Acide gras trans

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Un acide gras (composant principal des matières grasses) trans fait partie des acides gras insaturés c'est à dire comprenant au moins une double liaison -C=C- entre deux atomes de carbone. Ils sont produits par l'hydrogénation industrielle partielle des matières grasses végétales. L'hydrogénation totale n'en produit pas selon l'Institut français pour la nutrition (IFN).

Un acide gras insaturé peut prendre deux formes géométriques différentes, dites « cis » et « trans » qui leur confère des propriétés technologiques différentes, et une métabolisation différente. L'expression "trans" ne signifie donc pas ici « transgénique » ni « transformé ».

Leur étiquetage n'est pas à ce jour obligatoire.

Sommaire

[modifier] Même formule chimique que les cis, forme dans l'espace différente

Fig 1. A. acide trans-9-octadécènoïque B. acide cis-9-octadécènoïque (acide oléique)
Fig 1. A. acide trans-9-octadécènoïque
B. acide cis-9-octadécènoïque (acide oléique)

Chimiquement, les acides gras trans sont composés des mêmes atomes que leurs isomères, les acides gras cis correspondants.

Mais ils ont une géométrie spatiale différente : dans les molécules d'acides gras trans, les doubles liaisons entre atomes de carbone (caractéristiques de tous les acides gras insaturés) sont en configuration trans au lieu d'être en configuration cis, ce qui leur donne une forme plutôt droite au lieu d'être courbée.

Cette particularité les rend moins fluides et leur donne une température de fusion plus élevée que la forme cis.

[modifier] Obtention par hydrogénation partielle, majoritairement industrielle

Les acides gras trans existent naturellement en petites quantités dans la viande ou les produits laitiers des ruminants.

La plus grande quantité consommée se trouve cependant dans les produits industriels, par suite d'hydrogénation partielle des huiles végétales insaturées. Procédé développé au début des années 1900 et ayant pris une importance considérable dans les pays industrialisés depuis les années 1950.

L'hydrogénation partielle modifie la structure moléculaire des acides gras (remplacement de doubles liaisons -C=C- par des simples liaisons -C-C- avec deux atomes d'hydrogène supplémentaires) et modifie leurs propriétés : augmentation de leur température de fusion et diminution de leur rancissement, ce qui est souvent recherché par l'industrie agro-alimentaire. Mais elle transforme aussi une partie des acides gras insaturés cis en acides gras (insaturés) trans.

La consommation d'acides gras trans n'est pas nécessaire ni bénéfique à la santé, contrairement à celle des autres acides gras naturels (saturés, ou insaturés cis). Leur consommation régulière augmente notamment les risques de maladies cardio-vasculaires, même à faibles doses. Pour ces raisons, de nombreuses organisations pour la santé recommandent de réduire le plus possible leur absorption. Les acides gras trans issus de l'hydrogénation partielle sont généralement considérés comme plus nocifs que leurs pendants naturels (isomères cis).

Les acides gras trans sont très contrôlés dans certains pays, ils doivent obligatoirement être mentionnés sur les étiquettes dans de nombreux autres. Ils font depuis peu l'objet d'interdiction dans les 24 000 restaurants de la ville de New York. Des entreprises les éliminent volontairement de leurs produits ou créent des lignes dépourvues d'acides gras trans.

[modifier] Sources alimentaires

Les acides gras trans de l’alimentation proviennent principalement de trois sources[1]:

  • la transformation bactérienne d'acides gras insaturés dans le rumen des ruminants. Ces acides gras trans peuvent se retrouver par la suite dans les produits laitiers (beurre, crème, fromages, lait) et les viandes (bœuf, mouton, etc.);
  • l’hydrogénation catalytique partielle et la désodorisation des huiles végétales insaturées (ou parfois des huiles de poisson) riches en acides gras polyinsaturés;
  • lors d’une friture des huiles, ou d’un chauffage, même à assez basse température (huile de lin par exemple).

Ils se forment donc au cours du raffinage des huiles végétales du commerce (raffinées, non vierges), cette opération comprenant une étape de désodorisation par chauffage.

[modifier] Sources naturelles

La source naturelle d'acide gras trans est constituée des produits laitiers, des graisses et de la viande de ruminants : graisses de bœuf et de mouton (à env. 4,5%), les produits laitiers de vache et de chèvre (env. 3,3%), les viandes de bœuf et de mouton (env. 2%)[2]. Ils contiennent notamment de l’acide trans-vaccénique (acide trans-11-Octadécènoïque) de la famille des oméga-7.

