Amin al-Husseini

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Amin al-Husseini (Jérusalem, 1895 (1313 AH)[1] - Beyrouth, 5 juillet[2] 1974), (أمين الحسيني, ou Hadj Amin al-Husseini, également connu en tant que "le Grand Mufti") fut un leader religieux et nationaliste en Palestine mandataire.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Jeunesse

Durant sa jeunesse, Amin a-Husseini est éduqué pour succéder à son père, Mufti de Jérusalem[3]. Il étudie la Loi islamique à l'Université Al-Azhar du Caire puis ensuite poursuit ses études dans une école d'administration à Istanbul[2].

En 1913[2], à 18 ans, il effectue le pélerinage de la Mecque et rajoute Hadj à son nom[3] comme le permet la tradition musulmane[4] pour se faire appeler Hadj Amin al-Husseini, un des deux noms sous lesquels il est le plus souvent cité[5].

Durant la Première Guerre mondiale, il s'engage dans l'armée ottomane qu'il quitte[6] en 1917 pour retourner à Jérusalem[3]. Après la victoire britannique sur les Ottomans et leur arrivée en Palestine, il collabore avec ces derniers et devient « un musulman pieux, au service d'une armée chrétienne, contre un ennemi musulman »[7].

[modifier] Nationalisme arabe

Icône de détail Article connexe : nationalisme arabe.
Conflit arabo-sioniste
en Palestine mandataire


Émeutes de 1920 - Jérusalem
Émeutes de 1921 - Jaffa
Émeutes de 1929 - Hébron
Grande Révolte arabe de 1936-1939
Guerre civile de 1947-1948

Après la guerre, Amin al-Husseini devient membre d'Al-Nadi, une des sociétés secrètes qui milite pour l'indépendance de la Syrie-Palestine[8]. A cette époque, les français et les Arabes, dirigés par Fayçal ibn Hussein s'affrontent pour le contrôle de la Syrie et les Alliés ne se sont pas encore prononcés sur l'avenir du Moyen-Orient.

En 1919, dans le contexte de la visite de la commission King-Crane ayant la mission de recueillir l'avis des populations locales sur le mode de gouvernement qu'elles souhaitent, les leaders nationalistes Aref al-Aref et Amin al-Husseini parcourent les villes et villages palestiniens afin d'y organiser des manifestations pro-Hussein[9].

En 1920, il figure parmi les instigateurs des Émeutes de Nabi Moussa qui font une dizaine de morts et plus de 250 blessés[10] et dont le but est de faire pression sur les Alliés à la veille de la Conférence de San Rémo[11]. Son rôle lui vaut une condamnation à 10 ans d'emprisonnement par les Britanniques[10] mais il s'enfuit pour Damas avant de pouvoir être arrêté.

Le 8 juillet, en geste d'apaisement, le Haut-Commissaire Herbert Samuel qui vient d'arriver en Palestine mandataire le grâcie, ainsi que les autres personnes condamnées lors des émeutes[12],[13].

A la même époque, les français prennent le contrôle de la Syrie et chassent Fayçal de Damas. Le pan-arabisme de la Révolte arabe est vaincu et un nationalisme arabe palestinien le remplace principalement au sein de l'élite dont Amin al-Husseini fait partie[14].

[modifier] Grand Mufti de Jérusalem

Après la mort en mars 1921 du frère de Amin, l'ancien mufti Kamîl Amin al-Husseini, le Haut Commissaire britannique Herbert Samuel gracie Amin al-Husseini. Celui-ci et un autre militant arabe avaient en effet été exclus de l'amnistie générale précédente, car ils avaient pris la fuite avant que leurs condamnations leurs aient été transmises.

Des élections pour le remplacement de Kamîl Amin al-Husseini ont lieu, et des quatre candidats au poste de Mufti, Amin al-Husseini est celui qui reçoit le moins de voix. Néanmoins, Samuel, soucieux de maintenir un équilibre entre al-Husaynis et le clan rival des Nashashibi[15] décide de nommer Amin al-Husseini Grand Mufti de Jérusalem[16], un poste détenu par le clan al-Husseini depuis plus d'un siècle.

Amin al-Husseini restera Grand Mufti jusqu'en 1948, et à son remplacement par Husam al-Din Jarallah, nommé par le roi de Transjordanie, Abdallah Ier.

[modifier] Nationalisme palestinien et antisionisme

Icône de détail Articles détaillés : nationalisme palestinien et antisionisme.

