a un niveau particulièrement bas pour les résidents de Christiania ; si ceux-ci étaient relogés, le coût des prestations qui leur sont versées augmenterait considérablement.

Un autre conflit oppose les autorités gouvernementales à la commune libre : la libre vente de cannabis qui représenterait un marché de 26,8 millions d’euros par an selon la police. Le 4 janvier 2005, les stands de vente de cannabis sont finalement détruits par leur propriétaire (sans pour autant arrêter le commerce qui continue encore aujourd’hui mais de personne à personne) pour persuader le gouvernement de laisser la ville libre continuer d’exister. Avant la destruction, le musée national du Danemark a pu prendre un des plus beaux stands qui est désormais en exposition dans ce musée.

En 2003, la cité compte plus de mille habitants, sa propre monnaie, toutes sortes d’activités culturelles et sportives, ainsi qu’un vaste espace agricole.

Dans un mouvement général de normalisation et d'uniformisation du pays, le Premier ministre libéral-conservateur Anders Fogh Rasmussen décide de s'attaquer au «cas» Christiana, accusée de favoriser le trafic de drogues. 1er janvier 2006, la ville a perdu son statut spécial de communauté alternative. Le 19 mai 2007, 35 ans après la naissance de Christiania : une première maison est détruite[1]. La démolition entraîna une vive protestation qui dégénéra en conflit avec la police, laquelle avait déjà eu fort à faire lors des émeutes, deux mois avant, suite à la démolition d’Ungdomshuset.

[modifier] En savoir plus

[modifier] Bibliographie

Il existe en français deux livres sur Christiania :

  • Christiania, de Catpoh, aux éditions Parallèles, depuis longtemps épuisé
  • Récits de Christiania, de Jean-Manuel Traimond, disponible à l’ACL, Atelier de création libertaire, Lyon. Cet ouvrage comporte une bibliographie très complète, jusque vers 1994. La bibliographie la plus complète est disponible sur le site de Christiania.

[modifier] Notes et références

  1. Christiania: démolition d’une utopie à Copenhague | Rue89

[modifier] Lien externe