Anthony Blunt

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Anthony Frederick Blunt (26 septembre 1907 - 26 mars 1983) est un historien d'art britannique, également connu pour avoir été le « quatrième homme » des Cinq de Cambridge, un groupe d'espions ayant travaillé pour le compte de l'Union soviétique pendant la guerre froide.


Sommaire

[modifier] Années de jeunesse

Les collèges de Cambridge
Les collèges de Cambridge

Né à Bournemouth, dans le sud de l'Angleterre, Anthony Blunt était fils de pasteur et cousin d'Elizabeth Bowes-Lyon (épouse de George VI et mère de l'actuelle reine Élisabeth II). Selon une tradition familiale non vérifiée, il aurait également été apparenté à la reine Mary.

Durant ses études à Marlborough College, il se lia d'amitié avec deux futurs écrivains, Louis MacNeice et John Betjeman, ainsi qu'avec Ellis Waterhouse, puis, au Trinity College de l'université de Cambridge, avec ceux qui allaient devenir ses "camarades espions" : Kim Philby, Guy Burgess et Donald Maclean, entre autres. Ils appartenaient à la société secrète des Cambridge Apostles. Ce groupe d'étudiants, proche de la gauche britannique, se caractérisait par son hostilité envers le fascisme et le nazisme.

C'est à l'automne 1933 que, selon Blunt, « le marxisme fit irruption à Cambridge » [1].

[modifier] Recrutement

Blunt effectua une visite en Union soviétique en 1933 et fut recruté l'année suivante par le NKVD (futur KGB). À Cambridge, il avait remarqué[2] l'Américain converti au communisme, Michael Straight.

Il s'engagea dans l'armée britannique en 1939 et entra au MI5, le service des renseignements militaires du Royaume-Uni, où il put avoir accès à des données tenues secrètes, notamment au déchiffrage du code Enigma. Son pseudonyme, pour les Soviétiques, était "Johnson".

[modifier] Sir Anthony Blunt

Après la guerre, il devint le directeur de l'institut Courtauld, qui dépend de l'université de Londres et abrite une importante collection de tableaux. Le « professeur Blunt », considéré comme l'un des plus éminents historiens d'art britanniques, y donna de nombreuses conférences jusqu'à la fin des années 1970.

En 1945, il succéda à Kenneth Clark au poste de conservateur des collections royales, tâche qui lui valut d'être anobli en 1956 et qu'il conserva jusqu'en 1973.

En 1960, il fut le commissaire général de l'exposition Poussin à Paris, exposition grâce à laquelle le public redécouvrit ce peintre.

En 1962, il occupa la chaire Slade à l'université d'Oxford, destinée à l'enseignement des beaux-arts et fondée dans trois universités différentes : Oxford, Cambridge et Londres. Celle d'Oxford, surnommée "chaire John Ruskin" en raison de son premier titulaire, fut occupée entre autres par John Pope-Hennessy en 1956, Kenneth Clark en 1961 et Quentin Bell en 1964.

En 1965, Anthony Blunt devint titulaire de la chaire Slade de l'université de Cambridge, où il succédait à John Pope-Hennessy.

Anthony Blunt était – et reste à ce jour – le meilleur expert mondial de Nicolas Poussin, auquel il a consacré plusieurs ouvrages. Spécialiste de la Renaissance, du classique et du baroque, il a publié différents textes qui font encore référence aujourd'hui, notamment sur Borromini, sur le baroque sicilien, ainsi que sur la peinture et l'architecture en France et en Italie aux XVe siècle, XVIe siècle et XVIIe siècle.

[modifier] Le scandale

Poussin, L'Enlèvement des Sabines
Poussin, L'Enlèvement des Sabines

En 1963, sur information de Michael Straight, le MI5 découvrit son passé d'agent double au service de l'Union soviétique (le quatrième homme des Cinq de Cambridge). N'ayant d'autre issue que d'avouer, Blunt se confessa au MI5. Il détailla les secrets militaires qu'il avait transmis aux Soviétiques et donna les noms d'autres espions en échange de l'immunité et du fait que ses activités ne soient pas rendues publiques.