Cette source "naturelle" représente, en France et en moyenne, la majorité des acides gras trans consommés : environ 50% par matières grasses laitières, 10-12% par les graisses d'animaux ruminants[3].

[modifier] Sources industrielles

L'autre source d'acide gras trans, majoritaire dans les pays anglosaxons et pour certaines populations (jeunes ou adolescents p. ex.) de France ou d'Europe du Sud, est industrielle : l’hydrogénation catalytique partielle d'acides gras polyinsaturés[4]. Ce procédé industriel vise à rendre les huiles solides ou semi-solides (margarines) et moins sensibles à l'oxydation (rancissement).

Ces acides gras partiellement hydrogénés sont utilisés dans l'industrie agro-alimentaire

Ils se retrouvent ainsi dans de nombreux produits alimentaires transformés, notamment les margarines et produits gras (shortening par exemple) utilisés pour fabriquer toutes sortes d'aliments préparés :

Résultat d'analyses effectuées sur des produits commercialisés en France en 1999 et contenant des huiles végétales partiellement hydrogénées[5]
Produits Nombre de produits analysés Teneur minimale Teneur maximale
Pain /Sandwich 5 3,7% 21,2%
Céréales 4 2,0% 52,1%
Viennoiseries 2 24,5% 34,8%
Craquelins 5 0,1% 17,4%
Pâte à pizza /feuilletée 2 16,6% 61,0%
Gâteaux 8 12,6% 35,9%
Soupes déshydratées 11 4,3% 27,0%

[modifier] Chauffage ou friture de produits contenant ou non des acides gras trans

L'hydrogénation partielle, ou la transformation en isomère trans, peuvent également avoir lieu par chauffage ou friture. Pour limiter les effets sur la santé, il ne suffit donc pas de limiter sa consommation en produits industriels. Il convient également de ne pas trop chauffer des huiles et corps gras non destinés à cet usage (par exemple ne pas chauffer des huiles destinées à l'assaisonnement).

De même, le passage au four d'une pâte à tarte ou à pizza peut faire apparaître un taux d'acides gras trans supérieur à celui annoncé sur l'étiquette, quand cet étiquetage existe.

[modifier] Effets sur la santé et l'augmentation du risque cardio-vasculaire

[modifier] Résultat des études réalisées

Les résultats des études faites depuis 10 ans convergent et indiquent une augmentation significative du risque cardio-vasculaire en cas d'excès dans l'alimentation de graisses trans résultant de l'hydrogénation partielle industrielle d'huiles végétales, plus encore que l'excès de graisses saturées[6].

En particulier, dans une étude de 1997 menée par Hu, Stampfer et Manson, les résultats montrent que, pour un même apport de glucides, une augmentation de 5% de la consommation de graisse saturée augmente le risque de 17%, une augmentation de 5% de la consommation de graisse "trans" augmente le risque de 93%[7].

Les acides gras trans favoriseraient le cancer du sein[8]

[modifier] Effets, cumulatifs, augmentant le risque cardio-vasculaire, même à faible dose

Selon l'Autorité européenne de sécurité des aliments en 2004, l'état actuel des connaissances permetait de caractériser l'excès d'acides gras trans dans l'alimentation principalement par trois effets[9]:

  • Une augmentation des transporteurs du cholestérol de type LDL, aussi appelées mauvais cholestérol, par rapport aux régimes contenant des acides gras saturés et des acides gras insaturés cis;
  • Une diminution des transporteurs du cholestérol de type HDL, aussi appelées bon cholestérol, par rapport aux régimes contenant des acides gras saturés et des acides gras insaturés cis;
  • Une augmentation des triglycérides, par rapport aux régimes contenant des acides gras saturés et des acides gras insaturés cis.

Il est noté une association positive entre ces trois effets observés et le risque de maladie cardiovasculaire observée.

Ces (trois) effets négatifs se feraient sentir même à dose faible[9].

[modifier] Un quatrième effet, sur le métabolisme, probablement à plus forte dose

L'avis indique également : « la digestion et l’absorption des acides gras trans présents dans les aliments se passent de la même manière que pour les autres acides gras […] et […] bien qu’il existe certaines preuves provenant d’études in vitro et sur l’animal en faveur d’une inhibition de la conversion des acides gras essentiels par les acides gras trans, il est peu probable que le métabolisme des acides gras essentiels soit affecté par les acides gras trans lorsqu’ils sont ingérés selon les quantités recommandées » (c'est-à-dire 1 à 2% de l'apport énergétique total).

Ce qui n'est pas le cas pour des quantités ingérées par une partie de la population, très importante en Amérique du Nord, alors que cette inhibition de la conversion[10],[11] des acides gras essentiels (par exemple en acide gamma-linolénique (AGL), et donc en acide dihomo-gamma-linolénique (DGLA) -qui n'existe sinon apparemment que dans le lait maternel-)[12] suppose des effets importants sur le métabolisme et la santé des personnes concernées.

  • Par exemple par un développement du diabète[13] : "Les AGT induiraient une résistance à l’insuline, ce que ne font pas les acides gras insaturés. La configuration spaciale des acides gras est un important facteur de régulation de la sécrétion des cellules bêta du pancréas chez la souris".
  • Ou avec augmentation du risque d'apparition d'autisme, par insuffisance d'oméga 3, particulièrement l'acide alpha-linolénique[14].
  • Ou pour le développement du fœtus ou du bébé[15] : chez les femmes allaitantes, les acides gras trans alimentaires tendent à supplanter les acides gras essentiels (AGE : acide linoléique et acide alpha-linolénique) dans le lait maternel, et les AGT finissent par aboutir dans les phospholipides et les triglycérides du plasma de leurs nourrissons allaités au sein (Innis et King, 1999). Rejoignant les conclusions de cette étude canadienne, des chercheurs de l’université de Maastricht aux Pays-Bas ont montré que la consommation d’AGT semblait être liée à un statut en PUFA plus bas chez la mère et le nouveau-né. De plus, la présence d’AGT dans le tissu médullaire était liée à des quantités proportionnellement plus basses de PUFA essentiels, à un poids à la naissance réduit, et à une circonférence de la tête plus petite (Hornstra, 2000).

Il paraît donc indiqué de réduire autant que possible l’ingestion d’AGT par la mère en attendant confirmation des effets négatifs des AGT sur le développement fœtal.

[modifier] Effets de l'hydrogénation industrielle

Les effets potentiellement négatifs semblent essentiellement liés à l’acide élaïdique, produit dans l'hydrogénation des huiles végétales[16] et isomère trans de l'acide oléique, qui est naturellement cis.

"On suppose que l'absence d'effet des acides trans chez le ruminant résulterait de la transformation de l'acide vaccénique (C18:1 n-7) en acide linoléique conjugué (CLA)"[16].

[modifier] Doses et consommations

Les effets négatifs des acides gras trans sur la santé sont constatés surtout en Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada : 8-10 g/j en moyenne), qui consomme plus d'aliments industriels que l'Europe du Nord (Pays Bas, Grande Bretagne : 3-5 g/j en moyenne), qui en consomme à son tour plus que l'Europe méditerranéenne : Espagne et Grèce (1-2 g/j en moyenne), France (2,7 g/j en moyenne)[17] [2].

Mais, d'après l'AFSSA, les plus grands consommateurs en France de matières grasses[18] absorbent déjà presque 8g/jour d'acide gras trans (2.5% de l'apport énergétique total), soit presqu'autant que le Nord Américain moyen [1].

[modifier] Mesures de santé publique, prises ou en préparation

En 1994, une consultation mixte FAO/OMS d’experts chargés d’examiner le rôle des huiles et des graisses alimentaires dans la nutrition chez l’humain a recommandé que les fabricants d’aliments réduisent les taux d’acides gras trans dans leurs produits[19].

[modifier] En Amérique du Nord

Le Canada a depuis quelques années déclaré la guerre aux graisses trans et a même publié des indications concrètes pour baisser l'utilisation des graisses trans[20].En 2007, le Canada a adopté une résolution pour interdire l'utilisation d'acides gras trans artificiels (interdiction d'avoir plus de 2% de gras trans d'origine artificielle), pour devenir le second pays après le Danemark a adopter une telle mesure. Elle devrait être mise en application prochainement. [21].

Les autorités sanitaires américaines ont quant à elles lancé une mise en garde officielle début 2005[22].

Pour aller plus loin, suite à une large campagne d'information insuffisamment efficace, la ville de New York a décidé d'interdire les acides gras dans ses 24 000 restaurants, sous peine d'amende : « les autorités de la santé de la ville décident d'obliger les restaurateurs et les chaînes comme McDonald's à éliminer les acides gras insaturés trans de tous leurs produits d'ici au mois de juillet 2008 »[23]. La société McDonald's a assuré qu'elle serait prête pour cette date.

Il est estimé que l'élimination totale des acides gras trans aux Etats-Unis permettrait d'éviter de 70.000 à 100.000 décès par an.

[modifier] En Europe

Un projet de règlement européen sur l'étiquetage nutritionnel est en discussion [24].