En 1936, Al-Husseini est l'instigateur de la Grande Révolte arabe. Recherché par les Britanniques, il quitte la Palestine en 1937 et se réfugie en Allemagne nazie en 1941.

[modifier] Seconde Guerre mondiale

Lors de sa rencontre avec Adolf Hitler, le 28 novembre 1941, et dans ses émissions de radio, Hadj Amin al-Husseini affirmait que les juifs étaient les ennemis communs de l’islam et de l'Allemagne nazie[17]. Les notes sur cette rencontre sont prises par Paul-Otto Schmidt. Dans son compte-rendu, Schmidt rapporte les propos de Hitler au Mufti. Hitler expose certains projets stratégiques au Mufti, notamment, celui d’atteindre la porte sud du Caucase. Schmidt note alors : « Dès que cette percée sera faite, le Führer annoncera personnellement au monde arabe que l’heure de la libération a sonné. Après quoi, le seul objectif de l’Allemagne restant dans la région se limitera à l’extermination des juifs vivant sous la protection britannique dans les pays arabes» [18].

Hitler fut impressionné par son intelligence[19]. Il dira de lui : « Le Grand Mufti est un homme qui en politique ne fait pas de sentiment. Cheveux blonds et yeux bleus, le visage émacié, il semble qu'il a plus d'un ancêtre aryen. Il n'est pas impossible que le meilleur sang romain soit à l'origine de sa lignée »[20].

[modifier] Guerre de Palestine de 1948

Durant la Guerre de Palestine de 1948, il mène, dans le camp arabe, le clan nationaliste palestinien, s'opposant à la fois à la fondation d'un état juif et aux ambitions du roi Abdallah Ier d'annexer une portion de la Palestine.

[modifier] 1948-1974

Après la défaite arabe contre Israël, le Mufti prend la tête du « gouvernement de toute la Palestine ».

Il vit en Égypte jusqu'en 1960 quand il part vivre au Liban et il se retire de la vie publique en 1962 quand il démissionne de la présidence du Congrès islamique mondial[21].

Il reste une personnage d'influence. Ainsi selon Léon Poliakov, Amin al-Husseini a également joué un rôle pivot dans l'alignement de pays africains et asiatiques sur les positions antisionistes défendues par les pays arabes[22]. En effet, il a convaincu en avril 1955 la quasi-totalité des vingt-cinq participants à la Conférence de Bandung[23] qui n'avaient jusqu'alors pas d'avis arrêté sur ces questions leur apparaissant comme très éloignées de leurs problèmes nationaux immédiats, au sortir de l'époque coloniale. Représentant le Yémen (où il n'avait jamais été) à la Conférence, Amin al-Husseini s'est efforcé de « révéler les véritables visées sionistes », à savoir la constitution d'un vaste empire s'étendant du Nil à l'Euphrate - et incluant notamment la ville sainte islamique de Médine. Certes, les autres orateurs arabes ont aussi prononcé des discours anti-israéliens à cette Conférence, mais Amin al-Husseini a été le plus éloquent et il a convaincu son auditoire au point que, selon le compte-rendu paru dans Le Monde du 20 avril 1955, « la résolution anti-israélienne a été le seul point d'accord de la conférence[24]. »

[modifier] Analyses

[modifier] Responsabilité du Mufti dans le conflit israélo-arabe

L'historiographie israélienne dès 1947 et certains mouvements toujours aujourd'hui considèrent que le Mufti de Jérusalem est responsable du conflit entre Arabes et Juifs en Palestine mandataire. La version de 2006 d'une biographie du Mufti écrite par Moshe Perlman, un proche de David Ben Gourion, est résumée par l'éditeur en ces mots :

« Par le passé, arabes et juifs vivaient pacifiquement en Palestine. Leurs dirigeants contruisaient leur futur ensemble. Alors arriva Hadj Amin al-Husseini, l'oncle de Yasser Arafat. Il choisit le fascime et le jihad. Les dirigeants modérés durent partir, intimidés et assassinés par lui. Ses projets sanglants furent temporairement interrompus par la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle il partit pour l'Allemagne et où il collabora étroitement avec les dirigeants nazis dans des plans d'extermination et de bataille. Accusé de crime de guerre, il échappa aux Alliés pour poursuivre son travail de terreur, travail perpétué par ses proches et ses associés après sa mort.»[25].