Sa carrière de traître resta donc un secret d'État jusqu'en 1979, lorsque le Premier ministre de l'époque, Margaret Thatcher, décida de révéler son passé, dans l'enceinte de la Chambre des communes. Le scandale fut considérable. Son titre de chevalier lui fut aussitôt retiré et, à sa mort, l'État britannique refusa son legs de tableaux de Poussin. Son homosexualité sera associée à son parcours, sous la forme de violentes insultes homophobes.

[modifier] Distinctions

[modifier] Publications

[modifier] Ouvrages traduits en français

  • Art et Architecture en France, 1500-1700, Macula, 1983 (Art and Architecture in France, Penguin Books, 1953 et 1982)
  • Souvenirs, Christian Bourgois, 1985 (Souvenirs, Art Monthly, 1979)
  • La Théorie des arts en Italie, 1450-1600, Gérard Monfort, 1986 (Esthetical Theory in Italy, 1940)
  • Philibert de l'Orme, Gérard Monfort, 1986 (Philibert de l'Orme, Zwemmer, London, 1958)
  • Les Dessins de Poussin, Hazan, 1988 (The Drawings of Poussin, Yale University Press, 1979)
  • Catalogues raisonnés des dessins et des peintures de Poussin, avec Walter Friedlaender

[modifier] Ouvrages et articles en langue anglaise

  • The French Drawings of Windsor Castle, London, 1945
  • François Mansart and the Origins of French Classical Architecture
  • Baroque and Rococo Architecture and Decoration
  • Picasso, The Formative Years : A Study in His Sources, New York, 1962
  • Sicilian Baroque, Weidenfeld & Nicolson, 1968
  • Picasso's Guernica, Oxford University Press, 1969
  • The Drawings at Windsor Castle, Phaidon, London, New York, 1971
  • Borromini, Cambridge, 1979
  • Nicolas Poussin, Pallas Athene Publishing, London, 1995
  • From Bloomsbury to Marxism, Studio International, Journal of Modern Art, 1973
  • Rubens and Architecture, Burlington Magazine n° 894, 1977, pp. 609-621
  • Roman Baroque Architecture : The Other Side of the Medal, Art History n° 1, 1980, pp. 61-80
  • Studies in Renaissance and Baroque Art, presented to Anthony Blunt on his 60th birthday, Phaidon, 1967

[modifier] Bibliographie

  • (en) John Banville, The Untouchable (roman), 1997
  • (en) Alan Bennett, Single Spies (An Englishman Abroad, A Question of Attribution) (théâtre), Faber, 1989
  • (en) Andrew Boyle, The Climate of Treason, 1979
  • (fr) Miranda Carter, Gentleman espion, Les doubles vies d'Anthony Blunt, Payot/Rivages, 2006 (Anthony Blunt : His Lives, Macmillan, 2001)
  • (en) John Costello, Mask of Treachery (roman), Collins, 1988
  • (en) Louis MacNeice, The Strings are False, Faber, 1965 et 1996
  • (fr) Youri Ivanovitch Modine, Mes camarades de Cambridge, Robert Laffont, 1994
  • (en) Barrie Penrose et Simon Freeman, Conspiracy of Silence : The Secret Life of Anthony Blunt, New York, 1987
  • (fr) Bernard Sichère, La Gloire du traître (roman), Denoël, 1986
  • (en) Michael Straight, After Long Silence : The Man Who Exposed Anthony Blunt Tells for the First Time the Story of the Cambridge Spy Network from the Inside, Collins, 1983
  • (fr) Franck Venaille, Les Enfants gâtés, in Les Diplomates disparus de Cyril Connolly, Salvy, 1989
  • (en) Nigel West, Seven Spies Who Changed the World, Secker & Warburg, 1991
  • (fr) Peter Wright, Spycatcher, Robert Laffont, 1987 (Spy Catcher, Viking Penguin, New York, 1987)
  • (fr) Cahiers de l'Herne, dir. P. E. Dauzat : « Le clerc de la trahison », article de Jorge Semprun à propos d'Anthony Blunt, 2003
  • (en) Article de George Steiner dans le New Yorker à propos d'Anthony Blunt, 1980

[modifier] Documents

  • Franck Venaille, « Les Espions de Sa Majesté », production de France Culture pour l'émission Les Nuits magnétiques

[modifier] Notes

  1. (Souvenirs)
  2. Mitrokhine V. & Christopher A., Le KGB contre l'Ouest (1917-1991), p.106-107

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes