Angélique de Rouillé

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Angélique de Rouillé.
Angélique de Rouillé.

Angélique Pollart d’Herimetz dite Angélique de Rouillé est née à Ath le 25 juin 1756, rue des Recollets n° 14, en cette antique maison, jadis refuge de l'abbaye de Liessies que Louis XIV occupa - étrange présage - du 15 juin au 7 juillet 1671 avec… les trois reines : Marie Thérèse, l’officielle, Mlle Louise de La Vallière, favorite en déclin et Françoise Athénaïse d’Aubigné, future Madame de Maintenon. Angélique, enfant unique, eut une jeunesse dorée et joyeuse. Très tôt, elle manifesta un sens aigu de l’observation de son entourage et une belle intelligence qu’elle mit en évidence au couvent de Berlaimont à Bruxelles dont elle sortit parfaite aristocrate.

Son brillant mariage en l’église Saint-Julien de Brioude, à Ath, le 15 juillet 1777 à 22 heures, conféra une couronne comtale à la riche héritière qu’elle était en puissance, mais initia une vie conjugale qui allait se révéler peu heureuse en raison même de l’âge respectif des époux mais aussi de leur caractère différent et leurs inclinations divergentes. Et pourtant, la jeune femme fit l’impossible en vue des meilleurs « arrangements » avec un époux de dix-sept ans plus âgé qu’elle. Le mode de vie de chacune des parties était quasi opposé. Louis de Rouillé, Chevalier de St Louis et Maître de camps des Dragons du Roi, habitué à l’éclat et la frivolité de la vie parisienne, ne pouvait se complaire indéfiniment au paisible et champêtre manoir d’Ormeignies, dans la fréquentation des nobles voisins de Blicquy, Moulbaix, Belœil, Houtaing, Bauffe, Maulde, Anvaing et autres lieux, tellement pâles et médiocres à côté de la haute société parisienne où il brillait, même criblé de dettes. S’ensuivirent de multiples et longues séparations conjugales, mais sans rupture officielle, car si Louis était peu retenu par son épouse si charmante pourtant - de son propre aveu - il n’en fut pas pour autant mauvais père. Il sut se soucier de l’avenir militaire de ses trois fils, Adolphe, Auguste et Edouard après l’annexion de la Belgique à la France, par " La Convention " du 1er octobre 1795. C’est Édouard qui, au retour d’une campagne d’outre-Rhin reçut le dernier soupir de son père, à Paris, le 25 novembre 1814.

Le Comte se montrait aussi généreux à l’excès lorsque ses filles Aglaé, Eugénie ou Justine lui rendaient visite. Elles en revenaient chargées de cadeaux, de parures, de colifichets coûteux malgré les finances désastreuses du « cher petit papa » calamiteux gestionnaire des miettes du patrimoine parisien.

" Et pendant ce temps là "

Angélique entretenait une abondante correspondance tous azimuts, mais ne négligeait pas son mari dans cette « écrimanie », comme elle appelait son penchant au plaisir de l’écriture.

Fine observatrice de son entourage, elle nous a légué un considérable courrier décrivant les us et coutumes de son temps, ainsi que les potins qui alimentaient les conversations dans les châteaux du Landerneau et les habitudes du monde rural qui l’environnait. C’est durant la nuit, à la lueur tremblotante d’un quinquet ou d’une chandelle à la flamme vacillante qu’elle déversait, autant de son cœur généreux que de son esprit subtil, une prose attachante de simplicité et de précision, profondément sensible, parfois humoristique ou ironique mais toujours exprimée avec tant de tact et de finesse qu’en était exclue toute connotation agressive ou simplement péjorative. Ses journaux, fidèles confidents, relatent en aide-mémoire les choses les plus intimes sinon secrètes.

En un mot comme en mille, elle a mérité cent fois le titre de « Madame de Sévigné du Pays d’Ath » que lui décerna son historiographe, feu Monsieur Armand Louant, conservateur en son temps des Archives de l’État à Mons. Il pénétra si profondément l’âme et l’intimité de la Comtesse qu’il s’en déclara réellement amoureux, bien platoniquement, et pour cause… à près de deux siècles d’intervalle !

Jamais, elle ne laissa apparaître ses angoisses ou ses souffrances intimes. Elle demeurait avenante, conviviale, apparemment joyeuse et contait volontiers des histoires drôles, habillait certaines rumeurs ou situations d’un humour délicatement coloré, mais jamais caustique, avec le seul propos de faire rire " la Compagnie ". Ainsi appelait-elle ce cercle d’amis bourgeois de la région ou hobereaux du voisinage : Moulbaix, Blicquy, Houtaing, Belœil et autres villages sous obédience de têtes couronnées. Elle aimait rire et faire rire. Il faut voir en cette inclination une façade dissimulant pudiquement des drames. Le Comte Louis de Rouille était trop habitué au faste parisien où il brillait et faisait illusion malgré une impécuniosité grandissante en un temps où la fortune changeait de camps : « Les gens de basse extraction sont en voiture et ceux de la plus haute courent à pied dans les rues » trouve-t-on dans une correspondance que lui envoie son oncle parisien, M. de Lorme.

Et puis, à Paris, Louis était libre, échappait aux cancans propres aux petites villes où tout le monde se connaît, s’observe et critique. Ses brefs retours au Pays Vert le confirmaient dans cette conviction, au spectacle des chamailleries familiales, le père Pollart étant au demeurant « difficile à vivre » semble-t-il. Même Angélique en eut à souffrir et connut de profonds différends avec lui jusqu’à une fragile réconciliation à l’initiative de Louis.

D’un autre côté, celle-ci aimait l’environnement amical des soirées d’Ormeignies rassemblant les nobles du landerneau et détestait la frivolité parisienne et plus encore l’hostilité que sa belle-mère ne lui cachait guère, pour de basses et mesquines raisons d’un futur héritage dont elle envisageait de privilégier sa fille au détriment de son fils Louis, trop dépensier.

Notre Châtelaine eut à souffrir encore de la venue inopportune au manoir d’un pseudo Prince d’Albanie, un fat, présomptueux, flambeur mais beau parleur qui usa de ce don pour vilipender Angélique, la taxer d’une légèreté morale faisant d’Ormeignies un mauvais lieu. Il est vrai qu’honnête et sincère, elle n’avait point dissimulé son aversion envers cet aventurier d’Europe Centrale qui, avant de disparaître comme il était venu, n’avait pas manqué d’escroquer l’un ou l’autre commensal, habitué du château, non sans avoir diffusé ignominieusement qu’il avait bénéficié des faveurs de la princesse de Ligne, qu’il appelait fort irrespectueusement « la grosse pendule  ».

Outre ces déboires plutôt secondaires, rappelons qu’en situation de quasi-constante séparation conjugale, elle donna la vie à 6 reprises, parfois dans des conditions douloureuses et pénibles accompagnées des sarcasmes d’un époux la trouvant… « trop féconde » à défaut d’avoir accepté le rôle de maîtresse, qu’il en attendait avec une réelle impudeur audacieusement exprimée. Et comme si les préoccupations inévitables suscitées par une famille de trois filles : Aglaé, Eugénie, Justine, et de 3 garçons : Auguste, Adolphe, Édouard, voilà que ces derniers entrent dans la carrière militaire. Entreprise bien dangereuse en ce temps de guerres incessantes sous l’empereur Napoléon. Auguste mourra, seul, à l’hôpital de Niort, après bien des dangers dont notamment un coup de pied de cheval mal guéri et autres ennuis de santé. Les deux autres seront sur les champs de bataille ensanglantant l’Europe. Devinera-t-on les affres d’inquiétude assaillant une mère sachant ses enfants en pareils périls qu’ils lui traduisaient en d’abondantes lettres.

Que de mères, sœurs, épouses, fiancées de prisonniers en Allemagne, il y a un demi-siècle, n’ont-elles pas veillé la nuit en pensant « à eux », qui cependant étaient moins exposés que les soldats de l’Empereur le furent en des charges homériques à Wagram, Friedland, Austerlitz, Dresde, Eylau, Erfurt, Berlin, Leipzig, Francfort, Badajoz, Bidassoa, et autres lieux de tueries dont la liste est interminable en s’étalant de 1794 à 1815.

Il n’y a qu’à Waterloo qu’ils ne furent pas.

C’est un peu amusant encore de retenir, qu’à la veille de leurs hauts faits d’armes qui leur valurent la légion d’honneur, pour entrer dans l’armée française, Auguste exhiba une attestation « fausse » du Feld Marechal Charles-Joseph de Ligne, établissant que son protégé avait accompli 4 années de service militaire sous uniforme autrichien.

Qui prétendra encore que " le faux et usage de faux " est une pratique propre à notre triste époque ? Mais qui, en ce temps-là, eût osé provoquer et révéler… " des affaires ".

La châtelaine d’Ormeignies fut bien soulagée de la défaite de l’empereur Napoléon, à Waterloo, le 18 juin 1815, « un usurpateur odieux qui aurait dû périr sur l’échafaud » clamait Angélique. Malgré son profond loyalisme l’attachant à la famille royale hollandaise, elle en reconnaît les défauts, avec sa spontanéité toute empreinte de droiture : « Un Hollandais ne connaît et n’aime que l’argent; et c’est bien le défaut de notre roi », écrira-t-elle. Ou bien encore l’impérialisme intolérant et le favoritisme politique, l’insolente pseudo supériorité culturelle et linguistique des Bataves l’importuneront " Mons devient Bergen; les plus doués sont sans emploi. Eussiez-vous la science infuse, vous n’obtiendrez rien si vous ne savez pas le hollandais si difficile à apprendre pour les gens du Sud ". Rien de nouveau sous le soleil et l’histoire est un perpétuel recommencement.

Bonne chrétienne, elle déteste que le libéralisme s’installe à l’encontre de son conservatisme, elle réprouve les nombreux mariages mixtes et de surcroît, elle apprend que son fils Édouard, le plus jeune et le plus brillant, vire à l’anti-orangisme et participe à des banquets politiques hostiles au roi Guillaume d’Orange. Les sujets d’amertume ne lui manquent pas. Elle les dilue dans sa gaieté naturelle en regrettant qu’« […] en France, la Royauté s’appuie sur le Clergé qui influence la vie politique et se mêle du comportement privé des gens ». Et d’ironiser sur l’exigence ridicule de l’Église imposant le jeûne aux vieillards des hospices, surveillant la pratique religieuse des fonctionnaires, ce qui les incitait à l’hypocrisie.

En Belgique, la situation est à peine moins étroitement surveillée et opprimée. Pourtant le protestantisme, d’abord de Guillaume de Hollande et ensuite, après 1830, du premier roi belge Léopold de Saxe-Cobourg, ex-général des armées du Tsar de Russie et par ailleurs franc-maçon reçu en la loge " L’espérance " à Berne le 1er novembre 1813, aurait pu aérer le climat d’une tolérance bienvenue.

Tant et si bien qu’Angélique, tout en demeurant monarchiste, se détourne de la politique « trop désespérée de tout ce qui se passe ». Elle se replie sur elle-même, au manoir d’Ormeignies, entourée de ses belles filles et ses petits enfants, mais sans cesser d’écrire tard dans la nuit, à la plume d’oie et à la lueur tremblotante d’un crachet ou d’une chandelle, tandis que le village est plongé dans une obscurité dense et que les habitants recrus de fatigue après d’interminables journées dorment en paix.

La châtelaine veille pour eux en ces heures de grand silence tellement propice à son « écrimanie », ainsi appelle-t-elle cet art d’écrire et de décrire qui en fait la " Madame de Sévigné du Pays d’Ath ".

Mais le temps passe, trop vite pour tout le monde, minute par minute. Le tic-tac de la grande horloge du château grignote la vie de chacun. Plus sensible que quiconque à la terrible loi " tempus fugit sicut umbra " (le temps fuit comme l’ombre), elle se sent vieillir, et pourtant à peine apparaissent quelques rides et un peu plus de fils d’argent dans sa noire coiffure, mais dans un souci de coquetterie, en souhaitant d’être contredite, elle se trouve : « une grosse figure où l’on ne voit plus mes yeux ». Car elle luttait contre les méfaits du temps et ses « malheurs » n’avaient point abattu sa fierté, même elle avait encore cet éclat emprunté dont elle eut soin de peindre et d’orner son visage, à la manière de Jésabel dans Le songe d’Athalie de Jean Racine.

Avec un sentiment de nostalgie propre à toutes les époques et le même pour tous les vivants, elle souffre de voir disparaître tout ce qui l’a précédée et ses contemporains. De là à appréhender les perclusions du grand âge, il n’y a qu’un pas qu’elle franchit encore avec lucidité mais qu’elle compense par un dernier voyage à Bruxelles, et même Anvers… « pour essayer le chemin de fer » une nouveauté révolutionnaire pour l’époque.

Ce sera le chant du cygne, sinon l’ultime pavane. Elle en reviendra fourbue, mais contente. Cette escapade lui avait fait oublier la déroute, la déliquescence de l’ancienne et si amicale " compagnie ". Duval de Beaulieu était à Attre, en procès avec ses fils, lesquels procédaient l’un contre l’autre à Cambron, le beau Château de Seneffe tombé en quenouille était acheté par un exploitant de charbonnage. L’oncle Honoré de Pestre sombrait dans le gâtisme. À Moulbaix, le Marquis de Chasteler était mort. Blicquy s’était exilé volontairement à Bruxelles. Les amis Lalin, d’Ath, croupissaient dans l’indigence à Valenciennes. Les accents funèbres, si démoralisants, enténébraient son beau Pays Vert, et malgré tout, Angélique écrivait sans fin, s’étant acheté de nouvelles lunettes au prétexte de lire les œuvres de son ami Charles Joseph de Ligne, son confrère en littérature.

Le samedi 1er février 1840, elle est prise d’un malaise. Malgré ses 84 ans, elle s’en remet et semble immédiatement aller beaucoup mieux. Le mardi suivant, elle lit son journal dans son lit. Edouard passe l’embrasser, et comme si elle n’attendait que cela, elle s’effondre dans ses bras, foudroyée, comme elle l’avait souhaité, sans maladie, sans souffrance, sans perclusions.

Peu avant sa mort, elle rappelait un engagement pris au temps béni de sa jeunesse :

« Je m’engage sur ma parole d’honneur d’être unie à mes frères et mes sœurs, d’être fidèle au roi et à l’amitié. Je jure d’être humaine et douce, bienfaisante envers tout être souffrant ou malheureux. C’est à l’amitié que je consacre mes jours, c’est à en sentir le bonheur et à en pratiquer les devoirs que je m’engage »

Bien plus, elle ajoute que s’il lui arrivait de trahir son idéal en manquant à son serment :

" puissent mon cœur se dessécher et ma main se paralyser et éprouver tous les maux qui sont le partage des ingrats et des inconstants "

Là, Angélique levait un coin du voile qui couvre son jardin philosophique secret et qu’Armand Louant avait à peine abordé, comme si le sujet devait le compromettre et comme s’il existait des limites dans la recherche de la vérité, qu’elle soit historique ou philosophique. Un conférencier honnête et scrupuleux - ce que je veux être - ne peut rien dissimuler à ses auditeurs et encore moins altérer ou solliciter des réalités historiques. Dès lors il faut bien ajouter qu’en fait, Angélique appartenait à la franc-maçonnerie. Pour garder intacte une réputation d’honnêteté intellectuelle acquise après tant d’années d’études, d’écriture et de recherches, je voulus élargir le champ de mes investigations. À cette fin fallait-il encore examiner scrupuleusement les travaux conduits dans cette direction délicate par Monsieur Maurice Aarnould, professeur émérite d’Histoire à l’ULB, et par Monsieur Georges de Froidecourt, substitut du procureur général à Liège.

Sait-on assez que notre Comtesse fut, sinon familière, du moins contemporaine dès encyclopédistes Rousseau, Marmontel, Diderot, d'Alembert, mais aussi de l’irascible Voltaire, tous écrivains et philosophes du " siècle des lumières ". Celui-ci correspondait au mouvement de reflux libératoire qui suivit le flux d’atrocités né de la Révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV, en 1685. Il s’agissait d’anéantir " La liberté de Conscience " accordée par le bon roi Henri IV, le 13 avril 1598 pour mettre fin aux guerres de religions. En tournant cette page, le Roi Soleil allait déclencher persécutions, assassinats et notamment les sanglantes dragonnades au sud de la Loire. Au nord de ce fleuve, 300 000 protestants traqués prirent le chemin de l’exil vers la Belgique, la Hollande et l’Allemagne.

Et c’est précisément en ce siècle des Lumières que naquit en Angleterre, en 1723, un mouvement socioculturel appelé " franc-maçonnerie " dont l’esprit de concorde, de paix et de tolérance lui valut de déferler rapidement sur le Continent. Il gagna l’esprit de notre châtelaine d’Ormeignies qui constitua, avec quelques bourgeois et officiers casernés à Ath, une loge dite mixte, en 1476. Elle avait 20 ans et voulut, avec le caractère indépendant qu’on lui connaît, affranchir sa création de toute tutelle extérieure des loges masculines comme il était d’usage à l’époque.

Elle plaça cette loge sous le signe distinctif de " L’Amitié " et l’on comprend mieux dès lors que le rappel qu’elle fit de ses engagements, où elle évoque « l’amitié » visait en réalité, non pas tellement cette vertu en général qu’elle pratiquait de grand cœur dans son vécu quotidien, mais surtout " L’Amitié " dans le sens où sa création philosophique était placée sous ce vocable.

Le Comte de Rouille fit partie de cette association qu’il avait personnellement envisagé de créer en 1773 sur la place de Mons. Il y a donc tout lieu de croire qu’il avait de la suite dans les idées et que, par ce biais, il effectuait une marche d’approche vers la riche héritière Pollart d’Herimetz qu’il avait déjà, par ailleurs, impressionnée par sa prestance de Capitaine des Dragons du Roy et son brillant ramage de séducteur bien français.

Nul ne sait exactement quand cessèrent les assemblées tenues au manoir d’Ormeignies par cette organisation, sinon qu’un édit de Joseph II supprima les loges maçonniques des Pays-Bas autrichiens en 1786 et en ramena le nombre à 4 pour tout le pays. On peut croire que la loge d’Ormeignies vécut quand même clandestinement jusqu’à l’époque napoléonienne. En effet, par une lettre datée de la fin du siècle, Edouard demandait à sa mère si « son ami Wavrechin » (un maçon ami de son frère), viendra à Ormeignies pour le recevoir comme franc-maçon, car, ajoute-t-il « J’avais une facilité pour être reçu ici… le Duc d’Ursel m’ayant promis d’être mon parrain » (son répondant en quelque sorte).

L’étonnement que l’on éprouve envers le courage avec lequel Angélique supporta ses tribulations conjugales et ses difficultés maternelles, s’explique dans la foi maçonnique qu’elle pratiquait fidèlement, après avoir, sans renier ses attaches profondément chrétiennes, tourné le dos au catholicisme. Ainsi confie-t-elle à son journal :

" Je n’aime pas tous ces rigoristes et ces dévotions exaltées. Je préfère garder la foi du charbonnier, c’est plus commode et cela ne m’oblige pas d’aimer les Jésuites, ni de trop les haïr "

Elle écrira encore à une autre occasion au sujet du recrutement d’une éducatrice pour ses petites filles.

« … qui leur fasse aimer la religion d’un Dieu bon et miséricordieux et non d’un Dieu vengeur, toujours armé de rigueur. Qu’on les rende pieuses et non scrupuleuses et qu’on ne cherche pas à en faire des religieuses ni à les dégoûter des plaisirs honnêtes ».

Et comme pour confirmer son opinion en prenant l’éducation de ses propres filles comme premier terme de la comparaison :

« Mes filles ne m’ont jamais quittée. Elles sont bien mieux que beaucoup d’autres qui ont été dans des pensions dispendieuses et dont elles sont revenues avec beaucoup de défauts pour ne pas dire des vices, et beaucoup de bigoteries ».

Une telle indépendance d’esprit et une telle fidélité lucide à ses convictions placent Angélique aux tout premiers rangs des progressistes. Forte de l’expérience souvent douloureuse d’une vie qui ne lui a rien épargné, elle se situe à l’avant-garde du mouvement féministe devant conduire à la libération de la femme. Voilà bien un titre de noblesse exceptionnel à ajouter à sa couronne comtale !

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