Walter Laqueur rapporte des témoignages de l'époque qui vont dans le même sens. Ainsi, en 1938, le colonel Kisch écrit : « je n'ai aucun doute quoi qu'il en soit que sans l'abus par le Mufti de ses immenses pouvoirs et la tolérance de ces abus par le gouvernement pendant 15 ans, une compréhension judéo-arabe dans le contexte du mandat aurait été atteinte depuis longtemps. » Cependant Laqueur nuance ce point de vue. Il écrit que : « [si le Mufti] assume beaucoup de responsabilité dans les émeutes de 1929 et la guerre civile de 1936-39[;] (...) il est naïvement optimiste de supposer que sans la nomination du Mufti et ses activités, les relations judéo-arabes auraient suivi un chemin différent [car] tôt ou tard l'élément extrémiste aurait prévalu parmi les autorités arabes[26]. »

[modifier] Amin al-Husseini et l'antisémitisme

L'historiographie israélienne dépeint le Mufti comme un antisémite viscéral[27]. Il conserve encore largement cette image aujourd'hui en occident, particulièrement en Israël.

Ses biographies récentes mettent toutefois plus en avant son nationalisme[28]. Toutefois Zvi Elpeleg, bien qu'auteur d'une biographie qui le réhabilite[28], conclut son chapitre portant sur le rôle du Mufti dans l'extermination des Juifs en écrivant qu'« en tous les cas, il n'y a aucun doute que la haine du Mufti n'était pas limitée au Sionisme mais s'étendait aux Juifs en tant que tels. Ses contacts fréquents et étroits avec les dirigeants du régime nazi ne peuvent lui avoir laissé aucun doute sur le destin qui attendait les Juifs dont l'émigration était empêchée par ses efforts. Ses nombreux commentaires montrent qu'il n'était pas seulement réjoui que les Juifs étaient empêchés d'émigrer en Palestine, mais qu'il était très satisfait par la Solution Finale des Nazis[29]. » Selon Benny Morris, « le Mufti était profondément antisémite. » Il justifie ce point de vue en soulignant que le Mufti colportait l'idée que les Juifs avaient provoqué leur propre Holocauste et qu'ils étaient « suffisants [et] enracinés dans leur croyance d'être le peuple élu (...). » Dans le contexte de sa thèse selon laquelle la Guerre de 1948 était perçue par les Arabes comme une Jihad, il souligne que le Mufti faisait référence au Coran dans ses attaques contre les Juifs[30].

Dans une étude consacrée au rôle et à l'usage de l'holocauste dans le sentiment nationaliste israélien, l'historienne Idith Zertal remet en cause l'image antisémite du Mufti et considère qu'« une description plus correcte [le ferait apparaître] comme un leader palestinien nationaliste-religieux fanatique (...) »[31]. Selon elle, l'image antisémite du Mufti a été largement amplifiée. Elle souligne ainsi le fait « étonnant » qu'une « source de savoir sur l'Holocauste aussi indiscutable et de référence que l'encyclopédie de l'Holocauste au Yad Vashem le dépeigne comme un grand planificateur et acteur de la Solution Finale. L'article qui lui est consacré est 2 fois plus long que ceux de Goebbels et Goering, plus long que la somme des articles consacrés à Heydrich et Himmler et plus long que celui d'Eichmann. » Elle ajoute que, dans la version hébraïque, son article est presqu'aussi long que celui d'Adolf Hitler[32].