Le Danemark a adopté un décret-loi le 11 mars 2003, disposant « qu’à partir du 1er juin 2003, la teneur en acides gras trans des huiles et des graisses assujetties au décret-loi ne devra pas excéder 2 g par 100 grammes d’huile ou de graisse ». Ce décret-loi ne vise pas les acides gras trans qui existent naturellement (dans les viandes animales ou produits laitiers). Ces acides gras trans ont été essentiellement remplacés par interestérification ou fractionnement de l’huile de palme, une huile qui a une teneur relativement élevée en acides gras saturés, soit environ 50%[25].

Aux Pays-Bas, la consommation d’acides gras trans a chuté en raison de la publicité concernant leurs effets sur la santé. La teneur en AGT de la margarine de table solide vendue au pays est passée d’un sommet de 50 % dans les années 1980 à moins de 2 % à l’heure actuelle.[26]

En France, L'AFSSA a en 2005 établi des recommandations (baisser à 1g pour 100 g de produit commercialisé), et préconisé un étiquetage des acides gras trans[1]. Les industriels ont été invités à limiter les teneurs en acides gras dans de leurs produits (hors viande, lait et produits dérivés).

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

Acide gras

[modifier] Emissions de télévision

[modifier] Bibliographie

  1. abc (fr) Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, Afssa, Risques et bénéfices des acides gras trans apportés par les aliments - Recommandations, avril 2005
  2. ab (fr) Nicole Combe, Armelle Judde, Carole Boue, Claude Billeaud, Bernard Entressangles, Dominique Dallay, Jean-Noël Leng, Jean-Claude Baste, « Composition en acides gras trans du tissu adipeux d’une population française et origines alimentaires de ces acides gras trans », Oléagineux, Corps Gras, Lipides, Vol. 5(2): 142-148, 1998.
  3. Graisses du lait et athérosclérose, Pr. Olivier Ziegler
  4. Si l'hydrogénation est totale, alors l'acide gras est saturé.
  5. (fr) Agence française de sécurité sanitaire des aliments, « Afssa, Risques et bénéfices des acides gras trans apportés par les aliments - Recommandations », avril 2005. Tableau en page 54.
  6. (fr) Rapport du ministère français de la Santé: Pour une politique nutritionnelle de santé publique en France, juin 2000
  7. Hu F.B., Stampfer M.J., Manson J.E., « Dietary fat intake and the risk of coronary heart disease in women », N Engl J Med, 1997, 337:1491-1499
  8. Enquête E3N ayant porté sur 100 000 femmes en France, menée depuis 1995 par l'Inserm en partenariat avec la MGEN
  9. ab (fr) (en) Autorité Européenne de Sécurité des Aliments, « Avis du groupe scientifique sur les produits diététiques, la nutrition et les allergies sur une question de la Commission relative à la présence d’acides gras trans dans les aliments et aux effets sur la santé humaine de la consommation d’acides gras trans », Question n° EFSA-Q-2003-022, juillet 2004
  10. Des acides gras pour lubrifier les neurones
  11. Les acides gras essentiels Oméga-3 et Oméga-6
  12. Les acides gras essentiels
  13. Consultations en nutrition
  14. Autisme et TED, Acides gras essentiels
  15. Programme mixte FAO/OMS sur les normes alimentaires, CX/NFSDU 04/11, juillet 2004
  16. ab Brochure "Viande et santé humaine" de l'Association Royale des Ingénieurs, issue de la Faculté des Sciences Agronomiques de Gembloux, en Belgique, page 14
  17. Graisses du lait et athérosclérose, Pr. Olivier ZIEGLER
  18. dont env. 10% des garçons de 12-14 ans, qui sont la classe de population française la plus exposée à une surconsommation d'acide gras trans
  19. FAO/OMS. Les graisses et huiles dans la nutrition humaine. Rapport d’une consultation mixte d’experts, Rome, 19-26 octobre 1993. Étude FAO alimentation et nutrition; 57, 1994. Méthodes et moyens pour réduire ou éliminer les gras trans dans les aliments
  20. Santé Canada, « Évaluation des substituts actuellement disponibles et des substituts possibles aux huiles et aux graisses partiellement hydrogénées », mise à jour du 26 juin 2006
  21. Projet de loi C-220, [1]
  22. passeportsante.net, « Acides gras trans : Washington serre la vis », d'après le Washington Post du 28 mai 2003.
  23. « La ville de New York en croisade contre les acides gras insaturés trans », , Les Echos, 7 décembre 2006.
  24. Questions - réponses sur les acides gras trans, Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments)
  25. Les graisses "trans" (issues d’hydrogénation industrielle), véritable danger de santé publique !
  26. gras trans : le fardeau pour la santé