Autoportrait à l'oreille bandée

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Autoportrait à l'oreille bandée
Vincent van Gogh, 1889
huile sur panneau de bois
51 × 45 cm
Chicago

Autoportrait à l'oreille bandée (ou L'Homme à la pipe) est un peinture de l'artiste-peintre hollandais Vincent van Gogh réalisée à Arles en janvier 1889. La toile est actuellement à Chicago, dans la collection privée de Monsieur et Madame Leigh B. Block

Sommaire

[modifier] Contexte

Le 23 décembre 1888, dans leur atelier d'Arles, Van Gogh a tenté de blesser Paul Gauguin avant de se trancher le lobe de l'oreille avec une lame de rasoir. Il a offert le morceau de chair à une prostituée. Rapidement rétabli, Van Gogh peint son autoportrait, l’oreille blessée étant pansée par un bandage qui lui entourait le visage. Pour Paul Gauguin, cette nouvelle crise de folie marque la fin de la collaboration des deux peintres dans leur "atelier du Midi" installé à Arles. Van Gogh a réalisé deux autoportraits à l'oreille coupée.

[modifier] Description du tableau

Le tableau a des couleurs assez sombres et seuls le bandage et la fumée redonne de la couleur.

[modifier] Iconographie

Van Gogh occupe la majeure partie du tableau. Il a le visage légèrement de trois-quarts, la tête tournée vers la droite. Il porte une veste épaisse, un bonnet usagé et un bandage lui entourant le visage. Il fume la pipe (la fumée est matérialisée). La pipe noire semble être le pendant du bandage blanc. Le tableau dégage une impression de résignation mais aussi d'apaisement. Il a les traits tirés, la mâchoire crispée, et le regard perdu dans le lointain. Van Gogh n’a que 35 ans mais en paraît 50. Le visage, qui est l'élément dominant, occupe la partie centrale de la toile ; les yeux sont à la hauteur de la ligne d'horizon qui partage le tableau en deux parties. L’arrière plan du tableau est un fond bicolore.

[modifier] Couleurs

Si l’on observe les couleurs du tableau, on peut remarquer que le fond est divisé en deux zones équitables : la partie du bas est rouge alors que celle du haut est principalement orange, mis à part des touches plus jaunes observées tout en haut du tableau. Le bonnet est bleu à l’avant (au niveau de la partie en laine) et à l’arrière, violet. La veste qu’il porte est verte. La fumée, sa chemise et son bandage sont blancs tandis que la pipe, ses yeux et ses cheveux sont très foncés, presque noirs. Dans les deux cas, Van Gogh a juxtaposé des couleurs proches sur le cercle chromatique (violet et bleu, rouge et orangé), on parlera d’harmonie d’analogue : les couleurs sont proches les unes des autres et se combinent sans se heurter. Mais ses harmonies d’analogues s’opposent aux harmonies de contraste : les couleurs adjacentes sont complémentaires (les trois couples de couleurs complémentaires étaient à l’époque : vert et rouges, violet et jaune, bleu et orangé). En effet le rouge est interposé entre l’orange et le vert, le bleu et proche du violet et de l’orangé tout comme l’est le violet du bleu et du

[modifier] Analyse du tableau

[modifier] Iconographie

Si l’on cherche à analyser le tableau, on peut se demander pourquoi Van Gogh a choisi de se représenter ainsi. La première réponse qui vient à l'esprit est qu'il a voulu rassurer ses proches, son frère, bien sûr, sa famille, et ses amis peintres, dont Gauguin, en premier lieu, qui venait de le quitter après avoir appelé Théo à la rescousse. Toutes ses lettres après l'incident de l'oreille et le délire qui l'accompagne vont dans ce sens. Cependant, si Van Gogh cherche à rassurer les autres, on peut penser qu’il cherche aussi à se rassurer lui-même, à se prouver que la crise est désormais terminée et qu'il est à nouveau capable de travailler. On peut alors se demander ensuite comment s'opère cette transformation, cet apaisement, ce travail sur soi au travers de la peinture visant à le tranquilliser comme à tranquilliser les autres, comment fonctionne ce " je ne suis pas fou, puisque, comme vous pouvez le voir, je continue de peindre, je reprends la peinture ". Sur le plan iconographique, l'accessoire de la pipe joue ici un grand rôle. Si le bandeau témoigne du drame, ce qui fait que ce drame est maintenant passé, c'est le présent de la pipe, de la pipe qu'il fume et qui l'aide à retrouver une certaine sérénité d'esprit après l'agitation extrême des semaines précédentes. La pipe s'oppose donc au bandage, comme le présent au passé maintenant révolu, comme la tranquillité retrouvée au drame surmonté. La pipe contribue pour beaucoup à donner l'impression d'une sorte de paix intérieure retrouvée, d'ordinaire associée aux fumeurs de pipe. Si on se concentre sur la composition, on peut voir que l’expression du visage montre une certaine quiétude et fatigue par le regard mais aussi une tension lorsque l’on se concentre sur la mâchoire (crispée). Là encore, on a une opposition entre la tranquillité et l’angoisse. Comme la pipe qui cherche à nous rassurer, la position du visage montre un certain équilibre en étant centrée ainsi que celle des yeux placés dans l’alignement de la frontière orange - rouge en arrière-plan.

[modifier] Couleurs

Si l’on étudie les couleurs du tableau, on peut voir que Van Gogh a réussi à obtenir un grand équilibre dans le jeu des couleurs. D'abord, sa palette est restreinte aux trois primaires du peintre (rouge, bleu, jaune) et aux trois secondaires (vert, violet et orangé), plus le blanc et le noir (la seule exception concerne les quelques touches de brun du fourneau de la pipe). Ensuite, les couleurs contiguës organisées par paires de contrastes, peuvent nous laisser penser que ceci est destiné à produire une idée d’équilibre : entre les couleurs primaires et secondaires, entre le noir et le blanc, entre les couleurs analogues et complémentaires. Ainsi, toutes les couleurs ont été choisies afin de contribuer à l’harmonie du tableau et chacune est assignée à un rôle précis, en opposition à une autre. Si Van Gogh a été si attentif au contraste des couleurs et des éléments, c’est peut-être qu’il se projetait largement dans ces conflits iconographiques et de couleurs formant des contrastes, au sens où il se concevait lui-même comme un être de contraste, de sorte que transformer le choc brutal de deux couleurs complémentaires en un contraste harmonieux et équilibré, c'était d'une certaine façon mener son propre combat contre la maladie, son combat contre son mal-être. Cet homme en mal de vivre est néanmoins un artiste talentueux.

[modifier] Conclusion

En résumé, les différents éléments d'analyse convergent vers l'idée que la signification générale du tableau est celle d'équilibre. L'équilibre est d'abord celui de la composition (le visage, les yeux). L'équilibre est aussi l'idée qui domine l'analyse iconographique, avec la pipe qui fait pendant au bandage. La même idée d'équilibre se retrouve dans l'analyse chromatique : équilibre entre couleurs primaires et secondaires, analogues et complémentaires, ainsi qu'en ce qui concerne la clarté et la saturation des teintes en présence. En ce sens, cet autoportrait est double : il représente le peintre en montrant son visage, certes, mais il le représente aussi au travers de l'usage, de la maîtrise et de la signification des couleurs.

En regardant cet autoportrait, nous recevons un double héritage, un témoignage humain d’un homme en souffrance mais sachant nous toucher en dévoilant son monde intérieur et un chef-d’œuvre artistique où le peintre a su jouer harmonieusement de l’usage, de la maîtrise et de la signification des couleurs.

[modifier] Voir aussi

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