[modifier] Annexes

[modifier] Notes et références

  1. Philip Matter fait état d'une controverse quant à la date de naissance du Mufti qui a longtemps été présenté comme étant né en 1893.
  2. abc Biographie d'Amin al-Husseini sur le site passia.org
  3. abc Tom Segev (2000), p.103.
  4. Voir l'article Hadj.
  5. On parle de lui en tant « qu'Hadj Amin al-Husseini », « le Mufti » ou « le Grand Mufti », en précisant parfois « de Jérusalem ». Attention néanmoins qu'il ne fut Mufti qu'à partir de 1921, poste auquel il succéda à son frère.
  6. Benny Morris, Victimes, p.117, parle de désertion pour rejoindre l'armée de Hussein; c'est aussi le cas de sa biographie sur passia.org mais qui fixe cet événement à 1916. Tom Segev, One Palestine, complete, p.103 fait référence à une démobilisation pour cause de maladie.
  7. Tom Segev (2000), p.103 indique qu'il aurait ainsi permit le recrutement d'au moins 2000 Arabes pour les Britanniques.
  8. Benny Morris (2003), p.49.
  9. Howard Sachar, A History of Israel from the Rise of Zionism to our Time, Knopf, 3ème édition, 2007, p.166.
  10. ab Tom Segev (2000), pp.138-139.
  11. Howard Sachar, A History of Israel from the Rise of Zionism to our Time, Knopf, 3ème édition, 2007, p.123.
  12. Benny Morris (2003), p.111.
  13. Moshe Perlman, Mufti of Jerusalem, 2006, p.16 écrit qu'en réalité il n'est pas grâcié à ce moment mais plus tard en septembre, suite à une visite en Transjordanie et que cela indique la gravité de l'implication d'al-Husseini; Tom Segev (2000), p.156 situe également l'amnistie dans le contexte de la visite en Transjordanie d'Herbert Samuel.
  14. Benny Morris (2003), pp.47-50.
  15. Benny Morris, Righteous Victims,pp.111ff.
  16. Howard M. Sachar, 2006, A History of Israel: From the Rise of Zionism to Our Time, seconde édition, édition New York : Alfred A. Knopf, ISBN 0679765638, Page 170.
  17. Gérald Fleming, Hitler and the Final Solution, Berkeley, 1984, pp.101-105. Ce chapitre décrit la visite de l'ex-Mufti à Hitler, le 28 novembre 1941, et contient le protocole de leur discussion.
  18. Notes prises par Paul Otto Schmidt entre le Führer et le grand Mufti de Jérusalem à Berlin, le 28 novembre 1941, geheime Reichssache 57 a/41, Records Dept. Foreign and Commonwealth Office Pa/2, cité par Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, Julliard, 1988, p. 142-143
  19. «Au cours des discussion il s'est révélé être un fin renard; en vue de gagner du temps pour réfléchir, il se fait traduire certaines choses non seulement en français mais aussi en arabe, et il pousse la prudence jusqu'à s'en faire écrire d'autres. Quand il parle, il soupèse chacun des ses mots. Dans l'astuce, il égale presque les Japonais», Adolf Hitler, Hitler's Table Talk 1941-1944, Enigma Books, 2000, p.547.
  20. Adolf Hitler, Hitler's Table Talk 1941-1944, Enigma Books, 2000, p.547.
  21. site www.encyclopedia.com
  22. Léon Poliakov, De Moscou à Beyrouth. Essai sur la désinformation, Calmann-Lévy, 1983 (ISBN 2-7021-1240-4) pp. 53-55.
  23. Seule la Birmanie a maintenu son amitié pour Israël encore longtemps après.
  24. Cité par L. Poliakov, De Moscou à Beyrouth, op. cit., p. 54.
  25. Moshe Perlman, Mufti of Jerusalem : Haj Amin el Husseini, A Father of Jihad, Pavilion Press, 2006, page de couverture
  26. Walter Laqueur, A History of Zionism, Schocken Books, 1976, pp.244-245, se référant à F. Kisch, Palestine Diary, London, 1938, p.19.
  27. Voir Joseph Schetchman et Moshe Perlman dans la bibliographie
  28. ab Eric Rouleau (1994).
  29. Zvi Elpeleg (1993), p.73.
  30. Benny Morris, 1948, 2008, pp.21-22.
  31. Idith Zertal, Israel's Holocaust and the Politics of Nationhood, Cambridge University Press, 2005.
  32. Idith Zertal, Israel's Holocaust and the Politics of Nationhood, Cambridge University Press, 2005.

[modifier] Documentation

Ouvrages utilisés dans la rédaction de l'article

Historiographie récente

Historiographie palestinienne

  • Tatsur Jbara, Palestinian Leader, Hajj Amin Al-Husoyni, Mufti of Jerusalem, Kingston Press, 1985, ISBN 0-940670-21-6.

Historiographie israélienne

  • Moshe Perlman, Mufti of Jerusalem: The Story of Haj Amin el Husseini, V Gollancz, Londres, 1947 republié sous le titre Mufti of Jerusalem: Had Amin el Husseini, A Father of Jihad, Pavilion Press, 2006, ISBN 1-4145-0698-8.
  • Joseph Schechtman, The Mufti and the Fuehrer : the rise and fall of Haj Amin el-Husseini, Yoseloff, 1965.

Témoignages

  • Tsilla Hershco, Le grand Mufti de Jérusalem en France, histoire d'une évasion (1945-1946), revue Controverses, 1, mars 2006.
  • André Paul Weber, Conseiller du Grand Mufti, l'Odyssée du docteur Pierre Schrumpf-Pierron 1882-1952, Editions Hirlé, 2005.

Liens externes

[modifier] Articles connexes