Échange de prisonniers

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Dans le droit international, un échange de prisonniers permet, au cours d'une guerre entre deux États souverains (et non entre un État souverain et une rébellion), de soulager les prisons ou les camps de prisonniers de guerre de chaque partie. Bien que, depuis plus d'un siècle, il soit souvent entendu dans un but humanitaire et dans le cadre de la convention de Genève, ce procédé pose aujourd'hui problème dans de nombreux pays.

Sommaire

[modifier] Modalités

Il revient à chaque commandant ou chef politique de décider de l'opportunité d'un échange de prisonniers, avec l'aval de ses supérieurs. Il faut ensuite négocier les détails avec le camp ennemi. Cette base simple se complique de nombreuses difficultés :

  • Il faut avoir suffisamment de prisonniers à échanger. Certaines factions tentent d'imposer des échanges dissymétriques, par exemple en menaçant la vie de leurs captifs si un nombre très supérieur des leurs n'est pas libéré. Ce procédé n'est évidemment possible que si la faction impliquée ne recherche pas la reconnaissance internationale.
  • Il faut avoir un interlocuteur reconnu. Ainsi en 1862, Abraham Lincoln ne voulant tout d'abord pas reconnaître les États confédérés d'Amérique (pour lui une simple rébellion), ne voulait négocier qu'avec les officiers confédérés, et non avec un gouvernement confédéré. Plus près de nous, les FARC ne sont théoriquement pas un interlocuteur valable pour le gouvernement de Colombie, pas plus que le Hezbollah pour Israël ou les Talibans pour le gouvernement afghan. Cette condition est souvent oubliée dans l'urgence.
  • Il faut négocier une trêve pendant laquelle l'échange aura lieu, et choisir un terrain neutre. Bien entendu, chaque partie aura à coeur de choisir le moment et le lieu qui l'arrangeront le mieux, si possible en obtenant l'interruption d'une offensive, un délai supplémentaire pour se renforcer, ou la démilitarisation d'une zone. A défaut, on passe parfois par des pays tiers et neutres, ou par la Croix-Rouge internationale.
  • Il faut avoir la logistique nécessaire pour accueillir les prisonniers libérés. Ce qui n'est pas une mince affaire quand ils sont parfois en très mauvaise condition physique. Cette question ne s'est bien sûr posée qu'au vingtième siècle : avant le XXe siècle, toutes les armées avaient sensiblement le même potentiel médical ; de nos jours, les progrès de la médecine ont creusé l'écart entre les armées suréquipées et les forces "du tiers-monde".
  • Une fois l'échange fait, il faut savoir si les soldats pourront retourner au combat et si oui, au bout de combien de temps.

[modifier] Dans l'Antiquité et au Moyen Âge

Le problème des prisonniers ne se posait pas tant que l'on ne leur reconnaissait aucun droit face à la volonté du vainqueur. S'ils n'étaient pas exécutés pour l'exemple, les prisonniers étaient rapidement vendus comme esclaves dans l'Antiquité, libérés contre rançon au Moyen Âge. Ce n'est que quand l'évolution des mentalités a interdit ces expédients, puis quand il a fallu garder des captifs sur de très longues périodes, que l'idée des échanges a été étudiée.

[modifier] Sous l'Ancien Régime

[modifier] Sous la Révolution et l'Empire

[modifier] Durant la Guerre de Sécession

Les premiers échanges de prisonniers de la Guerre de Sécession furent informels étant donné le peu de prisonniers faits de part et d'autre. Par la suite, il y eut plus de formes, on établit même un barème selon lequel un officier supérieur valait tant de simples soldats. S'il y avait surnombre de prisonniers d'un côté, on leur faisait jurer de ne pas reprendre les armes avant un an, mais les sudistes faisaient bon marché de cette parole en prétextant des vices de forme, à la grande fureur des nordistes [1].

Les échanges de prisonniers cessèrent en 1863 lorsque le Nord découvrit l'état déplorable des soldats détenus dans les camps du Sud. Il se posait aussi la question des Noirs capturés par le Sud, et qui étaient exécutés ou (re)mis en esclavage. Abraham Lincoln exigea un meilleur traitement pour ses troupes, et faute de réponse satisfaisante, refusa tout échange ultérieur. Le Sud répliqua en accusant Lincoln de provoquer tout cela, d'une part, par le blocus exercé par l'U.S. Navy, qui obligeait le Sud à se rationner, et d'autre part, en employant illégalement des Noirs qui s'étaient rebellés contre leurs anciens maîtres [2].

[modifier] Durant les deux guerres mondiales

Les deux guerres mondiales se prêtaient mal à des échanges de prisonniers.

Dans le cas de la Première Guerre Mondiale, le choix plus ou moins forcé des états-majors d'une guerre d'attrition impliquait qu'aucun soldat ne devait être rendu à l'ennemi : seuls les plus faibles étaient rapatriés via la Croix-Rouge et la Suisse.

Dans le cas de la Seconde Guerre Mondiale, la situation stratégique et politique interdisait les échanges. Dans un premier temps, les victoires de l'Axe et du Japon fournirent tant de prisonniers que les Alliés, en eussent-ils eu le désir, n'auraient jamais pu organiser un échange équitable. Dans un second temps, l'aveuglement idéologique des chefs (Adolf Hitler en Allemagne, Staline en U.R.S.S., régime des généraux au Japon ; Winston Churchill et Theodore Roosevelt étant quant à eux tenus par la Conférence de Casablanca) excluait tout contact avec l'ennemi sauf pour négocier une reddition.

[modifier] Après 1945 et la Convention de Genève de 1929

Le problème des échanges de prisonniers depuis le début de la Guerre froide et au-delà, est que la plupart des conflits de longue durée (qui justifieraient un tel procédé) sont des conflits intra-étatiques (rébellions armées) ou des conflits inter-étatiques dits "de basse intensité", dans lesquels les actions militaires sont unilatérales et ponctuelles au sein d'un processus politique plus vaste (exemple : la bande d'Aozou).

Dans le premier cas, les rebelles sont considérés non comme des soldats, mais comme des criminels (coupables de subversion). Le pouvoir central ne peut donc traiter avec eux pour libérer ses combattants, sans leur donner une certaine forme de reconnaissance. C'est notamment le cas des FARC colombiennes qui gardent des prisonniers militaires, et s'appuient sur des otages civils pour obtenir satisfaction sur leurs revendications politiques. La Convention de Genève ne peut pas non plus s'appliquer à ces prisonniers.

Dans le second cas, les rares prisonniers sont le plus souvent libérés à l'issue de négociations politiques et non par des contacts au niveau militaire. Un échange serait d'ailleurs souvent impossible du fait d'une asymétrie : lorsqu'un seul des camps fait des prisonniers à l'issue d'un "coup de main" en territoire ennemi, l'autre camp n'a pas de monnaie d'échange.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes et références

  1. James M. McPherson, La Guerre de Sécession (1861-1865), Robert Laffont, 1991 (ISBN 2-221-06742-8). Prix Pulitzer 1989. Titre original: Battle Cry of Freedom : The Era of the Civil War.
  2. Ibid.

[modifier] Liens internes