Audition des Beatles chez Decca

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L’audition des Beatles chez Decca est un épisode célèbre de l'histoire du groupe britannique, se rapportant à leur tentative, soldée par un échec, de conclure un contrat professionnel avec ce prestigieux label de musique. A la suite d'une audition à Londres le 1er janvier 1962, la maison Decca n'est pas convaincue et refuse d'engager les Beatles, qui finiront par signer chez un label concurrent, Parlophone, division d'EMI.

L'ensemble des enregistrements issus de ces séances constituent les Bandes Decca, qui circulent depuis lors sous forme de disques pirates.

Sommaire

[modifier] Historique

Dès 1961, Brian Epstein est convaincu que les Beatles, petit groupe de Liverpool qu'il avait décidé de manager, doivent se lancer dans une carrière discographique, mais les grandes compagnies sont concentrées à Londres. S'y rendant, Epstein rencontre Mike Smith, le directeur artistique de Decca, lors d'un concert au Cavern Club, et le convainc d'auditionner le groupe. Il se voit confirmer un rendez-vous aux studios de la firme pour le 1er janvier 1962.

Epstein et les Beatles s'y rendent, convoyés par Neil Aspinall. Ils interprètent des classiques du rock, des chansons traditionnelles arrangées et quelques chansons de leur propre répertoire. Mike Smith est enthousiaste et leur promet une réponse prochaine. Pourtant, il faut attendre mars pour que Brian Epstein soit convoqué à Londres, pour apprendre que l'audition en question s'est soldée par un échec. Il tente de convaincre Beecher Stevens et Dick Rowe, deux responsables importants de Decca, de donner au groupe une seconde chance, mais ceux-ci ne veulent pas des Beatles[1].

Le groupe repart alors à Hambourg pour un engagement de sept semaines au Star Club. A son retour, début juin 1962, il sera auditionné aux studios EMI d'Abbey Road par George Martin, patron du label Parlophone. Ils y sont finalement engagés et la suite fait partie de l'histoire.

Le batteur du groupe à l'époque de l'audition chez Decca est encore Pete Best. Pour prouver leurs capacités de chanteurs, John Lennon, Paul McCartney et George Harrison se partagent le rôle de chanteur principal, avec tout de même une majorité de titres pour Paul, dont la voix est estimée plus séduisante.

Il est à remarquer que hormis Money et Till There Was You — qui toutes deux ne seront reprises que sur leur deuxième album With the Beatles — ces chansons resteront taboues pour les Beatles, qui ne les placeront pas sur les albums officiels. Il leur arrivera cependant d'en interpréter sur scène à titre de bonus.

[modifier] Raisons du refus

Le célèbre refus de Decca de signer un contrat avec les Beatles est resté longtemps incompréhensible et son directeur artistique, Dick Rowe, y a gagné un surnom pour la vie : « The man who turned down The Beatles » (L'homme qui rejeta les Beatles). On lui prête aussi ces paroles à l'adresse du jeune manager du groupe : « Go back to Liverpool, Mr. Epstein. Groups with guitars are out. » (« Retournez à Liverpool, M. Epstein, les groupes à guitares vont disparaître. »)

Autre raison du refus de Decca, l'inclination de cette maison de disques à vouloir signer avec des groupes londoniens. Decca hésitait d'ailleurs entre les Beatles et une autre formation venue d'un quartier ouvrier de l'East End. Les propos de Dick Rowe permettent de mieux comprendre ce choix : « Nous avions décidé qu'il était préférable de prendre un groupe local de la banlieue de Londres. Nous pouvions travailler avec lui plus facilement et avoir un contact plus étroit puisqu'ils venaient de Dagenham. »

La musique du groupe est hésitante et le répertoire peu ambitieux, même si l'interprétation de standards du rock'n'roll est une pratique normale et courante. C'est peut-être aussi pour ces raisons que Dick Rowe ne se sent pas convaincu par leur potentiel créatif. D'ailleurs, les Beatles donnent le meilleur d'eux-mêmes sur la scène, qui est leur spécialité depuis plusieurs années, et où ils expriment une énergie compensant en partie leurs lacunes musicales. Paralysés par l'enjeu et hors du contexte des clubs, les Beatles donnent aux maisons de disques (telles Polydor ou Pye) des prestations souvent catastrophiques, n'osant pas non plus proposer un répertoire personnel important. Les Beatles apparaissent comme des imitateurs, dont l'originalité propre n'a pas encore clairement émergé. Finalement, un seul directeur artistique sur la place londonienne décèlera presque instantanément ce potentiel, cette originalité, ces promesses créatives que les autres n'ont pas vues : George Martin.

Le refus de Decca s'explique aussi par le fait que les modes changent vite au début des années soixante, et que les stratégies commerciales des maisons de disques sont fondées sur des succès éphémères ; elles sont persuadées que la beat music a vécu et qu'elle va être remplacée par une musique dansante venue d'Amérique : le twist. Le triomphe du Merseybeat de Liverpool est un phénomène inattendu dans le monde très londonien du show-business.

Un peu plus tard, la firme Decca ne ratera plus le coche et connaîtra le succès avec un autre groupe phare des années soixante, les Rolling Stones.

[modifier] Publications

À cause du statut légal de ces titres (enregistrés alors que les Beatles n'ont pas encore signé avec EMI, les bandes ont surtout servi à alimenter le répertoire des disques pirates dans les années 1970 à 1990. En effet, les actions judiciaires intentées par la firme Apple ont de toute façon toujours repoussé ces enregistrements dans le monde du disque illicite. En 1976, quatorze des quinze titres paraissent sous la forme d'une série de sept 45 tours fabriqués en vinyl coloré sur un label nommé Deccagone (cette forme d'édition entraînant l'omission d'un des titres : Take Good Care of My Baby), puis à partir de 1979 de 33 tours souvent nommés The Decca Tapes et réunissant les quinze chansons. Il en existe une version picture-disc[2].

Nombre d'entre ces titres sont également présents sur le disque pirate The Hamburg Tapes, tiré d'un enregistrement amateur. Le film Let It Be contient un extrait de Bésame Mucho, qui n'est pas repris sur le disque. Les morceaux circulent encore aujourd'hui sous forme de mp3 sur Internet. Enfin, de façon officielle cette fois, plusieurs titres issus de ces enregistrements ont finalement été placés sur le disque Anthology 1 publié en 1995.

Deux titres de cette audition, jamais interprétés par les Beatles, sont sortis sur le label Northern Songs, créé par Dick James et Brian Epstein en 1963 afin d'éditer des chansons écrites par Lennon et McCartney. Il s'agit de Love of the Loved enregistré par Cilla Black en 1963, et Like Dreamers Do par les Applejacks en 1964[3].

[modifier] Liste des morceaux joués

La liste ci-dessous présente la liste des chansons jouées par le groupe lors de leur audition, dans l'ordre de leur enregistrement. Ces morceaux se sont retrouvés sur diverses éditions pirates.

  1. Like Dreamers Do (Paul McCartney)
  2. Money (That's What I Want) (Berry Gordon, Janie Bradford)
  3. Till There Was You (Meredith Wilson)
    • Chant : Paul McCartney
  4. The Sheik of Araby (Harry Smith, Francis Wheeler, Ted Snyder)
  5. To Know Her Is to Love Her (Phil Spector)[4]
    • Chant : John Lennon
  6. Take Good Care of My Baby (Gerry Goffin, Carole King)
    • Chant : George Harrison
  7. Memphis Tennessee (Chuck Berry)
    • Chant : John Lennon
  8. Sure to Fall (In Love with You) (Carl Perkins, William Cantrell)
    • Chant : Paul McCartney
  9. Hello Little Girl (John Lennon & Paul McCartney)
    • Chant : John Lennon et Paul McCartney
  10. Three Cool Cats (Jerry Leiber & Mike Stoller)
    • Chant : George Harrison
  11. Crying, Waiting, Hoping (Buddy Holly)
    • Chant : George Harrison
  12. Love of the Loved (Paul McCartney)
    • Chant : Paul McCartney
  13. September in the Rain (Harry Warren, Al Dubin)[5]
    • Chant : Paul McCartney
  14. Bésame Mucho (Consuelo Velázquez)[6]
    • Chant : Paul McCartney
  15. Searchin’ (Jerry Leiber & Mike Stoller)
    • Chant : Paul McCartney

[modifier] Personnel

[modifier] Notes et références

  1. A cellarful of noise, autobiographie de Brian Epstein
  2. En partie traduction d'un paragraphe de la page du Wikipedia anglophone http://en.wikipedia.org/wiki/The_Beatles_bootlegs
  3. Joseph Brennan, « Songs the Beatles didn't do »
  4. Le titre original de cette chanson de 1958 était To know him is to love him
  5. Chanson populaire écrite en 1937
  6. Chanson populaire mexicaine écrite en 1940, devenue un standard par la suite


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